mardi 27 janvier 2015

L'art d'en rire

Tantôt absurde, tantôt provocateur, le rire est un phénomène étrange, une expression à laquelle de nombreux artistes se sont intéressés et cela depuis plusieurs siècles déjà. Rire, faire rire, se moquer, ridiculiser, l'art se prête au jeu…
Comme l'art, incontrôlable, subversif, libre, le rire peut être gênant voire tabou. Certains l'ont jugé non noble et pas digne d'être étudié, analysé, représenté. Le rire brise l'équilibre, l'harmonie. Et pourtant le rire est le propre de l'homme, il nous fait du bien, nous secoue, nous libère. Le rire, c'est la liberté.
Certaines œuvres traitent du rire dans son plus simple appareil : des artistes ont tenté d'en saisir les formes, les traits de caractère, les situations…  D'autres aiment  caricaturer, exagérer voire ridiculiser, et rire de tout, d'eux, de nous, de l'art. 
Les œuvres, installations ou illustrations choisies pour ce dossier mettent en scène le rire, provoquent le rire ou peuvent aussi gêner le lecteur. La provocation peut faire rire et permettre une approche désacralisée d'une œuvre. 
Charlotte Quesnel
Morgane Thomas

Les représentations du rire


Les expressions des passions de l'âme par Charles Le Brun - "Le Ris"

"IX. Le ris. De la joie mêlée de surprise naît le ris, qui fait élever le sourcil vers le milieu de l’œil & baisser du côté du nez ; les yeux presque fermez paraissent quelquefois mouillez. Ou jeter des larmes qui ne changent rien au virale ; la bouche entre-ouverte, laisse voir les dents ; les extrémités de la bouche retirées en arrière, sont un pis aux joues qui paraissent enflées & surmonter les yeux ; les narines sont ouvertes, & tout le visage de couleur rouge." Charles Lebrun
Charles Le Brun place au cœur des débats académiques la question de l'expression des passions. Comment rendre visibles les mouvements de l'âme ? Le projet du célèbre peintre n'est donc pas de peindre le monde d'après nature mais de le reconstruire sous la forme d'un système formel qui régit l'intégralité des êtres et de leurs relations. Il va donc chercher à représenter les émotions telles qu'elles apparaissent et à décrire les mouvements faciaux des sourcils, joues, nez, etc...


Avec sa planche, "Le Ris", qui fait partie d'une série de 23 dessins de même dimension, il représente le rire dans un document de travail. Avec deux faces, un profil et des pointillés qui marquent la place du menton, des lèvres, du bas du nez, des yeux et des sourcils au repos. Il représente les règles des modulations du regard.


Les textes accompagnant chaque émotions décrivent précisément les mouvements du visage, ce que la passion entraine dans chaque éléments de la figure, ils pourraient presque êtres des modes d'emplois de l'expression.
Clémence Ducleuziou

Yue Minjun

Né en 1962, Yue Minjun étudie à l’école normale de la province du Hebeide de 1985 à 1989. C’est  en 1989 que Yue Minjun commence sa carrière d'artiste, au moment de la révolte étudiante et sa répression.  
Dans son œuvre, ses personnages ont un rire grotesque et énigmatique. Son travail porte un regard ironique et désabusé sur le contexte social de la Chine contemporaine et sur la condition humaine dans le monde moderne. Ses tableaux incitent à se poser la question : Pourquoi ce rire ? Un rire désespéré, fou, devant l’atrocité des événements ? Est-ce un rire dirigé contre les autorités ? Yue Minjun grâce à ce masque au sourire forcé, contourne la censure et se place du côté du grotesque et de la caricature. L’artiste se moque (se joue) des autorités, de la société chinoise, du monde actuel devenu absurde, ou encore de l’art.  
« C’est pour cela que le fait de sourire, de rire pour cacher son impuissance a une grande importance pour ma génération.» 
Bien que chaque toile de l’artiste reste ouverte à l’interprétation, son rire exacerbé y est un exutoire pour continuer à vivre dans le monde d’aujourd’hui.
The Execution,1995, huile sur toile, 150 X 300 cm
Yue Minjun The Sun, 2000, acrylique sur toile
Jocelin Verga


La caricature - Déformer, pousser certains traits physiques pour faire rire, se moquer.
Têtes de Grotesques, Grèce, époque romaine, musée du Louvre 

Anonyme / terre cuite Acquisition collection Lawson 1882 / Grèce à l’époque romaine
Anonyme / terre cuite / Grèce à l’époque romaine

Voici des têtes de Grotesques de la Grèce antique (entre 145 avant JC et 395).
Les grotesques sont des caricatures de personnages qui sont basées sur le renforcement des traits du physique. Cela a pour but, d’accentuer ce qu’il y a de prédominant sur un visage, par exemple les défauts ou les marques de vieillesse. Le Grotesque se manifeste ici par l’aspect ridicule et bizarre des sculptures. Ces têtes permettaient de réaliser des vœux ou au contraire de propager des influences maléfiques sur certaines personnes.
Ci-dessus, deux masques en terre cuite illustrent parfaitement l’accentuation des défauts physique.

Charlotte de Rafélis Debroves

Franz Xaver Messerschmitt 

Tête de caractère

Franz Xaver Messerschmidt est un sculpteur germano-autrichien (1736-1783). Il fut le portraitiste des familles régnantes, des cercles aristocratiques et intellectuels vivant dans la capitale autrichienne et en Bavière.
L’homme se dit continuellement persécuté physiquement et psychologiquement par des esprits. Pour y faire face, il se pince le corps et grimace. Il semblerait que c’est à cette période que l’artiste commence à travailler des sculptures de bustes présentant des personnages grimaçants, qui deviendront par la suite les célèbres Têtes de caractère 
Pour réaliser ces têtes, Messerschmidt se regardait dans le miroir en exécutant les grimaces les plus invraisemblables possibles. L’artiste, par l’intermédiaire de ses sculptures voulait traduire les mouvements de l’âme. 
Même si chaque sculpture est inspiré du visage de l’artiste, ces bustes ne sont pas des autoportraits. Toutes les têtes de caractères sont en effet différenciées l’une par rapport à l’autre et la raison pour laquelle il se prenait lui-même pour modèle de ses sculptures est qu’il ne disposait pas d’autres modèles. 
Les têtes de caractère, faites d’albâtre ou de métal représentent la quintessence de l’art de l’époque: méticulosité et précision quasi chirurgicale du rendu physique. On remarque aussi la maitrise totale des expressions des passions et des tensions de l’âme.
Ces têtes de caractère ont quelque chose d'hallucinant, d'étrange de troublant. Elle sont loin du modèle idéal de la représentation humaine, poussant la grimace au delà du rire… Elles ont influencées de nombreux artistes. 



Arthur Godet

Honoré Daumier

Honoré Daumier est un graveur, caricaturiste, peintre, et sculpteur français du 19ème siècle.
Il est notamment connu pour ses caricatures politiques qui lui ont valu plusieurs mois de prison. 
La gravure intitulée Gargantua est parue le 15 décembre 1831 dans le journal La Caricature. C'est une critique du pouvoir et particulièrement du roi Louis Philippe et de la Monarchie de Juillet.  Daumier, dans sa caricature, dénonce la façon dont le nouveau roi privilégie les notables et bourgeois au détriment du peuple, les travailleurs. On y observe le Roi, énorme monstre à tête de poire (symbole de bêtise) assis sur un trône-toilettes. Sa bouche est grande ouverte, sur laquelle est posée une échelle qui descend jusqu’au peuple. Des valets grimpent à l'échelle et déversent des hottes remplies d’écus dans la bouche du souverain. A droite, on observe que ces hottes sont remplies d'argent par le peuple travailleur tandis que, sous le souverain, les bourgeois ramassent quelques écus tombés pendant le transport, et récupèrent sous le trône royal des brevets, des nominations et décorations qui semblent tomber du trône  comme des déjections du roi. Papiers en main, les notables partent en courant vers un bâtiment que l’on reconnaît comme étant l’Assemblée Nationale, signe de manigance politique. C’est en référence à Rabelais et à son célèbre roman Gargantua que Daumier intitule son œuvre. 

Cette caricature a été considérée à l’époque comme une grave offense à la personne du Roi et Daumier a écopé d’une peine de prison de six mois ainsi que d’une amende de 500 F pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement ».  
Gargantua de Daumier
Pauline Jouitteau

Cindy Sherman clown
Cindy Sherman est née le 19 janvier 1954 à Glen Ridge dans le New Jersey. C’est une artiste et photographe américaine. Elle réalise de nombreuses séries photographiques à partir d’autoportraits. Pour l’une de ses séries intitulée « Clown » elle se met en scène maquillée, et déguisée en clown devant des fonds bariolés.
Personnages incontournables de l'univers du cirque, les clowns sont déguisés, maquillés, avec des vêtements trop larges et des traits souvent exagérés. Ils interprètent le rôle d’un personnage drôle ou maladroit dans le but de faire rire. Le clown fait figure de bouffon, il joue de son anormalité, il fait rire mais peut aussi paraître triste, inquiétant, terrifiant… 
Cindy Sherman – Autoportrait – sans nom
Cindy Sherman utilise la figure du clown pour mettre en avant un sourire "crispé". Suite à l’attentat du 11 septembre 2001, elle souhaite soulever les masques de la société : les sourires forcés.
Mathilde Pointeau

Canulars - jeux de mots - Calembours visuels - absurde - comique de situation - dérision

Alfonse Allais

Alphonse Allais est un journaliste, écrivain et humoriste français né en 1854 dans le Calvados et mort en 1905 à Paris.
Célèbre à la Belle Époque, reconnu pour sa plume acerbe et son humour absurde, il est notamment renommé pour ses calembours et ses vers holorimes. C’est un farceur invétéré et un véritable stakhanoviste du mot, des lettres et de l’esprit. Il s’est également illustré dans la peinture comme artiste « monochroïdal »
Il est l'auteur des premières peintures monochromes, toujours accompagnées d’une légende explicative bien évidemment humoristique.
Inspiré par le tableau entièrement noir de son ami Paul Bilhaud, intitulé « Combat de nègres dans un tunnel », présenté en 1882 au salon des Arts Incohérents (qu’Alphonse reproduira à son tour), il présente aux éditions suivantes de ce salon 7 monochromes, dont par exemple « Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la mer Rouge », ou encore « Première communion de jeunes filles chlorotiques par temps de neige ».


Allais Alphonse 1883, Combat de nègres dans une cave pendant la nuit 
(reproduction du tableau de Paul Bilhaud)
Allais Alphonse 1883, Premiere communion de jeunes filles chlorotiques par temps de neige
Allais Alphonse 1883, Recolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la mer rouge

Alphonse Allais appartient au mouvement des Arts Incohérents conduit par Jules Lévy à la fin du XIXème siècle. L’originalité du mouvement est de qualifier toute œuvre d'incohérente : un dessin d’une personne ne sachant pas dessiner est une œuvre incohérente. Le but est de faire rire, par tous les moyens. En 1882, Lévy organise à son domicile une exposition d’un soir. C’est un grand succès. Les arts incohérents apparaissent alors comme un véritable mouvement artistique.
Amélie Galcera

Joachim-Raphael BOROLANI

Joachim-Raphael BOROLANI est un peintre Français, du début du XXe, il a peint une unique toile en 1910 « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » . Borolani est en fait l’anagramme d’Aliboron, l’âne qui a peint la toile.
En effet, cette toile est un canular. Roland Dorgelès un jeune critique d’art avait décidé de se moquer de ses amis impressionnistes dont il apprécie peu les œuvres.  Il se fera aider par deux complices, André Warnod un écrivain critique et l’illustrateur Jules Depaquit. Il utilisera aussi L’âne du père Frédé, Aliboron. 
Pour peindre, ils fixent un pinceau à la queue de l’âne et à sa portée, une toile ou deux couleurs ont déjà été apposées pour représenter le ciel et le sol. Le pinceau est trempé dans la peinture tandis que le père Frédé nourrit son âne avec des carottes et des feuilles de tabac pour stimuler « sa créativité »,  son mouvement de sa queue. La toile fût achevée lorsque l’âne ne bougea plus la queue. Le nom fût trouvé par Dorgelès qui associa la toile à une marine.  
Le tableau fût ensuite exposé au Salon des Indépendants en 1910, ouvert librement à tous peintres. A ses côté le texte "Le manifeste de l'excessivisme" peaufine le canular. Un collectionneur particulier achète la toile à 400 francs, lesquels sont ensuite versés à un orphelinat. Il finit par révéler à la presse sa supercherie dans un article nommé «  un âne chef d’école »  qu’il illustre de photographies. 
Joachim-Raphael BOROLANI, arrêta sa carrière de peintre au sommet de sa carrière.
Boronali l'âne en train de peintre 1910
Huile sur toile 81X54
« Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » 1910
Coline Hercouet

L.H.O.O.Q., Marcel Duchamp, 1919

« L.H.O.O.Q. » est une œuvre mettant à mal « La Joconde » de Leonard de Vinci. Elle a été réalisée en 1919 par Marcel Duchamp. Son titre évoque à la fois « look » ou « regarder » en anglais, et par une phrase que l’on peut prononcer par allographe « elle a chaud au cul ».
Cette œuvre n’est autre qu’une reproduction au format 19,7x12,4cm du tableau de De Vinci, sur laquelle Duchamp a rajouté trois éléments : une moustache à la Joconde, de l’eau dans le paysage qui se trouve derrière elle, et l’inscription « L.H.O.O.Q. » qui fait office de titre. 
On peut y voir plusieurs interprétations : la moustache tout d’abord, peut faire allusion au fait qu’on doute parfois du sexe du modèle. Aussi, si nombreux se demandent si Mona Lisa est réellement une femme, et pas plutôt un homme, Marcel Duchamp nous offre une réponse assez saisissante : ce serait un travesti. L’eau dans le décor à l’arrière de la Joconde témoigne du fait que le décor que l’on trouve derrière elle semble irréel. L’annotation qui titre le document peut elle faire allusion au regard mystérieux de cette Joconde qui ne cesse de perturber tous ceux qui le croise. 
Duchamp se sert donc de cette icône de l’art de la Renaissance et la tourne en dérision, allant jusqu’à la désacraliser, elle qui nous paraît si idéal et parfaite. Entre farce, fantaisie, grossièreté, Duchamp questionne notre rapport à l'art et se moque de la notion de chef d'œuvre.



Julie Bigot


René Magritte

René Magritte (1898-1967) est un artiste surréaliste belge connu pour ses images paradoxales qui mettent à mal la perception du spectateur. En 1928, il peint une de ses œuvres les plus célèbres La trahison des images, qui représente une pipe sous laquelle il est écrit "Ceci n´est pas une pipe". En le notant, il ne fait que souligner que la peinture elle-même n’est pas une pipe, mais simplement l'image d'une pipe.
Lorsqu'on lui a demandé si la peinture était une pipe, Magritte a répondu que bien sûr, il ne s'agissait pas d´une pipe, elle ne pouvait pas être bourrée de tabac, allumée, ni être fumée, car c’est seulement une image sur une toile faite de peinture et un pinceau.

"La trahison des images", René Magritte, 1928-1929,
 huile sur toile, 63.5 cm × 93.98 cm
Ce faisant, il questionne le spectateur sur sa perception et sa compréhension de la réalité, des images et du langage. En tant qu'observateurs, nous lisons la phrase qui nous dit que "ceci n´est pas une pipe", on se demande alors, qu'est-ce donc ? Magritte joue à opposer une image, un objet et un signifiant textuel, créant dans notre cerveau un court circuit intellectuel qui peut provoquer le rire
Íris Björk Björnsdóttir

Philippe Halsman - Salvador Dali

Pendant son séjour à Paris dans les années 1930, le photographe Philippe Halsman fait  connaissance avec des artistes surréalistes. A la fin des années 1940, il collabore avec le peintre Salvador Dalí sur plusieurs projets photographiques. Ce portrait Dali atomicus prend racine dans la fascination que l'on peut avoir après la Seconde Guerre Mondiale pour la recherche autour de l'atome. Il y a eu de nombreuses avancées notamment dans la recherche en physique nucléaire, qui a donné lieu à une nouvelle ère, l’ère atomique. C’est ainsi que les deux artistes Salvador Dali et Philippe Halsman imaginent un projet artistique, une photographie, où ils veulent retraduire l’idée de l’atome et comment, par la répulsion des protons et des électrons, tout serait dans un état de « suspension ». La réalisation de cette image, avant l'invention de l'ordinateur et de photoshop a demandé un travail et une implication physique conséquente. Si certains objets sont suspendus dans le studio, d'autres (comme le peintre, les chats et l'eau) sont saisis dans le mouvement… créant une situation où l'égo de Dali, son œuvre sonnent comme un éclat de rire extravagant…

Dali Atomicus, une photographie de Philippe Halsman,1948, tirage argentique, 25.8X33.3 cm

Justine Sutteau

Ben (Vautier)

Ben est un artiste contemporain français. Il est reconnu pour ses « écritures » qu’il décline sur différents supports. Que cela soit sur des toiles, des cahiers ou sur des classeurs, ses écritures sont devenues connues par un large public. Ben fait de nombreuses expositions en réalisant des compositions associant écritures, peintures et objets sur des thèmes variés. Il a travaillé sur le rire et  l’art en 2010 en réalisant une série de compositions pour la galerie Lara Vincy à Paris. Par exemple, dans l’une d’entre-elles, on peut lire la citation « il faut en rire » qui domine au centre sur un grand format rouge. Ben se moque et ironise sur l’art. Dans les petites compositions sur fond noir qui entourent le format rouge central, il caricature par exemple Buren en le représentant emprisonné derrière ses rayures. De même, il parodie le « Ceci n’est pas une pipe » de René Magritte en écrivant "Ceci est un placebo" . 
Composition, il faut en rire, galerie Lara Vincy Paris, 2010, Ben.
Pour lui, il faut donc rire de l’art. Mais le paradoxe pour Ben, c’est qu’en riant de l’art, il rit aussi de lui ! Ben est un artiste, cela se transforme en autodérision finalement.
Perrine Bader

Erik Dietman

Erik Dietman, Au Sommet après en avoir tant chié, 1992
Erik Dietman, Scie malade, 1960-61.
Erik Dietman (1937-2002) est un peintre, sculpteur et dessinateur suédois. Cet artiste pluridisciplinaire s’est toujours tenu en marge des différents mouvements artistiques de son époque. Il quitte sa Suède natale en 1959 pour s’installer à Paris. Son art s’est imposé comme une des contributions les plus originales de la sculpture du XXe siècle qu'il critique avec un humour subtil. Dans cette sculpture de 1992, un pigeon trône au sommet de son tas d’excréments, figure de la réussite et du carriérisme. Il pratique, ici, la satire sociale du pouvoir tant convoité. Ses œuvres, plus généralement, forment des rébus donnant une existence matérielle aux mots et son vocabulaire plastique associe souvent la forme à la narration comme dans cette œuvre de 1960, la Scie malade. "Pour moi, c'est le monde qui est une sculpture, et dans le monde il y a les mots qui sont insuffisants et que j'aide à ma façon en leur fabriquant des objets". Erik Dietman.
Hélise Huneau
Loriot & Mélia

« Philosophique est le laisser-voir qui met sous le regard l’essentiel des choses » 
Martin Heidegger.
Chantal Mélia et François Loriot travaillent en duo depuis 1992, date à laquelle le cours de leur activité artistique fut modifié par la découverte fortuite d’une image provoquée par la lumière reflétée sur des objets trainant sur leur lit et projetée sur le mur de leur chambre. Depuis, ils n’ont eu de cesse de renouveler cette magie et de débusquer le hasard afin d’en exploiter les ressources de manière créative. 
Faite d’yeux, (que l'on pourrait entendre comme un jeu de mot avec Fête Dieu) pièce réalisée en 2010, se compose d'un ensemble d’yeux de poupées Bella collés sur une psyché en métal. Ici, Loriot et Mélia brassent joyeusement les références entre art et clins d’œil à l’imagerie populaire ou enfantine. Ils créent un petit miroir qui nous regarde, objet détourné tragi-comique, grinçant ou burlesque, à la présence magique. Portant un regard ironique et amusé sur notre société, ils en dénoncent  avec malice les travers poétiques et les failles hasardeuses.

Faite d’yeux, 2010 musées d’Angers, photo P. David



Marion Fouré
Provoquer

 Murakami

Murakami sur son parterre de fleurs contentes
L’Art de Murakami est emprunté à l’imagerie pop japonaise (notamment aux mangas), et trouve son souffle, sa singularité dans l’appropriation décalée qui en résulte. Un monde enchanteur où fleurs joyeuses et monstres délirants se côtoient dans une soupe servie à la sauce kawaï.
Takeshi Murakami se moque de l’art, ou plutôt s’en débarrasse. Bien qu’ayant suivi une  formation de peintre - notamment de nihonga, technique de peinture traditionnelle japonaise - à la Geidai, Université des arts de Tokyo, Takeshi Murakami semble vouloir se débarrasser  du passé pour se concentrer sur un art plus actuel. Un univers fantastique à la colorimétrie très arc-en-ciel, fait de pertes de lait superbement circulaires, entourant une lévitante héroïne à la poitrine fructueuse, ou encore de son homologue masculin, formidable éjaculateur maîtrisant le lasso infernal de sa semence.
Le monde de Murakami, non sans humour, est inoffensif mais ne mange pas de pain.
Miss Hiropon
1997, Murakami
My Lonesome Cowboy
1998, Murakami
Clément Lemière


Pierrick Sorin, C’est mignon tout ça (1993)

Pierrick Sorin, vidéaste Nantais, est connu pour ses courts-métrages et installations dans lesquels il se moque de l’existence humaine. En 1993, il se met en scène dans C’est mignon tout ça. Habillé de sous-vêtements féminin, il met en place un dispositif vidéo qui lui permet de voir son derrière dans un moniteur placé devant lui. Sorin montre de façon explicite l’excitation de son personnage à la vue de son propre corps.

Ce film montre une situation complètement absurde et décalée. Le déguisement, le comique de répétition, les gags, et l’incohérence des commentaires audio font de ce film une œuvre satirique. Même si Sorin semble se moquer du sexe, le prétexte au rire peut renvoyer à des sujets plus graves tels que le voyeurisme et l’addiction sexuelle.




Neha Hassanbay

McCarthy
Plug 

Paul McCarthy, né le 1945 à Salt Lake City, est un plasticien américain réalisant des sculptures et des performances. Il a réalisé des sculptures gonflables dont la forme insolite rappelle un plug anal. Cependant, la directrice artistique Jennifer Flay et l'artiste jugent ces œuvres suffisamment ambiguës pour pouvoir être regardées d'une autre façon et ne pas choquer le spectateur. Ici, la sculpture fait également penser à un sapin de noël en plastique gonflable. Simple, lisse, elle semble inspirée de Constantin Brancusi.



Le Plug anal, érigé place Vendôme pour l’ouverture de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac), a fait polémique et l’œuvre a été sabotée la journée même du gonflage.
Morgane Boulet