“Le cul entre deux chaises”
Le mot "chaise" vient du latin "catherda" signifiant siège, banc, chaire de professeur et trône. Présente dans notre quotidien, la chaise est un élément que l'on retrouve dans tous les foyers. Elle a traversé les siècles permettant aux hommes de pouvoir s’asseoir à toutes les époques. La chaise existe sous de nombreuses formes. L’aspect de confort est devenu un élément important : une chaise doit tenir compte de la pression du corps exercé sur le bassin pour ne pas contraindre l’utilisateur et ne pas l’obliger à changer fréquemment de position.
Comme beaucoup d'objet du quotidien, elle a souvent été représentée, détournée dans l’art.
Elle est pour les artistes un objet fascinant chargé de multiples significations. On la met en scène, on lui donne un nouveau sens, on la déforme, on la peint, on l’expose… La chaise n’est plus un simple objet mais un objet d’art mis en scène de différentes manières qu’elle soit en bois, en plastique, orné d’un coussin ou de velours. Que nous soyons bien assis, adossé, en tailleur, de travers ou encore à califourchon, la chaise dépasse le champ du quotidien pour investir avec malice, pertinence et impertinence le champ artistique…
Alors quelle chaise choisirez-vous?
- Constance Rondeau & Amélie Péron -
La chaise peinte
La chaise de Vincent - La chaise de Gauguin - Vincent Van Gogh
Vincent Van Gogh est né en Hollande. Homme très sensible, il a connu une vie tourmentée. Renvoyé de son premier travail, il tente de rentrer dans l’Eglise mais le fait qu’il porte trop d’attention aux pauvres ne plaisait pas à ses supérieurs. Il cherche alors un métier qu’il lui permettrait d’exprimer toutes ses émotions, sa sensibilité. Il est alors devenu peintre. Il n’a cessé de prouver son originalité avec des peintures expressives et son travail sur la couleur et la ligne. Plus tard, son travail sera un modèle pour les Fauvistes et les Expressionnistes. Mais Van Gogh n’a pas connu le succès étant vivant, homme angoissé et déprimé il finira par se suicider. Van Gogh a un style propre et affirmé il a le don de donner vie à des objets quotidiens, comme ici, la chaise.© La chaise avec sa pipe, Arles, 1888, huile sur toile 91.8 sur 73 cm, The National Gallery, Londres. |
Dans ce tableau, on voit, au premier plan, une chaise vue de haut. L’assise est positionnée au centre du tableau. Sur la chaise sont posés du tabac et une pipe. Au second plan, on remarque l’angle du mur ainsi qu’une caisse posée à gauche hors champs. Même si la perspective n'est pas exacte, la chaise peut représentée comme une invitation pour le spectateur à y siéger. Cette chaise jaune peut être vue comme un autoportrait, une évocation de l’artiste lui-même. En effet, dans un autre autoportrait, Van Gogh se représente avec une pipe et un chapeau de paille, l’assise de la chaise est en paille. De plus cette chaise est un élément repris ensuite dans le tableau La chambre de Vincent, cette fois elle n’est pas l’objet principal. Van Gogh se représente par des objets qu’ils lui appartiennent.
- Pauline Leriche -
La Nature morte à la chaise cannée, L’incorporation de la fragments de réalité dans l’art par Picasso
Nature morte à la chaise cannée, Picasso, 1912 |
L’œuvre de Pablo Picasso, la Nature morte à la chaise cannée, réalisée à Paris en 1912 signe la découverte du collage. Cette technique inspirera de nombreux mouvements comme par exemple le dadaïsme, le surréalisme… C’est avec l’intégration d’un morceau de toile cirée dans le tableau (représentant un cannage de chaise) que l’on voit la volonté de l’artiste, non plus de copier et de représenter, mais d’intégrer le réel dans son œuvre. Picasso questionne la relation de l’art et du réel. Ce lien reste ambigüe dans sa détermination puisque la toile cirée n’est pas une chaise mais incite l’esprit du spectateur à visualiser la représentation réelle d’une chaise.
Cette nature morte est composée essentiellement d’objet du quotidien : une pipe, une tranche de citron,un couteau, une coquille st Jacques, puis les lettre JOU ( « journal » ou « jouer ») le tout dans une forme ovale cernée par un faux cadre en corde qui emmène le tableau vers l’objet . En effet, ces objets peints sont difficilement repérables et restent dans une technique de représentation cubiste. Le spectateur peut alors visualiser et imaginer ces formes de lui-même . Cependant, avec le collage trompe l’oeil, l’observateur est en quelque sorte forcé à visualiser une chaise cannée et donc à se plonger dans un certain contexte (bar, brasserie ... ) imposé par cette technique d’insertion du réel. Picasso et Braque ont souhaité, par cette technique, introduire la réalité dans l’art au risque de détruire « l’illusion picturale » ( détruire le but premier de l’art qui est de représenter une copie de la nature ).Cette œuvre est l’élaboration d’une catégorie d’art qui n’est plus seulement visuelle mais plutôt conceptuelle, que l’on pourrait appeler : cubisme synthétique. Ce sont les spectateurs qui font le tableau, ils contribuent à l’élaboration de l’œuvre avec le peintre en construisant l’espace dans leur tête.
- Hermeline Duchemin -
L’électrique
Big Electric Chair, Andy Warhol
La chaise électrique est un instrument d'exécution par électrocution, inventé et utilisé aux États-Unis.
© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Adagp, Paris |
Andy Warhol a créé une série de sérigraphies et peintures sur toile. Si la chaise électrique s’impose comme motif, c’est bien sûr que la mort violente venait d’entrer dans la vie politique (assassinats de John F. Kennedy et Lee Harvey Oswald). C’est aussi qu’après l’exécution de Caryl Chessman, en 1960, un mouvement de protestation contre la peine de mort s’était développé. Cependant, cette représentation d’une chaise électrique dans la chambre d’exécution dépeint, malgré ses couleurs vives, une vision pessimiste de la société américaine. Bien plus, cette icône sale, à la mauvaise définition, et dont le jeu des couleurs ne respecte pas l’organisation, n’est qu’un fantôme d’image. Allégorie de la mort, qui figure, en même temps, la mort de la mort. La chaise est vide.
- Irmak Oskan -
La chaise au delà du design
Le Fauteuil Red & Blue de Rietveld
« Vous avez tout à fait raison, je me suis en effet blessé aux chevilles sur les protubérances, mais d’un autre côté, ce n’est pas vraiment une chaise, mais un manifeste.»
635 Red and Blue |
De Stijl est un mouvement artistique essentiellement néerlandais, construit autour de la revue “De Stijl” (le Style) dont on dénombre la parution d’une centaine de publications durant une période qui s’étend de 1917 à 1931. On définit deux grandes périodes au mouvement “De Stijl” : l’une essentiellement construite autour des découvertes picturales de Piet Mondrian; et une autre, plus constructiviste, où les idées De Stijl se sont propagées dans l’architecture, l’architecture d’intérieure, le graphisme, le design de meuble etc. dans une déclinaison plus fonctionnaliste.
La chaise Rouge et Bleu de Gerrit Rietveld se place entre ces deux périodes du mouvement. Tout d’abord, Rietveld, ébéniste néerlandais, s’inspire des caractéristiques pictural du mouvement. C’est à dire l’utilisation de lignes droites et orthogonales, de formes se limitant à des rectangles ou des carrés et enfin l’utilisation des couleurs primaires (jaune, rouge, bleu) et des non couleurs (noir, blanc, gris), des couleurs appliquées en aplat, sans mélange ni dégradé. De plus, le procédé de fabrication se veut rationnel et simple : des barreaux posés les uns sur les autres ou juxtaposés symétriquement puis fixés par des chevilles de bois. Un assemblage par boulon est destiné aux seules planches du dossier et de l’assise soumises à de fortes charges. Rietveld démontre ainsi que la construction détermine la forme externe, la fonction, autrement dit la technique et l’esthétique sont au même plan. La forme du meuble est déterminée par sa construction. La technique et l’esthétique sont donc traitées « à égalité ».
La chaise Rouge et Bleu de Gerrit Rietveld se place entre ces deux périodes du mouvement. Tout d’abord, Rietveld, ébéniste néerlandais, s’inspire des caractéristiques pictural du mouvement. C’est à dire l’utilisation de lignes droites et orthogonales, de formes se limitant à des rectangles ou des carrés et enfin l’utilisation des couleurs primaires (jaune, rouge, bleu) et des non couleurs (noir, blanc, gris), des couleurs appliquées en aplat, sans mélange ni dégradé. De plus, le procédé de fabrication se veut rationnel et simple : des barreaux posés les uns sur les autres ou juxtaposés symétriquement puis fixés par des chevilles de bois. Un assemblage par boulon est destiné aux seules planches du dossier et de l’assise soumises à de fortes charges. Rietveld démontre ainsi que la construction détermine la forme externe, la fonction, autrement dit la technique et l’esthétique sont au même plan. La forme du meuble est déterminée par sa construction. La technique et l’esthétique sont donc traitées « à égalité ».
Cependant, ce meuble ne semblait pas être destiné au marché des consommateurs. En effet, elle n’a jamais été commercialisée, par ailleurs elle fut une expérimentation autour des idées : de confort, du faire soi-même grâce à un montage à priori facile, d’expressions esthétiques à partir de formes élémentaires.
La chaise rouge et bleue fut l’utopie d’une création parfaite et totale, entre deux hommes qui ne se sont jamais rencontrés mais qui se sont réunis autour d’un mouvement: De Stijl.
- Mathis Jagorel -
Chaise “Leda”, Salvador Dali
Femme à la tête rose, Salvador Dali, 1935 |
C'est une assise : trois pieds, un seul accoudoir. Mais elle se différencie des chaises de designers. Effectivement, son créateur est particulier : Salvador Dali, grand et étonnant artiste pourtant connu pour ses peintures plus folles les unes que les autres. La Chaise Leda est ainsi un rêve devenu réalité ; une image devenue sculpture. Dali dessine ce meuble inspiré de son tableau Femme à la tête rose en 1935 pour son ami fabricant et décorateur Jean-Michel Frank, afin d'appliquer l'art à d'autres disciplines. Elle fut sculptée par Joaquim Camps, mise en production et commercialisée par BD Barcelona Design dans les années 1990.
Chaise Leda © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, VEGAP |
C'est ainsi que le décor qui peuplait le tableau s'est transformé en mobilier contemporain. On retrouve dans la Femme à la tête rose tout comme la Chaise Leda les thèmes abordés par l'artiste dans ses peintures : le rêve, la sensualité mais surtout sa femme dont il s'inspire, Gala. Dans l'œuvre en 2 dimensions on aperçoit des transformations bizarres : une des jambes de la femme au centre du tableau est transformée en statue rigide tandis que les meuble semblent prendre vie.
Chaise Leda © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, VEGAP |
Réalisée en 3 dimensions, cette chaise paraît toujours aussi surréaliste. Elle semble plus vivante que jamais avec ses 4 pieds qui se transforment en bras pour l'accoudoir. Comme si une femme avait été figée et métamorphosée en chaise. Comme un corps enveloppé d'or.
-Clara Chanteloup -
La démesurée
Chaise, Lilian Bourgeat
© chaises , 2008 Lilian Bourgeat– polyester resin – 196 x 125 x 115 cm |
Lilian Bourgeat est un artiste contemporain révélé sur la scène artistique au milieu des années 90. Il est connu pour ses œuvres surdimensionnées. Son travail se caractérise par un goût constant pour le jeu et la farce. Ses réalisations sont composées d’objets du quotidien, détournés de manière exagérée notamment dans leurs tailles.
Les objets du quotidien ne cessent d'envahir le monde de l’art (frigidaires de Lavier et bibelots de Jeff Koons). En proposant une œuvre d’un banal salon de jardin, Lilian Bourgeat continue la tradition de tous ces artistes qui se sont intéressés aux objets du quotidien. Avec sa Chaise de 2008, Lilian Bourgeat a créé une chaise de jardin surdimensionnée. Il déstabilise et interpelle le spectateur en changeant le rapport d'échelle entre le corps et l’objet usuel. Ici, la chaise de jardin sort de son ordinaire et atterrit sur le devant de la scène. Bourgeat perturbe le cours normal des choses pour atteindre le spectateur qui peut se sentir dominé par des objets auxquels on apporte peu d’importance. Tous les repères de mesures et de perceptions se trouvent chamboulés. La chaise de Bourgeat n'est plus, ou très mal adaptés à l’usage que nous en faisons habituellement. Il n’est pas très aisé de se hisser sur une chaise qui mesure plus d’un mètre de haut. Ce changement de proportion nous emmène dans l’univers de l’enfance ; pour un bébé à quatre pattes, une chaise doit paraître énorme. Il est certain que « les Voyages de Gulliver » ou « Alice au Pays des merveilles » ont inspiré Lilian Bourgeat, les personnages de ces romans évoluent dans des espaces et des pays où tout apparaît beaucoup plus grand ou plus petit qu’eux.
Les objets du quotidien ne cessent d'envahir le monde de l’art (frigidaires de Lavier et bibelots de Jeff Koons). En proposant une œuvre d’un banal salon de jardin, Lilian Bourgeat continue la tradition de tous ces artistes qui se sont intéressés aux objets du quotidien. Avec sa Chaise de 2008, Lilian Bourgeat a créé une chaise de jardin surdimensionnée. Il déstabilise et interpelle le spectateur en changeant le rapport d'échelle entre le corps et l’objet usuel. Ici, la chaise de jardin sort de son ordinaire et atterrit sur le devant de la scène. Bourgeat perturbe le cours normal des choses pour atteindre le spectateur qui peut se sentir dominé par des objets auxquels on apporte peu d’importance. Tous les repères de mesures et de perceptions se trouvent chamboulés. La chaise de Bourgeat n'est plus, ou très mal adaptés à l’usage que nous en faisons habituellement. Il n’est pas très aisé de se hisser sur une chaise qui mesure plus d’un mètre de haut. Ce changement de proportion nous emmène dans l’univers de l’enfance ; pour un bébé à quatre pattes, une chaise doit paraître énorme. Il est certain que « les Voyages de Gulliver » ou « Alice au Pays des merveilles » ont inspiré Lilian Bourgeat, les personnages de ces romans évoluent dans des espaces et des pays où tout apparaît beaucoup plus grand ou plus petit qu’eux.
- Camille Metayer -
L'accumulation
Cathédrale de chaises, Tadashi Kawamata
© Cathédrale de chaises, 2007, oeuvre in situ, Installation « L’emprise du lieu », Expérience Pommery #4, Domaine Pommery, Reims. c Tadashi Kawamata. Photo de Andreas Pluskota |
« Les chaises ici, ce sont des personnes, des âmes, une infinité d’individus porteurs de frères, qui s’asseyent depuis des temps immémoriaux pour rassembler leur prières et les faire monter ou espérer un peu s’élever avec elles. »
Ainsi est présentée l’œuvre “Cathédrale de chaises” réalisée par l’artiste Tadashi Kawamata, qui nous invite dans un espace où sensible et intelligible se côtoient par l’accumulation de chaises s’élevant dans un lieu empreint de spiritualité. Plasticien japonais, Kawamata s’est révélé par la réalisation d’œuvres in situ dans le monde entier. Le plus souvent éphémères, elles mettent en lumière l’invisible par l’accumulation d’un simple objet qui perd sa fonction pour présenter une identité différente du lieu l’accueillant, initiant alors une réflexion concernant l’espace architectural. À la demande du festival d’Automne de Paris, il investit en 1997 la Chapelle Saint-Louis de l’hôpital de la Pitié Salpétrière. Quand il le visite pour la première fois, il découvre un lieu empreint de calme et de spiritualité, idée qu’il va s’efforcer de restituer dans son installation. Quatre milles chaises d’église cassées sont ainsi entassées dans la chapelle, venant former un impressionnant « passage de chaises ». Tadashi Kawamata donne une nouvelle fonction à ces chaises cassées qui ne pouvaient plus assurer la leur, déstabilisant les visiteurs en remaniant l’espace, questionnant le lieu . A l’image d’un patient entrant à l’hôpital, il vient associer les chaises cassées pour leur donner une nouvelle fonction. Les valeurs du lieu : la grandeur, l’élévation spirituelle et le caractère fédérateur sont ainsi mis en valeur de par cette installation gigantesque. La chaise dépasse ici le simple statut d’objet : son accumulation en fait une installation métaphorique, au travers de laquelle chacun peut percevoir différents messages.
Ce sont les mêmes valeurs que Tadashi Kawamata tente de transmettre en 2007 à la Pommery Experience #4 à Reims avec son installation « cathédrale de chaises », reprenant l’idée et les matériaux de son oeuvre ultérieure « passage de chaises ». En l’installant dans une grotte, il propose une idée architecturale en restructurant l’espace et fait de la chaise un objet métaphorique. Métaphore de l’élévation spirituelle, de l’union ou encore de la Vérité (allégorie de la caverne, La République Livre VII. Platon) … il ajoute de la valeur à l’objet, qui prend ici un aspect sacré.
Par sa simple accumulation la chaise devient porteuse de message, et un véritable objet métaphorique.
- Pauline Oger -
Black Whole Conference, Michel de Broin
© Michel de Broin, 2006, http://micheldebroin.org/fr/black-whole-conference-i/ |
Une sphère de 74 chaises reposant seulement sur l'une d'entre elles… Impossible ? Non, pas pour Michel de Broin ! Ce dernier interroge, par le biais de la sculpture, la performance ou encore l'installation, « le contrôle de l'espace symbolique et social »(MAC VAL). Exposée depuis 2006 au Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, cette impressionnante sphère de 4 mètres de diamètre est intitulée Black Whole Conference, jeu de mot avec "Black hole" qui signifie trou noir en anglais.
En effet, de par sa forme, cette structure suggère un trou noir, voire même un système immunitaire protégé par de nombreuses « épines ». Pour Michel de Broin, le trou noir est l'objet le plus attractif qui existe. Ainsi, sa « circonférence de trous noirs » est tellement attractive, qu'elle finit par absorber tout son contenu. Par ailleurs, le trou noir est un espace impénétrable, c'est pourquoi, l'artiste utilise les pieds des chaises comme protection contre le monde extérieur. Cette conférence qui est déjà très attractive, le devient d'autant plus si on nous empêche d'y pénétrer. Cependant, on a une toute autre vision de l’œuvre quand on se situe à l'intérieur. Les chaises semblent tourbillonner autour de nous comme dans un manège. © Michel de Broin, 2006, http://micheldebroin.org/fr/black-whole-conference-i/ |
Dans cette œuvre, la chaise occupe une place primordiale. En outre, l'artiste voulait que la chaise garde son apparence et que ses pieds restent les éléments qui structurent la configuration de la forme. Cette chaise, copie de celle de Robin Day, est légère, simple, empilable et modulaire. Néanmoins, sa banalité est complètement effacée, quand elle devient la pièce maîtresse d'une œuvre qui défie les lois de la gravité.
- Marion Bernardi -
Au détour d'une chaise…
La fonction des objets est perdue, détournée, pour composer une œuvre à part entière destinée aux galeries d’art. Si ce premier ready-made se compose de deux éléments assemblés, les œuvres du même genre la suivant ne subiront, elles, aucune transformation. Ainsi le Porte-bouteilles acheté dans un grand magasin parisien se verra affublé d’une nature artistique par Marcel Duchamp qui l’exposera dans les musées et galeries d’art.
Cette sculpture de Roue de bicyclette sur son tabouret lui servant de socle, donne à l’objet de l’importance à l’instar d’une figure d’homme illustre sur son piédestal en référence à la sculpture traditionnelle. En mettant en avant cette roue, Marcel Duchamp met en œuvre les notions de temps, de mouvement et donne à voir la capacité hypnotique de cet objet. Cette œuvre fait écho à la série de travaux sur le mouvement poursuivi par l’artiste depuis le Nu descendant l'escalier de 1912. L'invention du Readymade par Marcel Duchamp ouvre une perspective et permet aux objets réels, manufacturés (Les chaises par exemple) d'entrer dans le champ de l'art…
Roue de bicyclette 1913, Marcel Duchamp
La Roue de bicyclette, créée à Paris en 1913, est une œuvre considérée comme le premier ready-made de Marcel Duchamp. Il s’agit d’une sculpture composée de deux objets manufacturés fixés l’un à l’autre : une roue de bicyclette à l’envers sur un tabouret.
Marcel Duchamp: Roue de bicyclette, unknow, Centre Pompidou Metz |
La fonction des objets est perdue, détournée, pour composer une œuvre à part entière destinée aux galeries d’art. Si ce premier ready-made se compose de deux éléments assemblés, les œuvres du même genre la suivant ne subiront, elles, aucune transformation. Ainsi le Porte-bouteilles acheté dans un grand magasin parisien se verra affublé d’une nature artistique par Marcel Duchamp qui l’exposera dans les musées et galeries d’art.
Marcel Duchamp: Porte-bouteilles, unknow, Centre Pompidou Metz |
- Jason Chapron -
Le petit déjeuner de Kichka I, Daniel Spoerri
© Image: Daniel Spoerri, Kichka’s Breakfast, 1960, Source: Museum of Modern Art, New York, NY |
Telle une nature morte, déjà consommée, laissée en suspens, abandonnée par son créateur, Le Petit déjeuner de Kichka I nous questionne sur la temporalité. En effet, Daniel Spoerri réalise de nombreux “tableaux” figés qui sont en réalité les restes d’un repas posés tels quels sur une table. L’artiste vient alors figer les scènes grâce à une résine collante, laissant ainsi les repas s’immortaliser. C’est en changeant le point de vue du plateau de la table, et des objets présents, que Spoerri vient placer une scène quelconque de la vie courante au rang d’œuvre d’art. On qualifiera d’ailleurs ses réalisations de “Tableaux pièges”. Se plaçant entre la nature morte et la scène de genre, ses œuvres témoignent d’un passage, d’une banalité…
Ce regard novateur que porte Spoerri sur la relation aux repas, reflète en réalité la citation de Jean Anthelme Brillat-Savarin “Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es”. Le plateau de la table à manger se place comme un portrait d’un individu. La présence de la chaise prend alors tout son sens, en effet au lieu d’effectuer sa fonction principale d’assise pour accueillir une personne, elle vient soutenir le plateau de petit déjeuner représentant Kichka. La chaise aide non seulement le spectateur à la compréhension de l’oeuvre en personnifiant l’objet, mais en étant changée de point de vue elle porte le petit déjeuner comme un cadre pourrait supporter une peinture.
Au travers du travail de Daniel Spoerri, la chaise se place en tant qu’objet, support, mais aussi en tant que portrait figé par le temps.
- Louise Peyon -
One and three chair, Joseph Kosuth
© Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP © Adagp, Paris |
“One and three chair” est une œuvre réalisée en 1965, par Joseph Kosuth, figure majeure de l’art conceptuel (art se caractérisant par la primauté de l’idée sur la réalisation). Il s’agit d’une composition de trois éléments distincts de tailles approximativement égales représentant un seul et même concept, placés contre une cimaise: une chaise industrielle quelconque en bois en tant qu’objet tridimensionnel, une photographie en noir et blanc (environ à l’échelle 1) en tant que représentation bidimensionnelle, à gauche, et une définition de l’objet tirée d’un dictionnaire en tant qu’expression par le langage, à droite. Cette œuvre représente un même sujet mais de trois manières différentes, sans répétition. En effet, les trois éléments se complètent et énoncent tous trois, trois réalités expressives différentes, formant une unité vis-à-vis du sujet mais irréductibles les unes par rapport aux autres : lorsque l’image est insuffisante à la compréhension du sujet, elle est complétée par le langage qui lui-même, quand il est insuffisant est complété par l’objet. Joseph Kosuth explique son œuvre : « Mon travail […] traite des multiples aspects d’une idée de quelque chose ».
© Josheph Kosuth - One and three chair (1965) |
Joseph Kosuth n’a rien créé lui-même, il a « seulement » assemblé différents éléments existant pour en faire une œuvre qui interroge. Ce n’est pas tant l’objet qui est intéressant, mais plutôt le sens de cet objet. En effet, Joseph Kosuth a réalisé plusieurs version de cette œuvre avec des chaises différentes ce qui montre que l’objet en lui-même n’a pas d’importance. C’est ainsi que l’œuvre reste intacte dans son sens et ce même si l’on change l’objet, sa représentation ou même son lieu d’exposition.
- Brandon G -
Licorne, Pierre Ardouvin
© Licorne - 2015 - Photo Pierre Ardouvin © Pierre Ardouvin ADAGP. |
Adepte du souvenir et de la nostalgie, Pierre Ardouvin met en exergue la chaise d’écolier dans son œuvre qu’il nommera “Licorne” en 2015. En effet, l’assise est le point de départ de la sculpture, d’une part elle permet l’équilibre mais elle offre aussi une vision plutôt explicite de l’école, un domaine dans lequel chaque observateur va pouvoir rattacher son propre vécu. De plus, c’est un élément caractéristique de la normalisation industrielle tout comme le milieu scolaire peut être vecteur de standardisation. La connotation de l’enfance se poursuit lorsque l’on s’attache aux jouets suspendus, par leur lévitation, ils traduisent la légèreté et l’esprit volatile que peut avoir un enfant. Pourtant, il s’agit essentiellement de jouets représentant du mobilier ce qui émet un rapprochement au domicile familial, un lieu où l’écolier pourra s’adonner à toutes sortes d’activités. C’est ainsi que l’on peut constater une fracture entre deux univers : d’un côté, l’univers encadré et réglementé du domaine scolaire, et d’un autre, l’univers d’évasion et de divertissement du domaine extra-scolaire. L’harmonie créé par Pierre Ardouvin dans sa sculpture se tient seulement par l’intermédiaire d’une seule branche, elle reprend la matière de la chaise, le bois, et vient se fixer en point sur le dossier comme si elle y prenait racine. Puis elle se déploie de manière aléatoire et totalement naturelle pour venir accrocher, via un fil, la composition de jouets de maison de poupée. Un fragile équilibre prend forme.
- Julien Cougnaud -
Chaise de graisse, Joseph Beuys
Chaise de graisse, installation, Joseph Beuys, 1964 ©Joseph Beuys |
Joseph Beuys est un artiste allemand travaillant notamment la sculpture, l’art des performances/installations. Il a été actif en Europe et aux Etats-Unis des années 50 jusqu’aux années 80. La nature de ses œuvres varient du dessin, à la peinture, et à la sculpture, la performance, souvent avec une dimension sociale, psychologique ou politique. Pilote dans l’armée de l’air allemande pendant la deuxième guerre mondiale, il a eu un accident d’avion Beuys en Crimée. Il s’est réveillé enroulé dans du feutre et recouvert de graisse par des Tartares qui l'ont soignée. C’est à partir de cette expérience formatrice qu’il a construit la totalité de sa légende et de son œuvre. Beuys a notamment fait partie d’un groupe appelé Fluxus. C’est un mouvement créé par des artistes autant une façon de penser l'art qu’une façon de vivre. La réponse de Beuys face aux créations de ses contemporains était de dire qu’elles étaient « trop bonnes car elles n'acceptent pas le chaos ». Les membres du groupe tournent le dos à l’aspect commercial de la société et se dirigent plus vers des objets trouvés et des installations éphémères basées sur le temps et les actions des spectateurs. Le compositeur et plasticien américain John Cage a résumé leurs sentiments en disant que "L'art a estompé la différence entre l'art et la vie. Laissons maintenant la vie estomper la différence entre la vie et l'art". C’est a base de cette idée que Fluxus a cherché la création des oeuvres qui naissent et meurent dans l’endroit ou elles ont été créées.
“Chaise de graisse” est une vieille chaise avec un bloc triangulaire de graisse qui a été posé dessus. C’est une vieille chaise de cuisine couverte de marques et de traces. Créée en 1964 et placée dans une vitrine , “Chaise de graisse” a vécu un lent processus de décomposition jusqu'à 1985. Au fur et à mesure du temps la graisse a pourri, presque évaporé, laissant que des traces sur l’assise. Fidèle à l’esprit de Fluxus, une fois ayant atteint la fin de son parcours, l’œuvre a été détruite. Elle utilise deux matériaux de la vie quotidienne qui sont aussi deux composants organiques - la graisse et le bois. Le résultat de cette association est une métaphore pour le corps humain et une représentation de son statut comme objet non permanent. A travers ces éléments organiques, les spectateurs s'imaginent comme les occupants de cette chaise. La “Chaise de graisse” devient donc un objet qui nous mène à l’introspection. On se confronte à la nature éphémère de la vie humaine et la relation de cela avec notre quotidien.
- Elise Cugnart -
Lévitation de chaises, Philippe Ramette
© Adagp, Paris, 2007 |
Philippe Ramette est un sculpteur contemporain qui commença à proposer ces premières créations à la fin du 20ème siècle. Cet artiste travaille beaucoup avec des réalisations d’objets (souvent associés à d’autres) qui deviennent des objets de réflexions (il cherche à leur faire quitter leur dimension physique pour leur donner une dimension métaphorique). Il aime ainsi jouer avec l’imaginaire et la perception. Ainsi, ces œuvre peuvent prendre une tournure absurde ou encore humoristique.
Parmi toutes ses sculptures, on peut retenir « Lévitation de chaise » (créée en 2005) qui apporte une réelle confusion dans l’espace et qui s’oppose aux lois physiques connues de tous. En effet, avec ce travail il propose une intégration d’objet dans l’espace tout à fait particulière : Une chaise en bois (structure en bronze peinte texture bois) lévite et semble être retenu dans sa monté par une corde posée au sol. Philippe Ramette se joue des lois de la gravitation (sujet abordé dans plusieurs autres de ses œuvres). Seulement, il y attribue un univers assez poétique (courbes, fluidité et souplesse de la corde). Ainsi, il détourne avec malice et de manière spirituelle, des phénomène considérées comme ordinairement impossibles. Cette sculpture est réalisée en détournant les matière (la corde et la chaise sont en bronze) et en jouant avec des notions d’équilibre…
Pourquoi la chaise ? Cet objet est un des plus connus et travaillés, il évoque pour chacun quelque chose de particulier et personnel. Ainsi, de le voir s’élever, bouger et prendre vie peut nous interpeller de manière beaucoup plus sensible.
- Jules Lerouge -
La recyclée
5.5 designers
Loin de la création d’une nouvelle chaise, le projet Réanim des 5.5 designers cherche au contraire à mettre fin à cette surproduction de nouvelles formes, nouvelles couleurs et en général nouveau mobilier d’assise. Pourquoi cela ? Parce que l’acte, en apparence innocent de la commercialisation d’une nouvelle “chaise design” les ferait participer à l’évolution d’une société de renouvellement qui ne cherche que le dernier modèle en vogue et dans une optique matérialiste ne se soucie que peu de la fonction ou de l’histoire de l’objet. Leur réponse à cette problématique est un projet de grande envergure qu’ils résument de manière brève : RÉANIM : du mobilier « ressuscité ». Il s’agit en fait d’un kit de pansements pour mobilier abandonné ou abîmé. L’idée ici, n’est nullement de restaurer ou détourner les objets mais bien de les réhabiliter, prolonger la vie et l’histoire d’objets déclarés inaptes et inutiles.Concrètement Réanim c’est quoi ? Un ensemble d’objets pansements verts fluo : par exemple une assise en plastique que l’on peut fixer à l’aide de sangles sur l’assise percée d’une chaise cannée.
© 5.5 Designers - Chaque pansement de la collection s’accompagne d’un protocole simple et imagé en trois étapes |
Les 5.5 designers redéfinissent de cette manière le rôle du designer, il ne s’agit plus de répondre à la frénétique demande du marché mais de dire STOP et de prendre le temps de regarder et d’apprécier les objets à leur juste valeur. De reconsidérer la vieille chaise de grand mère à l’assise défoncée , qui ornée d’une assise en plastique vert fluo revêt le même caractère contemporain et tape à l’œil que n’importe laquelle des toutes dernières chaises “design”.
© 5.5 Designers - Une chaise réanimée |
Le groupe de créateurs a présenté son projet de nombreuse fois, sous la forme de performances chirurgicales, faisant des chaises, des patientes, et utilisant l’accident, l’usure, la faiblesse, comme matière à la création. Un concept qui a fait mouche puisque en 2006, le FNAC achète la collection de pansements.
Réanim serait-il la réponse au problème d’obsolescence si souvent évoqué dernièrement?...
- Tassia Konstantinidis -
Et pourquoi pas?
Au sommet après en avoir tant chié, Erik Dietman
© Erick Dietman – Au sommet après en avoir tant chié (1992) Bronze |
« J’ai toujours pensé que les peintres étaient simples d’esprit, sauf une poignée d’entre eux qui font de la sculpture mieux que les sculpteurs – voir par exemple Daumier, Degas, Gauguin, Matisse, Picasso, Barnett Newman, De Kooning et moi-même » Erik Deetman.
Erik Dietman est un artiste en marge des courants artistiques de son époque, se servant de l'humour comme vecteur de ses caricatures de la société moderne. Au sommet après en avoir tant chié est une œuvre méconnue de l'artiste, néanmoins elle n'en reste pas moins dans la continuité de son travail. Créée en 1992, la sculpture est composée de bronze, d'un pigeon (empaillé) posé sur une chaise, trônant au dessus de son tas d’excréments. Le pigeon a souvent été utilisé par des créateurs, on peut citer par exemple Edward Allen Poe ou encore Alfred Hitchcock. Ici, l'oiseau sert de caricature à la réussite et au carriérisme. Dietman utilise le pigeon, l’oiseau urbain par excellence, souvent pris pour plus stupide qu'il ne l'est, pour symboliser les personnes pour qui la réussite sociale est le but à atteindre. La chaise joue un rôle primordiale dans cette œuvre, elle symbolise le trône symbole de réussite et d'autorité. Tel un roi, le pigeon , est assis sur son trône même si celui ci ne s'est pas acquis sans travail et souffrance. Comme à son habitude, Erik Dietman se sert des jeux de la langue, des jeux des formes et des objets, pour ironiser et se moquer de nos travers sociaux.
- Quentin Cadero -
ELLE EST OU LA CHAISE DE MACKINTOSH ???!!
RépondreSupprimerQuelqu’un connaît-il une entreprise d’injection plastique en Espagne ou en France?
RépondreSupprimerAnonymat
RépondreSupprimerAnonymat
RépondreSupprimerCe fil du blog d'une protubérance idyllique, est un détour incontesté pour les excès de nos vitalités émoustillées.
RépondreSupprimerwesh la street, c vraiment un truc de OUF les chaises, j'adore tellement, sa me procure du bonheur lol
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