Histoire de socle
Le socle, objet qui prend ses libertés ?
L'histoire du socle accompagne l'histoire de la sculpture, car les artistes ont souvent chercher un dispositif pour mettre en équilibre et en valeur leurs œuvres sculptées.
Le socle sert d'intermédiaire entre la sculpture et le sol. En étant surélevée par le socle, la sculpture prend valeur, se met à distance du spectateur voire le domine.
On peut observer une rupture avec Rodin, dont les socles font parfois partie des sculptures, qui semblent en émerger. La séparation nette entre socle et sculpture disparaît de plus en plus et les deux se lient, se confondent, pour former un tout.
Par la suite dans l’art contemporain, les artistes peuvent choisir de donner une place plus importante au socle, qui empiète sur la sculpture, ou parfois le faire complètement disparaître…
Zoé Oberlé - Jean Sénécal
1-Le socle traditionnel…
« Ce n’est pas une parenthèse mais un encadrement »
©djibnet.com |
La statue équestre de Louis XIV située sur la place d’Armes devant le château de Versailles à Paris est une statue en bronze dessinée par Pierre Cartellier. Elle est à la fois un hommage au roi créateur de Versailles, et un point de rencontre entre le château et la ville. Plus largement encore, un point de rencontre entre Versailles et le monde, puisqu’elle accueille très en amont les visiteurs du château par son emplacement. La statue est placée à 4m du sol, sur un socle classique à double niveau qui la rend encore plus imposante..
En 2011, Bernard Venet investit Versailles par ses sculptures monumentales et minimalistes. Connu pour ses œuvres en acier qui prennent la forme de lignes droites, de courbes ou d’obliques, il exposera au château sept œuvres, dont une sur laquelle nous porterons un intérêt particulier. Baptisée 85,8° Arc x 16 (Titre descriptif faisant référence à des mesures de l’œuvres et à son aspect géométrique), l’œuvre placée entre la sculpture équestre -présentée ci-dessus- et le château impressionne. D’immenses arcs en acier rouge-brun semblent encadrer la statue ou le château, selon le point de vue choisi. Quel que soit l’endroit où se trouve le spectateur, les Seize arcs que constituent cette sculpture marquent une rupture d’échelle avec l’environnement. S’élevant à 22m de hauteur, la sculpture surgit du sol, sans piédestal, devenant en quelque sorte elle-même socle de la Sculpture de Louis XIV.
©lemonde.fr |
Ebony Lerandy
Les Danaïdes, personnages antiques de la mythologie grecque sont les 50 filles du dieu Egyptos, frère de Danaos et fils de Bélos. A la mort de de leur père, Egyptos entrepris d’envahir le territoire que Danaos avait reçu en héritage afin de reconstituer le royaume de son père. A la suite des affrontements, Egyptos proposa à Danaos de marier leur 50 filles et fils afin de mettre un terme à leur rivalité ; seulement Egyptos craignant une ruse confia à ses 50 filles un poignard et leur ordonna de tuer leurs maris respectifs le soir même de leurs noces.
Alberto Giacometti nait en 1901 à Stampa en Suisse et meurt en 1966. Il est connu en tant que modeleur et sculpteur mais il est également peintre. Il passe la majeure partie de sa vie à Paris où il fait de multiples rencontres entre Jean-Paul Sartre et les surréalistes tel André Breton. Ici, L’Homme qui chavire, sculpture datant de 1950 soit une décennie avant la très célèbre sculpture : l’Homme qui marche qui détiendra le record du plus haut prix des ventes aux enchères de sculpture. c’est en effet avec ses sculpture en bronze longiligne qu’il parviendra à accéder à la notoriété dans les année 1945. Il commence à y réfléchir par les dessin dès 1947. Pour ce qui est de la fabrication Giacometti utilise une armature de fil de fer sur laquelle il modèle de la terre et du plâtre le tout retenu par de la filasse. De plus il aime jouer avec l’aspect non-fini de son travail et laisse ses empreintes et marques d’ongle dans la matière. Enfin l’artiste change de médium pour finir son oeuvre et passe au bronze. Ses statuettes en bronze sont réalisées en petites séries.
L’Homme qui chavire traduit l’expression du vide et du déséquilibre. On se demande presque comment cette sculpture fait pour ne pas tomber. Elle tient grâce au socle bien sûr qui, ici, fait partie intégrante de l’œuvre. Il n’a pas qu’une fonction mécanique visant à présenter et protéger la sculpture, il a aussi une fonction de compréhension en effet le socle, un cylindre massif, contraste avec la finesse du personnage longiligne et accentue l’impression de fragilité et de déséquilibre. Finalement c’est grâce au socle qu’on se rend compte à quel point le personnage chavire, la fonction du socle est inversée et visuellement celui-ci donne une impression de déséquilibre. Jean-Paul Sartre écrira en 1954 à propos de l’artiste : « Giacometti est devenu sculpteur parce qu’il a l’obsession du vide. » En effet Giacometti pour ses séries de petites statues en bronze travaillera sur l’interaction de fins personnages tenu par un socle massif.
2-…Le socle qui s’intègre à la sculpture…
La Danaïde, l’éternel supplice.
« La Danaïde », Auguste RODIN, 1889 ©Musée Rodin – Photo : Christian Baraja |
« Les Danaïdes », John WATERHOUSE, 1903, coll. Part.
©Musée Rodin – Photo : Christian Baraja
|
Les Danaïdes, personnages antiques de la mythologie grecque sont les 50 filles du dieu Egyptos, frère de Danaos et fils de Bélos. A la mort de de leur père, Egyptos entrepris d’envahir le territoire que Danaos avait reçu en héritage afin de reconstituer le royaume de son père. A la suite des affrontements, Egyptos proposa à Danaos de marier leur 50 filles et fils afin de mettre un terme à leur rivalité ; seulement Egyptos craignant une ruse confia à ses 50 filles un poignard et leur ordonna de tuer leurs maris respectifs le soir même de leurs noces.
Quarante-neuf d’entre-elles s’y résignèrent, pas Hypermnestre, trop éprise de son mari Lyncée qui pour venger ses frères tua son beau-père et les 49 sœurs d’Hypermnestre. Après leur mort, les Danaïdes arrivèrent aux enfers et furent précipitées dans le Tartare, lieu où les grands criminels subissent les pires tortures physiques et psychologiques pour expier leurs fautes ; Les Danaïdes furent condamnées à remplir éternellement des jarres percées.
Malgré la terrible tâche qui incombe aux danaïdes dans le Tartare, A. Rodin dans sa sculpture ne travaille pas sur une représentation classique du sujet (même s’il est peu traité -> J. Waterhouse) ; sa sculpture représente une seule des danaïdes, nue, dans une position prostrée enroulée autour d’elle-même, une jarre renversée à ses côtés. Elle paraît-être harassée par la tâche qu’elle effectue sans cesse, sa position résignée la montre en difficulté malgré la beauté et la pureté extérieure de son corps. Le socle lui est traité de façon plus primaire laissant apparaître la trace des outils.
Le fait qu’elle ne soit pas complète apporte à cette sculpture quelque-chose d’autant plus beau et communicant : une partie de son corps s’efface dans la roche brute du socle et sa chevelure se fond dans un mouvement uni avec celui de l’eau de la jarre renversée à ses côtés. Cet effet apporte à la sculpture drame et poésie, on pourrait dire qu’à travers l’eau renversée la danaïde s’avoue vaincue et arrive au terme de son supplice en faisant corps avec sa tâche. La fin de son supplice s’achèverait par une accession au repos symbolisé par le socle qui représenterai alors la terre.
Dans cette sculpture, le socle n'est plus vraiment un socle, mais plutôt la roche brute de laquelle Rodin a fait émerger la Danaïde.
François-Marie Vaillant
Le fait qu’elle ne soit pas complète apporte à cette sculpture quelque-chose d’autant plus beau et communicant : une partie de son corps s’efface dans la roche brute du socle et sa chevelure se fond dans un mouvement uni avec celui de l’eau de la jarre renversée à ses côtés. Cet effet apporte à la sculpture drame et poésie, on pourrait dire qu’à travers l’eau renversée la danaïde s’avoue vaincue et arrive au terme de son supplice en faisant corps avec sa tâche. La fin de son supplice s’achèverait par une accession au repos symbolisé par le socle qui représenterai alors la terre.
Dans cette sculpture, le socle n'est plus vraiment un socle, mais plutôt la roche brute de laquelle Rodin a fait émerger la Danaïde.
François-Marie Vaillant
Equilibre incertain
Giacometti - L'Homme qui chavire - 1950 ©Fondation Alberto et Annette Giacometti, Paris + ADAGP, Paris, 2013, © RMN-Grand Palais / Michèle Bellot |
Alberto Giacometti nait en 1901 à Stampa en Suisse et meurt en 1966. Il est connu en tant que modeleur et sculpteur mais il est également peintre. Il passe la majeure partie de sa vie à Paris où il fait de multiples rencontres entre Jean-Paul Sartre et les surréalistes tel André Breton. Ici, L’Homme qui chavire, sculpture datant de 1950 soit une décennie avant la très célèbre sculpture : l’Homme qui marche qui détiendra le record du plus haut prix des ventes aux enchères de sculpture. c’est en effet avec ses sculpture en bronze longiligne qu’il parviendra à accéder à la notoriété dans les année 1945. Il commence à y réfléchir par les dessin dès 1947. Pour ce qui est de la fabrication Giacometti utilise une armature de fil de fer sur laquelle il modèle de la terre et du plâtre le tout retenu par de la filasse. De plus il aime jouer avec l’aspect non-fini de son travail et laisse ses empreintes et marques d’ongle dans la matière. Enfin l’artiste change de médium pour finir son oeuvre et passe au bronze. Ses statuettes en bronze sont réalisées en petites séries.
L’Homme qui chavire traduit l’expression du vide et du déséquilibre. On se demande presque comment cette sculpture fait pour ne pas tomber. Elle tient grâce au socle bien sûr qui, ici, fait partie intégrante de l’œuvre. Il n’a pas qu’une fonction mécanique visant à présenter et protéger la sculpture, il a aussi une fonction de compréhension en effet le socle, un cylindre massif, contraste avec la finesse du personnage longiligne et accentue l’impression de fragilité et de déséquilibre. Finalement c’est grâce au socle qu’on se rend compte à quel point le personnage chavire, la fonction du socle est inversée et visuellement celui-ci donne une impression de déséquilibre. Jean-Paul Sartre écrira en 1954 à propos de l’artiste : « Giacometti est devenu sculpteur parce qu’il a l’obsession du vide. » En effet Giacometti pour ses séries de petites statues en bronze travaillera sur l’interaction de fins personnages tenu par un socle massif.
Myriam Burgaud
3-… se débarrasser du socle
Les Finitions de l'Infini
Brancusi - La Colonne sans fin (1928) ©SebMénard, août 2011 |
©diaphragm |
Il existe bien une colonne que l’on imagine infinie, celle de Constantin Brancusi. Cette sculpture haute de 30m est édifiée en Roumanie depuis 1928. Elle est placée ici pour honorer les jeunes roumains morts lors de la Première Guerre Mondiale, faisant référence aux piliers funéraires du pays. L’immense colonne de fonte semble tenir en équilibre sur son socle. Sa forme parfaite, élancée et droite vient en contraste total avec le paysage irrégulier duquel elle se détache. On pourrait imaginer que l’artiste est venu déposer des blocs identiques les uns au dessus des autres au cours du temps.
En bas, la colonne s’arrête nette. Elle pourrait continuer sous la terre mais non : elle est posée sur une dalle de béton. Alors qu’à son exterminée, la colonne ne semble plus s’arrêter. Elle se termine pourtant de manière très nette, comme si Brancusi n’avait pas pris le temps de poser la dernière pierre. Cela est probablement voulu afin de ne pas couper le rythme, et garder l’aspect d’infinité.
Dans un premier temps, on regarde la colonne de tout son long ; elle forme une seule et même sculpture. Puis, le regard s’arrête sur chacun des modules qui la composent. Ils sont identiques et se répètent régulièrement apportant toujours un aspect élégant et homogène.
Mais comment une colonnes aux formes si simples peut-elle être si belle ? Incontestable maître de la simplification des formes organiques, Brancusi est le fondateur de la sculpture moderne et le maître la réduction afin de parvenir à la forme artistique pure. L’infini ne signifie pas que ce n’est pas fini. L’artiste laisse évoquer une suite, volontairement. En haut de La colonne sans fin se créer une rupture dont la finition évoque très simplement l’infini.
Flavie Simon-Barboux
En bas, la colonne s’arrête nette. Elle pourrait continuer sous la terre mais non : elle est posée sur une dalle de béton. Alors qu’à son exterminée, la colonne ne semble plus s’arrêter. Elle se termine pourtant de manière très nette, comme si Brancusi n’avait pas pris le temps de poser la dernière pierre. Cela est probablement voulu afin de ne pas couper le rythme, et garder l’aspect d’infinité.
Dans un premier temps, on regarde la colonne de tout son long ; elle forme une seule et même sculpture. Puis, le regard s’arrête sur chacun des modules qui la composent. Ils sont identiques et se répètent régulièrement apportant toujours un aspect élégant et homogène.
Mais comment une colonnes aux formes si simples peut-elle être si belle ? Incontestable maître de la simplification des formes organiques, Brancusi est le fondateur de la sculpture moderne et le maître la réduction afin de parvenir à la forme artistique pure. L’infini ne signifie pas que ce n’est pas fini. L’artiste laisse évoquer une suite, volontairement. En haut de La colonne sans fin se créer une rupture dont la finition évoque très simplement l’infini.
Flavie Simon-Barboux
Entre visible et invisible
©Carl Andre, (1935-), 144 Tin Square, 1975, Étain, 366 cm x 366 cm, Centre Georges Pompidou |
144 Tin Square est à proprement parler une sculpture mesurant 366 cm x 366 cm, et composée de 144 plaques d’étain carrée de 30.5 cm de côté par 0.96 cm d’épaisseur, disposées par rangée de 12. Le tout est posé sur le sol au centre Pompidou.
Replaçons cette œuvre dans son contexte pour peut-être y trouver sa signification. Elle a été conçue en 1975 par Carl Andre, artiste, sculpteur et poète fondateur du Minimal Art dans les années 60 aux USA. Le minimalisme, mouvement né au milieu des années 60, en opposition à l’Art Pop et à l'Expressionnisme Abstrait, met à l’honneur les objets et leur rapport à l’environnement. Ses chefs de file se nomment Frank Stella, Donald Judd et… Carl Andre. Michael Friedd, dans son livre « Art and Objecthood » et dans les quelques pages qu’il consacre au minimalisme, détailla que l’œuvre 144 Tin Square consistait moins en la présentation d’une œuvre qu’en la création d’une situation impliquant le spectateur. Effectivement, ce dernier, amené à marcher sur cette œuvre horizontale ne présentant aucun point de vue privilégié en perd totalement une fois dessus : Les bords disparaissent car la limite inférieure du champ visuel se trouve au-delà de ses bords. Ainsi, cette sculpture n’existe finalement qu’avec son spectateur et prend toute sa signification d’œuvre d’art avec le contact direct qu’elle établit. C’est donc un nouveau type de sculpture s’intégrant dans son environnement en le questionnant, et remettant directement en cause la notion de volume en réunissant socle et sculpture.
Clara Jouault
4-… Détourner, jouer avec le socle
Une imagerie foisonnante
Taille douce ©Jacques Julien |
©Jacques Julien |
Jacques Julien a toujours été inspiré par ce qu’on appelle « l’imagerie sportive » qu’il considère très riche et dynamique. On pourra donc noter la présence d’un panier de basket, de plots ou autres objets…
Cet ensemble d'œuvre est en fait un parcours dans lequel foisonnent des petites sculptures mises en espaces sur des paillassons, tapis, morceaux de moquette. Cela semble être une invitation à entrer dans chaque univers ; comme un paillasson à l’entrée d’une maison. Un esprit chaleureux se dégage de cette proposition poétique et légèrement absurde.
Marie Bal-Fontaine
Qu’est ce que l’art ? L’ironie artistique de Bertrand Lavier
La Bocca/Bosch, 2005, Canapé sur congélateur, Kewenig Galerie, Cologne ©Bertrand Lavier |
Chuck McTruck, 1995, Skateboard soclé, Collection Antonia et Philippe Dofi, Strasbourg ©Bertrand Lavier |
C’est le cas de la sculpture La Bocca/Bosch réalisée en 2005, exposée à la Kewenig Galerie à Cologne et représentant un canapé sur un congélateur. Cette sculpture est une superposition d’objets et a pour socle l’objet du dessous, un congélateur. L’objet du dessus, l’œuvre mise en évidence, est le canapé Boca édité en 1971 par le studio 65. L’histoire de ce canapé remonte cependant à une période plus ancienne puisque l'agence italienne s'est inspirée d'un canapé originellement créé par Salvador Dali d'après la bouche de l'actrice américaine Mae West.
Par cet empilement, on s’interroge sur la nature de l’oeuvre et sur cette hiérarchie socle/sculpture. Lavier dépeint ainsi l’histoire de l’objet dans l’art du 20ème siècle. Entre le ready-made, le questionnement du savoir-faire et l’objet design, entre art et élitisme. Cette histoire du socle se retrouve également dans la sculpture Chuck McTruck, 1995, Skateboard soclé. En « soclant » des objets du quotidien, Lavier leur procure un statut d’exemplarité, de prestige alors qu’ils n’en n’ont pas.
Le skateboard en question est bon marché et acheté d’occasion par l’artiste qui lui fait perdre sa banalité et la transforme en rareté. Désormais mis à destination des potentiels collectionneurs, ce skateboard pourrait représenter pour Lavier un possible mémoire de la civilisation du 20ème siècle et être également exposé dans le futur dans un musée rétrospectif, questionnant ainsi la légitimité de l’objet exposé. En somme, avec son humour grinçant, Bertrand Lavier arrive à brouiller les identités et formalités dans l’art et ici résout avec succès le questionnement de l’art et de la valorisation des objets.
Victor Salinier
Fabrice Le Nezet est un designer, artiste visuel et réalisateur français basé à Londres. Dans ses œuvres, cet artiste aborde différents sujets tels que l’élasticité ou encore la mesure, desquels il donne une représentation physique. Il part donc de concepts qu’il traduit visuellement à sa manière. Bien que ce ne soit pas le sujet principal de son travail, une nouvelle idée de « socle » émerge à travers ses sculptures. Dans les créations « Elasticity » et « measure », le socle s’éloigne de sa définition traditionnelle. En effet, originellement, un socle est une « Base sur laquelle repose un objet (sculpture, buste...) ou une construction. » (l'internaute). Cependant, dans ses réalisations, il est dur de distinguer quel élément fait office de sculpture et quel élément est le socle. Il semble au premier abord que les « fils » colorés soient le support car dans l’esprit collectif, le socle est situé à la base d’une oeuvre or c’est eux qui soutiennent les monumentaux blocs de béton. Pourtant en s’y penchant de plus près, l’inverse apparait tout aussi plausible. En effet, dans l’oeuvre « Elasticity » par exemple, le titre est clair, c’est le concept d’élasticité que Fabrice Le Nezet a voulu représenté. Toutefois, ce sont les « fils » qui paraissent mis « sous tension » qui traduit le mieux la notion, et le bloc de béton n’est là que pour les mettre en valeur.
Une troisième hypothèse est également envisageable. Finalement, existe t-il réellement un socle dans cette réalisation? Les deux éléments n’ont ils pas la même importance dans la lecture de l’oeuvre?
Raphaëlle Caroff
Anish Kapoor réalise Svayambh in situ, au musée des Beaux-Arts de Nantes, pour l’événement “Estuaire” Nantes-St Nazaire en 2007. Il la reproduira également de la même manière à la Royal Academy of Arts de Londres en 2009 et au Haus Der Kunst à Munich en 2007 (où la masse de cire prenait ici la forme rectangulaire des portes).
©Anish Kapoor |
Tout comme “My Red Homeland” (2003) et “Past, Present, Future” (2006) du même artiste, Svayambh est une œuvre dynamique et monumentale, constituée d’un bloc rouge sanguin de cire et de vaseline. Elle évolue sur des rails disposés à 1.50m du sol, qui constituent son socle. Ce support actif est à l’origine de la formation de cette masse malléable ; il fait évoluer sa charge au fil des allers et retours. "It's as if it's skinning itself as it goes through the doors", précise l’artiste. C’est pourquoi elle porte le nom de Svayambh - “auto-généré”, “modelé par sa propre énergie” en Sanskrit. La forme est en effet sans cesse re-sculptée et en constante évolution. La sculpture est animée par mouvement permanent quasi imperceptible - il lui faut par exemple deux heures pour parcourir le Musée des Beaux-Arts de Nantes de l’entrée au patio.
Le lieu d’exposition devient aussi le support de la sculpture malgré lui, car il façonne la matière tout en gardant des traces de son passage. Le contraste est marqué entre la rigidité de la pierre des murs et la matière souple et pâteuse de la sculpture. En traversant chaque arche du lieu d’exposition, elle y dépose des traces et des épais lambeaux de cire à la manière d’un animal en mutation se séparant de sa peau. Svayambh, de par son caractère vivant et organique, est une œuvre résolument sensuelle. Les vas-et-vient de la masse entre les parois étroite des arches peut rappeler un processus sexuel ou bien intestinal. On peut y déceler d’autres sens, peut-être plus pertinents dans l’esprit de l’artiste : le cours infini de l’œuvre et son poids (une dizaine de tonnes pour Nantes) peut représenter celui de la vie et de l’Histoire, chargés de changements et éternellement inconstants.
La situation d’exposition s’inverse : ce n’est pas Svayambh qui s’installe dans le lieu mais le lieu qui s’inscrit dans Svayambh. La sculpture devient une œuvre d’art “infinie”, ni elle ni son socle ne trouvent leurs formes définitives.
Emilie-Marie Gioanni
On ne joue pas avec la nourriture, Claes Oldenburg…
Claes Oldenburg, est né à Stockolm en 1929, il est le fils d'un diplomate qui s'installe à Chicago en 1936. Artiste Pop américain, il nous amène au travers de ses œuvres à entrer dans son univers un peu particulier… Au début des années 60, il réalise des sculptures autour des produits de consommation, qu’il expose par la suite dans les rues américaines, en haut des buildings, sur des places…
« Les créations de Claes Oldenburg illustrent l’inconstance et la vulgarité (au sens de "populaire", "commun") des valeurs de la vie américaine. »
En effet, ses installations confirment son intérêt pour les produits de consommation, les produits alimentaires, notamment fast-food, qui caractérisent d’ailleurs une alimentation purement américaine (hamburgers, frites, gâteaux, glaces, boissons). Oldenburg, avec Van Bruggen réalisent dès lors des sculptures appelées « Large-Scale Projects ». On parle aussi de monuments urbains car il s’agit de sculptures gigantesques, conçues et installées dans des espaces publics à savoir, dans des villes, parcs, usines, places, rues… « L’idée-même de l’artiste est de sortir du musée, de démocratiser l’œuvre d’art en la faisant voir et percevoir par un maximum de spectateurs…»
C'est sculptures monumentales s'installent dans la ville prenant parfois place sur d'étonnants socles, comme son "Cône de Glace" de 2001 qui semble avoir été renversé sur un immeuble de la ville de Cologne.
C'est sculptures monumentales s'installent dans la ville prenant parfois place sur d'étonnants socles, comme son "Cône de Glace" de 2001 qui semble avoir été renversé sur un immeuble de la ville de Cologne.
Mathilde Ceres
1 Morceau = 1 Histoire
36 x 26 x 18 cm - ébène du Gabon, feuille d’or. ©Stephan Balkenhol |
La plupart de ses sculpture sont peintes, suivant ainsi la technique traditionnelle développée au Moyen Âge de la sculpture en bois polychrome. Autrement dit, il prend soin de laisser apparentes les traces intrinsèques laissées par son travail mais également celle lié à la déformation naturelle de son matériau : coup de ciseau à bois, fêlures, nœuds du bois.
Ses Figures et ses socles sont taillés à partir d’un seul bloc de bois, uniquement à l’aide d’un ciseau et d’un maillet. Figure et socle ne font qu’un. Ils ne sont ni polis, ni poncés.
Il porte cette attention particulière à préserver l’apparence voire l’entité de « poutre en bois ». Le fait de ne pas masquer l’impact de l’intervention manuelle indiquent clairement une optique moderniste.
La sculpture ici présentée est faite à partir d’une pièce d’ébène du Gabon, un bois particulièrement dense qui de ce fait reste très physique à travailler.
Nous pouvons très clairement discerner un homme tenant entre ses bras un bloc d’or, qui n’est en fait qu’une partie de sa sculpture recouverte de feuille d’or. Est-ce le socle ? Est-ce la sculpture ?
Franck Grossel
Grâce à Rachel Whiteread, le socle devient oeuvre à Trafalgar Square
©Rachel Whiteread |
Vous connaissez surement Trafalgar Square, la célèbre place publique de Londres, sur laquelle prennent place de nombreux rassemblement pour le droit démocratique de la liberté d’expression.
A trois de ses quatre coins se trouvent un socle avec une sculpture d’un personnage historique. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’au dernier coin, il y a bien un socle mais qu’il est resté vacant pendant plus de 150 ans après sa construction en 1841, faute de fonds pour construire la statue de William IV qui devait y prendre place. Pendant toutes ces années, la destinée de ce socle fut débattue, jusqu’à ce qu’en 1998, il fut décidé de proposer à des artistes, temporairement, d'y proposer et installer une œuvre.
C’est dans ce contexte que Monument de Rachel Whiteread vit le jour en 2001. Cette œuvre est un moulage en résine transparente du socle placé à l’envers sur celui-ci. Il fut très compliquée à réaliser de par sa taille…
Lorsqu’on lui commanda une œuvre pour le socle, Rachel Whiteread alla observer Trafalgar Square et réalisa que la vie dans le centre de Londres était assez chaotique avec un flux de personnes incessant. C’est pourquoi elle décida de créer une “pause”, un “moment calme, de paix”, quelque chose qui permettrait aux gens de s’arrêter pour regarder et penser. Elle raconta également qu’elle n’avait jamais fait attention à ce socle auparavant et que quand elle s’y arrêta elle remarqua que c’était un élément d’architecture très bien proportionné, avec une forme pure et simple, elle décida alors de “rendre le socle monument”.
L’oeuvre est en effet très belle, avec la résine qui prend des teintes différentes en fonction de la météo et qui donne réellement une présence au socle. Grâce à cette intervention, le socle qui était jusqu'alors vacant et négligé, reprend sa place, redevient visible aux passants et devient même part et fondation de l'oeuvre.
Fanny Fauvarque
Oeuvre ou socle, une histoire de point de vue
Le socle du monde, Piero Manzoni, 1961, herning kunstmuseum, Danemark ©Peter Denan, 2008 |
De manière générale on sait qu’un objet est une œuvre d’art quand il est posé sur un socle. Celui-ci lui donne la hauteur et l’importance nécessaires à nous faire penser que l’objet en question est précieux, que c’est une œuvre. Dans le travail de Piero Manzoni de 1961: « le socle du monde » on ne sait plus qui est le socle de quoi. En effet l’artiste a réalisé un cube de 82 x 100 x 100 cm en fer centré sur un carré de petit pavé blanc. Sur ce bloc il y deux inscriptions à l’envers: « Socle du monde » ainsi que « “Socle magique no 3 de; Piero Manzoni – 1961; hommage à Galilée” ». Ainsi Manzoni pose’t-il la question du socle: est-ce le bloc sur la terre qui est l’oeuvre ou bien la terre posée sous le bloc ?
On peut penser que l’artiste a voulu montrer ici l‘importance de la terre en réalisant un socle pour la porter. Les inscriptions à l’envers tendent à montrer cette idée : l’oeuvre d’art est la terre et non la réalisation humaine. Pourtant quand on est devant cette œuvre, on regarde bien le cube et non la terre qui est en dessous. L’artiste montre que le socle est tout aussi important que l’oeuvre puisqu’ici sans lui il n’y aurait rien à regarder. D'une manière le socle révèle l’oeuvre, le globe terrestre que malicieusement Manzoni signe et s'approprie…
Eloïse Bonnard
On peut penser que l’artiste a voulu montrer ici l‘importance de la terre en réalisant un socle pour la porter. Les inscriptions à l’envers tendent à montrer cette idée : l’oeuvre d’art est la terre et non la réalisation humaine. Pourtant quand on est devant cette œuvre, on regarde bien le cube et non la terre qui est en dessous. L’artiste montre que le socle est tout aussi important que l’oeuvre puisqu’ici sans lui il n’y aurait rien à regarder. D'une manière le socle révèle l’oeuvre, le globe terrestre que malicieusement Manzoni signe et s'approprie…
Eloïse Bonnard
Les œuvres sculpturales Gréco-Koons
©Jeff Koons |
L’artiste américain nous met face à des répliques de sculptures célèbres, surmontées d’une boule bleue réfléchissante, éponyme de l’ensemble de la série. Parmi la vingtaine de pièces que compte la série Gazing ball, plus de la moitié reprennent des modèles antiques : Apollon, Ariane endormie, Lutte entre centaure et Lapithe, Vénus accroupie, faune endormi, Hercule au repos. La seconde moitié se composent de biens de consommation : un bain pour oiseaux, boite aux lettre, bonhomme de neige gonflage. Tous sont traitées de la même manière par Koons.
Gazing Ball, plaster and glass, 2013 ©Jeff Koons |
Réalisées en plâtre blanc, légèrement plus grandes que les originaux, les sculptures iconiques ont été réalisées par de prestigieux ateliers de moulages en Europe pour faire exécuter des copies de belle qualité de ces œuvres antiques. Il a fallu mettre au point une formule, mélange de plâtre et de résine essentiellement, pour obtenir une teinte plus blanche que le marbre et plus résistante que la pierre. Les rondes-bosses monochromes d’un blanc mat deviennent les socles de sphères réfléchissantes (gazing ball) d’un bleu profond. Le globe en verre soufflé est directement inspiré d’un accessoire, inconnu en France mais très répandu outre-Atlantique, utilisé pour décorer les jardins notamment en Pennsylvanie où a grandi Jeff Koons.
Le contraste des matières, des formes, et des époques créent une tension entres les deux entités qui se reflètent et ce répondent l’une l’autre. La dichotomie de la rencontre impromptue des deux éléments est comique. Les boules reflètent et déforment l’environnement ainsi que la sculpture et le regard du visiteur qui s’y mire participe activement à l’œuvre. En mêlant œuvres antique et objets de décoration de grande masse Jeff Koons s’approprie des objets manufacturés et copiés, rappelant le Ready-made tel que l’envisageait Duchamp. L’ancien et le contemporain en même temps que l’histoire de l’art classique et la pop culture se confrontent et nous interrogent le statut de l’œuvre d’art.
Le contraste des matières, des formes, et des époques créent une tension entres les deux entités qui se reflètent et ce répondent l’une l’autre. La dichotomie de la rencontre impromptue des deux éléments est comique. Les boules reflètent et déforment l’environnement ainsi que la sculpture et le regard du visiteur qui s’y mire participe activement à l’œuvre. En mêlant œuvres antique et objets de décoration de grande masse Jeff Koons s’approprie des objets manufacturés et copiés, rappelant le Ready-made tel que l’envisageait Duchamp. L’ancien et le contemporain en même temps que l’histoire de l’art classique et la pop culture se confrontent et nous interrogent le statut de l’œuvre d’art.
Gazing Ball (Silenus with Baby Dionysus) plaster and glass, 2013 ©Jeff Koons |
Koons souligne ici l’usage décoratif des œuvres d’art. Les sculpture Grecs et toutes leurs copies eurent pour fonction, elles aussi, de décorer. Présente dans la propriété privée du commanditaires, des temples, des espaces publics (l’Acropole, le Forum, etc) à la manière des gazing ball dans les jardins contemporains. Les deux entités finissent par ce répondre: toute deux ” déco” et toutes deux copies. Car ces statues antiques soulèvent un rapport implicite entre l’original et la copie. La plupart des modèles grecs antiques repris dans Gazing ball sont connus pour leurs abondantes copies d’époque romaine. En bronze puis en marbre Romain et à son tour copié en Plâtre par Jeff Koons qui suggère la reproduction par le choix du matériaux.
Ainsi, du point de vue de la fonction et de la hiérarchisation, la gazing ball est semblable aux sculptures Antiques. Objet du passé devenant socle de son équivalant contemporain.
Maxence de Cock
Ainsi, du point de vue de la fonction et de la hiérarchisation, la gazing ball est semblable aux sculptures Antiques. Objet du passé devenant socle de son équivalant contemporain.
Maxence de Cock
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire