jeudi 30 octobre 2014

L'art brut


L’art brut
Edito                                                          


Jean Dubuffet créa en 1945 le concept d’art brut pour désigner les « ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique ».
Les artistes « de l’art brut » sont souvent des marginaux sans formation artistique spécifique. Ils sont dans l’irrationnel, le rêve ou le cauchemar. Par opposition aux artistes académiques, ils méconnaissent les codes et les grands principes des Beaux-arts.
Ils s’inspirent de leurs univers, récupèrent des objets et des matériaux afin de produire des créations propres à leurs environnements. La plupart d’entre eux créent ou ont créé du fond de leur prison, de leur hôpital, ou de leur grenier. Ils n’ont aucune conscience d’être artiste et pourtant ils ont une production artistique intense. Néanmoins, plusieurs de ces artistes ont connu une reconnaissance de leur vivant. (Clémence Pujo, Camille Renard)

Jean Dubuffet, père de l’art Brut                                   
Jean Dubuffet (1901-1985) est un peintre, sculpteur, lithographe. Après son baccalauréat, il étudie à l’Académie Julian, travaille ensuite comme dessinateur technique à Buenos Aires. Il finit par rejoindre l’affaire paternelle en 1925, une pause dans ses ambitions artistiques qui durera 8 ans. En 1945, il recherche des peintures réalisées par des enfants et des patients psychiatriques, qu’il définira comme de l’ « art brut ». Il s’intéresse à l’impulsion spontanée de ces manifestations artistiques. Deux ans plus tard, Jean Dubuffet fonde la Société de l’Art Brut. Dans ses débuts, il expérimente la matière, les objets quotidiens, la boue, et explore la banalité. De 1962 jusqu’à 1974, il travaille sur le cycle de l’ Hourloupe. Il applique en peinture, sur des panneaux, et en sculpture, des graphismes sinueux. Il utilise principalement du bleu et du rouge, et joue avec les vides blancs. Qualifié d’insoumis, Dubuffet développe un univers graphique, pseudo-naïf et primitif, qui conteste les modes artistiques.
En 1973, dans un spectacle intitulé Coucou Bazar au Grand Palais, l’artiste anime ses personnages détachés des peintures, créés sous le coup du hasard. Il explique cette performance comme un «intermédiaire entre la peinture et le théâtre». (Yan Huang)
Hourloupe 
Le Barbouillé, 1955, Dubuffet 
La collection de l’art brut de Lausanne                                     

En 1971, Jean Dubuffet offre à la ville de Lausanne sa collection d’Art Brut. A cette date, il a réunit 133 artistes. La Collection de l’Art Brut de Lausanne s’enrichit sans cesse. Aujourd’hui, l’exposition permanente accueille près de 700 œuvres de 400 artistes.
Pour recevoir la donation de Jean Dubuffet, la ville de Lausanne a proposé dix lieux d’exposition potentielle. Le château de Beaulieu sera sélectionné. Il s’agit d’une demeure patricienne datant du XVIIIème siècle. Il s’agissait, lorsqu’il fut érigé par le pasteur Gabriel-Jean-Henri Mingard, du plus ample bâtiment de la commune.
Afin d’accueillir la collection d’Art Brut, la réalisation des travaux commença en 1974. Ils furent menés par les architectes Bernard Vouga et Jean de Martini.
La collection d’Art Brut de Lausanne est ouverte au public en 1976.
Par la suite le bâtiment est agrandi en différentes étapes : tout d’abord, une aile est refaite et étendue en 1983 ; puis la surface d’exposition est agrandie en 1985 ; en 2002 une salle sous les combles est ouverte; et enfin en 2005, un sas d’entrée est érigé. Tous ses travaux permettant une plus grande découverte de La Collection de l’Art Brut de Lausanne. (Estelle Muller)
Site : http://www.artbrut.ch/fr/21070/collection-art-brut-lausanne

Aloïse Corbaz                                               
Aloïse Corbaz est une artiste née à Lausanne (Suisse) le 28 juin 1886. D'origine paysanne, elle obtient un diplôme de culture générale à 18 ans, puis s'inscrit à l'école professionnelle de couture de Lausanne. Suite à une relation amoureuse compliquée, elle doit partir en Allemagne où elle tombe amoureuse de l'Empereur Guillaume II et travaille comme gouvernante d'enfants à Potsdam avant de rentrer en Suisse.
En 1918, elle est internée à l'asile de Cery de Prilly en raison de sa schizophrénie. En 1920, elle est définitivement internée à l'asile de la Rosière à Gimel, elle dessinera en cachette jusqu'en 1936 utilisant mine de plomb, encre, pâte de dentifrice sur des calendriers, papiers d'emballage, cartons. Le directeur de l'hôpital (Hans Steck) et son médecin généraliste (Jacqueline Porret -Forel) vont s'intéresser à son travail qui entrera par la suite dans la collection d'art brut de Jean Dubuffet et aura une renommée internationale.
Les œuvres d'Aloïse représentent souvent des couples amoureux. Elle développe un univers peuplé de personnages religieux, féeriques ou historiques. La forme et le mode d'expression utilisés rappellent un peu les dessins enfantins car ils ne sont pas réalistes et retranscrivent une ambiance fantastique : les personnages ont des yeux bleus, les œuvres ne sont pas très précises dans les détails.
Le travail qu'effectue Aloïse, lors de son internement en asile, est comme un exutoire car elle se renfermait en raison de ses accès de violence. Ses œuvres deviendront une référence dans l'art psychopathologique dans la mesure ou l'art aide les patients à s'exprimer et se distraire. (Paul Burgos)



Adolf Wölfli                                                          
Artiste Suisse né en 1864 et mort en 1930, Wölfli est l’une des figures emblématiques de l’Art Brut. Après une enfance difficile, il est interné en 1899 à l’hôpital de la Waldeau où il demeurera jusqu’à sa mort. C'est là qu'il commencera à peindre et dessiner élaborant  un univers aussi bien personnel que complexe à travers des médiums très variés.
Dans son œuvre, constituée de plus de 25 000 pages, Wölfli raconte son histoire imaginaire. Il y réinvente son passé et projette un avenir utopique sous le nom de St Adolf II en réalisant des compositions graphiques aux crayons de couleurs, des créations littéraires, des partitions musicales ainsi que des collages. Ses compositions mêlent le plus souvent des personnages cernés d’un masque avec des notes de musique, des textes ainsi que des formes aux couleurs vives.
Les éléments ornementaux présents dans ses créations ont une fonction aussi bien décorative que rythmique. L’ensemble de ses œuvres est une provocation permanente et déstabilisante pour les observateurs. Il "défie[r] notre mode de pensée et modifie[r] fondamentalement notre vision du monde" (D. Baumann). (Aurélia Maurin)
Vue générale de l'île Neveranger , 1911

Le Facteur Cheval                                         

Avril 1879, Louis Ferdinand Cheval (1836-1924) parcourt les 33 kilomètres de sa tournée quotidienne de facteur rural quand il bute sur une pierre. "C'est une pierre molasse travaillée par les eaux et endurcie par la force des temps." décrit t-il.
"J'avais bâti dans un rêve un palais, un petit château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l'exprimer… Je ne le disais à personne par crainte d'être tourné en ridicule et je me trouvais ridicule moi-même. Voilà qu'au bout de quinze ans, au moment où j'avais à peu près oublié mon rêve, que je n'y pensais le moins du monde, c'est mon pied qui me le fait rappeler."
Dès lors, les pierres s'accumulent dans sa brouette à chaque tournée. Le soir, dans son jardin il les assemble et commence doucement à bâtir son Palais rêvé.
Ses voisins disent de lui qu'il est un homme étrange, puis peu à peu le prennent pour fou. Le Palais prend forme, il est à la fois baroque, naïf, foisonnant et désordonné, il est impossible de saisir chaque détail au premier coup d'oeil: des animaux, des colonnes, des petits bassins...


Sa fille décède en 1894. Il décide de prendre sa retraite deux ans plus tard. Il se consacre alors entièrement à la construction du Palais qu'il achève en 1912. Il se compose de quatre façades, d'une terrasse et d'une galerie et nécessitera plus de 3500 sacs de chaux.
À 77 ans, Louis Ferdinand Cheval y grave "Travail d'un seul homme." après avoir passé 33 ans de sa vie à le construire. Il souhaite y être inhumé, ce qui n'est pas possible, il construit donc son tombeau de 1914 à 1923.
Il meurt le 19 août 1924.
Le "Palais Idéal" comme l'appelle son architecte, et son tombeau sont inscrits aux monuments historiques par André Malraux, alors ministre de la culture en 1969. Ces chefs d'œuvre de l'architecture naïve occupent une place importante et unique dans l'histoire mondiale de l'art. André Breton et Pablo Picasso s'y sont intéressés, ce dernier même réalisé douze croquis du Palais.
"Fils de paysan, je veux vivre et mourir pour prouver que, dans ma catégorie, il y a aussi des hommes de génie et d'énergie. Vingt-neuf ans, je suis resté facteur rural. Le travail fait ma gloire et l'honneur mon seul bonheur ; à présent voici mon étrange histoire. Où le songe est devenu, quarante ans après, une réalité." Ferdinand Cheval (1836 - 1924) (Emilie Bethune)

Fleury-Joseph Crépin                                             

Fleury-Joseph Crépin, dit Joseph Crépin, est un digne représentant des artistes de l'Art Brut. Il n'avait, en effet, guère l'ambition de devenir un artiste peintre. Son histoire, telle qu'elle est racontée, est remplie de mystères et de curiosités.
Né en 1875 dans le Pas-de-Calais à Hénin-Beaumont, il grandit dans une famille de plombier-zingueur. Il poursuivra d'ailleurs la tradition, en suivant une formation dans l'entreprise familiale, à la fin de ses études. Il se passionne également pour la musique, participe à diverses représentations et se plaît à diriger et composer des morceaux pour un orchestre. De son mariage en 1901, naissent deux filles dont l'une, l'aînée, sera touchée par la démence quelques années plus tard. Profondément affecté, il abandonne ses activités orchestrales et se découvre une passion pour la radiesthésie ainsi qu'un talent de sourcier. Alors, sa curiosité l'attire vers de nouveaux centres d'intérêts, vers de nouvelles rencontres.
Après un premier contact avec le cercle de spiritualité de Douai, il rencontre Victor Simon et Augustin Lesage. Ces derniers sont également qualifiés de "peintres médiumniques". C'est en effet grâce à leurs conseils que Joseph Crépin devient guérisseur à son tour et peut soigner divers maux par simple pose des mains sur les malades, par souffle ou encore par télépathie.
 Un évènement inouï se produit alors. Recopiant notes et caractères musicaux, sa main est prise d'une soudaine frénésie. Conjointement, une "voix" se manifeste : "Peins 300 tableaux, et la guerre s'arrêtera". Souffrant d'un handicap oculaire depuis l'enfance, la précision de ses tableaux n'en est pas pour autant affectée. Il s'applique ainsi dans sa tâche, guidé par des "ombres", des anges gardiens qui, selon-lui, viennent le guider dans ses choix colorimétriques. De cet état médiumnique naissent trois cents tableaux dont le dernier est achevé la veille de l'armistice, le 7 novembre 1945. La "voix" se présente de nouveau à lui et lui prédit que la paix règnera dans le monde lorsqu'il aura peint quarante-cinq autres merveilleux tableaux. Il meurt d'une congestion cérébrale le 8 novembre 1948 après avoir réalisé quarante-trois toiles et débuté les esquisses des deux dernières.
Sa technique des gouttelettes parfaitement calibrées, brillantes telles des perles, reste secrète. Quant à ses tableaux, ils se basent sur des motifs symétriques et des ornements proches de l'art oriental, d'un format cependant plus réduit que ceux d'Augustin Lesage. (Claire Dugast)


Laure (1882-1965)                                                    

Laure, de son vrai nom Laure Pigeon, est née à Paris. Sa mère décède quand Laure a cinq ans. La fillette est alors élevée par sa grand-mère paternelle, en Bretagne. La jeune fille reçoit une éducation stricte et à vingt-neuf ans, elle se marie à un chirurgien-dentiste contre le gré de sa famille. Après vingt-deux ans de vie commune, elle se sépare de son époux dont elle découvre l’infidélité et s’installe dans une pension de famille. Elle y rencontre une femme qui l’initie au spiritisme. Laure Pigeon réalise ses premiers dessins à partir de 1935. Elle trace à l’encre bleue ou noire des figures abstraites dans un système de lacis complexes. Les dessins contiennent des messages et des prophéties dont l’écriture, sous l’effet de la transe, est incertaine, voire illisible. Ses œuvres seront découvertes après sa mort à son domicile.
Ses dessins sont comme des visions surréelles. On distingue, ici un buste de femme au visage esquissé, gagné par des cheveux en plumes, une forme vaporeuse qui semble s'épanouir dans un étalement de feuilles et pourtant le titre vient brusquer ces éléments végétaux, animaux ou fluides !
Ses dessins sont des œuvres réalisées sous emprise médiumnique, phénomène que l'on relie au spiritisme en vogue à la fin du XIXème siècle, et dont Laure Pigeon est une des figures marquantes. Elle affirme être en contact avec un autre monde, celui des défunts, des êtres qui lui donneraient une marche à suivre. (Laurila Burati)

Sans titre, juillet 1959, encre sur papier, 50x65 cm

Augustin Lesage (1876-1954), France                      

Peintre, médium, Lesage restera un artiste singulier. Élevé par une famille de mineurs du Pas-De- Calais, celui-ci eut une révélation lors d’une descente dans un des tunnels d’une exploitation. Des voix lui parlent, le guident : « Un jour, tu seras peintre ». Aussi absurde que cela puisse paraître, Augustin Lesage débuta alors sa carrière, au début du XXème siècle. Guidé par des esprits dans toutes ses créations, l’artiste rejoint un groupe de spiritisme, lui permettant ainsi d’entendre et de mieux comprendre les voix qui l’habitent. S’affirmant tout d’abord aux travers d'esquisses, il délaissa très rapidement son crayon pour la peinture à l’huile en réalisant une première toile de 9 mètres carrés (3m X 3m), par juxtaposition de petits éléments géométriques. La réalisation de cette peinture gigantesque occupa une année entière de sa vie. Surpris par son talent, Lesage s’imagine alors que ces voix ne peuvent être que celles de Léonard de Vinci, Marius de Tyane ou de sa sœur décédée (à l’âgée de trois ans). À son retour de la guerre (1914-1918), il fit la connaissance de Jean Meyer, directeur de la revue Spirite et de l’institut métapsychique international. Ils sympathisèrent très vite, à tel point que Meyer devint mécène de l’artiste. L’année 1923 sera un réel tournant dans la vie du peintre. En effet, désormais conscient de son potentiel, Augustin Lesage décide d’arrêter sa profession de mineur pour pouvoir consacrer pleinement son existence à l’art. Sa rencontre avec l’égyptologue Alexandre Moret le pris de passion pour L’Égypte antique si bien qu’il se déclara par la suite comme étant la réincarnation d’un artiste de cette époque. Caractérisé par des peintures monumentales aux axes de symétrie parfaits, il restera le maître de l’art visionnaire. Son pinceau, guidé par les dieux fit de lui le père du mouvement Spirite ainsi qu’une figure emblématique de l’Art Brut. Seulement, la légende du peintre s’effaça en grande partie lorsqu’il a été découvert que certaines de ses œuvres n’étaient pas l’objet de visions mais de simples répliques de photographies archéologiques prises dans la presse. (Nicolas Boda)






Pascal Désir Maisonneuve                                            

Pascal-Désir Maisonneuve est un artiste Français né en 1863 et mort en 1934 à Bordeaux.
Dans sa jeunesse, il apprit à travailler la mosaïque. On peut d’ailleurs admirer ses travaux dans des musées de Périgueux et de Bordeaux ainsi que dans des châteaux. Mais ce qui le passionne vraiment est de trouver des objets ou bien des œuvres insolites... Il les entrepose ensuite dans sa boutique.
Alors qu’il a soixante-quatre ans, il se lance dans la réalisation de portraits de personnages célèbres en coquillages de toutes formes et de tailles plus ou moins importantes. Il les trouve dans des brocantes ou bien dans sa collection personnelle. Il assemble ces coquillages à l’aide de plâtre. Il a ainsi réalisé les portraits de Guillaume II ou encore de la Reine Victoria.
On peut d’ailleurs y voire une référence à Arcimboldo qui lui peignait des visages à partir d’éléments insolites tels que des fruits, des légumes, des racines, des animaux… (Constance Chambaud)

La Reine Victoria (vers 1927-1928), Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut.
Pascal Désir Maisonneuve, Le Diable, hauteur 25 cm, vers 1927-1928, collection de l’Art Brut, Lausanne
Arcimboldo, 1528-1593, Portait aux poissons et coquillages

Emilie Ratier                                                     
Emile Ratier est un ancien marchand de bois. Après avoir perdu la vue progressivement, il a décidé de faire face à son handicap et de créer des sculptures en bois avec une approche différente des autres artistes de son époque. C’est alors qu’il se mit à fabriquer des charrettes, des manèges, la Tour Eiffel tout en bois… Ce ne sont pas de simples sculptures, mais des œuvres sonores et mobiles que l’on peut manipuler. C’est grâce aux bruits de ses œuvres, qu’il affine à l’oreille les derniers réglages. Il installe même des manivelles pour rendre ses sculptures plus attractives et originales. (Pauline Dilosquer)





André Robillard                                               

C’est à 33 ans qu’André Robillard réalise ses premières créations. Ses "fusils pour de faux » sont réalisés à partir d’objets trouvés dans les bennes. Tout peut être source de création et c’est avec ce qu’il a à disposition qu'il met en forme ses fusils. Interné depuis son plus jeune âge à l’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais, il découvre une nouvelle voie grâce au psychiatre Paul Renard, qui va présenter ses fusils au collectionneur d'Art Brut Jean Dubuffet. C’est à la suite de cette visite que sa carrière démarre. “Jamais je n’aurais pu deviner que j’étais un artiste, j’en étais loin, c’est drôle il suffit d’un machin qui est parti, ça a changé ma vie”.
André Robillard est un artiste extraterrestre polyvalent et curieux. En effet, en plus de réutiliser des objets usagés pour ensuite s’en servir pour la création de ses œuvres, l’artiste dessine et joue de la musique. Ces dessins de planètes, d’animaux et de spoutniks sont similaires à ceux d’enfants rêvant d’une vie sur un monde parallèle, à la recherche de créatures mythiques et singulières.
La musique quant à elle fait partie intégrante de la vie de Robillard. C’est à l’âge de 10/11 ans qu’il commence à jouer de l’harmonica puis de l’accordéon. Par la suite, il apprendra à jouer de divers instruments mais de manière non conventionnelle. André Robillard met au bout de ses doigts des cartouches pour jouer de la batterie. Il ne joue du violoncelle qu'avec ses doigts, les sons sont ainsi déformés et en décalage de leur forme usuelle.
Ses fusils ont maintenant fait le tour du globe et servent selon l’artiste à tuer la misère. « C’est pas rien, débite Robillard. C’te sacrée misère. Il faut l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Et on peut même se détruire par nous-même sans s’en rendre compte, il faut contre-attaquer pour détruire la misère. » Ce sont donc des fusils pacifiques, multicolores et inoffensifs qu’André Robillard nous fait découvrir pour lutter contre une cause qui lui tient à cœur car "pour lui, la liberté fut au bout du fusil…un jour de mars 1964". (Claire Brélivet)
André Robillard, un dinosaure, exposition au Musée de la Création

André Robillard Fusil USA Rapide Neil Armstrong M16

Shinichi Sawada                                          

Shinichi Sawada est un jeune autiste japonais. Cet artiste réalise de singulières sculptures que l’on pourrait classer dans l’Art Brut. Dès son adolescence il fréquente un foyer spécialisé pour handicapé mentaux ou il commence à travailler dans la boulangerie de l’établissement avant d’intégrer un atelier où il pratique la poterie plusieurs fois par semaine. Son professeur fera construire une cabane ou il pourra faire cuire (assez sommairement) ses créations.
Les sculptures du jeune homme prennent donc forme grâce à des moyens réduits à l’essentiel. Ce sont des sortes de créatures fantastiques et monstrueuses, empruntant leurs formes à des animaux réels mais toujours recouvertes de piquants placés minutieusement à la main, avec le plus de régularité possible et dans le silence le plus total. Certaines de ses sculptures ont typiquement des traits de créatures asiatiques, ressemblant parfois à un masque de théâtre, parfois à des créatures de manga.
Il est vrai qu’il est difficile de savoir si son art tient de la préméditation ou du hasard. En revanche, nous sommes sûrs qu’elles sortent toutes de son imagination débarrassée de tout complexe. (Pauline Bernard)




Jeanne Tripier                                               

Jeanne Tripier (1869-1944) était une artiste française qui réalisait des dessins à l’encre (qu’elle mélangeait avec toutes sortes de matériaux, comme du sucre, du vernis à ongles ou encore des médicaments), des broderies et des textes tout à fait singuliers.
Elle mène une vie relativement normale, puis commence à s’intéresser au spiritisme lorsqu’elle a 58 ans. Et c’est à partir de ce moment-là qu’elle développe une vision du monde particulière (voir ses "Messages" concernant ses voyages interplanétaires, ou ses "Missions sur Terre"). Elle est internée dès 1934 dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne (à Sainte Anne, puis à Maison-Blanche) pour psychose hallucinatoire chronique, excitation psychique, logorrhée et mégalomanie. Elle se dit "médium de première nécessité, justicière planétaire et réincarnation de Jeanne d’Arc", lance des malédictions, déclenche des guerres, et parle avec des codes secrets qu’elle appelle le « langage sphérique ». Les esprits (Jeanne d’Arc, Anatole France, Joséphine de Beauharnais… etc.) l’auraient chargée de préparer le “Dernier Jugement définitif”; elle considère alors toutes ses créations comme des révélations médiumniques.
Elle dit "Ne croyez pas que je sois folle, et je ne le serai jamais!" dans “La lettre à l’Economat” où elle précise ses pensées concernant l’asile dans lequel elle est internée (il n’y a pas assez de nourriture et l’odeur des lieux est insoutenable). Elle ne considère pas être malade et elle a l’impression d’être “enterrée vivante” en ces lieux.
C’est au peintre Jean Dubuffet que Jeanne Tripier doit sa célébrité posthume : les broderies de Jeanne Tripier sont présentées à la Galerie Drouin (Paris, 1948-1949) et à la Galerie Cordier (New York, 1962). L’essentiel de son œuvre fait aujourd’hui partie de la “Collection de l’Art Brut”, à Lausanne. (Celia Ferrer)




Auguste Forestier (1887 -1958)                               

L’histoire de cet artiste est assez triste car, passionné de train, c’est en 1914 qu’il en fait déraillé un en posant des cailloux sur les rails ; plus tard il affirmera à la police « Je voulais voir écraser les cailloux , mais je ne croyais pas que mon acte pût faire dérailler le train ». Il fut alors placé en hôpital psychiatrique jusqu’à sa mort. Nous pourrions dire qu’il fut artiste malgré lui car bien qu’ayant créé de nombreuses œuvres, elles reflétaient plus le désir de l’évasion, le reflet de ses ressentis et traumatismes que le désir de se placer en tant qu’artiste dans le milieu de l’art. Nous pourrions même soupçonner qu’elles sont le découlement logique de longs moments de solitude à l’hôpital où il récupérait des chutes de matières telles que le bois, le verre, le métal, le cuir, la ficelle, les os, pour créer ses œuvres sculpturales. Il se créa également un atelier où il travaillait avec des outils souvent inventés. Il confectionnait alors des petites maisons, des meubles et particulièrement des sculptures d’animaux féroces telles des totems africains, un art qu’on pourrait croire venu d’ailleurs où même préhistorique.
Dans son travail nous parlerons d’art brut mais également d’art psychologique, une façon pour Auguste Forestier de s’exprimer, de se libérer de son enfermement, de ses traumatismes personnels et surtout de voyager car il était question de cela : des voyages imaginaires qui le transportaient fictivement ailleurs. Comme si ses œuvres voyageaient pour lui ; et c’est ce qu’il se passera car très vite Auguste Forestier échange ses sculptures contre de la marchandise (cigarettes, œuf, chocolat, livres etc..) les vendant même au personnel hospitalier. Cela confirme l’hypothèse qu'Auguste Forestier a accepté son sort, "Je n’ai rien à réclamer, je comprends que je suis ici pour toujours et autant vaut-il que j’y finisse mes jours", il est alors possible de se demander si ses œuvres sont voulues en tant qu’œuvres ou simplement en tant que distraction.
Malgré tout, son art reflète son intimité, ses angoisses, ses peurs mais aussi ses origines. Il en est pour moi l’aspect le plus fort de son travail. Effectivement les bêtes féroces qu’il conçoit sont souvent une représentation de la bête du Gévaudan, bête anthropophage qui a tué une centaine de personnes en Lozère (1764-1767). Cela nous prouve que son art était pour lui la seule façon d’exprimer ses peurs et ses sentiments enfouis. Pour ces raisons, je considère son travail comme de l’art car il sert avant tout à exprimer ce qu’on pourrait enfouir en soi au lieu de le laisser sortir. (Alice Delsenne)




Judith Scott                                                                      


On pourrait qualifier l’œuvre de l’artiste Judith Scott d'insolite. En effet, ses cocons multicolores sont des travaux étranges et inhabituels. Le tout est harmonieux bien que ces cocons ne soient autres que des objets enserrés et emprisonnés par une quantité innombrable de fils et autres bandes de tissus.
À l’image de ses œuvres, Judith Scott est une artiste à l’histoire singulière. Née en mai 1943 à Cincinnati dans l’Ohio, Judith Scott vient d’une famille de la classe américaine moyenne. Très jeune, elle attrape la scarlatine et contracte le syndrome de Down. Elle devient autiste. Par la suite, elle perdra également son audition mais ceci ne sera pas diagnostiquée suffisamment tôt. À cause de sa surdité, Judith ne parle pas. Elle est donc refusée dans la seule école pour enfants en difficulté de Cincinnati et à sept ans ses parents prennent la dure décision de l’envoyer dans une institution spécialisée à Dickensian dans l’état de l’Ohio.
Plusieurs années plus tard, sa sœur jumelle, Joyce, devient sa tutrice légale et l'accueille dans sa famille en Californie et lui permet d'intégrer un centre axé sur l’art pour les personnes en difficulté. Vite désintéressée des crayons et de la peinture, Judith se lance dans la sculpture. C’est probablement Sylvia Seventy qui sera une de ses plus grandes inspirations et qui l’initiera à la structure textile après un passage à l’institution en 1987.
L’art de Judith Scott pourrait être classé dans la catégorie de l’Art Brut étant donné qu’elle n’a eu que très peu d’éducation artistique à part celle donnée par les quelques intervenants du centre où elle résidait.
Les œuvres créées par Judith Scott avec ce procédé de sculpture textile sont ce qu’il y a de plus intéressant à retenir de son travail. Son œuvre regroupe près de 200 cocons colorés qui n’ont été ni nommés ni datés.
Judith Scott est morte en 2005. (Margot Lenorais)





Nek Chand                                                                                        


Nek Chand est un artiste autodidacte indien célèbre pour son œuvre le Rock Garden. Le Projet de ce jardin est lancé vers 1957 et est peuplé de sculptures en céramique recyclée. Censé représenter le village natal de l'artiste et sa population, il s'étend aujourd'hui sur 12 hectares. Ce jardin occupé illégalement à ses débuts est découvert par les autorités en 1975 et sera ouvert au public en 1976. Les sculptures sont uniquement composées de matériaux ou d’objets recyclés. Le jardin est donc composé de plus de mille sculptures de danseuses, paysans, musiciens, singes, chevaux, paons, cascades etc. L'artiste appelle son projet "Le Royaume des Dieux" et a toujours expliqué que ce jardin était sorti spontanément de son imagination. (Antoine Dehillerin)





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