lundi 25 janvier 2016

LES CLOWNS (les artistes ?) FONT LEUR CIRQUE

“ Mesdames et Messieurs, l'irremplaçable Jean Cocteau a dit un jour que dans un cercle parfait, fait de sable, de sciure et de lumière, naquit le cirque ; de la coupole légère des acrobates et du tapis rouge naquirent des fleurs éclatantes : les clowns. 
Sur la piste de ce dossier, vous aurez le privilège de voir se succéder de nombreux artistes de renoms. Parmi eux, vous découvrirez le talentueux Seurat qui aura la chance d'ouvrir ce show avec ses peintures qui réveilleront vos sens, ou bien encore l'emblématique, l'extravagant et célèbre David Bowie avec ses tenues qui émerveilleront les plus petits. Nous aurons également le privilège de vous présenter, l'un des couples les plus provocateurs de ce siècle, j'ai nommé Gilbert et Georges et leurs  délicieuses critiques de la société. Je vous demanderai un tonnerre d’applaudissement pour tous les artistes qui se succéderont sous un arc en ciel d'humour et de poésie. Place à la folie!”
Article rédigé par Jérôme BOISSIERE et Elise BUNOUF

Les clowns au cirque

Seurat, tout un cirque

Cirque est un tableau de Georges Seurat peint en 1891 et actuellement exposé au musée d’Orsay. Cette toile nous présente le numéro de l’écuyère du cirque Fernando. Seurat représente ici un plaisir populaire témoin de l’avènement au XIXe siècle d’une économie de loisirs liée à la Révolution Industrielle. Ce tableau poursuit les recherches de Seurat sur la représentation du mouvement et ce malgré la rigueur de sa technique.
Georges Seurat, Cirque, 1890-1891, huile sur toile
   Ce tableau est aussi prétexte à une représentation sociale : la superposition des spectateurs est l'occasion d'illustrer la diversité sociale et ses inégalités. 
Si Seurat revient trois fois au thème du cirque dans sa peinture, c’est qu’il lui permet d’étudier le mouvement, le rythme, et les couleurs rendues chatoyantes par la lumière ; un lieu féerique en somme, au cœur de la grisaille d’une ville en voie d’industrialisation. Dans ce tableau, le clown ouvre le rideau, comme s'il ouvrait la peinture à la vue du spectateur pour le faire entrer sur la piste…
Maxime ROUSSET

Un clown massif

   Picasso, artiste espagnol incontournable du XXème siècle tant par ses apports techniques que par ses prises de position politique nous livre ici un tableau peu connu : Clown et jeune acrobate. Le personnage du clown semble le même que dans d'autres de ses tableaux de sa série sur les troubadours. Il possède une corpulence forte et le jeune garçon appuyé contre son genou contraste avec la figure "énorme", sculpturale du personnage. Ce clown aux allures sérieuses et aux couleurs délavées s'oppose à notre vision traditionnelle du clown joyeux, humoristique et maquillé. Picasso fait poser ses personnages , sur un cube, dans un espace brun presque abstrait, décontextualisant la scène, pour les intégrer sur une autre piste, celle de la peinture…
Picasso, Clown et jeune acrobate, 1905
Gaetan GUILLAUMIN


Renoir et le clown

   Pierre-Auguste Renoir est un peintre, sculpteur et graveur français, figure phare de l' Impressionnisme. Peintre de nus, de portraits et de scènes de genre il s'attache à la figure du clown dans un célèbre tableau Clown au cirque qui est une huile sur toile datant de 1868 conservée au Rijksmuseum à Otterlo. Le clown est la figure mystérieuse et emblématique du cirque. Renoir le représente lors d'un spectacle, en costume de scène, un violon à la main. Il lui donne cependant un air sérieux et une posture statique en rupture avec l'image comique du clown. Il saisit l'instant (comme le veulent les impressionnistes). A son époque, les cirques et spectacles étaient très nombreux dans la capitale et  captivaient et faisaient rêver les foules. Renoir se passionne aussi pour les costumes et les étoffes et prend beaucoup de plaisir à les représenter comme dans un autre de ces tableaux où il reprend ce thème du clown en faisant poser son fils costumé.

Renoir, Clown au cirque, 1968,
huile sur toile, Rikjsmuseum (Otterlo)

Renoir, Claude en clown, 1909,
huile sur toile, Musée de l'Orangerie (Paris)
Louise ROUSSIERE

Bernard Buffet, clowns expressionnistes 

   Bernard Buffet est un artiste français mondialement connu pour ses peintures et ses gravures. C'est un peintre expressionniste, un mouvement artistique du début du XXème qui avait pour but de représenter les choses de façon subjective afin de créer une émotion chez le spectateur quitte à déformer la réalité. 
Bernard Buffet, Tête de clown, 1955
   A partir des années 50, Bernard Buffet a peint beaucoup de visages de clowns qui sont d'ailleurs devenus l'une de ses marques de fabrique et qui sont extrêmement connus aujourd'hui. La particularité de ses tableaux sont que ses clowns semblent tristes : ils ne sont pas souriants et ont le regard vide et triste. Il crée ainsi un paradoxe en représentant ces personnages à l'inverse de ce qu'ils sont censés faire.

Bernard Buffet, Clown fond jaune, 1985

Pierre-Yves LASCOLS


Le reflet de la vérité

   Karel Appel est un peintre néerlandais qui a peint toute une série de tableaux autour du cirque et notamment Le Clown aux Larmes d'Or, 1978. Par ailleurs Karel Appel est aussi connu pour son appartenance au groupe Cobra  ou l’Internationale des artistes expérimentaux (IAE). Il s’agissait d’un mouvement artistique (1948-1951), né en réaction à la querelle entre l'abstraction et la figuration.
   Le mouvement CoBrA s’est nourri d’une philosophie humaniste marquée par l'expérience encore vive de la seconde guerre mondiale. Ce mouvement regroupe des artistes de Copenhague, Bruxelles, Amsterdam autour d'idées, d'expositions, de partis pris esthétiques prônant une certaine forme de spontanéité, de joie, de liberté…

Karel Appel, Le Clown aux Larmes d’Or, 1978,
gravure sur bois, 76x56.5cm
   Entre 1976 et 1978, Karel Appel conçoit Circus, ensemble de gouaches dont sont tirées les dix-sept sculptures et les trente gravures en couleurs conservées au LAAC de Dunkerque. Au fil de cette parade imaginaire, née du jaillissement même de la couleur, s’illustre l'abondance et l'ivresse propres aux mondes d'Appel et du cirque. La fête est le lieu du désordre, de la libération et de la transgression, à l’image du peintre.
   À partir de bois brut ou mal équarri, utilisant des couleurs virulentes et contrastées, jouant sur des figures élémentaires, il compose une œuvre protéiforme, animée par une intarissable énergie. C'est le cirque Appel (Appel Circus, 1978), pour reprendre le titre d'une série constituée de gravures et de sculptures chamarrées. 

Delphine MAZIOL


Le clown messager d'une idée



Cindy Sherman est une artiste photographe. Elle réalise des séries où elle incarne de nombreux personnages en changeant d'identité par le maquillage et les costumes. Elle veut créer un écart entre elle et son sujet pour que le public ait le choix dans l'interprétation du personnage. En effet, elle se veut être un miroir du genre et de l'apparence de la société. Son travail porte sur notre fragilité face aux mécanismes de l'identification et de la reconnaissance sociale.
Cindy Sherman, Untitled A-e, 1975
En 2004, elle réalise à nouveau une série sur ce thème appelée Clown, où elle fait usage de la technique numérique. Elle pose devant des fonds très colorés rappelant le costume du clown, la lumière du spectacle, la joie, la magie du cirque. Les positions qu'elle prend figent les œuvres nous invitant à nous interroger sur l'expressivité de chaque clown. Ici, elle fait écho à l'excentricité du clown en le plongeant dans un décor carnavalesque. Ce personnage excessif met à mal la frontière entre ce qui peut être fait ou non, par exemple la question de l'art et du mauvais goût. Le clown est une belle représentation des idées de Cindy Sherman, il est une métaphore de l'art, de l'artiste et de leur rôles dans la société.

Cindy Sherman, Untitled # 424, 2004
Adélie PAYET


La métaphore du clown

L'intimité colorée du clown / La clownesse Cha-U-Kao

   Henri de Toulouse-Lautrec est un peintre et lithographe français de la fin du XIXème siècle. Les œuvres du peintre sont très vastes : peintures, aquarelles, lithographies, environ 5000 dessins. Beaucoup de ses tableaux montrent des prostituées parce qu’il les considérait comme des modèles idéaux pour la spontanéité avec laquelle elles savaient se mouvoir, qu’elles soient nues ou à moitié habillées.
Henri de Toulouse-Lautrec, La Clownesse Cha-U-Kao, 1895,
Huile sur carton, 64x49 cm, Musée d'Orsay

   Dans ce tableau, cette femme est une danseuse et clownesse au Nouveau Cirque et au Moulin Rouge. Cha-U-Kao doit son nom de scène, à la retranscription phonétique des mots français "chahut" et "chaos" que suscitait son entrée en scène.
Comme la Goulue, (autre personnage féminin des nuits parisiennes) Cha-U-Kao est une figure récurrente dans l’œuvre du peintre, et appartient au monde du spectacles parisien de la fin du XIXe siècle. Son métier de clown et parfois même d'acrobate la rattache plutôt à la tradition du cirque, qui passionna aussi le peintre, qu'à celle des cabarets.
Contrairement aux séries de dessins ou de lithographies dans lesquelles Cha-U-Kao apparaît sous la lumière des projecteurs, le peintre nous donne ici une image (
peinte à l'huile sur carton) plus privée de son personnage, représenté dans un intérieur, sa loge ou un cabinet particulier,.
   Cha-U-Kao s'applique à attacher la grande collerette jaune du corsage qui constitue son costume de scène. L'importance de la collerette, qui occupe une large partie de cette composition inattendue, est encore soulignée par le ruban jaune qui retient presque ironiquement le toupet blanc de la clownesse. Au-dessus d'une petite table dressée apparaît un portrait ou un miroir dans lequel se reflète un homme d'âge mûr, qui pourrait être un intime, un admirateur ou un client.
   L’artiste a couvert ici toute la surface du tableau par une série de coups de pinceaux nerveux de couleurs vives, vert pour les murs ou rouge pour le sofa. Le cadrage insolite et les recherches de matières s'accordent bien au caractère à la fois trivial et privé de la scène.
Xiaoyu TANG

L’autocritique clownesque de David Bowie

   Figure emblématique du renouvellement, et par ses styles musicaux et par ses avatars, David Bowie s’est rendu célèbre avec une dizaine de personnages tout au long de sa carrière.
   En 1980, il sort Ashes to Ashes (Poussière redeviendra poussière), une chanson dans laquelle on le voit vêtu d’un costume de Pierrot, ou clown blanc. Il rappelle ici son attachement au clown mélancolique ainsi qu'au mime pour enterrer dans le clip son premier personnage : Major Tom.

Natasha Korniloff, David Bowie dans son costume de Pierrot pour Ashes to Ashes, 1980

   Ce personnage contient toutes les caractéristiques du clown blanc : il a le visage enfariné, du rouge sur les lèvres ; à la base du nez et aux oreilles, une mouche ; référence aux marquises, les cheveux courts, le chapeau en forme de cône, le costume pailleté appelé «sac» et des bas blancs. Il a aussi au dessus du sourcil le dessin personnel (signature) qui le différencie des autres clowns. Le clown blanc est beau, élégant. On le décrit comme aérien, pétillant et malicieux.
   D’après l’article « Le clown contemporain : vers une nouvelle approche de l’art clownesque » de Mathilde Baisez (jeu : revue de théâtre, n°41, 1986, p 29-41) ; Le clown participe à la pluralité des valeurs, à l’éclatement des genres, ce qui lui confère un caractère polyvalent. Le clown renvoie à la société dans laquelle il s’inscrit, et la parodie, pour accéder à l’imaginaire. Il n’est pas assujetti aux lois de la temporalité et de la spatialité. Il transcende.
   Le clown se situe également au centre d’une dualité de pulsions : le personnage gentil et naïf, haut en couleur, destiné à amuser la galerie, et le personnage cruel, violent, passionné, ambivalent, à la fois bourreau et victime qui se situe au point de rupture entre le monde rationnel, cohérent, organisé et le monde du chaos.
   On peut alors comprendre pourquoi David Bowie a commandé à la styliste et couturière Natasha Korniloff ce costume de Pierrot ; il lui fallait un personnage poétique, spatial, intemporel, pour le joindre à Major Tom, cet astronaute perdu dans l’espace. Le clown se moque de lui et le renvoie à ce qu’il est : un junkie, perdu dans l’univers des drogues.
   Via cette musique introspective et son personnage, Bowie évoque sa propre évolution. Il se fait satire de son ancien personnage, Major Tom et aussi de son premier succès, de façon mélancolique.
   Si ce costume est clownesque par excellence, Bowie a toujours eu le goût de l’extravagance, et on peut retrouver plusieurs de ses costumes l’univers haut en couleurs et en formes du cirque, notamment dans ceux crées par Kansai Yamamoto pour son personnage Aladdin Sane pour son album Ziggy Star Dust.

Kansai Yamamoto, Costume du personnage Aladdin Sane, 1972-1974
Marie MOTTE




Faire le Clown

   Saverio Lucariello est un artiste contemporain né en Italie, il s'est formé à l'école des beaux arts et à la faculté d'architecture de Naples. Il vit aujourd'hui en France où il développe son art. Son œuvre s'appuie sur la dérision et sur l'exubérance pour critiquer le discours de l'art. Saverio Lucariello est un artiste qui utilise un grand nombre de supports vidéo, sculpture, peinture, photographie, performance, écriture... Une partie de son travail consiste à réaliser des tableaux vivant où il se met en scène seul ou avec des amis d'une manière grotesque et grinçante. Sur ces mises en scènes seul le visage est visible, le reste du corps est souvent recouvert de draps ou de nappes. L'accent est donc porter sur les visages. Ces têtes sont très expressives, Lucariello n'hésite pas à chatouiller le visage des participants pour les rendre encore plus vivants et à arriver à des postions inconvenantes. Cette vision grotesque de ces scènes avec ces visages surprenants est intimement liée aux jeux du clown. En effet Saverio Lucariello joue un rôle dans ses œuvres où la dérision et la critique sont les maîtres mots de ses réalisations. 
Saverio Lucariello, 
Vanitas au Choux, 1995,
Épreuve chromogène, 70x100 cm
Saverio Lucariello,
Vanitas aux fruits et bougies,
Épreuve chromogène, 70x100 cm
Pétronille MAICHE

Le côté sombre du clown

   McCarthy est un artiste de la performance, se mettant en scène dans des situations burlesques, gênantes, régressives… Il crée également des installations, des sculptures,  des films… Il s'inspire de mythes, de thèmes typiquement américains, tels que Disneyland , B -Movies , Feuilletons et BD.
   Dans son travail, l’artiste détourne des sujets qui ont été traditionnellement vénérés pour leur innocence ou leur pureté.
   McCarthy dans une de ses vidéos, joue le rôle du clown, il se déguise d'une blouse d'hôpital, avec une perruque blonde et un énorme nez ; une partie de sa personnalité joue à être un clown et l’autre partie à être peintre.
McCarthy, Painter, 1995, 49'58'' , Betacam SP, PAL, couleur, son.
Centre Georges Pompidou, Paris

   Dans la vidéo il donne l’impression de faire une parodie des peintres Expressionnistes Abstraits, en utilisant des tubes de peinture géants, avec lesquels il salit l’espace dans lequel il se trouve.
   D’autres personnages apparaissent dans la vidéo, le collectionneur d'art et le critique d'art, et ils sont grossièrement moqués par McCarthy.
   Le peintre parodie et se moque avec un esprit décapant. En peignant avec du ketchup et de la mayonnaise, Paul McCarthy fait référence à ses propres performances. On peut dire que le peintre se montre dans un acte violent, en se moquant de lui même. 
McCarthy, Painter, 1995, Centre Georges Pompidou, Paris
Anne-Sophie FLORES

Entre Tradition et Modernité, le clown utilisé comme objet manifeste

Brook Andrew, Clown Box, 2013, Art Aborigène, Musée d'Aquitaine
   Brook Andrew est né en 1970 à Sydney. C'est un artiste visuel et conceptuel qui travaille sur de multiples supports, la photographie, l'installation ou encore la sculpture. C'est un artiste qui puise son inspiration dans l'univers du spectacle, notamment influencé par les chapiteaux de cirques son travail est basé sur les croisements entre tradition et modernité de l'art australien. Ses œuvres questionnent la mémoire et s'interrogent sur la violence en jouant avec des formes et des techniques tel que les structures gonflables. Cet artiste aux œuvres décalées semble utiliser l'humour mais en réalité ses œuvres manifestent de la violence du colonialisme et des génocides subis par les peuples autochtones. 
Brook Andrew, Clown Box, 2013, Art Aborigène, Musée d'Aquitaine
Céline VEPA

Les clowns rebelles 

The Residents - La face cachées de colwns-cyclopes

   The Residents est un collectif d'artistes américain formé en 1972 à San Francisco. Il est surtout connu pour sa production discographique, ses spectacles de théâtre musical et ses nombreuses vidéos d'art, entre le post punk et la musique expérimentale.
   Le rapprochement avec les clowns n’est pas évident au premier abord mais nous pouvons tout de même trouver de nombreux points communs. En effet, ces artistes se cachent derrière leurs costumes, tout comme les artistes comiques du cirque. Leurs habits emblématiques composés de smokings, hauts-de-forme et masques représentants des globes oculaires, rendent impossible leur identification et leur permettent de préserver leur anonymat. A la question « Pourquoi ce choix de cyclope-clown ? » le groupe répond qu’ils s’inspirent de la mythologie, car ce qui les intéressent dans les mythes c’est le fait qu’on ne sait jamais.

Homer Flynn, The Residents in Vacation Magazine, 1979, Photo for Magazine cover
   Enfin, je voudrais ajouter qu’on peut les rapprocher des clowns pour le mal-être qu’ils peuvent produire à travers leur musique et leurs vidéos. Effectivement, leur art nous procure des sensations étranges qui pourraient ressembler à la peur que certains ont des clowns..
Solène GLOUX


Le maître artiste, pitre et critique d'art

Jacques Lizène est né en Belgique au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il revendique fièrement sa position d'unique représentant de l'art nul, dit art médiocre, art stupide ou art zéro. Depuis la fin des années 1960, cet original s'est consacré à pointer du doigt certaines incohérences de l'art contemporain en en devenant lui même une des entités les plus paradoxales. En effet, il se place au centre d'une démarche d'art/attitude, comme il la définit lui-même. Cela consiste, par exemple, à se mettre en avant comme étant son propre historien d'art, ou à fonder L'Institut de l'Art Stupide tout en sachant qu'il en demeurera le seul membre.

Jacques Lizène, Petit Maître à la fontaine de cheveux, 1980
C'est en publiant des vidéos absurdes, auto-dérisoires ou ridicules, ou en exposant des toiles peintes avec ses excréments que Jacques Lizène s'impose comme le clown satyrique de l'art contemporain.
Jacques Lizène, Etre son propre tube de couleur, 1977,
peinture à la matière fécale et technique mixte, (collection privée)
Nicolas BUTEAU


Bruce Neuman, entre néon, humour et terreur.

Bruce Nauman, Mean Clown Welcome, 1985, Brandhorst Collection, Köln
    Bruce Nauman est un artiste américain qui explore les limites de l'art. Dans son œuvre emblématique Clown Torture (installation vidéo de 1987) il s'amuse à détourner la figure du clown en en faisant quelque chose de terrifiant, de pitoyable, d'absurde. Il fait d'un acteur de rire un objet de terreur. Son œuvre Mean Clowns Welcome reprend ce schéma de détournement complet de l'imagerie populaire de clown. Le néon est une matière qui peut vulgariser une forme et lui donner une connotation péjorative et dégradante. L'image de ces clowns méchants en érection et qui se moquent à la fois d'eux-mêmes et du spectateur crée une confusion lumineuse et ludique.


Marine CORRE


Jouer avec les limites

Biefer et Zgraggen, Sans titre (der Beuteträger)
   Le clown est la figure de la dérision, de l'humour. Il convoque dans son jeu plusieurs sentiments comme la joie, l’effroi, la surprise. Les artistes "Biefer et Zgraggen" sont deux clowns, à leur manière, plutôt singulière.
   
Dans Der Beuteträger - 1991, ils mettent en cause la bestialité de l'humain, sa nature ou du moins son origine. Habillés de leur peau et d'étuis péniens (en boite aluminium) fait de déchets de la civilisation, leur apparence les différencie de l'homme civilisé, leur donne un air innocent et d'une autre époque, ou plus encore, d'une autre ère. "Der Beuteträger" est le nom par lequel ils se définissent, cela signifie "le porteur de proies". Cela évoque à nouveau une époque antérieure et fait passer ce duo pour des sauvages, êtres sans culture, tels des animaux.
   C'est ce qui fait justement passer plus calmement leur message ainsi que leur point de vue. Ils n'ont l'air de faire de mal à personne et semblent vivre sans inquiétudes, juste une préoccupation qui est celle du devenir de l'homme.
   Leur air rieur, comme la "tenue" qu'ils portent nous aide à les comparer à des clowns. Complices, décalés et engagés, leur attitude peut sembler aussi ridicule que sage, aussi impertinente que pertinente.

Biefer et Zgraggen, Der Beuteträger, 1991
Vincent LAGADOU


Un couple extraverti

   Les artistes britanniques Gilbert & George forment assurément le couple le plus emblématique de la scène artistique contemporaine internationale.
   Le couple a réalisé des performances au début de sa carrière. Actuellement les deux artistes sont plus connus pour leur photomontages souvent teintés de couleurs extrêmement vives, contrastées, et avec des trames noires en surimpression, le tout ressemblant à des vitraux. Leurs œuvres, d'abord inspirées par leur situation personnelle, abordent, sans exclusive et sans tabou, tous les sujets de civilisation, que ceux-ci soient sociaux, politiques, moraux, religieux, sexuels...

   Ils refusent de dissocier leurs performances de leur vie quotidienne, insistant sur le fait que tout ce qu'ils font est art. Ils se voient eux-mêmes comme des «sculptures vivantes».

Gilbert et George, vomit, série « utopian pictures », 2014
   Ils se mettent en scène dans des compositions qui s’apparentent à du «kitch». Ils traitent des sujets choquants qui sont clairement mis en valeur dans chacune de leur photo. Gilbert et George, malgré leur tenue (chic et sérieuse) et leur apparente distinction anglaise, sont de véritables clowns. En effet, en se mettant en scène dans des contextes exagérés, voire tabous, avec de forts contrastes de couleur, ils se moquent à la fois de la société et d’eux-mêmes. Apparaît alors une image de caricature et de farceur qu’ils revendiquent.
Marine GUY

lundi 11 janvier 2016

Le poids des pierres

La roche peut prendre de multiples formes, couleurs, matières. Elle peut paraître noble, brute, précieuse. Elle semble provenir du centre de la terre. Elle est caractérisée par sa solidité et est assimilée à la puissance, à la pérénité. L'humain utilise ce matériaux : dans la construction, la sculpture, la décoration, l'ornementation… Certains lui confèrent des propriétés magiques, thérapeutiques, poétiques… Beaucoup les ramassent et les collectionnent.
Un grand nombre d'artistes les représente ou les utilise pour les sculpter, les assembler jouant avec leurs qualités physiques (matière, couleur, densité, poids…) et leurs pouvoirs imaginaires. D'autres, au contraire, en détournent les caractéristiques, tentant de rendre aux pierres leur légèreté perdue…
                                                                                                    Delphine Maziol et Pétronille Maiche

La puissance de la roche - Le poids des pierres

Le mystère des pierres levées

Egalement connu pour son festival, Stonehenge rassemblait au mois de Juin fêtards et histoire entre 1974 et 1984 dans une ambiance rock. Cependant, bien avant ce festival musical en plein air mais également de nos jours, le silence de ses pierres attirent un tout autre public, un million de visiteurs par an, cherchant à saisir, ressentir ou comprendre le sens de ce site extraordinaire.
Stonehenge est un grand monument mégalithique circulaire construit en quatre phases entre -3100 et -1600 avec des pierres d’origines différentes, situé à 13 km au nord de Salisbury, dans le sud de l'Angleterre. Ce site fait partie de la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Était-ce un temple, un monument funéraire ou un observatoire astronomique ? Il est certain que le site a été utilisé par les druides pour leurs cérémonies. Cependant, les lourds mégalithes étaient là bien avant l’arrivée des Celtes sur le sol britannique.
On a souvent dit que Stonehenge était un « observatoire ». Le monument peut avoir eu aussi une valeur astrologique ou spirituelle.
L'ouverture au nord-est de l'enceinte circulaire a suggéré une importance particulière prêtée aux points des solstices et des équinoxes. Par exemple, au solstice d'été, le 21 juin, le soleil passe près de la Heel Stone, et les premiers rayons du soleil brillent dans le fer à cheval, au centre du monument.
Ce lieu cache encore une multitude de secrets dus aux différents éléments le constituant: la pierre d'autel, de sacrifice, talon (Heel Stone), des fossés et talus, une avenue, cercles et trous.
Au 17è siècle, les découvertes archéologiques favorisèrent l’hypothèse selon laquelle le grand cercle de pierre aurait été construit par les Mycéniens.
Aujourd’hui, la paternité du site est reconnue aux anciennes populations autochtones.
Vincent Lagadou

https://www.grayline.com

Jardin de pierres

Ryoan Ji, Kyoto zen garden, Japan
Le Jardin Zen de Ryôan-Ji à Kyoto est célèbre pour son «karesansui » ou jardin de roches. Long de 30m et large de 10m, Il est composé de 15 roches disposées sur un « tapis » de cailloux blancs. N’importe quel que soit le point de vue du visiteur, la disposition des pierres fait en sorte que seulement 14 d’entre elles sont visibles simultanément.
La quasie-absence d’eau et de plante fait de ce jardin le culte du minéral épuré. Cette pureté est soigneusement entretenue :  en effet, la mer de graviers est ratissée quotidiennement pour y dessiner indéfiniment les mêmes vagues.
Perdues dans l’immensité symbolique de cette mer de graviers blancs, les quinze roches de basalte qui l’agrémentent font l’objet d’incessantes interprétations sur leur signification. Pour moi, ces pierres font directement écho à l'archipel nippon, comme des ilots dispersés, perdus dans un océan de graviers, une mer calme et passive. On retrouve ici un idéal auquel le Japon aspire, un équilibre, une plénitude… D’autres l’interprètent autrement, effectivement, l’une des expressions poétiques les plus célèbres désignant le jardin zen le décrit comme "une tigresse traversant la mer avec ses petits".
                                                                                                                                  Solène Gloux

Broken Circle / la pierre au centre d'un cercle

Robert Smithson est un artiste américain, et représentant majeur du Land Art, cet art qui refuse d’être considéré comme un bien acquérable, dans cette société d’hyperconsommation.
Ses œuvres sont souvent au cœur même de la nature, dont le matériel de base est la terre, la pierre, le paysage comme Broken Circle et Spiral Hill qui furent construites aux Pays-Bas pour l’exposition internationale « Sonsbeek » en 1971.
Broken Circle est une avancée de terre qui tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Elle fut construite sur une carrière désaffectée. En son centre, on retrouve un rocher (témoin d’un âge reculé de la terre), qui fut autrefois utilisé pour des tombes primitives, ce qui fait coïncider l’œuvre avec son environnement.
L’œuvre fait référence aux digues construites par les hollandais en 1953 après une tempête et un ras de marée recouvrant 150000 hectares de terres.
Marie Motte
Broken Circle, Robert Irving Smithson, Emmen, Pays-Bas, 1971

Déplacer les pierres

Richard Long est artiste britannique né en 1945, diplômé de la Saint Martin's School de Londres. Il est apparenté au mouvement du Land Art, mais se considère autant comme un randonneur qu'un artiste. En effet, il est loin du Land Art américain qui consiste à transformer lourdement le paysage afin de créer des sites monumentaux.
Richard Long est avant tout un promeneur qui planifie des parcours en pleine nature sauvage. C'est durant ces randonnées qu'il agit sur le paysage en déplaçant et en arrangeant des cailloux, des roches, des morceaux de bois et des feuilles d'arbres afin de composer des géométries poétiques à échelle humaine.
Aux antipodes d'une logique de modelage nécessitant des moyens colossaux, la démarche de Richard Long est celle d'un passionné, agrémentant le paysage d’œuvres simples et délicates, laissant derrière lui une trace éphémère dont il conserve le souvenir grâce à la photographie.
Nicolas Bluteau
Karoo Crossing – Afrique du Sud – 2004
Richard Long - A line in Scotland - 1981

A Los Angeles, le rocher lévite, les visiteurs gravitent
Michael Heizer, est le créateur de Levitated Mass, installé au LACMA (Musée d'art contemporain de Los Angeles). Ce créateur, que l'on associe aux artistes mythiques du Land Art, est un familier des chantiers titanesques...
Levitated Mass est un mégalithe de granit de 340 tonnes posé en "lévitation" au dessus d'une tranchée de 456 mètres de long creusée sur le campus du LACMA. Ce projet, comme la plupart des œuvres réalisées par Heizer dans les déserts américains, est une expérience artistique. Le public, ici, est invité à faire l'expérience d'une masse en lévitation en empruntant une tranchée sculptée dans le sol qui le conduit à passer sous un gigantesque rocher.
Comme dans d'autres travaux de l'artiste, tels que le célèbre Double Negative (1969), la forme monumentale négative est la clé de l'expérience de l'œuvre d'art. Heizer a conçu ce projet en 1968, mais il a découvert le rocher appropriée quelques décennies plus tard, à Riverside County, en Californie. "Levitated Mass" crée le lien entre les différentes époques de l'histoire de l'art, de la pierre mégalithique aux formes modernes de l'abstraction géométrique et des exploits de l'ingénierie contemporaine.
Maxime Rousset
"Levitated Mass" , de Michael Heizer , Los Angeles

Rêves de Pierres - La légèreté de la roche

La sensation d’apesanteur par Jannis Kounellis

Jannis Kounellis est un artiste d'origine grecque né en 1936 et qui s'est installé dés l'age de 20 ans en Italie. Ses œuvres tentent toujours de mettre au jour une problématique de sens. Il a appartenu a l'«Arte Povera » un mouvement artistique italien du milieu des années 60 qui comptait des artistes tel que Giovanni Anselmo, Giuseppe Penone ou Giulio Paolini. C'est le critique Germano Celant qui donna le nom à ce mouvement car ses adeptes utilisaient uniquement des matériaux « pauvres » (pierres, plantes, objets de la vie quotidienne, animaux, matériaux de récupération...). En 1995, Jannis Kounellis a installé au château de Plieux une œuvre intitulée La Salle des Pierres. Dans cette pièce, Kounellis a suspendu au plafond des pierres regroupées à chaque fois par 3 et espacées de façon régulières. L'ensemble crée une sensation de flottement : les pierres donnent l'impression d'être légères, en lévitation et leur disposition permet aux visiteurs de se déplacer dans l'œuvre. On a ainsi l'impression d'être dans un monde fantastique sans pesanteur où le temps est figé comme dans un rêve.
Pierre-Yves Lascol
Yannis Kounellis, « La salle des pierres » (1995)

La pierre de notre conscience -

"Etre dans les limbes" une œuvre monumentale flottant au dessus des fidèles d'une des églises de Vienne en Autriche. Ce rocher (factice) de 700 kilogrammes aux dimensions colossales de 2 mètres par 5 mètres est suspendu à l'aide de 3 câbles en acier de 2mm à l'aplomb de la tête des fidèles jésuites. Inspirée par œuvres de Magritte notamment celle des rochers suspendus, la proposition de Steinbrener Dempf et Hubert, peut symboliser la foi et ses mystères. Lorsqu'on passe sous elle, nous nous sentons comme écrasés par le poids de cette roche factice. Tel Sisyphe devant pousser sa pierre, nous sommes contraints de supporter les maux et les erreurs de notre vie jusqu'à notre mort. Ceux-ci nous menaçant telle une roche suspendue au dessus de nos têtes.
 Gaëtan Guillaumin
Limbes de Steinbrener Dempf et Hubert, 2014

« Rendre aux pierres leur légèreté perdue. »

Photographe et plasticien, Laurent Millet travaille l’image. Ses œuvres s’articulent en « chapitres d’une encyclopédie imaginaire » selon ses propres mots. Dans cette série de photographies, Mon Histoire avec les Pierres de 1999, l’artiste donne aux roches une certaine légèreté. Il utilise ici, le tirage argentique avec des techniques mixtes et travaille la composition dans le but de créer des images étonnantes : il donne une grande légèreté aux pierres en les positionnant dans la partie supérieure de l'image. Aussi, Laurent Millet joue avec le corps humain, les phénomènes physiques, le paysage, l’histoire et l’écriture, et permet au spectateur d'observer un dialogue poétique et absurde entre l'artiste et les pierres qui gravitent autour de lui.
Elise Bunouf
Laurent Millet - Mon Histoire avec les Pierres, tirages argentiques, techniques mixtes, 1999
Laurent Millet - Mon Histoire avec les Pierres, tirages argentiques, techniques mixtes, 1999
Laurent Millet - Mon Histoire avec les Pierres, tirages argentiques, techniques mixtes, 1999 

Au hasard des pierres

Jean-Michel Sanejouand est un artiste contemporain né à Lyon. Il a réalisé de nombreuses séries aussi bien dans le domaine sculptural que pictural. Il joue notamment avec la notion d'espace et veut susciter l’interrogation chez le spectateur. Il s'intéresse aussi à la pierre que l'on retrouve dans sa série Sculptures. Celle-ci émerge d'une collection de pierres qu'il entreprit en 1960 en les ramassant au hasard lors de balades. En 1989, Il décide d'assembler deux, trois à quatre pierres pour en faire des sculptures d'environ 15 cm de haut qu'il peint ensuite en noir. Certaines de ces sculptures ont été agrandies en les fabriquant en bronze. Elles atteignent 2 à 5 mètres de haut telles que Le Silence qui fut exposée aux Champs Elysées en 1999 et Le Magicien implanté sur le parvis de la gare de Rennes depuis 2005.
Adélie Payet 
"Le Silence" Les Champs de la Sculpture 2000, Paris, Bronze, 220 cm 1989-1996

« Le Magicien », Place de la Gare - Rennes - France, Bronze, 510 cm, 1996-2005
On retrouve dans cette série le rapport avec l'espace en abolissant la distance entre pierre et sculptures. Il part de l'état brut de la pierre qui va elle-même suggérer une forme. Ces sculptures deviennent alors étrangement figuratives et très singulières à la fois. Ce sont des formes imprévisibles que l'on peut regarder sous tous les angles afin de les comprendre et de les percevoir dans leur globalité.
"Le scaphandre et l'oiseau", avril 2010
"Le contemplatif", avril 2011

"Les Voraces", janvier 2010
Cailloux reliques
Anne Laval est une artiste plasticienne née en 1975 qui s'approprie des structures de la nature de manière féerique, comme son œuvre « Cailloux Reliques » de 2008, une sculpture en forme de pierre, mesurant 17/20cm. Ce volume est composé d'un ensemble de matériaux fragiles, le plâtre et la dentelle créant ainsi un objet instable, précieux, poétique, difficilement qualifiable. Le rajout d’éléments travaillés sur une forme naturelle, ce ruban de broderie font écho à la forme de cette roche, montrant ainsi la fragilité de cette fragmentation. Telle une pelote de laine qui se déroule, ce cailloux perd au fil du temps sa force et son poids.
Céline Vépa
Cailloux reliques-Anne Laval (2008) 
Cailloux reliques-Anne Laval (2008)
Cailloux reliques-Anne Laval (2008)

La douceur des galets

Smarin est une maison de création française créée par la designer Stéphanie Marin. Elle est notamment renommée pour le projet Livingstones qui s’inspire du galet pour créer un objet discret mais essentiel.
Les Livingstones sont des formes en laines, rondes, grises, nervurées ayant des tailles différentes. L’objet reprend l’esprit du « pouf » et du sofa avec la possibilité de les multiplier et de les moduler dans l’espace afin de composer son espace de détente. Les formes et les motifs sont directement inspirés des plages de galets du sud de la France.
Les Livingstones sont des objets qui se fondent dans l’ambiance d’un espace et créent un paysage feutré, doux, tendre, joueur et  confortable.
Marine Corré
Smarin, livingstones
Smarin, livingstones

L'évocation d'une cosmogonie

Charles Le Hyaric est un jeune artiste de 28 ans récement diplomé de l'ESAG de Penninghen et des Beaux Art de Paris. Son travail rassemble des petites pièces ou des installations monumentales, sobres dans les tonalités, riches dans le vécu des matières. Il aime jouer en mélangeant différents médiums.
Pour lui, l'envie de faire vient toujours par le toucher, la signification émerge ensuite. Il fouille, récupère, réutilise des matériaux, ramasse des pierres. Il s'interroge sur l'identité du vivant et le temps, s'inspire de Démocrite : tout est un ensemble d'atome.
Il aime le paradoxe entre les moyens d'expressions, notamment entre la pierre et le papier. Dans Monoïde, il créé un grand bloc qui à première vue ressemble à un gros bloc de roche, mais qui n'est autre qu'un ensemble de papier. Ce qu'on croit lourd et imposant n'est en fait que légereté et minutie.
A travers ses œuvres, il défend la beauté dans l'art, l'esthétique de la forme, de la mise en scène, de la matière, des teintes.
Jérome Boissière
Monoïde, papier, 150 x 40 x 80, Paris 
Toile traité, pierre et huile de lin dans plexiglas, laiton, feuille d'or et son. 190 x 120, Paris 

Peindre la roche 

La Vierge aux rochers 

La Vierge aux Rochers est un tableau de Léonard de Vinci dont il existe deux versions. La Vierge aux Rochers se distingue par son contenu symbolique et complexe. Elle célèbre le mystère de l’Incarnation à travers les figures de Marie, du Christ et de Saint Jean le Baptiste.
La Vierge aux rochers, Léonard de Vinci 1486
La Vierge aux rochers, Léonard de Vinci, 1508
La première version, réalisée entre 1483 et 1486, est conservée au musée du Louvre à Paris. La seconde version se trouve à la National Gallery de Londres. Elles ont été peintes pour une église de Milan. Le paysage serait un lieu, près de Florence, sur le mont Ceceri où Léonard de Vinci se serait promené étant jeune. Les figures divines, baignées d’une douce lumière, prennent place pour la première fois dans un paysage animé par les saillies des rochers. Le milieu naturel aux rochers est d'une originalité absolue, avec sa fascinante multiplication des sources lumineuses, des reflets et des brouillards lointains. Cette iconographie résolument nouvelle connut un succès immense, attesté par le grand nombre de copies contemporaines du tableau. Le traditionnel désert où se situe la rencontre des deux enfants de conception divine, est remplacé par un décor surnaturel de caverne et de roches, d’eaux et de végétaux. C’est le mystère de l’Incarnation qui est célébré, à travers le rôle de Marie et celui du Précurseur (Jean Baptiste), lequel est considéré selon une tradition florentine comme un compagnon de jeu de Jésus, déjà conscient du sacrifice à venir. Cette préfiguration de la Passion semble également contenue dans la représentation du précipice au bord duquel se tient l’Enfant et dans la végétation symbolique qui l’entoure (aconit, palmes, iris).
Xiaoyu Tang

Tout ce que nous voyons cache quelque chose d'autre / Magritte

René Magritte (1898-1967) est un peintre surréaliste belge maître dans l'art du détournement des objets ou des habitudes. Alliant malice et illusion, Magritte se joue des pierres dans plusieurs de ces œuvres. La plus célèbre d'entre elles, Le Château des Pyrénées, huile sur toile réalisée en 1959 offre un spectacle irrationnel et interrogateur. Un immense bloc rocheux suspendu entre ciel et mer et surplombé d'un château fort comme taillé dans ce bloc, envahit le tableau. On observe simultanément un rocher immobile qui semble indestructible comme un château fort, représentant la permanence de la mémoire entourée d’éléments en constante évolution. L'imaginaire et le mystère, toujours très présents dans les tableaux de l'artiste, semblent également se pétrifier dans ces tableaux : La Connivence ou encore Les idées claires.
Louise Roussière
Le Château des Pyrénées, R. Magritte, 1959, huile sur toile
La connivence, R Magritte, 1965, huile sur toile

Le noir de la roche

Loïc Le Groumellec, artiste peintre, a effectué une grande série consacrée aux menhirs, dolmens et mégalithes auxquels il accorde une place particulière et une grande importance depuis presque 30ans.
Ces peintures sont réalisées en laque sur toile. L’artiste représente des symboles forts dans une gamme chromatique limitée, le noir et le blanc. Avec une technique de l’effacement au chiffon, il pose une couche de laque puis il retire de la matière laissant n’apparaître que les formes.
Ces formes mégalithiques sont souvent associées à des signes religieux comme les croix chrétiennes, telluriques. Ainsi sa peinture convoque le mystique, le religieux, le païen et nous fait rentrer dans un univers étrange. Elle est aussi emprunte d'une rigueur minimaliste, jouant sur des rythmes de formes noires. On pourrait voir une contradiction entre les menhirs qui sont souvent illustrés comme étant des représentations traditionnelles et le parti-pris minimaliste qui renvoie à un monde contemporain.
Loïc Le Groumellec rattache sa peinture à la condition humaine : noir/blanc, racine/élévation, la déconstruction/la reconstruction et les religions.
Marine Guy

Loïc Le Groumellec, Mégalithes, 2004. Huile sur papier. 76 x 105 cm 

Peindre les pierre

Ludique, sophistiquée, élaborée, avec ces trois mots, on peut décrire le travail de Lionel Estève un artiste français, basé en Belgique. Tout son travail est inspiré par la nature, les couleurs, l'espace.
Son art est très poétique. Ses œuvres révèlent une certaine douceur et richesse. Il fait de la sculpture et de la peinture mais toujours avec une perception différente aux autres, il aime les œuvres qui donnent du plaisir à la personne qui regarde son travail.
Lionel Estève "Une Ligne",  2011, 113 pierres , acrylique, aquarelle
Avec son œuvre intitulée Une Ligne, Lionel Estève compose une installation magique à partir de 113 pierres dont la partie basse a été peinte à l'aquarelle. Il nous donne la sensation que les pierres ont été immergées dans le berceau d'une rivière asséchée. Mais tout cela n'est qu'une supposition, car l'artiste laisse au spectateur le soin d'interpréter son œuvre comme il veut car, lui-même ne la comprend pas, parfois.« J’essaie qu’elle soit à la fois évidente et distante », déclare-t-il dans une interview au Magazine de l’Art.
Anne-Sophie Flores Saleun