mardi 26 décembre 2017

Le Mouvement

Le Mouvement

Le mouvement réside dans le déplacement d'un corps, un changement de position dans l'espace. Ephémère et dynamique, il est difficile à représenter dans des images fixes. Les artistes ont cherché des systèmes, des dispositifs pour donner l'impression de mouvement à leurs modèles ou leurs sujets. La symétrie, les lignes parfaites et l'harmonie furent abandonnées au profit des courbes, de l'asymétrie, du déséquilibre visuel et des obliques qui suscitent davantage la tension et le dynamisme.
Avec l'apparition de la photographie et du cinéma au milieu du XIXème siècle, on a cherché à comprendre les mécanismes d'un mouvement dans sa forme la plus basique (marche, saut, course). En dissociant, en figeant, en décomposant les poses successives de différents modèles, qu'ils soient animal ou humain, les scientifiques capturèrent le détail des gestes de la vie quotidienne. Là encore, les artistes ont su emprunter ces découvertes pour les intégrer dans leurs recherches plastiques développant de nouvelles formes de représentation du mouvement. D'autres artistes s'intéresseront aux phénomènes optiques provoquant l'impression de mouvement dans l'oeil du spectateur. 

Le développement de la mécanique et du moteur électrique allaient révolutionner l'histoire de la sculpture permettant la réalisation d'œuvres intégrant le mouvement réel comme élément essentiel de leur constitution.

Virginie Lelièvre, Eugénie Lemauff

Donner l'impression de mouvement

Le Discobole de Myron 


 Le discobole, Myron, marbre, h.1,55 m, 

Cette sculpture datant de l'antiquité est attribuée à l'artiste Myron (Vème siècle avant JC). Le discobole est un athlète en train de lancer un disque. 
Cette statue représente un athlète nu, imberbe, figé alors qu'il prépare le lancé de son disque. La tête est tournée vers le bas. Le mouvement se déploie sur le côté, donnant une composition bidimensionnelle (ce qui est caractéristique du pré-classicisme). La composition est géométrisée, théorique. En effet, le bord des pectoraux est net, la musculature est dessinée. Le personnage, est en plein effort, impassible, concentré, le regard sans expression. Les paupières sont lourdes, le nez droit, la bouche charnue et légèrement entrouverte, la mâchoire épaisse, le menton fort. L'artiste idéalise son visage pour que son image gagne un aspect intemporel. Le corps est tendu, figé dans la pierre, dans cette position de concentration qui précède le mouvement.
Le discobole de Myron est une œuvre qui a été perdue et à ce jour seulement des copies en marbre d’époque existent. La plus célèbre d'entre elles est le Discobole Lancellotti, considérée comme la reproduction la plus fidèle de l'original. L’œuvre a été découverte sur le mont Esquilin au 18ème siècle et vendue à la famille Massimo, devenue ensuite Massimo Lancelotti.
Une autre copie connue, exposée dans le même musée, est le Discobole Castelporziano, découverte mutilée (le bras et la tête sont perdus) , parmi les ruines d’une villa d’époque impériale. Cette copie est plus réaliste dans son traitement des volumes et témoigne des évolutions techniques survenues depuis entre le classicisme grec et la sculpture romaine impériale.
La position de l'athlète est  vraiment belle et condense les mouvements du sportif contenant dans la pierre le geste du lancé à venir…

Anthony Ménégon

 

Pluie, vapeur, vitesse par William Turner - 1844


William Turner,Pluie,vapeur,vitesse,1844, National Gallery de Londres, Huile sur toile, 91 × 121.8 cm

Une courte Biographie

William Turner est un peintre, graveur et aquarelliste britannique. Il est né en 1775 à Londres et mort en 1851 à Chelsea. À seulement 14 ans, il entre dans la Royal Académie of Arts. Il fut un grand voyageur et  parcourut l’Europe. Ses œuvres proches initialement du mouvement romantique vont évoluer vers une approche pré-impressionniste.
Le tableau Pluie, vapeur et vitesse représente une locomotive passant le pont de chemin de fer au-dessus de la Tamise. La locomotive se trouve à droite d’un paysage brumeux où on peine à percevoir une ville lointaine ainsi que des champs de culture. La locomotive noire arrive vers nous; ce mouvement est accentué par le jaune poudreux qui atténue le rideau de pluie d'où le wagon émerge. 
Contexte historique
L’action se concentre autour d’une locomotive qui avait battu le record de vitesse en 1843. De plus ce pont (véritable prouesse architecturale) fut construit entre 1837 et 1839 par Isambard Kingdom Brunel célèbre ingénieur de l’époque; .
Ce tableau est l'un des tout premiers témoignages artistiques sur la Révolution industrielle. Il est un symbole de la transformation politique et économique de la société.  L a toile met en avant deux mondes : d'un côté le monde industriel (qui avance vers nous en noir) et de l'autre l’univers agraire (une barque, un vieux pont routier, un paysage rural…)
Cette œuvre inspirera fortement les impressionnistes qui seront inspirés par la modernité du sujet. 
Technique utilisée
Pour réaliser ce tableau Turner à utiliser la technique du fond blanc; permettant de laisser une réserve de lumière. Ces traces blanches réapparaissent par des frottements de chiffons utiliser pour créer le flou et la vitesse.
Anecdote
Un jour alors que Turner voyageait en train pendant un temps orageux, il entendit arriver un autre convoi en sens inverse, il aurait passé la tête par la fenêtre pour mieux observer la symbiose entre pluie et vitesse.

Charlotte Kaplan

Saisir et étudier le mouvement par la photographie

 

Flight of the pelican par Etienne Jules Marey - 1883

 

Flight of the pelican, Etienne-Jules Marey, Photographie, 1883

 

Considéré comme un physiologiste, médecin ou encore biomécanicien, Etienne Jules Marey a exploré de nombreuses techniques scientifiques permettant de comprendre et saisir le mouvement. Il s’est d’abord interressé aux vols des oiseaux, imaginant ainsi des appareils mécaniques imitant leurs déplacements, pour ensuite se concentrer sur le mouvement des êtres humains. Inspiré par Edward Muybridge, c’est en 1882 qu’il a commencé à imaginer un appareil photographique pouvant capturer un sujet en mouvement en douze poses. C’est également inspiré du revolver astronomique de Jules Janssen, qu’Etienne Marey inventa la chronophotographie. Ce procédé, encore utilisé de nos jours, permet de décomposer les gestes et attitudes des hommes, animaux ou tout êtres en mouvement pour en comprendre le  mécanisme.
Cette technique consiste, à l’aide d’une plaque fixe de verre enduite de gélatinobromure, à prendre en rafales un sujet avec un appareil photographique possédant un seul objectif. Le canon du fusil contient l’objectif photographique, la culasse renferme un rouage horlogique et un disque permet de laisser passer la lumière douze fois par seconde pour capturer les images. Par le biais de ses séquences photographiques rapprochées, il obtient avec une précision incroyable pour l’époque, ce que l’homme ne peut pas voir à l’oeil nu. Il réussit donc à voir « l’invisible ». 
Parmi ces nombreux essais, Marey a choisi de photographier le du vol d’un pélican. Sur cette plaque fixe, on peut observer en mouvement la "mécanique" des ailes d’un pélican au moment de l’atterrissage. La chronophotographie donne une impression de fluidité, d’énergie et en même temps de vitesse permettant ainsi de comprendre le fonctionnement d'un mouvement. Le résultat est fascinant. Ces photographiesdocumente avec exactitude  La mécanique d'un geste. Pour ce savant, comprendre le mouvement était un façon de se rapprocher de la vie. Cette nouvelle technique révolutionnaire dans le monde de l’art et de la science réunit discontinuité et illusion du mouvement, exactitude et rêverie poétique, utilité scientifique et esthétique offrant un vision paradoxale et à la fois complètement nouvelle. 
L’invention révolutionnaire de Marey a permis l’application de cette technique dans de nombreux domaines. Elle donne aux peintres une compréhension et une vision plus juste des différents mouvements leur permettant de corriger leurs travaux et plus tard de trouver des solutions plastiques pour représenter un sujet en mouvement. Son invention est également essentielle pour la naissance du 7ème art : le cinéma.

 

Lucile Artignan

 


Horse in Motion, Eadweard Muybridge, ca. - 1886




Lorsqu’un cheval est au gallop soulève t-il ses quatre sabots hors du sol ? Telle est question à laquelle Eadweard Muybridge a du répondre. Celle-ci est en fait posée par Leland Stanford, un cavalier et industriel, vraisemblablement intéressé par l’analyse des mouvements de l’animal. Or l’humain n’ayant pas la capacité de déterminer si le cheval se retrouve à un moment donné en l’air complet, n’a pas d’autre choix que d’utiliser une technologie qui est encore au stade foetal au 19e siècle : la photographie.

15 juin 1878 ; Muybridge photographie un cheval nommé occident en utilisant une série de vingt- quatre stéréoscopes. Les appareils sont arrangés le long d’une piste parallèle à celle du cheval et chacun des déclencheurs accompagnant les stéréoscopes sont contrôlés par des fils mis perpendiculairement à la course du cheval, qui se déclencheront lors du passage de ce dernier. Cela a pour résultat ces 24 images, qui seront montrées avec un zoopraxiscope, littéralement "description de la locomotive animale" et sorte de jouet optique quoi permet de voir le cheval en action.

  
Ce film accompagné des autres tests photographies de Muybridge fonde une expérience pionnière du développement d’images animées. Ce travail si particulier, consistant à analyser les poses successives de leurs modèles, humain ou bestial, par le biais de séquences rapprochées, permet d’avoir des images d’une précision exquise. Le temps est arrêté et le mouvement se poursuit, il nous donne à voir l’invisible. Cette décomposition du modèle, du temps et du mouvement invite les artistes de l’époque à s’en inspirer allant du Degas et ses danseuses à plus récemment Katie Grinnan et sa sculpture illustrant les multiples postures du yoga en séquences.

  

Marin Chomienne

 

 

Vers une représentation "simultanée" du mouvement


Nu descendant l'escalier par Marcel Duchamp - 1912

 

Marcel Duchamp jouant aux échecs
Marcel Duchamp est un artiste né en 1887, et décédé en 1968. 

Ses premières toiles sont inspirées par l'impressionnisme. Cependant, son style se développe rapidement, testant différentes approches artistiques telles que le que le fauvisme, le symbolisme et le cubisme.
La toile qui fera le début de son succès, « Nu descendant un escalier » marquera l'histoire de l'art moderne.
Nu descendant l'escalier, Marcel Duchamp, Huile sur toile, 146x89 cm (1912), Philadelphia Museum of Art
En 1909, Marcel Duchamp fait partie d’un groupe d’artistes liées au Cubisme. C’est avec les conseils de Matisse et Paul Cézanne qu’il évoluera et qu’il finira par dévoiler, en 1913, son œuvre emblématique : « Nu descendant un escalier 2 ». Cependant l’œuvre avait déjà été présentée une première fois en 1911.
Après avoir reçu des réactions négatives de ses amis cubistes, l’artiste décida retirer son œuvre et de la retravailler. Il l’a présenta à New-York un an plus tard à l’Armory Show. « Nu descendant l’escalier » connaitra un véritable triomphe, un mélange de scandale et d’enthousiasme. L’œuvre cherche à traduire le mouvement du corps humain avec la peinture comme moyen d’expression. L’artiste y décompose le mouvement et ne prend pas en compte les détails de la figure humaine :  
« le nu anatomique n'existe pas, ou du moins, ne peut pas être vu, car je renonçai complètement à l'apparence naturaliste »
Le tableau est un mélange entre le cubisme et le futurisme. Le nu est peint de la couleur bois (les ocres-bruns de la palette cubiste). Il se réfère aux chronophotographies de Marey et Muybridge ainsi qu’au cinéma. Cette peinture fait aussi référence à certaines œuvres futuristes, notamment  de Giacomo   Balla avec « Fillette courant sur le balcon » en 1912, ou encore « II Lavoro » d’Umberto Boccioni en 1911 où l’artiste décompose aussi le mouvement. 

 Jeanne Perrine

Dynamisme d'une automobile, Russolo - 1912-1913


Le dynamisme d'une époque

C’est dans un contexte d’avant-guerre que se met en place le Futurisme, mouvement pictural crée en 1909 autour de Filippo Marinetti. Cette période au climat politique et social tendu pousse les intellectuels et les étudiants à revoir leur vision du monde. Cette réflexion passe par la destruction de toutes les valeurs du passé, les musées, les bibliothèques ou encore les villes historiques. « Nous déclarons (…) qu’il faut balayer tous les sujets déjà usés, pour exprimer notre tourbillonnante vie d’acier, d’orgueil, de fièvre et de vitesse". La modernité technique et la guerre définissent la fascination de ces penseurs pour le mouvement et le dynamisme des objets. Ce mouvement se développe dans le prolongement du cubisme. Cependant le cubisme s’appuie sur l’aspect statique des représentations – paysages, natures mortes ou encore nus – ce qui vient en complète opposition avec les principes du futurisme. 

Ici le sujet est la voiture, emblème de la vitesse.

L’un des peintres majeurs de ce mouvement est Luigi Russolo (1885-1947) – peintre italien qui est également à l’origine de la musique bruitiste. Datant de 1912-1913, Dynamisme d’une automobile applique parfaitement les principes du futurisme. On retrouve dans cette œuvre le lien entre la machine et la vitesse représentée par les flèches et par une impression de flou. Notons que la représentation du mouvement passe avant celle de la machine qui est suggérée plus que décrite. Ici les flèches expriment un mouvement d'air, de lumière et d'espace. L’abstraction, passant par l’utilisation très libre de la couleur et des lignes de force, sert à décomposer le mouvement et à accentuer son rendu.
Une notice disponible sur le site du Centre Pompidou explique : « La représentation de la machine se trouve ici éclipsée au profit de la traduction plastique de la vitesse : sa silhouette, soulignée par un contre-jour bleu soutenu, est à peine visible, morcelée dans l’espace qu’elle dynamise tout entier. » On voit en effet la déformation de l’environnement : basculement des bâtiments vers l’arrière ainsi que l’aspiration de la chaussée dans le sillage de l’automobile. Cette œuvre synthétise donc les perceptions visuelles accélérées que l’automobiliste expérimente. « Elle traduit, par son rythme même, l’accélération puissante du moteur, comme sa vibration sonore qui s’étend à l’espace tout autour. » notice le Centre Pompidou.
Aussi cette œuvre, par ses couleurs et sa composition dont ses lignes de forces, nous immerge dans le dynamisme de l’automobile -allégorie de la modernité qui fascine tant les futuristes. On ne peut simplement s’imaginer une peinture mais plutôt un réel tourbillon de perceptions, un élan de vitesse guidé par le peinture.

Sixtine Puthod


L'Homme en mouvement de Umberto Boccioni - 1913


Boccioni est vu par Duchamp comme « le prince des futuristes ». On retrouve dans la réalisation de cette statue de Boccioni une volonté d’exprimer le mouvement tel que Marcel Duchamp l'expérimentait dans son tableau « Nu descendant un escalier ». On entrevoit dans ce travail la décomposition du mouvement : un corps en rupture avec le code du nu. Classiquement, on représentait des personnes fixe or, ici, le modèle ne pose pas mais est montré dans une figuration de mouvements. 


Cette sculpture renvoie aux codes de la représentation cubiste tout en s'en écartant un peu. On y observe en effet des compositions, des formes, des figures, ainsi qu’une volonté de faire valoir des géométries en mouvement, en représentant plusieurs aspects simultanés d'une figure dans l'espace. Une chose est cependant inattendue : il y a un certain dynamisme tandis que les cubistes prônent une forme figée. C'est donc en quelque sorte une contestation du cubisme, cette volonté de saisir le mouvement renvoie au futurisme.

Cette œuvre détruite et peu connue semble être une première version, approche de l’œuvre qu’il a réalisé la même année « L'Homme en mouvement » représentant un homme faisant un grand pas en avant.

L'Homme en mouvement, Umberto Boccioni, bronze, 1913
Celui-ci n'a ni visage, ni pieds, ni bras.Cette volonté de mouvement et de flou sont les principaux sujets de ses œuvres. Si l’on ancre celles- ci dans une société où le progrès et la modernité promettent un avenir radieux et si l’on considère que les jeunes futuristes sont pour l'entrée en guerre de l'Italie (première guerre mondiale) ; on peut alors dire que ses sculptures sont une glorification du mouvement à travers des hommes puissants qui avancent d'un pas déterminé vers la guerre, l'avenir, un monde nouveau, et ceci grâce à tous les apports de l'industrie et de la modernité.
Le message de ces œuvres semble être la glorification du mouvement et du dynamisme de la vie moderne. 
Bastien Lafont

Le Rémouleur de Kasimir Malevitch - 1912/1913

Kasimir Severinovitch Malevitch, né à Kiev (alors Empire russe) en 1878 de parents polonais et mort en 1935 à Léningrad est un des premiers artistes abstraits du XXe siècle, membre actif de l’avant-garde russe. Après une formation de dessinateur technique à Moscou en 1902, Malevitch développa en autodidacte son œuvre plastique qu'il déclina au cours de sa vie dans une dizaine de styles différents : Réalisme, Impressionnisme, Symbolisme, Cezannisme, Fauvisme, Néoprimitivisme, Cubofuturisme, Cubisme alogique, Suprématisme, Supranaturalisme.
Peintre, dessinateur, sculpteur et théoricien, il est le créateur d’un courant artistique qu’il dénomma « suprématisme ». L’artiste est, avec Kandinsky et Mondrian, l’un des fondateurs et des théoriciens de l’art non figuratif.
Dès 1912, sous l’influence du cubisme, Malevitch quitte peu à peu la figuration pour tendre vers l’abstraction, ne conservant que les éléments essentiels de la peinture : des formes et des couleurs mises ensembles pour réaliser des figures stylisées par des construction géométrique. 
Il sʼintéresse également au rendu du mouvement, et à lʼaspect mécanique, industriel des formes, inspiré par les futuristes italiens. L'union de l'énergie du futurisme et du cubisme le conduiront au cubo-futurisme.

Le Rémouleur, également appelé « l’aiguiseur de couteaux », est une huile réalisée en 1912-1913. Elle est considérée comme l'une des toiles les plus significative de Malevitch dans le style cubo-futuriste et plus généralement la production cubo-futuriste russe.


Le Rémouleur de Kasimir Malevitch - 1912/1913


Au premier abord, lorsque l’on regarde cette œuvre, on remarque une multitude de formes géométriques se fondant entre elles.
Les formes de couleurs froides (gris, bleu, noir, vert sapin), contrastent avec les formes de couleurs chaudes (rouge, orange, jaune). 
C’est seulement en s’éloignant du tableau que l’on distingue des formes plutôt concrètes, bien que géométriques. Ainsi le titre du tableau prend son sens : on peut apercevoir un homme quelque peu courbé aiguisant un couteau sur une roue d’usage. La toile est saturée de plans géométriques multicolores qui répètent de manière irrégulière les mouvements du corps du rémouleur et de sa machine, avec une multiplication des doigts qui appliquent le couteau sur la roue et la pression répétée du pied sur la pédale de lancement de la roue. Malevitch montre la juxtaposition répétitive dans le temps des différents stades qui composent un mouvement. L’artiste voulait qu’on puisse voir la roue tourner et le rémouleur bouger. Toutefois, le peintre n'essaie pas de traduire la notion de vitesse mais les mouvements dans le temps et l'espace selon différents points de vue.
De plus on peut remarquer que les figures du rémouleur et de la machine sont déformées et serrées dans l'étroitesse du cadre. Mais la machine n'est pas idéalisée et ne domine pas l'homme non plus. 
Au verso de l'œuvre est indiquée en russe la mention : « principe de scintillement » du fait que l’artiste ait créé une décomposition du mouvement et de la lumière.
Dans les années 1920, Malevitch envoie ce tableau à la « Première Exposition russe » (qui a lieu à Berlin, et ensuite à Amsterdam). Le tableau est acheté par une artiste new-yorkaise, Katherine Dreier et part aux États-Unis. En 1941, elle offre le tableau à la galerie d'art de l'université de la ville de New Haven, la Yale University Art Gallery où il se trouve toujours.
Cette œuvre emblématique du travail de Malevitch annonce son passage à l'abstraction et au Suprématisme en 1915.

Tara Baron


Sculptures mécaniques

Rotary Glass Plates de Marcel Duchamp - 1920

Marcel Duchamp était un artiste français. Il était aussi connu sous le nom de RroseSlélavy un personnage féminin fictif créé par l’artiste, qui peut être vu comme une œuvre à part entière.Il fait partie des artistes qui ont révolutionné l'histoire de l’art.
Son travail et son attitude artistique continuent d'exercer une influence majeure sur les différents courants de l'art contemporain. Marcel Duchamp disait vouloir « remettre l’art au service de l’esprit ».
Ainsi l’œuvre Rotary Glass Plates (en français « rotative plaques verre »), est une sculpture qui joue sur les effets optiques. C’est en janvier 1920 qu’il expérimente, avec l’aide de Man Ray (un peintre, photographe et réalisateur de cinéma), une œuvre jouant avec la vue. Il s’appuie sur le fait que l’œil conserve une image pendant une fraction de seconde après qu’elle ait disparue, ainsi il tente de tromper l’œil à travers un procédé mécanique. Il créa donc une machine dotée de cinq plaques de verre peinte tournant sur un axe métallique motorisé formant ainsi des cercles lorsque celle-ci est en mouvement. 




« L’art est un mirage » disait Marcel Duchamp, d’une certaine manière il réussit à travers Rotary Glass Plates à déjouer nos perceptions, des perceptions constituées par la conscience, car oui toute perception est une construction qui suppose une activité de la conscience. 

Blanche Justeau

Light Space Modulator de László Moholy - 1930



L’artiste

Laszlo Moholy Nagy est un artiste, peintre, photographe et théoricien de la photographie. Hongrois, il fut plus tard naturalisé Américain. A partir des années 20, il exerce en tant que professeur au Bauhaus et enseigne diverses pratiques artistiques telles que la peinture, la sculpture, la photographie et le photomontage. En 1928, il quitte l’enseignement et s’installe dans son propre studio à Berlin. C’est un artiste qui s’est toujours intéressé à la manière dont les matières pouvaient interagir entre elles.

L’œuvre
En 1930, il crée le Light Space Modulator. Composée d’aluminum, d’acier, de laiton, de verre, de plastique et de bois, la sculpture est en mouvement grace à un petit moteur électrique qui permet de faire tourner un disque rotatif constituant le corps de la sculpture. Exposée dans une pièce sombre cette structure permet une véritable modulation de l’espace et de la lumière. En effet, la sculpture étant en mouvement, lent mais constant, elle capte, diffuse filtre la lumière, projette des reflets et des ombres et change l’apparence, et l'atmosphère de la pièce où elle est présentée. Le mouvement créé par la machine se reporte en ombres et reflets sur les murs et donne à la pièce un tout autre aspect, puisqu’on a l’impression qu’elle aussi est en mouvement. Le spectateur se retrouve alors immergé dans un espace poétique, bercé par la rotation de la machine.


L’œuvre fut présentée pour la première fois à l’exposition de la German Work Federation à Paris.

Pour voir l’œuvre en mouvement





Julie Barbin



  Mobile - Sans titre de Alexander Calder - 1958

mobile, Alexander Calder, feuilles de métal et peinture, 1958 
Alexander Calder, sculpteur et peintre américain, naît le 22 juillet 1898 à Lawnton. Il décède le 11 novembre 1976 à New York. Alexander Calder est célèbre pour ses mobiles et ses stabiles.
Il est le deuxième enfant d’un couple d’artistes qui l'incitent à créer dès son enfance. Son père, Alexander Stirling Calder, est un sculpteur de formation classique, sa mère, Nanette Lederer Calder, est peintre. À l’âge de 8 ans, ils lui installent un atelier dans la cave de leur maison californienne à Pasadena. Calder y perfectionne son aisance naturelle à manipuler les outils et y réalise des expériences pour créer des sculptures et des jouets à partir de matériaux ordinaires. 
"Pourquoi l'art devrait-il être statique ? En regardant une œuvre abstraite, qu'il s'agisse d'une sculpture ou d'une peinture, nous voyons un ensemble excitant de plans, de sphères, de noyaux sans aucune signification. Il est peut-être parfait mais il est toujours immobile. L'étape suivante en sculpture est le mouvement". Alexander Calder
Alexander Calder a inventé une nouvelle forme d’abstraction où le mouvement est un matériau à part entière. Il a d’abord réalisé des sculptures linéaires en fil de fer, véritables "dessins dans l’espace" qui restituent la vie et le mouvement des modèles. A partir de 1930, il commence à construire des sculptures composées d'éléments mobiles animés par les mouvements de l'air, par un moteur électrique ou par une manivelle. C’est en 1932 qu’il expose pour la première fois trente de ces sculptures. Marcel Duchamp les qualifie alors de mobiles.
Couleurs, légèreté, ludisme, abstraction : par ces qualités, les mobiles de Calder qui se mettent en mouvement agités par le moindre souffle d’air, sont en rupture avec les sculptures classiques aux volumes massifs, et sont devenus des symboles de modernité. 

Les mobiles et les stabiles de Calder sont faits de fil de fer et plaques de métal colorées. Il en existe de nombreux modèles et il sont de grandes tailles et parfois monumentaux comme celui dont l’UNESCO fit l’acquisition en 1958. 



 Romane Caudullo

 

Déformations et illusions d'optiques

Double métamorphose III - Contrepoint et Enchaînement de Yaacov Agam - 1968-1969



C’est un 1953 que le plasticien Israélien Yaacov Agam réalise ses premiers tableaux transformables et obtient à vingt-cinq ans, sa première exposition personnelle à Paris. Le concept des tableaux transformables relève de l’art cinétique, qui introduit la notion de mouvement et d’illusion d’optique dans une œuvre. Il participe d’ailleurs en 1955 à l’exposition « le Mouvement », organisée à la galerie Denise René. Cependant, Agam ne perçoit pas le mouvement de façon à ce que l’œuvre soit dotée d’un système motorisé par exemple, mais plutôt de sorte que le spectateur fasse vivre l’œuvre à travers son propre déplacement dans le temps et l’espace. C’est ce qu’il nomme la « quatrième dimension ». En effet, comme pour son œuvre « Double métamorphose III- Contrepoint et enchaînement » de 1969, Yaacov Agam invite le public à modifier son point de vue en changeant de position, pour modifier la perception de l’œuvre.
Le tableau se compose de nombreux panneaux qui, recouverts de prismes triangulaires, positionnent le spectateur face à un mélange coloré semblant aléatoire mais pourtant est maitrisé. On observe alors de multiples arêtes verticales, incitant le spectateur à se déplacer et à en découvrir les côtés. C’est alors que les effets colorés et géométriques varient selon l’angle de vue : d’un côté un monochrome issu de la synthèse des couleurs, de l’autre un motif géométrique coloré, ponctué de touches noires. En somme les facettes présentes sur le tableau offrent non pas une mais plusieurs images, que seul le spectateur peut se révéler à lui-même.



Yaacov Agam définit sa composition de « polyphonies colorées », et compare alors son œuvre à une musique que le public peut jouer et orchestrer comme bon lui semble, selon son propre mouvement. On retrouvera le principe de la Double métamorphose III dans les années 70, lorsqu’il se vit attribuer la charge de décorer les murs de l’antichambre des appartements privés de Georges Pompidou, au Palais de l’Elysée.

Marie Breuillon-Grisez


Pit-Stop de Jean Tinguely - 1984



Jean Tinguely est un sculpteur et peintre Suisse né à Fribourg en 1925 et mort à Berne en 1991. Connu pour ses machines poétiques qui nouent un dialogue visuel et sonore avec le spectateur, il fait partie des artistes ayant signé la déclaration constitutive du Nouveau Réalisme. Ce mouvement, fondé en 1960 par le peintre Yves Klein et le critique d'art Pierre Restany, rompt avec la peinture abstraite de l'époque. Les nouveaux réalistes prônent un retour au réel tout en refusant la figuration. Ils utilisent souvent des objets de leur réalité quotidienne.
L'artiste Suisse était un passionné de voitures et de courses automobiles. Il était ami avec un pilote de Formule 1, Jo Siffert. Cet objet a d'ailleurs été thématique dans d'autres de ses sculptures, comme Safari de la mort moscovite (1989).
Dans la lignée de ses œuvres autant mécaniques que poétiques, Tinguely a réalisé la sculpture "Pit-Stop" en 1984. Commandée par la Régie Renault, Cette sculpture est construite de pièces de deux Formule 1 de la saison 1983 pilotées par Eddie Cheever et Alain Prost. Engin lunaire ultra complexe ou bazar mécanique, la forme globale a une apparence imposante. Les composants de bolides flottent dans tous les sens, reliés par des jonctions mécaniques. Lorsque que la machine fonctionne, les éléments, actionnés à la base par des moteurs, deviennent mobiles. Des roues tournent, des morceaux de carrosserie font des mouvements mécaniques lents. Et cela sous un fond sonore assourdissant. Sont projetées dans la salle de la sculpture depuis l'œuvre elle-même quatre courtes séquences vidéo sur lesquelles on aperçoit l'arrêt au stand d'une formule 1.
Il y a un paradoxe à ce niveau concernant la notion de vitesse et mouvement dans le temps. En effet, l'arrêt au stand doit être le plus rapide possible dans les courses automobiles alors que les mouvements de la sculpture, eux, sont très lents (à l'exception du Bibendum, mascotte de Michelin qui tourne sur lui-même rapidement). Jean Tinguely perturbe la concordance entre des éléments du même domaine.
Cette féerie mécanique lente met en scène des superpositions de rythmes moteurs différents. La masse de la construction, les grandes ombres de celle-ci en mouvement et les projections aux quatre murs de la pièce créent une dimension théâtrale et dramatique. L'ambiance perçue par le spectateur peut le transporter et cela lui donne la sensation d'être immergé dans l’œuvre car les différents éléments évoluent autour de lui et non pas devant uniquement.




Malo Sahores


Le Carosse de Xavier Veilhan - 2009





Né en 1963 à Lyon, Xavier Veilhan vit et travaille à Paris. Il a tout d’abord travaillé dans la publicité puis a débuté une carrière d’artiste plasticien. Il s’intéresse et touche à différentes matières et procédés techniques (sculpture, installation, film, spectacle vivant, …).
Le carrosse est une œuvre exposée en 2009 lors de l’exposition "Veilhan Versailles" au Château de Versailles. Elle est faite de tôles soudées qui une fois assemblées et peintes à l’acrylique forment une structure de 15 mètres de long et pesant 3 tonnes. Pourtant immobile, elle représente parfaitement le mouvement d’un carrosse tiré par 6 chevaux galopant à toute allure.
Nous allons voir ici que cette œuvre joue, de différentes manières, avec des oppositions fortes.
La première cité précédemment est celle de la représentation du mouvement. En effet, créer une sculpture de 3 tonnes pour donner une impression de mouvement, vitesse et de puissance n’est pas le choix le plus évident. Pour arriver à cela Xavier Veilhan a fait appel à ces connaissances sur la perspective mais aussi à des techniques très spéciales pour un résultat aussi réussi. Avec un scanner, il a analysé un modèle en trois dimensions. Il obtient ensuite un fichier numérique avec lequel il peut reproduire des facettes en 3D. Il envoie ça ensuite à des personnes compétentes qui réalisent l’œuvre. En effet, une des particularités dans le travail de Xavier Veilhan, est qu’il conçoit l'idée et la mise en œuvre, mais n'a aucun contact physique dans sa production.
La deuxième opposition notable est celle entre tradition et hyper-technologie. En effet, on est là face à une œuvre aux allures très modernes voire futuristes. Avec des pans coupés et des angles très aigus qui donnent cette sensation futuriste à la structure. Pour autant, elle représente bien quelque chose d’historique, car il s’agit là d’un carrosse du siècle de Louis XVI.
Pour terminer, on peut parler de toute la réflexion qu’il y a derrière cette œuvre et notamment sur son emplacement. Dans un premier temps, on voit que la cour d’Honneur du Château de Versailles colle parfaitement avec le sujet de cette sculpture (évoquant la fuite du Roi Louis XVI en direction de Varennes pour fuir la Révolution). Mais on voit très bien que cet emplacement était aussi réfléchi notamment avec la couleur choisie. Ce violet est la couleur du deuil royal, toujours en accord avec le lieu.
Pour moi, c’est une œuvre et une installation réussies, car elle se fond parfaitement avec le somptueux décor dans lequel elle est placée. Le château n’est pas enlaidi par l’œuvre, mais ne l’engloutit pas non plus par sa grandeur. La sculpture trouve sa place dans cette cour et lui donne même un petit coup de fraîcheur.

Clément Moinardeau


Capturer les traces d'un passage


Balle traversant une pomme de Harold Hedgerton - 1964



L’artiste
Harold Edgerton, également appelé « papa flash » est un photographe, professeur d’université et ingénieur anglais du XXe siècle. Il reprend les travaux de Jules Marey sur les différents procédés qui permettent de traduire le mouvement en photographie. La technique et l’esthétique n’ont cessés de suivre les expérimentations de cet inventeur de génie, qui crée en 1926 la lampe à décharge. Emettant des éclairs lumineux brefs et réguliers, elle permet d’explorer un nouveau champ de la photographie : la strobophotographie. 

Une histoire de temps
Nicéphore Niepce donne naissance en 1826 à la photographie, avec une première pose de huit heures. Daguerre la réduit à quelques minutes en 1851, Frederick Scott Archer à quelques secondes… La photographie, depuis son invention, à toujours voulu dominer le temps. Edgerton, avec sa « balle traversant une pomme », parvient à réduire cette temporalité jusqu’a nous faire voir l’invisible. Cette capture de l’insaisissable donne une force à cette photographie, une violence du geste, mais également une certaine satisfaction due a un équilibre fragile et fugace. L’œuvre interroge ainsi le temps et la perception qu’il nous donne de la réalité.

Quand la technique devient belle
« Balle traversant une pomme », capturée en 1964, est une photographie scientifique. Son but est d’expliquer un phénomène, de faire constater une avancée technique, mais de la même manière que la « goutte de lait explosant en couronne » et la « balle traversant une banane », son esthétique prends le pas sur son aspect scientifique et en fait une œuvre à part entière. 

La cinétique de l’œuvre
Malgré une certaine géométrie, cette image retranscrit bien l’idée du mouvement. L’explosion créée par l’impact donne un fort dynamisme visuel. Le mouvement de la balle scinde l’image horizontalement, et on imagine déjà la suite de sa trajectoire. Le mouvement existe également dans l’imaginaire du spectateur.

La pomme et la balle
Et si on s’intéresse au sujet en lui même, pourquoi une pomme ? Probablement pour tout ce qu’elle représente. Objet sémantique par excellence, la pomme est le fruit qui parle le mieux du désir, de l’amour et du pouvoir. Que ce soit celle qui représente la tentation pour Eve, l’image de la terre dans la Rome antique, le projectile lancé par Eris qui provoque la guerre de troie, ou le logo de l’une plus grandes multinationales actuelles, la pomme est un fruit riche en symboles. Risquant une possible surinterprétation, on pourra au moins affirmer que Edgerton choisit dans cette oeuvre un fruit rond et juteux, qui saura produire l’explosion esthétique recherchée par l’impact de la balle. La balle, elle, remplie d’un sens guerrier, joue dans cette scène le rôle du projectile, élément en mouvement qui défie la réalité. Semblant insoumise à la gravité, elle réinterroge notre perception en surgissant immaculée de la pomme, elle gravite, immobile, dans le vide.
Cette photographie interroge ainsi des notions de temps, d’espace et de mouvement, en provoquant une certaine fascination. En capturant l’invisible, Harold Edgerton, en plus d’une prouesse technique, produit une oeuvre insaisissable et percutante. 

Louis Richard Marschal


La Motte de Johann Le Guillerm


La Motte, Johann Le Guillerm, techniques mixtes



Le mouvement perpétuel
Johann Le Guillerm est un interprète et artiste plasticien. Issue du monde du cirque c’est un artiste très polyvalent puisqu’on le voit dans des spectacles de cirque, mais il réalise aussi des conférences, il participe à de grandes expositions et réalise des installations... C’est ce qui fait la magie de son œuvre : elle est protéiforme et arborescente. Johann Le Guillerm se définit comme « un plasticien de l’espace des points de vue » ou encore comme un "alchimiste autodidacte". Son travail consiste notamment à nous montrer comment une chose peut être accessible de plusieurs points de vue, à la fois physique et culturel. Il a beaucoup travaillé sur le thème de l’attraction. Il s’est demandé "Quand y a-t-il équilibre ?", "Quand y-a-t-il métamorphose ? "Comment la notion de point de vue perturbe-t-elle les notions d’équilibre et de forme ?"… Et il a amené diverses réponses à ses questions à travers des œuvres captivantes ! Dans son travail Johann Le Guillerm est en équilibre entre la frontière du savant et du clownesque. Il apporte une observation du monde et de la physique qui est très étonnante et ce toujours avec une touche d’humour et de dérision. Pour résumer, on peut dire qui effectue des recherches poétiques autour du point : le point d'attraction du cirque, le point d'équilibre, mais aussi le point comme plus petit élément identifiable, point commun à tous… Comme il le dit, il agit sur les désordres du monde pour déceler d’autres agencements et créer un nouvel ordre plus poétique.
Dans son projet La Motte, Johann Le Guillerm s’intéresse aux sculptures en mouvement et plus particulièrement au mouvement perpétuel. C’est une idée passionnante qu’un mouvement au sein d’un système puisse durer indéfiniment sans apport extérieur d’énergie ou de matière, cette idée a fasciné et interrogé de nombreux Hommes ! Johann Le Guillerm lui, a imaginé le mouvement perpétuel sous la forme d’une planète végétale futuriste de 2,5m de diamètre qui roulerait indéfiniment grâce à des arêtes en révolution perpétuellement déséquilibrées par la croissance de la végétation. En effet, La Motte est transformée par les forces et énergies traditionnelles qui perturbent sans cesse sa trajectoire ce qui crée une multitude de chemins possibles. Parfois, d’une manière poétique La Motte hésite, semble subir le mouvement imposé, tangue, reste un temps en suspens puis repart vers sa destinée, imprimant de son poids la trace au sol de son passage pour faire surgir le dessin de son écriture lente et singulière. Dans ce projet Johann Le Guillerm joue avec le mouvement, il peut paraitre insaisissable, indescriptible car il est provoqué par le long processus de croissance de la végétation et pourtant c’est un mouvement permanent et perceptible grâce à l’empreinte qu’il laisse. Ce phénomène à la temporalité si différente de la nôtre nous laisse contemplatifs et nous invite à la réflexion.
Lors de l’exposition Monstration, le public a pu découvrir le prototype IV du projet La Motte, et s’émerveiller devant cette micro planète, tel un embryon de notre Terre.


Lorenn Furic