mercredi 18 janvier 2017

Chaises de Designers

Asseyez-vous !

La chaise est l’un des produits les plus revisités par les designers, elle est même devenue une icône dans le monde du design. C’est un objet auquel on attache souvent une seule et unique fonction: celle de s’asseoir. Elle accorde donc une large marge d’expression aux designers pour ce qui est de la forme et des matériaux.
"A quoi bon bouger, quand on peut voyager si magnifiquement dans une chaise" 
© Joris-Karl HUYSMANS - A Rebours
A partir de là, créer une chaise est devenu un défi pour de nombreux designers. L’expérience de l’utilisateur a devancé l’usage réel de l’objet: le but étant de transporter l’usager dans un lieu, un univers, une époque ou même véhiculer une idée / un concept. Cette approche peut-être fortement assimiler à une démarche artistique ce qui rend d’autant plus confuse la frontière entre art et design.
"La liberté est la première des sources d'inspiration pour un créatif »
© Nino CERRUTI
Cet article n’aurait été possible sans une sélection :16 chaises choisies librement par 16 élèves. Elles nous donnent un aperçu général des sources d’inspirations et des influences pour de futurs designers produit. Elles prennent des directions très différentes, plus ou moins osées, en apportant chacune à leur manière une nouvelle alternative à l’assise.

Mathis JAGOREL & Julien COUGNAUD

LA FORME SUIT LA FONCTION



◊ Kali Chair - Jasper MORISSON ◊

 « Un bon design est celui qui est apprécié à l’usage et non seulement par contact visuel »   
©Jasper Morrison

Kali chair, 2015 c Jasper MORRISON, Détail. 

C’est cette reflexion quant à l’usage de l’objet que va développer le designer en créant Kali chair, une chaise aux lignes simples et élégantes. Designer reconnu pour son implication que l’on pourrait qualifier d’écologique, il s’efforce de créer des produits issus d’un design sobre, utile et responsable.
Composée de matériaux recyclés et recyclables (bois et tissus), la chaise Kali s’inscrit dans un contexte écologique sur lequel Jasper Morrison semble avoir voulu insister en jouant avec son esthétique. Les formes des pieds et de l’assise paraissent en effet épurées, conférant à l’objet un caractère minimaliste. Cette extrême sobriété en fait un objet harmonieux, induisant confort et perpétuité. L’accord des formes et des matières joue un rôle important dans cette harmonie, renforcée par la symétrie verticale parfaite de l’objet. La chaise semble former un tout, on ne distingue pas d’assemblage et les pièces s'unissent parfaitement pour n’en faire qu’une. 
Conçue pour développer un orphelinat en Tanzanie, elle revient à sa valeur originelle: proposer une assise pour tous. Jasper Morrison affirme également son implication par sa méthode de production et d’assemblage : la chaise est en effet destinée à être conçue plus tard plus localement, à l’aide d’un mode de conception et d’assemblage très simple et facilement reproductible.
Par le biais de Kali chair, le designer redéfinie les valeurs de la chaise. Le travail de l’esthétique disparait ici au profit de la fonction: il lui redonne son statut, celui d’un objet nécessaire de la vie quotidienne.
Jasper Morrison prône ainsi un retour à l’essence de la chaise en cherchant une sorte de « forme originelle », supprimant toutes fioritures et revenant à un certain minimalisme. Il s’oppose par la même occasion au design de consommation, en créant cette chaise faite pour perdurer. 
Pauline OGER



◊  Box Chair - Enzo MARI  ◊

Photo © Israel Museum, Jerusalem, by Elie Posn

Enzo Mari est un architecte et designer Italien connu pour son amour des objets avec une fonction précise et une technique précise. Il a souvent constaté que “le design est mort” car il trouve que les designers s’éloignait de la fonctionnalité de leurs objets en pensant qu'à l’esthétique. Contrairement à ses contemporains, comme le designer Ettore Sottsass, Mari a préféré adhérer au concept du design rationnel qui correspond entièrement à sa raison d’être et fonction. Mari pense qu’en tant que designer c’est sa responsabilité de libérer les ouvriers de leur travail acharné en créant des produits qui pourrait les inspirer dans leur travail. C’est en lien avec ça que, tout au long de sa carrière, il a préféré le titre “d’artisan” à celui de “designer” grâce à la connotation de simplicité et fonctionnalité lié avec. Son but ultime c’est de chercher la fonctionnalité et l’essence pur de l’objet, en se concentrant sur les besoins des usagers. 
Sa “Box Chair” est une chaise composée d’une assise en polypropylène injecté et d'une structure tubulaire en acier émaillé. Les pieds de chaise sont démontables, permettant le tout d’être facilement entreposé. Le dos et pieds de la chaise se clipse dans la forme en creux de l’assise une fois inversée. Le tout se range dans une boîte en plastique transparent. Ceci est compact et facile à transporter. La chaise est représentative du style d’Enzo Mari : du design bas-coût avec plusieurs fonctions et la customization de l’utilisateur en tête. L’aspect de customization était sensé valoriser l’utilisateur en l'impliquant dans l'utilisation. On est souvent amené à utiliser des produits pénibles et non-modulables parce que c’est ce que l’on trouve facilement sur le marché. On oublie que notre confort et l'usage vis à vis de nos produits sont les éléments les plus importants. Enzo Mari cherche à promouvoir à travers le design l’amelioration pratique de nos vies. 
La beauté de ce mobilier réside dans le fait qu’il soit construit entièrement pour être fonctionnel. Dans ses proportions, la chaise est un peu bizarre mais c’est justement cela qui nous met à l’aise avec cette chaise. Elle n’est pas parfaitement proportionnée donc on n’a pas peur de l’utiliser. Elle n’est pas prétentieuse non plus, surtout grâce à sa matière. Le plastique est une matière fonctionnelle et utilitaire. On n’a pas peur d’abimer une chaise en plastique ni de la salir. Contrairement à certaines chaises dites “design”, “Box Chair” n’est pas la pour être un objet de beauté qui nous met à distance avec son élégance. 

Elise CUGNART



◊ Mezzardo - Achille & Pier CASTIGLIONI ◊
 Le ready made design

Achille et Pier Castiglioni ©PoltronaFrau

Le tabouret Mezzadro, 1954, hêtre _ acier chromé _ siège de tracteur verni ©VitraDesignMuseum


Le tabouret Mezzadro est un tournant, une charnière entre deux notions radicalement opposées.
En effet, Achille Castiglioni est un minimaliste affirmé : analyse logique des fonctions, design minimal, recherche du “Where you could do not less”....
Pourtant, les courant minimalistes ou fonctionnalistes n’impliquent en rien des sièges de tracteur traditionnels rouge vernis. C’est la toute la complexité de l’assise. 
En fait le tabouret, malgré son apparence correspond bel et bien à cette vision du design. De l’assise siège de tracteur à la barre de hêtre qui constitue le pied, chacun des éléments a une fonction porteuse et rien sur Mezzadro n’est superflu. 
Laissons le fonctionnalisme de côté un instant pour aborder la seconde grande inspiration de Castiglioni : le Ready made. Le Ready made est une notion d’art plastique célèbre, issue de la non moins célèbre imagination de Marcel Duchamp, consistant à faire d’objets utilitaire des œuvres d’art. 
Dans le domaine du design, on ne peut pas vraiment parler de ready made car le résultat a une fonction bien utilitaire. Alors quel serait le rapport entre le ready made et le fonctionnalisme pour arriver enfin au tabouret Mezzadro de Castiglioni ? 
En fait, on pourrait presque dire que Castiglioni, à travers ce tabouret, invente un nouveau courant de design : “le ready made design”. En effet, la réutilisation d’objets utilitaires dans le but de créer un autre objet utilitaire est un concept digne de l’humour que l’on connaît de Castiglioni, mais surtout très novateur dans le monde du design toujours à la recherche de nouvelles formes et matières.
Le designer use donc de la caractéristique flexible et solide de la tige de métal, du poid important de la pièce en hêtre et de la fonction d’assise prévue pour le siège de tracteur afin de créer une assise totalement fonctionnaliste dans laquelle chaque élément correspond à une fonction bien précise. 
Fonctionnalisme, ready made, détournement… Castiglioni ne le sait peut être pas mais à travers son siège, il aborde aussi une notion majeure du design actuel : la récupération. 
Récupération de fonction en premier lieu, mais aussi récupération matérielle. 
Au final, ce siège est novateur, fonctionnaliste, minimaliste, inscrit dans une démarche d’éco-design, original, et en fait l'essence même de ce que devrait être le design. 

Tassia KONSTANTINIDIS



L’INDUSTRIALISATION COMME MOYEN D’EXPRESSION



◊ Chaise cafétéria n°300 - Jean PROUVÉ ◊

 © Chaise cafétéria n°300 - Jean PROUVÉ 

Jean Prouvé est a lui seul : architecte, designer et ingénieur. Pour lui "Il n'y a pas de différence entre la construction d'un meuble et d'une maison." Il développe ce qu’on appelle une « pensée constructive » comme les bâtiments, les objets sont conçus avec des mécanismes permettant de les démonter ou remonter facilement, ils sont aussi nettoyer de tout artifices supplémentaires. Jean Prouvé est tout d’abord un artisan du métal, étudiant en ferronnerie, il pense que son avenir est dans l’industrie et l’architecture. 
Son père Victor Prouvé est un des fondateur de l’école de Nancy, au même titre que son parrain Gallé. Une rencontre importante dans la vie de Prouvé c’est Le Corbusier qui va sera un compagnon de travail mais aussi un ami.
Amateur des nouvelles technologies il profite de l’arrivée des nouveaux matériaux minces : aciers inoxydables, aluminium. Une de ces célèbres créations est le « mur- rideau ». Comme un humain se compose d'un squelette, la maison comporterait une structure en métal ou béton. Convaincu que «l’habitation doit être un objet de consommation comme un autre, destructible, déplaçable, amortissable en deux générations», il travaille à l’industrialisation de la construction et, plus particulièrement, aux maisons préfabriquées en métal. 
La chaise de Prouvé est la  Cafétéria n°300 dite  « démontable » de 1950. Elle est faite en tôle et tube d’acier pliés ainsi que de contreplaqué moulé. Ses dimensions sont de 82,5 x 41,5 x 47 cm. Cette chaise a été dessinée sur le modèle de la chaise métropole de 1934. Conçue pour supporter le poids humain, les pieds arrières de la chaise qui supportent le plus de poids. Les pieds avants sont en métal léger et fin alors que les pieds arrières sont en tôle d’acier pliée plus résistant pour éviter une éventuelle déformation à cause des balancements. Cette chaise renvoie une image de stabilité et de résistance grâce à ces pieds arrières plus épais. C’est pour cela que Prouvé laisse parfois apparent les boulons preuve de la robustesse de la chaise.

Pauline LERCHE



◊ Wassily - Marcel BREUER ◊

© Chaise Wassily de Marcel Breuer

Marcel Breuer est un designer allemand d’origine hongroise. Il a conçu la chaise Wassily, entre 1925-1926. A cette époque, M B était à la tête de l'atelier d'ébénisterie du Bauhaus, à Dessau en Allemagne. Il s’est beaucoup intéressé aux constructions modulables et aux formes simples et est connu comme  un moderniste influent.
La chaise Wassily était révolutionnaire, non seulement dans l'utilisation des matériaux car elle est composée d’acier courbé tubulaire et de toile, mais aussi par sa méthode de fabrication. On dit que Breuer a été inspiré par le guidon de son vélo pour l'utilisation des tubes en acier pour construire la chaise.
Cette chaise est l’un des icones du design moderne. Il est inspiré du fauteuil club à l’anglaise. Breuer "a réduit les formes rembourrées du meuble traditionnel à une ossature légère et résistante. Il est composé de cinq tubes d’acier nickelés, reliés par des vis à tête hexagonale, ce qui constitue le cadre : un seul tube plié forme de larges « patins» sur lesquels repose le fauteuil. Un dossier et une assise, également pliés, viennent s’imbriquer diagonalement dans cette structure; enfin, deux barres horizontales au niveau des accoudoirs consolident l’ensemble".
Des bandes de tissu, fils glacés, contenant des fibres d’acier sont tendues latéralement et cousues autour des tubes. La chaise est constituée uniquement de lignes, de plans et de vides. Elle est en "interaction avec l’espace qu’elle occupe, des volumes simples et conséquents – un cube, entravé par un triangle en trois dimensions."
La chaise a été produite en série à partir des années 1960, et est devenue au fil du temps un grand classique du design moderne.
Une sacrée  révolution dans l'histoire du design, car Breuer utilise pour cette chaise un procédé de fabrication industriel. Il emploie un matériau très accessible et économique, sans laisser l’esthétique de coté. Ainsi il allège le siège et le rend démontable avec des outils courants tels des outils de vélo. 

 Camille METAYER



◊  Série 7 - Arne JACOBSEN  ◊

Christine Keeler, Lewis Morley, 1963 The Series 7 chair by Arne Jacobsen, Adventurous Design Quest
La serie 7 s’est faite un nom en 1963, quand Lewis Morley photographie la mannequin et danseuse Christine Keeler nue (de l’affaire Profumo) sur un exemplaire de cette chaise (qui s’avèrera par la suite être une copie).
Cette chaise à l’assise recourbée vers l’intérieur, a été conçue pour être parfaitement adaptée au corps humain, elle est à la fois légère et empilable. Son design, aux formes douces et organiques, lui permet de s’intégrer dans tous les espaces. Cette forme si particulière, de trois courbes en seule pièce, a été rendue possible grâce aux possibilités offertes par les techniques de laminage initialement mises au point par Søren C Hansen petit-fils du fondateur de Fritz Hansen, dans les années 20.
La chaise serie 7 a été dessinée pour une fabrication industrielle la plus simple possible. Ainsi le nombre de pièces pour sa construction a été réduit au minimum : une assise et un dossier en un seul tenant en contreplaqué moulé et un piètement en 4 tubes d’acier chromé. Comme le nombre d’éléments, l’utilisation de matériaux a également été limité à l’absolu nécessaire. Un exemplaire peut ainsi être produit en moins de 10 minutes.

Jason CHAPRON



◊  Panton - Verner PANTON  ◊


chaise rouge, panton chair vitra trentotto mobilier design toulouse

La chaise Panton est un classique de l’histoire du design. Elle a été créée en 1968 par Verner Panton, designer danois qui a une prédilection pour les couleurs vives et les formes géométriques. Elle a été éditée par la société suisse Vitra.
La chaise Panton a été créée en 1968, soit à une époque où l’on faisait l’apogée de la société de consommation, où la jeunesse cherchait un nouveau mode de vie et où de nouveaux matériaux  et de nouvelles techniques de fabrication voyaient le jour. Beaucoup de designers se sont alors penchés sur ces nouveaux matériaux et ces nouvelles techniques, dont Verner Panton qui disait "L'acier tubulaire, la mousse, les ressorts et revêtements ont tant progressé que nous pouvons aujourd'hui créer des formes impensables il y a seulement quelques années. Les designers devraient employer des matériaux qui leur permettent de réaliser des objets qui, jusqu'alors ne pouvaient avoir d'existence que dans leurs rêves". C’est  justement ce qui l’a rendue célèbre, elle fut la première chaise en plastique moulée d’une seule pièce.
Pour concevoir sa chaise, Verner Panton s’est inspiré de la chaise Zig Zag de Rietveld mais aussi d’une chaise qu’il avait lui même créé auparavant la 276 S.
De par sa forme et son matériau souple, la chaise Panton est adaptée au corps humain et procure un grand confort d’assise. Elle convient aux intérieurs comme aux extérieurs.
Les nouvelles technologies de l’époque et notamment le fait que la chaise ne soit réalisée qu’en un seul morceau lui ont permis de créer un rupture avec les autres chaises déjà existantes ainsi que d’être un objet emblématique des années 60 et plus simplement du design d’objet. 

Constance RONDEAU



◊  Chaise DAW - Charles et Ray EAMES  ◊

Photo courtesy Danish Design Centre

Dans un contexte d’industrialisation et de production de masse, Charles et Ray Eames ont non seulement développé un élément s’inscrivant dans son époque mais traversant aussi le temps et les tendances.
La chaise DAW s’inscrit dans une série “Plastic Chairs”. Fabriquée en polypropylène teinté, l’assise est conçue industriellement par moulage formant ainsi une coque en plastique adaptable à différents types de pieds appartenant à la collection, ici en bois et métal. Cet élément développé pour accueillir parfaitement le corps peut se décliner en une multitude de couleurs grâce à son matériau.
Ainsi, à la fois unique mais aussi produite à grande échelle, la chaise DAW reflète tout une société et une dynamique particulière. En effet l’utilisation d’un matériau novateur comme le polypropylène permet d’élaborer une assise en une seule partie et de personnaliser son meuble au gré de ses envies. Le plastique rend alors possible une industrialisation du meuble de designer, c’est en usine qu’il se produit et non plus en atelier.
Une rupture se crée alors entre mobilier d’artisanat et mobilier “industriel”.

Louise PEYON



LA NATURE COMME SOURCE D’INSPIRATION



◊ Vegetal - Ronan & Erwan BOUROULLEC ◊
quand la chaise se prend pour une plante

Ronan&Erwan Bouroullec, 2009

C'est lors de la Milan Design Week de 2009 que les frères Bouroullec ont présenté leur nouvelle création, Vegetal, une chaise aux superbes lignes organiques. Cette dernière en polyamide renforcée de fibres de verre est créée par injection plastique et commercialisée par Vitra, un de leur partenaire privilégié. Pour cette création, les deux designers bretons se sont inspirés d'une technique de jardinage du début du 20ème siècles d'Amérique du Nord qui consistait à conduire les branches des jeunes arbres pour former des chaises grâce à une taille et des soins réguliers.
Ainsi, pour concevoir cette structure complexe, les designers ont associé la géométrie d'une chaise à la structure de la plante. Tel un arbre, ses pieds se transforment en ramifications qui se courbent légèrement pour dessiner l'assise. Cette chaise, dont les six coloris renvoient directement à la nature, est très légère (5,5kg). Néanmoins, elle n'en reste pas moins stable, solide et résistante face aux intempéries. De plus, ces assises sont empilables par trois pour faciliter leur rangement.
En outre, pour avoir une meilleure fluidité d'injection et qualité de structuration, les designers ont dû repenser à plusieurs reprises le dessin des branches. Le but était de transformer les sections des ramifications, circulaires à l’origine, en forme de T, sans pour autant perdre la spontanéité de base des branches. En plus d'accroître la solidité de l'assise, cette nouvelle forme a renforcé l'aspect végétal de la chaise.
Il a fallu pas moins de 4 ans aux frères Bouroullec pour concevoir cette chaise et notamment sa forme organique. Effectivement, pour obtenir l'uniformité et l'harmonie présentes chez les plantes, cette assise a été redessinée peut-être mille fois d'après ses créateurs.

Marion BERNARDI



◊  Enigmum III Chair - Joseph WALSH ◊
 entre design et sculpture

© Joseph Walsh Studio 2016
"Je crois que nous pouvons améliorer la qualité de nos vies en nous entourant d'objets qui possèdent des valeurs derrière leurs fonctions ou esthétique, qui possèdent l'intelligence dans leur création, avec lesquels nous pouvons interagir et qui stimulent les sens chaque fois que nous entrons en contact avec".
Joseph Walsh, adepte des formes futuristes, nous dévoile avec Enigmum III Chair une assise aux formes visuelles fascinantes. Les objets de ce designer irlandais détiennent une signature particulière : il est émerveillé devant la nature et tente de la reproduire dans ses créations, elles sont le résultat d'une étude physiologique. C'est le principe du biomorphisme. Le nom de cette chaise soutient l'aspect envoûtant de l'objet: Enigmum est dérivé du latin "enigma" signifiant mystère et "lignum" désignant le bois. 
Enigmum III Chair est l'aboutissement de techniques novatrices. Joseph Walsh l'a réalisé en matériaux nobles qu'il a ensuite transformé. Le bois est ainsi dénudé pour se métamorphoser en lignes légères. Il utilise les formes organiques ; la chaise pourrait presque faire penser à une silhouette animale ou végétale. Elle semble pousser du sol et sortir de son propre environnement.
Joseph Walsh nous fait découvrir une nouvelle vision du meuble le plus revisité parmi les designers. L'objet est ici à la frontière entre le design et les beaux-arts, on s'écarte du côté industriel pour le rendre vivant et attachant. 

Clara CHANTELOUP



◊  UP 5 - Gaetano PESCE  ◊

Gaetano Pesce, fauteuil UP 5, ©deco-design.biz

Le fauteuil UP 5 s’apparente à un manifeste contre le sexisme des années 70. Pesce combine les recherches émotionnelles à l’expérimentation de formes et de matériaux afin de communiquer des émotions profondes et contrastées. UP5 fait parti d’une série de six UP1, UP2, UP3, UP4, UP5, UP6. Il a pour fonction principale d’être une assise confortable et enveloppante permettant de se sentir protégé. l’UP5 est un hommage à la femme mais aussi une critique de sa condition dans notre société. Ce fauteuil qui se décline sous 8 couleurs renvoie aux formes féminines d’une déesse préhistorique de la fertilité. Le dossier et l’accoudoir, en rondeurs, rappellent une poitrine et des hanches féminines. Le fond de l’assise, lui, rappelle les cuisses d’une femme de sorte que lorsque l’on s’assoit on se sent protégé et enveloppé par notre mère. UP 5 est aussi connu sous le nom de « femme » rappelant également pour certain l’utérus, symbole de la naissance et de la protection. Il est décomposé en deux parties le fauteuil et le repose pied qui peut faire penser à un boulet. 
En effet Gaetano Pesce a voulu à travers sa création parler de la condition des femmes victimes des préjugés des hommes, avec le boulet au pied qui renvoie à l’image traditionnelle du prisonnier. Il est donc pour l’artiste une façon de parler politique sans passer par des affiches mais à travers un objet industrialisé.

Amélie PERON




L’AFFIRMATION PLASTIQUE / STYLISTIQUE



◊  Chaise Vélo - Jan WATERSTON  ◊


La chaise Velo du designer britannique Jan Waterston est un meuble dynamique inspiré de la forme des vélos modernes. Waterston dit : «La bicyclette est un objet dans lequel l'utilisateur peut sentir une relation direct avec l’objet puis la route. » Cette relation entre le corps et l'objet fait écho dans la conception de la bicyclette avec des tubes qui s'écoulent sans cesse les uns dans les autres, en constante évolution de forme, pour améliorer la fonction et l’esthétique.
La chaise reflète cette inspiration en utilisant un seul morceau de bois plié pour former tout le dossier, poussant les limites physiques du matériau. Bien qu'étant un objet quotidien, sa forme simple et sa structure élégante donnent aux utilisateurs envie de le regarder plutôt que de s’y assoir peut-être car il se présente plus tel un objet esthétique qu’un objet ergonomique.

Irmak OZKAN



◊  Tom bloc - Ron ARAD  ◊
 l’œuvre d’art avant la fonction


© Tom Bloc, Ron Arad, 2007


Bon nombre de Designers ont tenté et tentent toujours de créer des objets dont la fonction primaire n’est pas prioritaire dans le processus de création. C’est le cas de Ron Arad, Designer architecte Israélien sortant de l'académie des beaux-arts de Jérusalem, qui cherche à travailler des matériaux et des formes de manière personnelle et engagée, en traitant secondairement la fonction (chaise bibliothèque). A la manière de Massoud Hassani, Ron Arad nous amène à nous poser la question : à partir de quel moment peut-on considérer un objet comme une œuvre d’Art ? Ce Designer débute réellement sa carrière à partir des années 60 avec différentes créations telles que les fauteuils “Rover” et “Well-Tempered Chair“ ou l’étagère “Bookworm“. Avec ses premiers succès, il décide de créer différents studios/ cabinets lui assurant un rayonnement mondialement reconnu. A travers ces courbes et ces formes pures, il expérimente l'acier trempé qui est un matériau retrouvé de manière récurrente dans ses travaux (venant de ses acquis en forgerie). Ainsi, à travers ses différents fauteuils, il se crée une certaine signature personnelle.
C’est le cas de Tom Bloc, un fauteuil créé par l’artiste en 2007. Tom Bloc se traduit par une masse imposante chromée qui rappelle la forme d’un trône. La structure extérieure décrit un cube imparfait avec de légères ondulations du matériau (il y a un reflet de l’environnement, mais de manière déformée). D’autre part, l’assise est composée de légers bombés (à la manière des ondes retrouvées à la surface de l’eau. Malgré le côté imposant et plein de la forme, on y trouve une dimension fluide, dynamique, presque liquide (reflets et courbes sur le matériau). Ce fauteuil reflète bien le procédé de création de Ron Arad : il l’a créé à partir d’une seule feuille d’acier trempé (non par composition de différents éléments). Ce designer nous propose également (à sa manière) une alternative concernant sa création. En effet, bien que la forme ne change jamais, Tom Bloc ne sera jamais le même en fonction de l’espace qu’il occupe. En effet, avec son matériau ayant la propriété d’un miroir, le reflet ne sera jamais le même en fonction de l’environnement qu’il occupera. Ainsi, on peut apprécier le même fauteuil de manière différente selon l’endroit où il se trouve.
Ici, on ne parle pas d’un objet dédié à être sur le marché (procédé de création trop coûteux, compliqué et spécifique) mais plutôt d’un objet qui serait d’avantage considéré comme une œuvre d’art (d’ailleurs exposé durant une exposition aux Arts Décoratifs de Paris). À travers ces types de projets, Arad nous permet d’apprécier une dimension plus poétique et plus sensible concernant l’univers du mobilier.

Jules LEROUGE 



◊  Love - Sandro SANTANTONIO  ◊
La sensualité à l’italienne 


© Love - Sandro SANTANTONIO

Ce fauteuil aux allures de cocon a été imaginé par Sandro Santantonio et est distribué par la marque Giovannetti. Pivotant du haut de son mètre dix et de ses 130 centimètres de largeur il est constituer d’un extérieur en fibre de verre avec un renforcement en acier et d’une assise en tissus pour plus de confort. Il amène une touche de glamour à un intérieur. Sa forme peut évoquer la matrice (le ventre de la mère en particuliert), un espace dans lequel on se sent au chaud et en sécurité.
Le nom de ce fauteuil l’évoque : Love 
Une forme imposante qui évoque un cœur soutenu par un piètement central à l’apparence fragile, un contraste qui intensifie l’aspect maternel et sensuel de ce fauteuil.
Tout laisse à penser que ce siège incite à une certaine sensualité. 
Il lie confort et esthétique avec un Design contemporain.
Le slogan de la marque Giovannetti correspond parfaitement à ce que l’artiste a voulu créer à travers ce fauteuil  « Made in Italy … Made with love » .

Hermeline DUCHEMIN



  ◊  Solid C2 - Patrick JOUIN  ◊
La rencontre entre design, art et technologie 

Thomas Duval - Solid C2 par Patrick Jouin

Né à Nantes en 1967 et diplômé de l’ENSCI en 1992, Patrick Jouin est devenu une figure majeure du design contemporain français comme international. Designer complet, il touche aux différents domaines du design, avec notamment les deux sociétés dont il est à l’origine : Patrick Jouin iD pour le design industriel et Jouin Manku pour le design d'espace.
En 2004, Patrick Jouin design la série de mobilier Solid, dont font partie les chaises Solid C, Solid C2  ainsi que le tabouret S et la table T1. Plus que de simples meubles, cette série, fruit des expérimentations de Patrick Jouin et de son coopérateur Materialise, est une innovation. En effet, ce sont les premières pièces de mobilier réalisées en impression 3D selon le procédé de la stéréolithographie (technique utilisant un laser faisant durcir de la résine époxy par strate). Si ce process était, et est toujours utilisé essentiellement pour la réalisation de maquettes et de prototypes, Partick Jouin l'utilise comme un véritable process industriel, ce qui lui permet de donner à sa chaise une forme qui serait inconcevable avec les procédés traditionnels. Ainsi, « Solid C2 » semble être un entremêlement de rubans de différentes tailles tels des brins d’herbe balayés par le vent. Qu’elle soit noire, rouge, grise ou jaune, Solid C2 est une assise intrigante, tant par sa forme que par son procédé de fabrication.
Mais plus qu’une innovation, Solid C2 est une véritable œuvre d’art. Avec seulement trente exemplaires numérotés édités par MGX by Materialise, Solid C2 devient un objet de convoitise. Lors d’une vente aux enchères, la chaise numéro 4 s’est vendue 18 750$. Considéré comme une œuvre d’art, Solid C2 a également été exposée dans plusieurs grands musées partout dans le monde : au Stedelijk Museum à Amsterdam, au Moma à NYC ou encore au Centre Pompidou à Paris.
Solid C2 est donc une chaise, mais pas seulement. C’est une innovation technologique, mais pas seulement. C’est une véritable œuvre d’art.

Brandon GONDOUIN



◊  Louis Ghost - Philippe STARCK  ◊


©Louis Ghost - Philippe STARCK

Philippe Starck a toujours été un designer qui aimait jouer avec ses créations, il est l'anti designer par excellence et il le confirme encore une fois avec sa chaise Louis Ghost
Créée en 2002 la chaise Louis Ghost est fabriquée en polycarbonate (une méthode de fabrication innovante pour l’époque), entièrement transparente et arborant un style faisant référence à une époque révolue. Mais alors, on peut se demander pourquoi cette chaise est devenue un des objets design les plus vendu de tous les temps? En effet pourquoi est-ce que les gens iraient acheter une chaise, qui se vend assez cher, et qui une fois placé dans son salon n'est pas mise en valeur puisque que complètement transparente. Comme le dit Philippe Starck  "Le succès universel de la chaise Louis Ghost ne vient pas de sa conception mais de la mémoire commune", en effet son attirance serait dû à un subconscient collectif qui transcende le temps. Même si on ne peut pas forcement tout comprendre sur la cause du succès de cette chaise on peut en apprécier ses très nombreux relooking comme ceux de Christian Lacroix, John Galliano, Elizabeth Garouste ou encore Jean-Charles de Castelbajac.
Philippe Starck repousse encore une fois les limites du design en sortant une chaise qui, à première vue, a tout pour repousser mais qui pourtant attire le regard et l'imagination.

Quentin CADERO

En proposant des designs très audacieux, les créateurs sont souvent amenés à prendre une part de risque qui la plupart du temps sera récompensée. Donc souvenez-vous :
"Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche. »
© Michel AUDIARD - Un Taxi pour Tobrouk
A moins que ce ne sois l'inverse…