dimanche 25 septembre 2016

Noire est la Nuit ...

                                      


             Nous pourrions qualifier la nuit comme un long moment, la moitié d’une journée où plus rien n’est visible de la même manière. La nuit noire est caractérisée par une nuit sans lune, une totale obscurité. Elle suscite à la fois peur, désir et fascine. Le noir peut être autant un signe de malveillance, de tristesse, de pessimisme, de méchanceté que de luxe et d’élégance. La nuit peut nous plonger dans une ambiance lugubre, intrigante, inquiétante, sensuelle, poétique…. De nombreux artistes se sont intéressés à ce sujet qui allie souvent peur, mystère, inconnu où on ne discerne plus les choses de la même façon et où chacun est livré à ses rêves, ses cauchemars…

Philippine MASUREL & Franck GROSSEL


                           1-A La nuit révélatrice 

REMBRANDT - LA RONDE DE NUIT



        La Ronde de Nuit de Rembrandt (1642) est son tableau le plus célèbre et le plus controversé, ainsi que le plus grand. C’est une commande des membres de l'Amsterdam "Kloveniersdoelen" (milice civile de la compagnie des arquebusiers). Seulement Rembrandt choisit de ne pas satisfaire tous les commanditaires et de ne mettre en lumière que quelques-uns, surtout le capitaine Heer van Purmerlandt et le lieutenant Willem van Ruytenburch. Les autres personnages sont traités plus simplement ; c’est cette imprudence qu’on lui a reproché. En effet dans ce tableau il y a un clair obscur marqué qui met en avant certains et en cache d’autres, ce qui apporte du relief à la peinture. Cette lumière disposée par touches fait comprendre au spectateur ce qu’il voit tout en l’intriguant. L’atmosphère sombre est mystérieuse car dans le noir ambiant se cachent une multitude de couleurs, de personnages et de mouvement. « La Ronde de Nuit » de Rembrandt fait penser que la nuit montre des scènes extraordinaires que le jour ne révèle pas.*

Zoé OBERLÉ

                                     1- B Nuit cauchemardesque

1 -1 Nuit noire pour les insurgés espagnols ...

FRANCISCO DE GOYA Y LUCIENTES - TRES DE MAYO 




        Le tableau Tres de Mayo (aussi appelé Les fusillades du 3 mai) est l'un des plus connus qu'ait peint Francisco de Goya. Le sujet que le peintre a décidé de représenter est les représailles françaises après l'insurrection espagnole du 2 mai 1808 qui débuta la guerre d'indépendance de l'Espagne (1808-1814). Tous les espagnols participant à la révolte ayant été faits prisonniers le 2 mai furent exécutés par les troupes françaises aux premières heures du 3 mai. Ce tableau ainsi que le tableau Dos de Mayo furent peints 6 ans après les événements pour le cardinal Luis Maria de Borbon, frère du Roi. C'est donc une nuit sans lune et sans étoile qui est représentée dans ce tableau et qui illustre ce jour funeste pour les espagnols et l'absence d'espoir des prisonniers. Le ciel noir contraste fortement avec la lumière émise par une lampe posée au sol. Celle-ci éclaire et met principalement en valeur l'homme à la chemise blanche, dont la mort est imminente et dont le visage exprime la terreur, qui fait figure de martyr. La nuit peut également être synonyme de secret, en effet ces événements horribles se passent en pleine nuit se font également loin de la ville que l'on peut voir en arrière plan. Dans ce tableau, la nuit est peut-être noire, mais ce sont les horreurs de la guerre qui sont dénoncés et apparaissent comme de sombres moments de l'Histoire.

Fanny FAUVARQUE


1 -2 Le crime / La nuit ...

LE CARAVAGE - LA DÉCOLLATION DE JEAN BAPTISTE - 1608 




        Le Caravage Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Caravage, est un peintre italien de la fin du XVIème siècle et du début du XVIIe siècle. Célèbre pour son incroyable maîtrise du clair-obscur, il a pourtant reçu une formation auprès d’un peintre maniériste qui lui enseigna les acquis de la Renaissance. Formé dans un milieu imprégné du travail de Giorgione et de son emploi de la lumière douce, Il choisit d’affirmer un style propre et unique, en accentuant et en jouant avec les contrastes entre les zones sombres et éclairées. Une atmosphère particulière émane des toiles du Caravage. Elles semblent pour la plupart représenter des scènes nocturnes. D’un fond sombre se détachent des visages, des corps éclairés à la bougie ou encore par des lumières dont on ignore la provenance. Dans son œuvre La décollation de Jean Baptiste (peinte vers 1608, et conservée dans la co-cathédrale Saint-Jean de La Valette, Malte), les contrastes sont importants et significatifs. Une atmosphère étrange s’en dégage, accentuée par le placement des personnages, décentrés vers la gauche, et le large espace consacré à l’obscurité. En effet, le fond de la toile est très sombre, presque noir, ce qui pourrait nous indiquer que la scène se déroule la nuit. Cependant les personnages sont très éclairés, ce qui met en lumière l’atrocité de la scène, l’instant dépeint étant celui de la mort de Jean-Baptiste par décapitation. Le Caravage n’hésite pas à éclairer crûment les personnages, afin d’accentuer le caractère théâtral de cet épisode biblique. Ce procédé est l’un de ses traits distinctifs, et il en a abondamment usé tout au long de sa courte carrière, provoquant souvent confusion entre jour et nuit.

Raphaëlle CAROFF


1-3 Un tableau Cauchemardesque

Johann Heinrich Füssli -  Le Cauchemar, 1781, huile sur toile, 101.6 x 126.7cm




                 Le Cauchemar ou The Nightmare est un tableau du peintre Johann Heinrich Füssli, conservé depuis 1954, au Detroit Institute of Arts. Cette peinture est original par son thème novateur qui s'intéresse aux phénomènes du rêve de la Psyché et au sujets folkloriques. La femme souffrante est une vision courante chez les Romantiques ( fin XVIIIe au milieu XIXe ), tout comme le rêve, l’amour contrarié, le désespoir et la solitude qui se dégagent de ce tableau. Il fut un succès dès sa sortie et fut plusieurs fois imité, Füssli lui-même en peint plusieurs versions. Ce sujet intrigue et parle au spectateur car les sentiments qu’il dégage sont communs à tous. Le tableau est une expression visuelle d’une émotion dérangeante; celui d’un Cauchemar auquel le spectateur lui-même assiste. L'instinct et l'émotion prime lorsque notre regard croise celui de la jument au yeux globuleux ou l’inquiétant incube admoniteur, stoïque posé sur le ventre de la femme lascive empreint au démon. L’artiste comme son sujet se conçoit comme un génie torturé représentant avec sublime la nature onirique. C’est cette volonté d'exacerber les sentiments et les états d’âmes avec le mouvementant et la couleur que recherchent les Romantiques en réponse à la surreprésentation des modèles Antiques, classiques et figés prisés par le Néoclassicisme. Et c’est effectivement cette sensation viscéral que nous donne à voir Füssli qui aime explorer le cotés sombres de la nature humaine. De la violence à la perversité sexuelle et aux peurs irrationnelles que Füssli nous insuffle en nous plongeant dans les limbes de la nuits et des cauchemars qu'elle abrite.

Maxence DE COCK




1.4- La nuit invente nos peurs ...

Araignée souriante Odilon Redon, 1881 Fusain, estompe sur papier vélin chamois 49,5 x39



              Bertrand-Jean Redon de son vrai nom naît dans un famille aisée à Bordeaux en 1940 le surnom d’Odilon viendra de sa mère et il sera connu en tant qu’Odilon Redon. Il commence le dessin très jeune et s’exprimera avec différent médium. Il est peintre, dessinateur, pastelliste et graveur. Il fait la rencontre d’un certain Gustave Moreau qui n’est autre que l’un des précurseur du symbolisme si ce n’est un des chefs de fil du courant. Redon est rattaché à ce courant qui nait fin XIXe siècle. Très inspirés par la littérature romantique en particulier, les artistes symbolistes se détachent du réalisme par leur envie de traduire les rêves, pensées et émotions de l’Homme. Prenons l’exemple de l’Araignée souriante oeuvre réalisée au fusain sur papier vélin chamois en 1881. Le dessin mesure 49,5 x 39 et est conservé au Musée d’Orsay à Paris. Il réalise au même moment l’Araignée qui pleure les deux dessins forment un pendant. Cette araignée est un monstre souriant qui semble sortir tout droit d’un rêve. Elle est composée uniquement de noirs, nom qu'il donne à ses dessins au fusain qui représentent l’imaginaires, les rêves et cauchemars. L’araignée, animal détesté d’une immense partie de la population humaine, jugée repoussante et hideuse. Elle empêche de dormir ceux qui la savent dans la chambre, se cache dans les recoins des pièces avec son air sombre et sournois. Ici Redon nous présente une araignée à tête humaine, borgne mais souriante. Contrairement à ses consœurs réelles cette araignée possède une paire de pattes supplémentaire ainsi qu’une taille gigantesque si on prend le carrelage en repère. En même temps son corps rond en boule de poils lui donne un air doux et sympathique, elle danse sur ses longues pattes fines en nous souriant. De la nuit noire, de notre plus profond sommeil sortent toutes sorte de créatures imaginaires souvent inspirées du réel mais déformées par notre imagination. Ici la bestiole nous sourit et danse mais là bas elle pourrait vouloir nous dévorer. La nuit, on invente nos peurs on peut les exagérer ou leur coller un sourire sur la face cela dépend de nos rêves.


Myriam BURGAUD

                        2- Le songe de la nuit

2 -1 Mystérieuse est la nuit ...

Edward Hopper « Nighthawks », 1942.



                   Edward Hopper est Peintre et graveur américain né en 1882 dans l’état de New-York. Il est considéré comme un des peintres les plus marquants de son époque pour ses œuvres réalistes et naturalistes. Ses peintures représentent la vie de la classe moyenne américaine. Hipper est un des témoins de son temps. Cette toile dont le titre signifie "Rôdeurs de nuit" ou encore «"Oiseaux de nuit" dévoile une scène de vie classique de la classe moyenne américaine : on se retrouve face au décor d’un Dîner dont l’intérieur est illuminé par la lumière froide de néons ainsi qu’un extérieur composé d’immeubles plongés dans la nuit noire. Le contraste créé par cette opposition est fort de sens. La lumière artificielle du Dîner s'oppose au calme de la nuit. Les personnes présentes dans cet espace semblent effectuer un acte routinier. Noctambules, insomniaques, voyageurs nocturnes, simples consommateurs, ils sont les acteurs d'une histoire qui commence dans la nuit et que l'on ne connait pas encore. La peinture semble être un instant volé, saisi au cœur de la nuit par le peintre et nous donne envie de plonger au sein du tableau afin de découvrir la suite de l’histoire.

François-Marie VAILLANT


2-2 - L'échec de la nuit ...

Les réveils, Pierrick Sorin, 1988







               Les réveils est un travail d’auto-filmage réalisé en Super 8 par Pierrick Sorin en 1988. Le principe est simple : L’artiste crée un dispositif expérimental qui le réveille chaque matin avec un puissant flash, créant ainsi une sorte de journal vidéo qui enregistre chacune de ses réactions au réveil - réactions qui, au final, se ressemblent toutes - : Hébété, fatigué, il répétera quasiment quotidiennement les mêmes phrases : « Je me coucherai plus tôt » « je suis fatigué ». Ce film amuse non seulement par le visage tout bouffi de Pierrick Sorin, mais aussi et surtout par cette inlassable répétition, malgré ses résolutions du matin. Chacun se reconnaît dans ces réveils balbutiants et groggy, ces promesses vaines de se coucher toujours plus tôt et le fait de se retrouver tout aussi fatigué le lendemain. A travers ce journal-vidéo, l’artiste montre que toutes nos nuits se ressemblent  et que nous sommes tous égaux face aux réveils et au manque de sommeil. C’est ce qu’on pourrait appeler l’échec de la nuit : La nuit est censée être moment de repos, mais on  la consacre souvent à des activités toutes autres, ce qui a un impact sur notre état le lendemain. Le comique de cette vidéo vient de là : Le spectateur se reconnaît dans les réveils de Pierrick Sorin
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Ebony LERANDY


2 -4 Méditation au cœur de la nuit noire ...


GEORGES DE LA TOUR - LA MADELEINE A  LA VEILLEUSE



              Une femme, une flamme et un peintre. 1645, La Madeleine à la veilleuse surgit du pinceau de Georges de la Tour. A la suite du Caravage, le célèbre peintre Français s’empare de l’ombre et de la lumière pour mettre en scène des œuvres uniques. Son goût pour le clair obscur se dévoile dans un grand nombre de ces peintures avec une grande maitrise. Le peintre profite d’une nuit bien sombre pour illuminer son tableau. Seule une flamme vient éclairer la toile… Elle attire le spectateur au cœur de l’histoire de la belle Marie-Madeleine, méditante sur un crâne, symbole de la vanité des choses terrestres. A travers un jeu de clair-obscure, de nuit et de lumière, Georges de la Tour nous plonge dans une méditation intense, révélant ainsi la beauté céleste de la jeune femme. Il fait si noire, et pourtant la toile est parsemée de touches brunes. La lumière vient éclairer cette obscurité. Le peintre apporte une grande finesse à certains détails : une pile de livres, la lampe, le visage de Marie Madeleine ainsi que son buste habillé de quelques vêtements très simples viennent former un halo de Lumière. Georges de la Tour se sert de la nuit pour donner vie et mystère à son œuvre. Il la séduit, l’appréhende, l’étudie et joue avec celle qui vient troubler son obscurité : la lumière !

Flavie SIMON-BARBAUX


                      3- Le noir de la nuit

3-1 Si noire est la nuit, de quelle couleur est le Vantablack ?

ANISH KAPOOR - LE VANTABLACK





           Cette matière nouvelle faite de nanotubes de carbone agencés verticalement, mise au point en 2012 par Surrey NanoSystem est considérée comme la matière la plus noire du monde. Avec un coefficient d’absorption de lumière de 99,965 %, cette matière ne réfléchit pas la lumière mais la piège en son sein, comme emprisonnée. En février 2016, le plasticien Anish Kapoor obtint la concession artistique exclusive des droits d’utilisation de cette matière. Son nom se veut alors être associé à cette « couleur » au même rang que le bleu d’Yves Klein, qui reste néanmoins libre, le rouge Louboutin ou encore le jaune Clicquot, suscitant alors de vive réaction dans le domaine artistique (les domaines militaires ou scientifiques ayant un droit d’utilisation ). « Le noir, qu’il soit celui de l’asphalte ou de la nuit noire, appartient à tout le monde » réagissait alors Benoît Decron, directeur du Musée Soulages, à Rodez. Mais alors quel intérêt porte l’artiste à cette matière pour justifier de payer une fortune pour empêcher les autres d’y avoir accès. La particularité du Vantablack est d’absorber la quasi-totalité de la lumière, rendant le relief totalement invisible et apportant une dimension transcendantale. Kapoor imaginait alors : « un espace si sombre qu’en y pénétrant vous perdez toute idée de qui vous êtes, d’où vous êtes et la conscience du temps. » poussant un spectateur désorienté à se retrouver au fond de lui-même. Quand on connaît les intérêts d’Anish Kapoor pour les couleurs monochromatiques et intenses, pour les cavités mystérieuses et sombres et pour ses envies d’effets de désorientation spatiale comme dans son installation Leviathan au Grand Palais, le Vantablack apparaît comme la matière parfaite, questionnant au mieux les perceptions humaines.

Victor SALINIER


3-2 Le noir de Pierre Soulages...

PIERRE SOULAGEs - NOIR EST LA NUIT


                  Pierre Soulages est un artiste né en 1919 à Rodez . Il est principalement connu pour sa peinture et l’unique couleur qu’il utilise : le noir. Il travaille aussi la gravure à l’eau forte ou encore le vitrail mais toujours avec la même couleur directrice. S’il utilise parfois d’autres teintes comme le orange ou le blanc du papier c’est uniquement pour accroître la puissance et la profondeur du noir. Cependant ce n’est pas qu’un peintre du noir, c’est aussi un peintre de la lumière. L’utilisation d’un noir très brillant et de reliefs permet de faire apparaître la lumière dans un tableau complètement noir. Si on associe le noir à la nuit, ici elle se veut jour. Le jeu entre matière brillante et mate est subtile mais efficace. Peu importe où l’on se place face au tableau, l’effet est toujours présent mais jamais de la même manière, tout comme la nuit n’est pas la même en Alaska et au Pérou. On lui doit l’invention d’une nouvelle couleur, d’une nouvelle lumière: l’outrenoir. C’est un noir presque blanc, un noir lumineux. On dit que le nuit est l’absence de lumière or avec le travail de Pierre Soulages on peut se demander si, au contraire, la nuit ne serait une autre forme de lumière. Ainsi n’existerait-il pas un jour et une nuit mais bien deux jours ou deux nuits. On peut donc penser qu’il y a deux noirs : un dans la lumière et un dans l’ombre. Le nuit est l’espace mystérieux où tout ce que l’on connait est transformé, déformé. L’outrenoir, couleur étrange et transformable selon la luminosité, ne peut donc exister que dans la nuit.


Eloïse BONNARD


3-3 Ce vide de la nuit

TREVOR YOUNG - BLUEST VAPOR - 2014

               Trevor Young est un peintre américain. Il peint dans un style "minimaliste" des lieux banals, urbains, déserts, illuminés par des lumières artificielles la nuit. En effet, son sujet principal est l'empreinte du modernisme sur les avant-postes américains (lieux caractérisés par la lumière artificielle rude et les ombres dures sur le béton). Ses œuvres sont créées à partir de sources différentes telles que les souvenirs de ses voyages en voiture, des photos ou encore de la pure invention. Elles révèlent une atmosphère inquiétante, presque dramatique, figurant un monde froid, vide, commun et sans repères, tel un rêve éveillé…

Jean SENECAL



                              4- La beauté de la nuit

4 -1 Sensible est la nuit ...

HICHAM BERRADA - MESK-ELLIL
          Cette année, la biennale de l’Art Contemporain de Lyon a révéler l’harmonie des œuvres de Hicham Berrada dans les locaux de la Sucrière. Artiste, mêlant avec une sensibilité sans faille, Arts et Sciences, il a su nous surprendre. En effet, utilisant constamment des produits chimiques (tels que des carbonates ou des sulfates), l'artiste pose la question du rapport entre l’Homme et la Nature avec des créations très organiques créées scientifiquement comme l’œuvre Céleste de 2015. C’est donc ici une installation tout à fait perturbante qui apparaît sous le nom de mesk-ellil ; nomination arabe du jasmin lors de la floraison nocturne. La nuit n’est plus noire dans cette œuvre mais illuminée et le jour devient ténèbre. Plusieurs terrariums parfaitement ordonnés sont disposés dans un ancien bâtiment de Lyon. Ceux-ci contiennent les jasmins, plantes reconnues toxiques mais abondamment odorantes, envoûtantes qui ne fleurissent que la nuit. L'artiste inverse le jour et la nuit, bouleversant le cycle de la plante, pour en offrir l'odeur aux visiteurs de l'exposition. Il plonge l'espace dans un noir est presque total, invitant le spectateur dans un univers onirique voire terrifiant mais absolument fascinant. Un mélange d’artifice et de Nature nous émerveille encore…

Marie BAL-FONTAINE



4-2 Lorsque dormir est un art ...

SOPHIE CALLE - LES DORMEURS

         Artiste multiple de par son goût pour l’écriture, la photographie, l’art et autres disciplines, Sophie Calle se questionne le réel et la fiction. Sophie Calle va se livrer à des travaux, notamment photographiques qui mettent en place des protocoles, des scénarios très particuliers. On compte parmi ses reportages photographiques des stratégies de suivis d’inconnus et de proches. Elle produira un travail intitulé « Filatures parisiennes » en 1978, qui consiste à « suivre des inconnus dans la rue, noter leur déplacements, et les photographier à leur insu. Ce premier projet marquera pour elle un véritable point de départ dans la mise en place de sa carrière artistique. C’est en 1979 que Sophie Calle explore un sujet quelque peu différent. Elle l’appelera Les Dormeurs. C’est à la suite de la remarque d’une de ses amies concernant ses draps, que Sophie Calle aura l’idée d’un projet pour le moins troublant : inviter de parfaits inconnus, des gens choisis au hasard en pleine rue à venir dormir, passer quelques heures dans son lit. "Je voulais que mon lit soit occupé vingt-quatre heures sur vingt quatre, comme ces usines où on ne met jamais la clé sous la porte. J’ai donc demandé aux gens de se succéder toutes les huit heures pendant huit jours. Je prenais une photographie toutes les heures. Je regardais dormir mes invités. […]. », répond l’artiste quand on l’interroge sur son travail. Et c’est ainsi que « du dimanche 1er avril 1979, à 17h, au lundi 9 avril 1979 à 10h30, 28 personnes se sont succédées de manière ininterrompue dans le lit de Sophie Calle. » (tiré du blog Marie de Paris-Yafil). Se livrant toujours à la même méthode, Sophie Calle procède également au travail d’écrits détaillés (« sujets de discussion, positions des dormeurs, leurs mouvements au cours de leur sommeil, le menu détaillé́ du petit déjeuner qu'elle leur préparait.») qui constituent aujourd’hui un rapport à son travail qui lui apporte toute sa singularité. Plus que de partager son lit au cours d’une nuit, Sophie Calle fait totale abstraction des codes sociologiques et de l’intime. 

Mathilde CERES


4-3 Une galaxie entre quatre murs...

Yayoi Kusama - INFINITY MIRRORED ROOM – THE SOULS OF A MILLIONS OF LIGHT YEARS AWAY

          Cette installation immersive est le reflet de deux obsessions de l’artiste Yayoi Kusama : l’infini et l’oblitération de soi. Entre quatre murs, l’artiste a réalisé un environnement onirique dans lequel l’irréel et l’inexplorable semblent être matérialisés. Dans cette pièce sombre aux allures galactiques, les miroirs qui recouvrent les murs et le plafond distordent et étirent l’espace, si bien que le spectateur semble se retrouver dans un lieu sans fin ni obstacle. Les LED colorées suspendues et clignotantes donnent l’impression de se retrouver au beau milieu d’une nuit étoilée où le temps est suspendu. A travers ce processus d’accumulation et de projection dans l’obscurité, Yayoi Kusama joue avec notre capacité à appréhender l’espace mais cherche également à minimiser notre conscience de soi et à nous faire disparaître dans l’immensité de la nuit.

Emilie-Marie GIOANNI


4-4 - Courant d'air nocturne ...

Van Gogh Vincent, Le Ciel Etoilé, 1889, huile sur toile, 73x92cm
             Non, la nuit n’est pas noire chez Van Gogh. Elle scintille de milles feux et vit au rythme des courants d’air bleuté qui l’agitent. Les couleurs complémentaires utilisées (bleu-orange/jaune-violet) sont mises en contraste et attrapent l’œil, et cette mer déchainée prend la forme d’une illusion d’optique. Le ciel est ici le sujet de ce paysage, mais Van Gogh avait déjà traité de la nuit un an auparavant d’une manière plus courante avec La Nuit Etoilée, et le reflet du ciel étoilé sur la Terre. La touche si particulière de Van Gogh donne vie à la ligne, et en fait une œuvre postimpressionniste d’une grande force expressive. La multitude de tourbillons traduisent le monde du rêve, et des forces primitives inconnues semblent s’en dégager. Sa vue, supposée déformée par les médicaments qu’il ingérait à l’asile de Saint Paul de Mausole, peut expliquer cette interprétation de la nuit. Mais Van Gogh, alors en proie à une grande dépression, peint ce qui lui parait être sa dernière maison. Il écrit ainsi à son frère « Tout comme nous prenons le train pour nous rendre à Tarascon ou à Rouen, nous prenons la mort pour atteindre les étoiles », et mettra fin à sa vie un an après, en 1890. Cela fait ainsi ressortir croyances et débats qui ont agité les sociétés et les scientifiques au fil des siècles. Van Gogh, grand précurseur de son temps, avait déjà compris que la nuit n’était pas noire, mais que d’après le paradoxe d’Olbers, c’est uniquement l’œil qui ne peut pas percevoir à la fois toutes les étoiles, mais aussi toute la lumière des étoiles qui n’a pas encore eu le temps de parvenir à notre planète. Ainsi, la sensibilité de ce tableau se dégage à travers des aspects aussi bien techniques que scientifiques.

Clara JOUAULT


 4-5  La tête dans les étoiles ...

CLAUDE LEVEQUE - LE GRAND SOMMEIL - 2006 
            Claude Lévêque est un artiste français qui privilégie le travail in situ. Il aime créer des espaces dans lesquels il apporte une atmosphère particulière. Son œuvre intitulée Le Grand Sommeil exposé en 2006 au Mac/Val de Vitry-sur-Seine, en est un beau témoignage. Il s’agit ici d’une œuvre In situ qui traite du sujet du sommeil mais également de l’environnement dans lequel le sommeil se met en place notamment dans l’enfance. Lorsque les visiteurs rentre dans la pièce la première chose qu’il remarque, sont ces structures de lits identiques et parfaitement alignées placées à l’envers au plafond comme si le sol était le plafond et le plafond le sol. On a alors un sentiment de perte de repères typique que l’on peut ressentir lorsqu’on rêve. L’idée de Claude Lévêque est d'amener les visiteurs à se plonger dans une ambiance qui se veut rêveuse. Pour cela, il utilise la lumière noire, couleur bleue, pour faire phosphorer les éléments blancs tels que les lits, comme un ciel étoilé qui scintille dans la nuit. Sur les structures de lit se trouve des boules blanches signe du boulier chinois qui représente le temps qui passe ainsi que des jouets pour enfants. Au sol, il y a de grandes demi-sphères dans lequel sont placées les boules blanches qui au fil du temps se sont misent à tomber pour rappeler que le temps passe vite lorsque l’on dort. Toujours dans une volonté d'immersion, Claude Lévêque compléte son œuvre plastique par une musique asiatique presque de méditation qui permet une relaxation dès l’entrée dans l'œuvre. En conclusion les visiteurs ont pu rentrer dans une atmosphère créé par Claude Lévêque mais que chacun perçoit différemment en fonction de sa sensibilité. Ils ont dû pour cela s’immerger et marcher à l’intérieur tout en ayant la tête en l’air comme si l’espace d’un moment le temps s’arrêtait et qu’on se retrouvait de nouveau en enfance, la tête dans les étoiles.

Cellie PIRAUD