vendredi 27 octobre 2017

Musée d'arts de Nantes : la réouverture



Musée d'arts de Nantes : 
la réouverture


Haut lieu de culture artistique à Nantes, le Musée d'Arts a réouvert en juin dernier pour notre plus grand bonheur après six ans de travaux.
On y découvre un nouvel aménagement du palais néoclassique d'origine et la construction d'une architecture moderne dédiée à l'art contemporain : le Cube.
Avec une collection enrichie, audacieuse de plus de 13.000 tableaux, photos, vidéos ou encore sculptures le visiteur traverse les siècles de l'art byzantin aux œuvres de Kapoor, du 13e siècle à aujourd'hui.
On peut voir avec surprise les œuvres dialoguer au fil de notre visite des salles d'exposition. Cette confrontation enrichit le parcours scénographique et attire notre attention sur le traitement de différentes thématiques au cours des siècles et des courants.
Le Musée d'arts de Nantes est une invitation au voyage et à l’évasion depuis son parvis jusqu’à ses œuvres les plus récentes. Nous vous guidons aujourd’hui à travers sa renaissance.

Par Anthony Ménégon, Clément Moinardeau, Sixtine Puthod.



« Il était une fois »




Avant de devenir Le Musée d’Arts que l’on a redécouvert depuis sa restauration, celui-ci a connu de nombreux changements, à commencer par son nom.
Le Musée des beaux-arts de Nantes voit le jour en 1801 par un décret de Napoléon Bonaparte. Sa création a eu lieu au même moment que 14 autres musées en France. À l’ouverture, les œuvres exposées venaient d’une donation d’une quarantaine de tableaux de l’Etat et des dépôts du musée central (actuellement le Louvre). Ces œuvres faisaient partie de l’ancienne collection royale, des églises, de couvent de Paris ou des conquêtes révolutionnaires et napoléoniennes. Cela a permis de récolter le premier fonds des collections du musée. En 1810, le musée s’est enrichi par l’acquisition de 1155 tableaux, 64 sculptures et 10 000 estampes venant de la collection des frères Pierre et François Cacault. L’achat de cet ensemble apporta à la collection du musée de Nantes toute sa richesse et son ampleur. C’est seulement 20 plus tard que les œuvres sont présentées au public à l’étage de l’ancienne Halle aux toiles.
Par la suite, la ville de Nantes ne cessa d’apporter de nouvelles œuvres à ses collections. Elle les achetait particulièrement à des artistes vivants comme Delacroix, Ingres ou encore Courbet au XIXème siècle. Elle reçut de nombreuses donations directes ou testamentaires. La collection devenait importante et l’espace pour l’exposer trop exigu et inadapté. 
C’est en 1891 que la ville décida alors de construire un édifice spécialement conçu pour conserver et présenter leurs œuvres dans de meilleures conditions. Clément-Marie Josso, un architecte nantais, dessina les plans du Palais des beaux-arts selon les principes des musées de Lille ou d’Amiens. Inauguré en 1900, le corps central du Palais est constitué par le « Patio » qui présente aujourd’hui des expositions temporaires. C’est une cour de sculpture centrale couverte par un large pyramidion de verre. L’architecte Josso s’était inspiré de la Grande galerie du Louvre pour créer les verrières des galeries de l’étage en utilisant les dernières technologies de structures métalliques de l’époque. 
Le musée sut s’adapter facilement à une présentation chronologique des collections sans cesse complétées. Le monument, à l’aide d’une politique d’expositions temporaires, commença à accueillir des créations contemporaines. Cela permit une meilleure diffusion et compréhension de l'histoire de l'art. 
C’est en 2011 que le musée ferma ses portes pour une durée initialement prévu de deux ans. Cependant, après avoir fait la découverte de veines d’eau à l’emplacement de la future extension, le projet de restauration dura presque 7 ans. 
La réouverture du Musée d’Arts de Nantes a eu lieu le 23 juin 2017. Il offre depuis un programme culturel ambitieux. 

Par Jeanne Perrine.



La Rénovation du Musée d’Arts de Nantes par Stanton Williams



Réouvert, le week-end du 23 juin 2017, le Musée d'Arts de Nantes a fait l'objet d'une grande rénovation, d'une extension et d’un réaménagement de 2009 à 2017. Un projet imaginé et réalisé par le cabinet d'architectes britannique Stanton Williams. Un cabinet spécialisé dans l’implantation d’espace contemporain en site historique. Ce cabinet a notamment réalisé les espaces du Théâtre de Belgrade à Coventry (2007) ou encore les 7 galeries de céramiques du Victoria & Albert Muséum (2009). 

Les travaux, plus longs que prévus, ont permis d'augmenter la surface d'exposition de 30%, de répondre aux normes actuelles de conservation, mais surtout, d'offrir un parcours muséographique plus large des très riches collections de la Ville allant de la peinture à la vidéo, en passant par la photographie ou l’installation, de l'art ancien à l'art contemporain. 

Les grands axes du projet : 

- Réaffirmer le principe d’un seul Musée d’arts « généraliste » connecté avec l’art de son temps, dont l’agrandissement doit permettre une présentation plus large des collections. 13 000 œuvres d’art ancien, moderne et contemporain, etc. Passant par la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo et les installations. 
- Augmenter la surface d’exposition dédiée à l’art contemporain qui représente plus de la moitié des œuvres conservées et développer la collection grâce à un nouveau lieu, le Cube et ses 2000 m2 d’exposition répartis sur 4 niveaux. 
- Créer un nouveau parcours muséographique afin de mieux apprécier les collections entre le Palais, la Chapelle de l’Oratoire et l’extension du Cube. 
- Proposer une offre culturelle ambitieuse avec la création de nouveaux équipements comme l’auditorium, la bibliothèque, le nouveau dispositif multimédia, les espaces pédagogiques et le cabinet d’art graphique. Afin de contribuer à la réussite éducative et à la cohésion sociale 
- Restaurer le bâtiment existant dans sa dimension patrimoniale (verrières, façades), et assurer une mise aux normes en termes d’accessibilité et environnementale (contrôle du climat et de la lumière, réserves…). 
- Transformer l'image vétuste du Palais en un Musée contemporain vivant, démocratique et accueillant. 
- « Bâtir un musée du 21e siècle, un musée qui réinvente la manière d'aller au musée ». Adapter le musée aux nouveaux usages, aux temps des habitants, notamment par des nocturnes. 
- Créer un musée ouvert sur la Ville et ses habitants, qui complète et respecte l'architecture existante. Cette ouverture du musée commence avec la suppression du portail existant le long de la façade principale du Palais et son étroit escalier d'accès remplacés par un nouveau parvis formant un espace public accessible depuis la rue elle-même réaménagée, jusqu’au hall principal du musée. Ce large accès offre aux visiteurs et aux passants un lieu de rencontre et de repos. De plus Situé à proximité du Château des ducs de Bretagne, de la cathédrale et du Jardin des Plantes, le musée constitue avec la Chapelle de l'Oratoire un pôle historique exceptionnel. 
- Créer pour les nouveaux espaces, une architecture qui a pour vocation de connecter les usagers avec leur environnement a travers qualités sensuelles de l’espace, la lumière et les matériaux. 

L’architecture s’inspire du lieu, par le traitement des matériaux et de la lumière. La lumière naturelle qui baignait les galeries du Palais est conservée et optimisée. La façade de marbre blond du Cube, clin d’œil au tuffeau nantais et au granit, est composée de feuilles très fines pour laisser traverser les lueurs du jour. 

Une pièce du musée est réservée à cette épopée 2009-2017, ayant pour but de montrer la relation entre la conception architecturale et l’art de la construction. Le projet, le processus créatif est retracés grâce à des maquettes d’études et des photos. 

Par Tara Baron.



Parvis, accueil




Le Musée d’ arts de Nantes est situé au cœur du centre-ville, à deux pas de la cathédrale, du jardin des plantes et de la gare SNCF. Au 10 rue Georges Clemenceau, le parvis du musée des arts de Nantes donne directement sur la rue. Celui-ci n’est pas clôturé. Au contraire, tout est fait pour que le bâtiment encastré dans la petite rue soit plus visible. Le revêtement du sol change aux abords du musée, un agencement de pavés blanc et gris foncé. De grandes bannières colorées signalent également le bâtiment. 

Trois escaliers permettent de monter devant l’entrée du musée. Entre, on trouve de grandes marches sur lesquelles il est possible s’asseoir, par exemple pour attendre devant le musée. Des bancs sont également présents autour des portes d’ entrée. L’accès au PMR est possible par un ascenseur de verre très moderne, sur la gauche du parvis. À l'opposé de celui-ci, sur la droite, on retrouve un cube en verre dans lequel sont exposés des œuvres éphémères : lorsque nous avons visité le musée, c’est l’œuvre de Dominique Blais qui était exposée : un spectre de la lumière. En effet pour la première intervention dans la vitrine extérieure du musée, l’artiste invente un dispositif cinétique, inspiré du gyroscope et associé au disque de Newton.

L’entrée dans le musée se fait après une fouille par la sécurité. L’accueil est imposant, frais et lumineux. On se trouve face aux fameux escaliers du musée. L’espace billetterie et information se trouve légèrement sur la droite. À gauche, on trouve le « café du musée » et à droite la « librairie-boutique », deux espaces de détente. Quelques œuvres sont exposées dans le hall et des espaces d’attente (banquettes) sont aménagés. 

Par Romane Caudullo.



La visite pour les personnes en situation de handicap




Erigé depuis 1900 dans la rue Clemenceau, le musée des beaux-arts n’avait connu aucune transformation et restauration importante depuis sa fondation. Mais c’est en 2011, qu’il va fermer ses portes aux publics et subir une véritable rénovation avec à la clé différents enjeux. Le projet comprend des travaux d’extension, permettant une augmentation de sa surface d’exposition de 30%, et de modernisation avec la restauration de 8000m2 de façades et le renouvellement des verrières. Cette réhabilitation patrimoniale permet de répondre aux normes actuelles de conservation des bâtiments et des œuvres, mais surtout d’offrir au public une grande collection appartenant à la ville de Nantes que ce soit dans la peinture, la sculpture, la photographie, ou encore la vidéo.

Cette restauration a permis également de répondre aux normes d’accessibilité qui sont à l’heure actuelle indispensables pour ce musée emblématique de la ville de Nantes.

Accueillant désormais tout type de public (Jeunes ; femmes enceintes, personnes âgées, personnes à défiances motrices, auditives, visuelles, ou mentales), le musée a mis en place des structures pour répondre à ses besoins. Divers aménagements permettent une circulation agréable et un confort dans les espaces.

On retrouve dès l’entrée du musée, la présence de déposes-minute, un ascenseur extérieur situé sur le parvis du musée, rue Clemenceau, et des rampes d’accès permettant d’atteindre facilement le hall d’accueil. 

Une fois la porte d’entrée franchie, la personne pourra s’appuyer de plans d’accès disposés tout au long du parcours ainsi que la présence d’une forte signalétique aidant à une bonne circulation. 

Des visites et ateliers sont adaptés en fonction du handicap des visiteurs sur réservation et chaque spectateur peut se munir de textes en grands caractères disponibles pour découvrir la collection permanente mais également les exposition temporaires. 

À l’intérieur des salles, des assises reparties de façon homogène permettent un repos aux personnes handicapées et la présence d’ascenseurs intérieurs facilitent l’accès aux salles principales du musée tel que les étages du palais, le Cube et la Chapelle. 

Enfin, le point fort du musée est principalement la mise à disposition d’une application numérique d’aide à la visite. Ce dispositif spécifique est mis à la disposition de tout le monde pour faciliter l’expérience à vivre lors de la visite du musée. Elle intègre différentes fonctionnalités telles que : l’agrandissement d’images, la mise à disposition d’images fortement contrastées pour les malvoyants, et d’un système de notification dès l’approche d’œuvres dont le contenu est en audio description. 

Ce projet d’une très grande ampleur est une véritable réussite, le musée a su s’adapter aux différents publics et particulièrement aux personnes en situation de handicap permettant une déambulation et une découverte du patrimoine nantais facilement. 

Par Lucile Artignan.



Ma visite, l'application et le Musée des Arts Nantes




Une visite personnelle
Cette application permet de guider le visiteur dans le musée et de découvrir les œuvres. 
Il est possible de suivre des parcours de visites thématiques en sélectionnant l’un d’eux. Il y a plusieurs parcours qui se dissocient par thème (Genre artistique, : « Découverte des collections », « Architecture », « du 13e au 19e siècle », « même pas mal » … Le visiteur a la possibilité de retrouver ses rubriques en allant dans le menu « tous les parcours ». 
En choisissant sa thématique, le visiteur est son propre guide et peut effectuer la visite qui correspond le mieux à ses attentes. Pour finir sur l’application, il a été créé une rubrique « ma visite » pour créer son propre parcours en ajoutant ses œuvres favorites. 

Une visite pour les grands et les petits
Il existe une rubrique « Découverte en famille » qui offre l’opportunité aux parents de se balader de façon ludique et amusante (quiz, chercher l’erreur, jeux…) avec leurs enfants. Grâce aux jeux, l’enfant apprend plus vite tout en s’amusant (l’enfant accumule des points pour chaque activité réussie). 


Un Musée connu et accessible à tous
Deux musées ont adopté l’accès à une plateforme intitulé « ma visite » : le Musée du Louvre à Paris et le musée des Arts de Nantes. Cet accès au musée permet une meilleure visibilité ainsi qu’un accès pour les personnes atteintes de handicap. Le « parcours accessible » se divise en deux parcours : le parcours LSF (accessible au mal entendent). 
Et le parcours audio description (accessible aux non-voyants) des panneaux en brailles sont situé en dessus de certaines œuvres (Georges de la Tour, Yves Tanguy, Jésus Rafaël…) et à l’entrée du Musée est placé à la gauche du guichet un plan écrit en baille accessible aussi en fauteuil roulant. 

Des œuvres expliquées et localisées
Grâce à l’application, il est possible de retrouver une œuvre en la localisant grâce à la carte indiquant chaque œuvre à chaque étage. De plus, chaque œuvre est accompagnée d’une courte explication qui peut être trouvée en tapant le numéro de l’œuvre situé sur son cartel. La courte explication de chaque œuvre propose une histoire de l’œuvre (contexte d’apparition, ce que l’œuvre a généré…) ainsi qu’une étude de l’œuvre (composition de l’œuvre, descriptions des personnages, partis pris de l’artiste, anecdote sur l’œuvre et l’artiste…) 

En plus de tout cela, il est possible de suivre toute l'activité du musée et les événements avenir grâce aux vignettes déroulantes en bas de l'écran dans la page d’accueil. 

Sources :

- https://itunes.apple.com/fr/app/ma-visite-mus%C3%A9e-darts-de-nantes/id1247918078?mt=8
- https://museedartsdenantes.nantesmetropole.fr/mavisite

Par Charlotte Kaplan.



La signalétique




Les cartels et plaques
Très classiques, ils retranscrivent simplement les informations de l’œuvre avec différentes graisses de polices pour guider l’œil. La moitié du cartel est dédiée à un descriptif plus approfondi de l’œuvre. Le musée met ainsi en avant des œuvres en donnant la possibilité au spectateur d’apprendre plus. Pour les œuvres « monumentales », les cartels sont de très grande dimension. Des cartes descriptives sont aussi mises à disposition du public. Disposées au niveau des bancs, elles apportent des informations sur des artistes ou des mouvements artistiques. La signalétique autour des œuvres se veut donc assez pointue et très informative. 

Les plans
Des plans sont mis à disposition dans plusieurs bacs à l’esthétique flashy et minimaliste. On trouve ces bacs à différents endroits dans le musée, à commencer par l’accueil. Des bornes numériques sont également disponibles pour consulter des plans. Leur design est simple et leur permet de bien s’intègrer dans les espaces qu’ils occupent. 

La déambulation du public
Afin d’optimiser les repères du spectateur dans l’espace, de grands chiffres concernant les étages sont creusés dans les murs. Minimalistes et évocateurs, on pourrait suggérer qu’ils jouent avec l’œuvre « Sister » de Anish Kapoor. Cette signalétique est aussi présente dans l’ascenseur, qui reprend la typographie en la mêlant à des pictogrammes informatifs. 

La réglementation 
Outre les traditionnelles barrières noires classiques pour guider le public, parfois surmontées d’un panneau imprimé, on remarque quelques panneaux métalliques imprimés en noir et disposés dans des espaces stratégiques, qui donnent au public les recommandations primordiales : ne pas manger, ne pas téléphoner et retirer le flash. Cette signalétique parle d’elle-même, et les logos choisis sont très minimalistes. 

Le parcours 
De grands panneaux métalliques verticaux indiquent par des flèches les différents espaces d’exposition. La police est très fine et les informations sont minimales : le public ne peut pas être brouillé, seul l’essentiel est indiqué. Les lieux correspondants aux espaces d’expositions sont indiqués par des carrés colorés qui attirent le regard (le Patio en rose, le Cube en jaune, …). Un point intéressant se dégage de ces panneaux : l’arrière, peint en jaune fluorescent, se réfléchit sur le mur et attire fortement l’œil. 

Les marquages pour les œuvres
Les différents espaces sont marqués de grands aplats de couleurs : ils représentent les différentes époques ou mouvements artistiques. On pénètre ainsi, en commençant par le XIIIe siècle, dans une salle bleu outremer. Le musée intervient parfois en périphérie des œuvres pour les protéger ou améliorer l’accès au public : par exemple, l’œuvre « 1000 names » de Anish Kappor est encerclée d’un léger bandeau blanc qui délimite la spatialité de l’œuvre, et des pastilles de démarcation guident le public dans « de l’air, de la lumière et du temps » de Susanna Fritscher.

Par Louis Richard Marschall.



Exposition temporaire : Suzanna Fritscher
De l'air, de la lumière et du temps (Nur mit Luft, mit Licht und mit Zeit)
Du 23 juin au 8 octobre




À l'occasion de sa réouverture, le musée d'arts de Nantes a fait appel à Suzanna Fritscher pour exposer dans le Patio du Musée, espace dédié aux expositions temporaires depuis les années 1990. L'artiste, née en 1960 à Vienne, s'est prêtée au jeu. Amatrice de terrains inconnus, elle conçoit la majorité de ses œuvres in situ. Dans la continuité de ses travaux, le blanc, la transparence, et la perturbation sensorielle sont toujours présents, de même que les matériaux comme le verre, auquel elle reste fidèle, et le cadre immersif dans lequel elle aime plonger le spectateur.

Lorsque l'on visite le musée, l'œuvre apparait comme une pièce majeure, tant par son emplacement central que par son aspect monumental, tant par l'expérience qu'elle propose aux spectateurs que par les moyens importants mis en œuvre pour la réaliser.

L'installation, visible depuis l'entrée du musée comme une pluie fine, est composée de très nombreux fils fins transparents en silicone tendus depuis le plafond jusqu'au sol. Les points de tension forment un quadrillage à alternances, ce qui laisse des chemins au spectateur pour y pénétrer. Les 350 kilomètres de fil nécessaires à la réalisation ont été fabriqués spécialement pour l'artiste par une entreprise espagnole. Elle s'est fait aider par une équipe de 8 personnes dont un ingénieur pour les installer. Ces fils sont presque invisibles à l'œil nu. Il faut se déplacer pour qu'en se superposant, les trames verticales en silicones, qui se confondent dans la pâleur de l'architecture du musée, ressortent. En effet, ces jeux de superpositions donnent l'impression de déformer la profondeur. Fritscher voulait dérouter la vision du spectateur en lui faisant vivre une expérience sensorielle puissante, et ce, dans un espace bien concret, contrairement à ce qui pourrait aujourd'hui se faire dans le domaine du numérique par exemple. Du haut de ses 15 mètres de haut, la création est aérée, donne la sensation de flux d'air, notamment par les vibrations des fils. Sont à remarquer également les variations de luminosité selon la météo, qui font chaque instant un peu plus unique grâce la qualité de la lumière passant par la verrière du Patio.

Dans les couloirs latéraux du Patio, un système sonore nommé Flügel Klingen schwingen Tönen Kreis apporte une bande son à l'espace. Aux quatre coins de la pièce, sont disposés des tubes en plexiglas (de 2 à 5 tubes suivant les coins) fixés à un moteur électrique qui se met en marche puis s'arrête pour quelques dizaines de secondes de façon aléatoire. Le bruit résulte de la pénétration de l'air dans le tube grâce à sa vitesse. Pour le spectateur, cela se traduit par un bourdonnement paisible et constant qui accentue la notion de vibration et de flux d'air.

À cela, s'ajoute Souffles, des poches de verre réalisées par des souffleurs de cristallerie sous la volonté de la plasticienne. Cette dernière voulait mettre en avant le processus employé qui diffère de ce que les souffleurs ont l'habitude de réaliser. C'est aussi par son affection au matériau qu'elle dira en interview ", c'est un peu comme le préambule de l'exposition".

L'accès au premier étage donne une vision étonnante de l'installation. Grâce à un télescope connecté à une un caméra, on peut cadrer un endroit spécifique de l’œuvre. Un programme fait disparaître et réapparaître progressivement l’image. La temporalité, déjà bien présente à travers les variations et déambulations dans l'œuvre, est ici amplifiée, car cet apport permet de capter des instants, et montre que les qualités plastiques de l'installation de Suzanna Fritscher s'expriment dans le temps.

Par Malo Sahores.



Murs blancs, cimaises de couleurs, mobiliers, lumières, quels choix ?



Le hall d’entrée du musée des Arts de Nantes

Fermé à partir de 2011 au public, le Musée a rouvert ses portes le 23 juin dernier. Une multitude de nouveautés a vu le jour, surtout concernant la réhabilitation de l’espace. L’entrée est grandiose et s’impose directement au visiteur par son immensité et son coté majestueux. En effet, les murs sont blancs, le mobilier extrêmement restreint puisque composé d’un seul banc, le sol est clair et la billetterie ne se distingue pas du reste. La seule note colorée se trouve dans les indications de direction qui sont jaune fluo. La lumière est omniprésente par les nombreuses baies vitrées. Le patio est lui aussi très clair,  innondé de lumière par une grande verrière.
La plupart des salles d’exposition est constituée de murs blancs afin de faire ressortir la collection de tableaux classiques. C’est d’ailleurs le parti pris de nombreux musées qui souhaitaient uniquement des murs blancs pour ne pas altérer les œuvres. Cela permet d’éclairer les tableaux et de n’avoir aucune influence. Néanmoins, le musée d'arts de Nantes a choisi de faire ressortir certaines œuvres en les accrochant sur des cimaises colorées. Effectivement, dans plusieurs pièces, afin de mettre l’accent sur  les œuvres "phares", le choix a été fait de les accrocher sur des pans de murs colorés. C’est le cas pour la collection de tableaux de Georges de la Tour, qui sont mis en avant par du rouge bordeaux. Dans d'autres salles du parcours, on découvre aussi des cimaises bleues marines,  vertes,  kaki etc. 


Les cimaises colorées du musée d'Arts actuel

Le mobilier reste très effacé, il se limite bien souvent à un îlot central dans la pièce où le visiteur est invité à s’asseoir tout en contemplant les œuvres qui se trouvent autour de lui. Un groupe de personnes peut s’y installer simultanément. 

Le musée des Beaux Arts avant rénovation


Par Eugénie Le Mauff.



Le Musée des Arts de Nantes et ses partis pris... Accrocheurs




Sa rénovation achevée, le Musée d'Arts nous invite à expérimenter différemment l’approche de la visite traditionnelle, en partie grâce à ses partis pris d’accrochage. Tout d’abord les cimaises colorées, tranchant avec les murs blancs classiques, invitent le regard du spectateur à contempler les œuvres phares des collections, comme Le Vielleur à la mouche de Georges De La Tour ou encore Diane Chasseresse d’Orazio Gentileschi. La déambulation débute chronologiquement du XIIIe jusqu’au XIXe siècle avec les collections anciennes des Primitifs italiens et l’art caravagesque. Mais au cœur de ce parcours, la chronologie est bousculée, laissant place à une salle d’ordre thématique. En effet, « Le musée du XXIe siècle » propose aux visiteurs de circuler entre « art d’hier et art d’aujourd’hui » en mélangeant des tableaux de périodes différentes, mais traitant d’un sujet identique : « Femmes, icônes et subversion des modèles ». Le public à la possibilité d’observer cette exposition éphémère pendant un an, lui laissant le temps de s’approprier cette rupture du parcours classique, et de s’interroger sur le statut social de la femme à différentes époques. Au sein d’un même espace, on retrouve alors une Sainte-Marie, des bourgeoises, des déesses mythologiques, des modèles iconiques ou canon de beauté, mais aussi une simple représentation du corps féminin, plus contemporaine : le Vertigo 3 de Camilla Adami. L’art ancien et l’art contemporain réuni, se détachent alors de la chronologie établie dans les salles adjacentes et offre un nouveau souffle visuel aux visiteurs. 

Sources:
- Laura Bourdon (06/07/2017) « Le musée d’Arts de Nantes se révèle », pris le 30/09/2017 sur http://www.exponaute.com
- (Février 2017) « l’éveil d’un grand musée », pris le 30/09/2017 sur http://de.media.france.fr
- Valentin Davodeau (09/05/2017) « Au Musée d’arts, les femmes sont subversives », pris le 01/10/2017 sur http://www.nantes.maville.com
 

Par Marie Breuillon-Grisez.



Murs bordeaux salle n°4




Parmi les nombreuses salles qu’offre le musée des arts, l’une d’elle met en lumière l’artiste Georges De La Tour, figure emblématique du XVIIème siècle. La tendance du White-Cube dans les musées plutôt passée, on retrouve dorénavant des murs colorés. Comme dans cette salle n°4, où certains pans de mur sont recouverts de peinture rouge-bordeaux. Ces murs colorés permettent d’installer une certaine ambiance, mais aussi et surtout de mettre en avant trois des tableaux phares de l’artiste. De plus, les spots de lumière placés au plafond en direction des tableaux donnent à la salle une ambiance « tamisée ». Hormis les 3 tableaux de De La Tour, on retrouve aussi les toiles de Filipo Vitale, Matthias Stom, Virginia Vezi, Giovanni Battista Spinelli, Giacomo Farelli et du Maitre de l’Annonce aux bergers. 

Concernant les trois œuvres de De La Tour, on y retrouve évidemment les grandes caractéristiques-type de sa peinture. Tels que ses personnages grandeur nature, personnages appartenant au « peuple », ses fonds très sombres ainsi que ses inspirations caravagesques. 

Arrêtons-nous par exemple sur l’un d’eux ; le Vielleur réalisé entre 1600 et 1625.

Le tableau met en scène un homme qui parait être mendiant. Il est aveugle. On retrouve alors ici bien le fait que De la Tour aimait peindre le peuple tel qu’il est. L’artiste a fait en sorte de nous raconter l’histoire de ce personnage. Les vêtements qu’il porte nous permette de réaliser que ce mendiant ne l’a pas toujours été. De la Tour met en scène la déchéance. La mouche, peinte en trompe l’œil, posée sur sa cuisse accentue cette idée : mauvaise odeur, mort. Cependant, certains détails sur la toile nous permettent de réaliser que c’est une mise en scène. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mendiant n’est pas dans la rue, mais bien dans l’atelier de l’artiste. On voit notamment des pierres disposées au pied de l’homme. Il est assis sur un tabouret, joue d’un instrument, il pose. La lumière n’est, en aucun cas, naturelle. L’artiste a en effet joué sur un fond sombre très contrasté avec le personnage mis en lumière (caravagisme). Ce tableau ainsi que les six autres exposés dans cette salle n°4 sont très représentatifs d'un art du XVIIème d'inspiration caravagesque. De plus, l’agencement de la salle et les murs bordeaux nous permettent d’accéder immédiatement au prestigieux travail de Georges de La Tour. 

Sources :
- Photos de la salle n°4, prises au Musée des Arts de Nantes Photo prise aux musées des Arts du tableau: Le Vielleur (huile sur toile, 162 × 105 cm), 1600-1625, Georges de La Tour, Musée des Arts de Nantes

Par Julie Barbin.



Le cube




Le Cube est la partie la plus récente du musée entièrement construit pour la réouverture.  Le Cube regroupe différentes œuvres qui font un trait d'union entre le passé et le présent.  Le Cube multiplie par quatre la surface d'accrochage pour l'art contemporain. Il n'y a pas de chronologie, on peut suivre et créer son propre parcours. Ce nouvel édifice créé en 2017 est entièrement dédié à l'art contemporain, représentant une large part des collections du musée. La surface totale d'exposition du Cube est de 2000 m2 répartie sur quatre étages très neutres et modulables. Quatre thématiques avec des artistes confirmés et d'autres plus jeunes. Ces thématiques vont changer permettant de croiser les oeuvres pour comprendre l'art contemporain. Le bâtiment privilégie la lumière naturelle. Un travail avec des barres lumineuses vient renforcer la luminosité du bâtiment. Véritable prouesse architecturale, un magnifique mur-rideau translucide suspendu le long de l'escalier, est composé de marbre et de verre laminé. 

La salle au niveau 1 est consacré à la peinture et installations abstraite contemporaines. Ces œuvres privilégient les approches formelles, mettant en avant les monochromes et l'espace géométrique. Les différents monochromes présents sont travaillés et réinterprétés par chaque artiste. Si on s'intéresse à l'œuvre d'Anish Kappor, il fait le choix de traiter la profondeur dans une de ces œuvres présente à l'entrée de la salle (Sister, 2005). Sa seconde œuvre est composée de forme géométrique saupoudré de pigments de couleurs : rouge, jaune ou blanc. Avec l'utilisation de la ligne droite, des formes élémentaires, des couleurs franches posées en aplats, s'instaure une vision d'un monde géométrique. 

La salle au niveau 2 est consacré à la mémoire et a la transmission de souvenirs. Cette salle accueille des œuvres photographiques, sculptures et performances. On découvre des œuvres qui nous transporte dans des histoires personnelles pouvant troubler notre esprit. Les mémoires individuels des auteurs deviennent collectifs. L'artiste Claude Lévêque invite le visiteur à s'introduire dans une salle noire avec un sol en mousse dans laquelle on entend une vieille femme qui chante (Ende 2001). Cette œuvre déstabilise le spectateur, en lui faisant perdre la perception de l'espace. 

La salle au niveau 0 est consacré aux territoires. Les artistes questionnent les villes et la nature à travers des travaux photographiques, collages, sculptures. Les artistes relient leurs œuvres à leur contexte de vie personnelle. Giuseppe Penone questionne l'impact de l'homme dans la nature avec son œuvre (arbre de 7 mètres 1986). Il joue entre savoir-faire industriel et sculpture. 

Ce nouvel espace va permettre au musée de se diversifier et de proposer de nouvelles œuvres au public. Avec ces travaux, le musée prend une nouvelle dimension. 


Par Bastien Lafont.



Ende - Claude Lévêque, 2001.




En marge des gens en marge, comme son concepteur, cette œuvre, cette pièce, est comme ça : cachée dans un fond de l’étage du musée, c’est dire la particularité de son existence. 

Collectif
Claude Lévêque ménage pour les spectateurs des expériences intenses relevant souvent d’un contenu pudiquement autobiographique. Ende en fait parti. Cette installation immersive questionne nos sens en nous plongeant dans une dimension spatio-temporelle onirique et angoissante : pièce noire, aucune lumière, sol en mousse et une voix chantant a capella du Joe Dassin. L’Homme - car j’ai le sentiment qu’en franchissant les rideaux menant à la dite pièce nous nous émancipons du stade du simple spectateur - en quête du spatio est déboussolé. Adoptant une démarche titubante à la recherche de repères invisibles, l’Homme montre à quel point il peut être fragile. Et ce noir, propice à l’hallucination nous renvoie à une peur primitive, plus grande encore que toutes les autres, car elle puise sa source dans l’imagination. Cette peur, innée chez tous les hommes, fait appelle à la sphère de l’enfance. Ce socle commun et collectif permet à cette œuvre de parler à tout le monde. Ende filtre même le bruit de nos pas rendant insoluble la question : sommes-nous seuls dans cette pièce aux dimensions impalpables ? Le visiteur vit l’œuvre et l’oeuvre vit grâce aux visiteurs. « C’est moi qui l’ai fait » ou « c’est moi qui le fait ». Ici, c’est presque l’homme qui pénètre l’espace en question qui fait l’œuvre, personnalisant ainsi cette dernière car on en vient à penser que celle-ci peut être différente à chaque fois qu’une personne entre dans la pièce.


Intime
Claude Lévêque projette une partie de sa mémoire intime : la voix, cette voix, que l’on entend dès lors que l’on entre dans l’œuvre, c’est celle de sa mère. D’une voix faible, souvent fausse et hésitante, sa maman chante une ritournelle sentimentale sans s’arrêter jusqu’à ce que notre cerveau s’imbibe entièrement et nous chante encore ce refrain même une fois parti du musée. Sans pouvoir l’expliquer, on se doute qu’il s’agit d’un morceau d’un souvenir profond de l’artiste. Enfin. D’une manière poétique Claude Lévêque, évoque peut-être un retour à un stade fœtal, à un moment de gestation, en immersion, chez l’habitant, où tout est noir, où l’on ne connaît et ne reconnaît rien, où la mémoire n’existe plus ou presque, où tout n’est affaire que de sensation, où seul nous parvient la voix de notre mère, car après tout, si elle n’existait pas dites-moi pourquoi nous existerions 
Claude Lévêque pense la mort en parlant de la vie 
Ende. 

Par Marin Chomienne.



Duane Hanson



Duane Hanson (1925-1996) était un sculpteur américain ayant décidé de rompre avec la tendance des années 60, à savoir l’Expressionnisme Abstrait. Il se dirigea en effet vers l’Hyperréalisme, c’est-à-dire une représentation quasi-photographique de ses sujets. Il représenta alors des Américains, hommes comme femmes, appartenant à la classe moyenne ou des marginaux à l’écart de la société, par opposition au rêve américain. À travers la représentation de ces individus, il dénonce finalement ce qui dérange, à savoir le racisme, la maltraitance, la pauvreté ou encore la dépendance.

Flea Market Lady, (1990) Duane Hanson, Échelle humaine, Résine polychrome à l'huile, fibre de verre, technique mixte et accessoires, Musée d’arts de Nantes. 

Au cours de sa carrière, c’est un total de 144 sculptures ultra réaliste que l’artiste aura produit. Pour obtenir un rendu au plus proche de la réalité, Duane Hanson aura recours à la technique du life casting qui consiste à réaliser un moulage sur le corps de modèles vivants : il applique des bandes de plâtre sur le corps de ses modèles après avoir épilé et recouvert de vaseline les parties du corps choisies. Il remplit par la suite les moulages obtenus avec de la fibre de verre et de la résine synthétique. Les différentes parties du corps sont alors assemblées puis mis en couleur, d’abord avec de la peinture acrylique, puis plus tard, de la peinture à l’huile, qui rend mieux compte de la texture de la peau. Vient ensuite l’étape de l’accessoirisation, étape très importante qui va donner à ses sculptures une apparence véritablement humaine. L’artiste compose ses personnages avec des parties de corps issue de différents modèles, ce qui fait que ses sculptures ne représentent personne de réel, mais aussi tout le monde à la fois. Contrairement à Ron Mueck, autre sculpteur hyperréaliste qu’il aura d’ailleurs inspiré, ses œuvres sont à échelle humaine. Ceci aura un impact sur le spectateur, qui s’identifiera plus facilement à ces œuvres.

Nous pouvons tout de même relever une évolution dans les sujets de l’artiste au cours de sa carrière, et en détacher principalement deux périodes. 

La première période, qui durera de 1965 à 1970, durant laquelle il met en scène de manière explicite la violence sociale et urbaine. Ceci a évidemment un lien avec le contexte historique ; en effet, cette période est particulièrement marquée par la multiplication d’émeutes raciales et les protestations contre la Guerre du Vietnam.

Policeman and Rioter (1967), Duane Hanson, Échelle humaine, Résine polychrome à l'acrylique, fibre de verre, technique mixte et accessoires.

La seconde période de sa carrière pourrait être perçue comme étant plus calme. En effet, passé, l’année 1970, son œuvre s’oriente vers la dénonciation de la surconsommation dans la société américaine avec Supermarket Lady (1970).

Bien que le spectateur ne soit plus confronté à la violence, l’aspect critique, lui, demeure. Les objets mis en scène participent à la narration et ont un rôle majeur. En effet, la seule manière que l’on a de connaître les personnages est de se raccrocher à ce qu’ils possèdent. C’est finalement ce qui les définit, les réduisant eux-mêmes à l’état d’objet. 

Supermarket Lady (1970), Duane Hanson, Échelle humaine, Résine polychrome à l'acrylique, fibre de verre, technique mixte et accessoires. 

Dans les dernières productions de Duane Hanson, nous pouvons relever une attitude similaire chez ses personnages. En effet, ceux-ci paraissent figés, ils suspendent leurs activités et paraissent gagnés par la lassitude, voire la fatigue engendrée par la vie qu’ils mènent à tel point qu’ils éprouvent le besoin de s’asseoir ou de s’adosser à un mur. Le fait que ces sculptures soient à échelle humaine amène finalement le spectateur à se questionner sur sa propre condition.

Par Virginie Lelièvre.



Nan Goldin
The ballad of sexual dependancy : miroir d’une époque rock’n’roll




The Ballad of Sexual Dependancy est un récit photographique personnel formé des expériences de l’artiste à de Boston, New-York, Berlin à la fin des années 1970 et début 1980. Cette « ballade » de l’artiste est une sorte d’opéra de sa vie où se mêle musiques et images, capturées dans les moments intimes de sa vie, entre amour et perte. On la suit dans son expérience avec l’ecstasy, de la douleur à travers le sexe, de la consommation de drogue. Elles y révèlent ses amies en boîte, mais aussi avec leurs enfants et leurs responsabilités à la maison. Elles montrent les violences conjugales et les ravages du sida. Rien n’est laissé de côté tout doit être montré tel qu’elle l’a vécu. Elle montre sa réalité, tel un journal intime.

"The Ballad of Sexual Dependancy est ma manière de contrôler ma vie. Cela me permet d’enregistrer et de revoir chaque détail. Cela me permet de me souvenir » Nan Goldin

700 diapositives, 48min et Environ 30 musiques différentes auront été nécessaires pour réaliser le travail de sa vie. La musique et les chansons de la bande son participent à la narration du film. Nan Goldin photographie ses amis, souvent des personnes marginales qui se moquent de ce que les autres peuvent penser d’elles. Ils sont nombreux à vivre ce même style de vie, une vie transgressive, contre la société dite « normale ». Llors d’une interview, elle expliquait que sa vue n’était pas bonne, que, lorsqu’elle enlève ses lunettes, elle ne voit que les couleurs. C’est pourquoi ses photos étaient prises de près. Souvent, elle mettait le flash, car la plupart de ses photos sont faites en intérieur. Ça lui évitait d’avoir cette sensation d’oppression, de claustrophobie.

Nan Goldin n’a pas eu une enfance facile, ce qui peut d’une manière, expliquer les chemins sombres et les personnes qu’elle a côtoyées plus tard. Elle a grandi dans une famille où sa soeur s’est suicidée ce qui l'a affectée durant toute sa vie. Lors d’une interview, elle explique que sa famille est très révisionniste, ce qui l’a obligé à garder le suicide de sa soeur caché durant longtemps, ils ne voulaient pas reconnaître le suicide, ça l'a tué intérieurement de ne pouvoir rien dire. Ainsi, ces œuvres lui permettent de se libérer, de montrer ce qu’elle a vécu.

The Ballad of Sexual Dependancy parle des difficultés que l’on rencontre dans une relation, de l’intimité et de l’autonomie. De la dépendance que nous pouvons avoir pour une autre personne, quand la connexion est indescriptible et que nous serions prêt à tout pour elle, mais aussi de la violence dans un couple. Ici, elle ne parle pas d’un type de personne, c’est beaucoup plus que ça, elles parle de ses amies, des personnes « sensibles, créatives, avec une grande imagination »(N. Goldin). Elle explique que beaucoup d’entre eux sont malheureusement mort du sida. Elle nous les montre tels qu’ils sont dans le monde, dans des relations. Jamais elle n’a bougé quelque chose lorsqu’elle prenait ses photos. Tout devait apparaître pour montrer exactement ce qu’il en était.

Sources :
- Photo prise par Nan Goldin (Portrait de Nan goldin en haut à gauche)

Par Blanche Justeau.



« Nantes Triptych » - Bill Viola




Nantes Triptych est une œuvre vidéo réalisée par Bill Viola en 1992. Elle fait partie des installations temporaires présentées pour l’inauguration de la réouverture de musée des Beaux-Arts de Nantes. Elle se situe dans la chapelle de l’Oratoire qui est dorénavant intégrée au musée par voie interne . Cette œuvre sera exposée jusqu’au 18 Mars 2018.

Cette installation vidéo a été commandée par le musée des Beaux-Arts de Nantes avec l’aide du FNAC (Fonds National d’Art Contemporain) en 1992 pour la Chapelle de l’Oratoire, et n’avait été présentée que rarement jusqu’à la réouverture du musée.

Nantes Triptych a été conçu juste après Heaven and Earth, (1992, San Diego, Museum of Contemporary Art) une autre installation vidéo mettant en scène deux moniteurs se faisant face fixés sur deux colonnes en bois diffusant en même temps un nourrisson de neuf mois (le deuxième enfant de Bill Viola) et la mère de l'artiste dans un lit d'hôpital, sous assistance respiratoire, en train d'agoniser. L’œuvre Nantes Triptych est en quelque sorte une nouvelle version de Heaven and Earth, car elle reprend les deux vidéos diffusées. En effet, Nantes Triptych se compose de 3 écrans vidéo en diffusion simultanée : une jeune femme enceinte en train d'accoucher (la femme de Bill Viola qui accouche de leur deuxième enfant), une femme très âgée qui s'éteint progressivement (la mère de Bill Viola) et comprenant cette fois un homme au centre qui plonge sous l'eau et se maintient en apnée.

La juxtaposition des trois vidéos nous évoque immédiatement le cycle de la vie, de la naissance à la mort en passant par des « renaissances spirituelles ».

En outre, la disposition de l’œuvre dans le chœur d’une chapelle du XVIIe siècle nous rappelle les retables. L’artiste accentue le lien entre l’œuvre et son lieu d’exposition, peut-être qu’il souligne par-là que l’expérience de la mort est commune aux religions et aux sociétés.

Le fait de confronter la vie et la mort nous amène à nous poser des questions fondamentales : le sens de la vie, la raison de l’existence humaine... Etc. Les connotations religieuses peuvent également amener à se poser des questions liées à la spiritualité.

Cette œuvre dégage une atmosphère très étrange, en vacille entre fascination et dégoût, on perçoit la beauté de la vie, mais aussi la douleur, et la fatalité de la mort. Cette atmosphère est accentuée par la bande audio de l’œuvre qui mêle les cris de la femme qui accouche, la respiration assistée de la vieille femme à l’hôpital, et enfin un bruit sourd de l'eau dans laquelle l’homme flotte.

L’œuvre est d’autant plus touchante lorsqu’on apprend que les deux femmes filmées sont intimement liées à l'artiste puisqu'il s'agit de l’épouse et la mère de l’artiste. Quant à l’homme qui flotte dans l’eau, il s’agirait d’une représentation de la renaissance de l’artiste (Bill Viola aurait failli se noyer lorsqu’il était enfant, d’où son choix de représentation de la renaissance). La vidéo du milieu fait une sorte de lien entre les deux femmes, on peut y voir un lien avec le fœtus dans le ventre de sa mère, mais on peut aussi y voit la mort et le flottement dans le néant. Cette vidéo, contrairement aux autres n’est pas un extrait de la vie réelle, mais une mise en scène, qui permet plusieurs interprétations…

Par Lorenn Furic.

lundi 9 octobre 2017

L'EXPOSITION DE DAVID HOCKNEY AU CENTRE POMPIDOU

L'EXPOSITION DE DAVID HOCKNEY AU CENTRE POMPIDOU 

 Du 21juin 2017 au 23 octobre 2017


A l’occasion des 80ans de David Hockney, le Centre Pompidou de Paris présente une exposition rétrospective de son travail. Avec plus de 160 œuvres, elle retrace la majeure partie de son parcours artistique.
On y retrouve évidemment son travail sur les piscines, mais l’exposition met particulièrement en avant sa curiosité concernant les nouvelles techniques de production et reproduction d’images. Pour Hockney, « la création artistique est un acte de partage ». Partant de ce principe, il s’est intéressé à de nombreuses techniques telles que la photographie, le fax, l’ordinateur, les imprimantes… On nous montre notamment son intérêt plus récent concernant la production d’images sur IPad.
L’exposition se déroule en collaboration avec le Tate Britain de Londres et le Metropolitan Museum of Art de New York.

Marie Breuillon, Julie Barbin et Tara Baron


Le Centre Pompidou propose un aperçu de l'exposition :

Cliquez pour voir la bande annonce de l'exposition
et entendre Le son de l'expo 

L'ARTISTE

Portrait de David Hockney

David Hockney est un artiste aux multiples facettes. Il naît le 9 juillet 1937 à Bradford dans le Yorkshire, le quatrième des 5 enfants de la famille Hockney. Très tôt, à l’âge de 11ans, il sut qu’il voulait être un artiste. Encouragé par ses parents, il commença par faire des dessins pour le journal de l’école ou encore des affiches pour la société de débats. A 16 ans, il entre dans l’école d’art  Bradford School of Art où il a pu ainsi développer ses compétences. Diplômé en 1962, au Royal College of Art de Londres, il connait rapidement une certaine réputation dans son pays.
Peintre et photographe britannique, il fait parti des icônes du Pop Art aux côtés du grand Andy Warhol.
"Je suis un artiste qui n’entre dans aucune catégorie ; le monde de l’art ne sait jamais très bien où me placer" - David Hockney
En effet, David Hockney est souvent considéré comme inclassable face à la diversité de son travail. Admiratif de Fra Angelico depuis son plus jeune âge, il a su aussi s’inspirer du travail de Picasso ou encore de Francis Bacon. Son œuvre se diversifie par son éternel renouvellement. Il passe aussi bien de la peinture, au collage, de la gravure à la photographie ou, plus insolite, il utilise dorénavant l’Ipad pour dessiner. Ainsi, entretient-il un travail proche de ses modèles (comme Picasso) tout en utilisant des techniques très modernes. En 1960, il prend conscience de ses désirs homosexuels et décide de l’assumer à travers son travail comme avec we Two Boys Together Clinging réalisé en 1961. Dès le milieu des années 1970, David Hockney crée aussi régulièrement des décors de théâtre. Notamment pour Ubu Roi, au Royal Court Theatre de Londres en 1966.
Ses toiles les plus connues sont celles de la série de piscines bleues turquoises de Berveley Hill en Californie et ses portraits.
Toutes les œuvres de David Hockney se  caractérisent par l’œil qu’il porte sur le monde. Il a toujours pris un immense plaisir à regarder ce qui l’entoure et lors d’une interview pour Telerama il expliquait qu’il devenait un peu sourd avec le temps et qu'il avait l’impression que, par compensation, il percevait mieux l’espace. Il disait qu’il ne faut pas seulement voir, il faut être attentif à ce qui nous entoure et il l’avait compris à travers  le dessin.
Maintenant, âgé de 80 ans, il réalise des œuvres avec cette même énergie, représentant toujours ce qui l’entoure à travers une palette de couleurs vives et une maîtrise technique bien reconnaissable. Son galeriste John Kasmin, définissait son art "d’insolent" car il aborde tous sujets avec une liberté totale dont on ne voudrait pas voir la fin.

Blanche Justeau


                                  SELFPORTRAIT

Self-Portrait, 1954, collage, 42 x 29,80 cm, David Hockney

Ce collage sur papier journal de 42 x 29.80cm a été réalisé en 1954 lorsque David Hockney n’avait que 17 ans. Ayant grandi dans un milieu modeste mais avec des parents s’intéressant à l’art, David Hockney décide très jeune de devenir artiste sans vraiment savoir ce que cela signifiait. Ses œuvres qui ont été réalisées avant 1963 sont généralement peu connues. Pourtant, grâce à certaines, on peut comprendre et découvrir un peu plus le personnage qu’était David Hockney à cette époque. Il se représente ici habillé élégamment mais décontracté, ayant l’air serein, avec des couleurs vives qui nous montre un jeune homme soigné et ouvert d’esprit. La technique utilisée peut rappeler un collage d’enfant s’amusant avec les pages d’un magazine. On pense aussi aux artistes comme Picasso ou Braque qui ont démocratisé la technique du collage au début du XXème siècle. Ici, malgré son jeune âge, Hockney maîtrise parfaitement la technique et réussit à nous transcrire les mouvements et matières de ces différents habits grâce à des papiers choisis, découpés et placés méticuleusement sur le support. Support qui n’est d’ailleurs pas pris au hasard. Hockney n’a pas choisi la feuille de papier journal par hasard car il voulait faire une blague avec le titre. En effet, elle vient du Times qui a pour titre "Textile Trade Improves" ( l’industrie du textile s’améliore ). C’est une référence intentionnelle qui donne à ce portrait un élément ludique caché.
Il se présente au spectateur comme un jeune homme soigné et serein tout en nous montrant son talent pour la technique de papiers collés. Sans oublier la petite touche d’humour bien cachée...


Clément Moinardeau





"BROSSAGE DE DENTS, DÉBUT DE SOIRÉE, 22H"


Cleaning Teeth, Early Evening (10PM) W11, 1962, huile sur toile,  David Hockney


Au Centre Georges Pompidou est exposée la série des Loves painting, regroupant un ensemble de toiles "semies abstraites". Un des tableaux les plus connus de cette série s'intitule Cleaning Teeth, Early Evening (10pm). Sur ce tableau, nous observons deux êtres de forme étrange qui semblent pratiquer une félation mutelle. Un des êtres est attaché au lit retenu par des chaines. Les deux personnages sont reliés par des tubes de dentifrices de la marque Colgate qui suggèrent les organes masculins. Le mot "Colgate" est bien mis en valeur et attire notre attention. Pourquoi afficher cette marque ? Cette marque américaine est très présente à l’époque. Les couleurs du tableau sont bleu, blanc et rouge : elles représentent le contenu du dentifrice. Ce tableau est une espèce d’hallucination publicitaire pour Colgate. David Hockney exprime sa rage. Il veux défendre l’homosexualité en choquant le public. Il confronte le spectateur à la réalité. Il dévoile l’intimité sexuelle en étudiant la notion d’amour et de honte. Les œuvres de Hockney sont telles un journal intime. David Hockeny nous dit « I want my work to be seen ».
À cette époque le Pop Art est en pleine émergence. Dans ce tableau, David Hockney utilise le collage et la peinture. Il joue avec la marque Colgate, mêlant art et publicité triviale. Son style emprunte autant à Jean Dubuffet qu'à Francis Bacon.
Le peintre se passionne pour les magazines américains gays érotiques ou culturistes qui lui servent d’inspiration. Dans ses toiles, on trouve beaucoup de corps dénudés et d’éléments liquides. Ce tableau se différencie des autres, les couleurs sont plus ternes, l’ambiance est plus morbide. Par ses œuvres, Hockney veux donner un autre regard sur l’homosexualité.
Nous pouvons rapprocher ce tableau à un des premiers qu’il exécuta au Royal College of Art intitulé "We Two Boys Together Clinging" (1961). Ici, il voulait casser les codes, détourner les techniques vues en cours dans un geste presque militant et contestataire.


Charlotte Kaplan



"PORTRAIT SURROUNDED BY ARTISTIC DEVICES"


 Portrait Surrounded by Artistic Devices, 1965, Acrylique sur toile, 152,5 x 183 cm, David Hockney

Portrait entouré de trucs artistiques (traduit du titre anglais "Portrait Surrounded by Artistic Devices") est une acrylique sur toile réalisée en 1965 par David Hockney. Quand on observe le tableau, la seule chose que l'on peut conclure objectivement, c'est la présence d'un homme en costume assis au second plan. En effet, il est le seul élément que l'on qualifiera de figuratif sur la toile. Il s'agit du père de l'artiste. Le peintre avait l'habitude de faire, des membres de sa famille, ses modèles. Pour lui, l'être humain peut être employé artistiquement et ainsi se détacher de la théorie. Seulement, son père se retrouve dans une composition dotée d'un espace plutôt vide comme en témoigne la dominance du fond blanc cassé. Des formes sont dissimulées de part et d'autre : un ovale rose au sol à moitié hors-champ depuis le bas du tableau, sur lequel est posée une sorte de fine arche de couleurs chaudes, un amas de formes géométriques au premier plan, d'autres formes moins distinctes posées sur une ligne horizontale au quart supérieur de la composition et un rectangle brun suivi d'une traînée rouge sur la droite.
Hockney a développé durant ses études au Royal College of Art à Londres un questionnement qui constituera une véritable base de travail par la suite : la pertinence de l'art moderne et la préoccupation de trouver l'équilibre entre le figuratif et l'abstrait. Dans Portrait entouré de trucs artistiques, l'artiste rassemble ces ceux domaines de création opposés.
David Hockney était, entre 1965 et 1967, dans une période pendant laquelle il s'est intéressé au minimalisme, et cela se fait ressentir dans ce tableau. Par exemple, les très simples formes à coups de pinceaux créant des formes unies en deux dimensions, les "trucs artistiques" que l'on retrouve autour du sujet assis, font référence à cette abstraction avec un regard critique presque moqueur comme en témoigne l'humour du titre.
D'un point de vue iconographique, la toile d'Hockney n'est pas sans rappeler l'influence de Francis Bacon. Le travail sur les mains de son père, avec comme un flou de mouvement ou encore l'encadrement créé par l'arche sont des éléments que l'on retrouve dans certaines œuvres de Bacon. De plus, les formes géométriques au premier plan font allusion à la vision de la nature prônée par Paul Cézanne qui la traduisait dans une lettre à Emile Bernard par "le cylindre, la sphère et le cône".
L'œuvre,  Portrait entouré de trucs artistiques de David Hockney est  représentative du positionnement de l'artiste par rapport à l'évolution de l'art de son époque, en essayant de trouver son juste milieu entre figuration et abstraction.

Malo Sahores


FARNIENTE AU SOLEIL



Sunbather, 1966, acrylique sur toile, 50x50cm, David Hockney   

Sunbather (bain de soleil) est une œuvre peinte par David Hockney en 1966 au format carré de 50x50cm. Quand Hockney arrive à Los Angeles, il est fasciné par la douceur de vivre Californienne et par les piscines. Hockney réalisa de nombreuses œuvres autour de cette thématique.
L’œuvre se divise en deux parties. Elle est composée de façon  particulière; on aurait pu imaginer que l'axe central soit la délimitation de la piscine. Hockney a décidé de mettre en avant l'eau plutôt que l'homme.
On observe, dans la partie supérieure du tableau, un homme nu allongé sur sa serviette au bord de la piscine. L’homme ne porte pas de vêtement mais laisse apparaitre sur sa peau une marque de bronzage. Son amour pour les hommes et la nudité sont des thèmes récurrents chez Hockney. On remarque que l’œuvre célèbre l’hédonisme du « cool californien » des années 1960. Cet homme semble n’avoir rien à faire et profite tout simplement d’une journée ensoleillée. On retrouve les aplats de couleurs de l’artiste ainsi que les lignes droites qui composent le tableau sur la partie supérieure.
Puis, lorsque l’on baisse notre regard, on peut voir la piscine. David Hockney a utilisé un dégradé de couleurs pour l’eau. Le bleu foncé sur le bord de la piscine passe à un bleu ciel vers le bas du tableau. Cela donne une idée de profondeur et de perspective. On remarque que le peintre a ensuite travaillé sur la représentation des réflets sur l’eau. Les lignes de couleurs jaunes et blanches se déforment donnant à l'eau l'image de la fluidité et de la vivacité. On peut imaginer des formes de vagues abstraites que la lumière reflète. Elles apportent des couleurs claires au tableau et offrent un contraste fort par rapport au bleu de la piscine. 
Hockney représente, ici, une douceur de vivre avec une scène calme et apaisante.  L'homme se repose, il ne pense à rien et laisse le soleil caresser sa peau. On se perd dans cette eau en fixant ces lignes qui deviennent floues . On peut très bien imaginer qu’il s’agit de la scène avant le fameux plongeon «A Bigger Splash ».


Jeanne Perrine

BIGGER SPLASH


A Bigger Splash, 1968, acrylique sur toile, 242,5 x 243,9 cm, David Hockney


Sur la toile est représenté un lieu de résidence californien. Une villa très moderne, basse et vitrée, à coté de laquelle se dresse deux palmiers. Un soleil éblouissant et un espace construit avec très peu de végétation. Sur la terrasse, un fauteuil de producteur hollywoodien et bien évidement : une piscine. Le tableau est construit exclusivement de lignes verticales et horizontales strictes. Le plongeoir jaillissant en diagonale depuis le coin droit de la toile permet au spectateur d’entrer dans le paysage du tableau. On retrouve de grands aplats de couleurs parfaitement lisses. L’éclaboussure centrale est le seul élément peint qui déroge à la rigueur de la composition. Son dynamisme contraste fortement avec la géométrie statique du tableau. La couleur la plus présente dans la toile est le bleu de l’eau et du ciel. Les autres teintes sont pâles. Le soleil est à son zénith. Le paysage parait paisible, comme inanimé. Mais une présence humaine est suggérée par l’éclaboussure, un homme vient de sauter dans la piscine. Le temps est comme figé à cet instant précis. « J’aime l’idée de peindre cette chose qui ne dure que deux secondes : il me faut deux semaines pour peindre un événement qui ne dure que deux secondes. » David Hockney trouve son inspiration dans un magazine sur les piscines. Il observe des photos d’éclaboussures, et il tente alors de représenter cet instant à travers la peinture. L’atmosphère de la scène est froide, l’absence de personnage et le fauteuil vide sur la terrasse transmettent un sentiment de vide, de solitude…

Romane Caudullo




"SAVINGS AND LOAN BUILDINGS"

 Savings and loan buildings, 1967, acrylique sur toile, 121,9 x 121,9 cm, David Hockney

Le tableau Savings and loan buildings ci-dessus a été peint par David Hockney en 1967, la même année que Bigger Splash, fameux tableau s’ancrant dans le thème récurrent de la piscine. Le format de l’œuvre est original puisqu’il s’agit d’un carré, 121,9 cm par 121,9 cm.
Ce qui marque directement, c’est l’aspect rigoureux et très organisé du tableau. L’immeuble, qui est le principal sujet, est tout ce qu’il y a de plus basique. C’est-à-dire qu’il n’y a aucune fioriture ni fantaisie, presque à rapprocher avec un tableau de Mondrian. Il est construit d’une forme basique (un rectangle) et possède de minuscules fenêtres tout au long de sa façade. On peut remarquer un jeu de reflet rendu grâce aux nuances de marron/beige/bleu.
Ce qui vient casser l’esprit très structuré du tableau, ce sont ces trois palmiers, de tailles différentes et d’aspects distincts.
Concernant le fond, là encore, tout ce qu’il y a de plus simple : un aplat bleu. Ce dernier est uni, à part les quelques dégradés des contours. David Hockney a choisi une couleur plutôt vive et fraîche qui nous indique un ciel plat et uniforme comme un monochrome.
Savings and loan buildings joue sur une opposition formelle, opposant rigidité et ordre de la géométrie à l’informe des végétaux.
Le style est moderne et minimaliste. (Il se rapprocherait presque d’un graphisme très actuel). En effet, Hockney se joue des principes formalistes du minimalisme de l’époque. Lors de l’exposition des peintures de David Hockney en 1969, Clément Greenberg, critique d’art américain, ne craint pas de déclarer qu’il est scandaleux d’exposer de telles œuvres. Il ne faut pas oublier que Hockney est anglais et qu'il possède cet humour ironique qui met à mal les théories parfois sclérosantes de l'art.


Eugénie Le Mauff



"MR AND MRS CLARK AND PERCY"

Mr and Mrs Clark and Percy, 1970-1971, acrylique sur toile, 213,5x305cm, David Hockney


Mr and Mrs Clark and Percy est une peinture à l’acrylique de l’artiste David Hockney réalisée entre 1970 et 1971. Il s’agit d’un portrait de couple, représentant Ossie Clark et Celia Birtwell.
A partir des années 70, Hockney se lance dans la représentation de couples d’amis comme en témoigne ce tableau. Ossie Clark et Celia Birtwell sont des amis proches de David Hockney.  Ils se sont mariés en 1969 et David Hockney était leur témoin. Ossie Clarck était créateur de mode et Celia Birtwell était créatrice et designer textile. On peut dire qu’elle a été une véritable muse pour l’artiste.
Hockney a peint cette toile entre 1970 et 1971. Pour réaliser cette toile, il a demandé au couple de poser à plusieurs reprises et il a également réalisé des photographies pour ensuite retravailler les détails dans son atelier. David Hockney, a choisi de les représenter dans un environnement domestique, la chambre de leur appartement à Londres (Notting Hill Gate). La composition est à la fois très réaliste et très simplifiée.
Il y a dans ce tableau plusieurs éléments inhabituelles. Tout d’abord Hockney casse les codes de représentation classique des couples. Effectivement, il est courant que l’homme soit représenté debout et la femme assise à côté de son mari (plus soumise). Or ici, Celia Birtwell est debout, droite et elle domine la scène tandis que son mari est assis sur une chaise et a une attitude plus lascive. En outre les couples sont souvent représentés comme une unité, plus « proches ». Dans cette œuvre Hockney a installé une distance entre le couple, ils sont divisés par les verticales de la fenêtre. Cette composition créée une tension entre les deux personnages mais elle montre aussi l’indépendance des époux.
Ensuite, le travail de la lumière est inhabituel. La source de lumière est derrière les personnages ce qui créer un contre-jour. Le caractère clair de la scène apporte quelque chose de paisible, presque surnaturel à une scène de vie qui est pourtant plutôt banale. Le fait que les persiennes soient à mi-closes permet d’avoir une lumière assez forte mais aussi diffuse. De plus, la lumière accentue la distance entre les personnages et elle permet également un travail de couleur très intéressant. L’artiste utilise des teintes pastel. Le coloris, mais aussi les objets comme la chaise de style Bauhaus, le tapis, la lampe sont comme des « emblèmes » de cette époque et renforcent l’atmosphère des années 70.
Enfin, les regards des personnages sont surprenants, ils regardent directement le peintre et le spectateur, ce qui est plutôt atypique. Lorsque le spectateur regarde la toile d’un point de vue central il se trouve au milieu du couple et il est fixé par leurs regards. En tant que spectateur on se sent comme intégrer dans leur relation, presque « voyeur » de leur quotidien.
Et puis, il y a le chat sur les genoux de Ossie Clark. C’est un élément qui surprend un peu. Il accroche le regard car il est tout blanc et dans la lumière. Il a inspiré le titre de ce tableau "Percy" (en vérité il s’appelait Blanche et Percy était le nom du deuxième chat de Celia Birtwell mais Hockney trouvait que Percy faisait un meilleur titre.)


Lorenn Furic 

PORTRAIT OF AN ARTIST

Les piscines de David Hockney se nourrissent de l’imaginaire collectif créant un œuvre aussi hypnotique qu’agitée. Portrait of an artist ne déroge pas à cette règle mais il est intéressant d’en apprendre davantage afin de constater le travail étonnant mis en œuvre dans cette peinture.


Portrait of an Artist (Pool which two Figures) - 1972 - Acrylique sur toile - 213.5 / 305cm
Sur cette toile, un homme vêtu d’une veste rose "s’abîme dans la contemplation d’un nageur qui avance dans sa direction". Les deux personnages, ancrés dans un décor mélangeant perspectives rigoureuses et corps souples, légèreté et profondeur, fond et forme, semblent déconnectés l’un de l’autre. Cette situation où ces deux entités paraissent individuelles, autonomes, trahie étonnamment une dépendance d’un personnage à un autre. Le regard plongeant du personnage debout, suivi par l’arrête de la montagne à droite, est interrompu par l’arrête de gauche. Ce chevauchement montre l’habilité qu’a Hockney pour figurer deux concepts antinomiques : dépendance et liberté. Cette dualité démente se retrouve peut-être encore dans la représentation de l’eau, à mi-chemin entre abstraction et figuration, où le corps du nageur se trouve complètement déformé et où le spectateur se demande s’il s’agit plus d’une représentation fidèle de la réalité ou bien d’une composition sans réelles formes laissant alors le spectateur reconstruire l’image qui lui semble être la plus probable.
Ce tableau entrepris en Octobre 1971, moment où l’artiste met fin à sa relation avec Pieter Schlesinger, est né d’une juxtaposition fortuite de deux personnages, photographiés à deux époques différentes, dans son atelier. Passé une série de voyage autour du globe, il décide de rejouer fin avril 1972 ce jeu de photographie où cette fois-ci son assistant interprète le rôle du nageur et où Hockney utilise une photo de son ex-amant Pieter Schlesinger dans un parc vêtu de la dite chemise rose. Quant à l’arrière plan il est issu d’un paysage du Sud de la France où l’artiste séjourna quelques jours durant ses voyages : Le Nil-du-Duc.
« Je dois avouer que j’ai aimé travailler sur cette peinture, travaillant avec tellement d’intensité, c’était extraordinairement bon de le faire, vraiment palpitant ».
Ainsi, Hockney crée de toute pièce une situation qui nous conduit au plus profond de son "moi" intime ; il invente un souvenir, une pièce dramatique. Et cette intimité nous parait si familière tant par l’expression du passage du temps et de la durée vécus que par la quiétude et la sérénité qui s’en dégagent. Enfin, comme une signature, l’artiste pose son regard défiant contre les tabous de la société de l’époque en créant avec délicatesse une certaine tension érotique édifiée par ces édifiantes images phalliques que sont ces deux sapins, disposés à se regarder pour l’éternité.
Portrait of an artist, aux couleurs acidulées et généreuses, rappelle le goût des bonbons à la menthe : un courant d’air frais et un souvenir d’été.

Marin Chomienne



UN ARTISTE QUI AIME EXPERIMENTER DE NOUVEAUX PROCÉDÉS : LE PAPIER TEINTÉ DANS LA MASSE 

David Hockney créant un de ses Paper Pool
L’œuvre de David Hockney était sous considérée par ses contemporains, qui jugeaient ses peintures non conforme aux courants majeurs de l’époque, notamment l’abstraction ou le minimalisme. Pourtant, nous pouvons voir que la technique qu’il emploie pour la série des Paper Pool est bien particulière et novatrice dans le domaine de la peinture. En effet, cette technique n’est autre que le papier teinté dans la masse, c’est à dire un papier teinté dans toute son épaisseur, qu'il découvre dans les œuvres récentes de Ellsworth Kelly Kenneth Noland, représentants du minimalisme.
La méthode consistait à appliquer une épaisse couche de pâte à papier mélangé avec des couleurs et de la disposer dans des moules fait au préalable, puis à presser son contenu avec, dans le cas de David Hockney, une presse hydraulique. C’est en tout 29 "Impressions" qu’il aura produit avec cette technique. Ce que recherche finalement l’artiste, dans la continuité de ce qu’il a produit jusqu’ici, c'est de représenter au mieux le miroitement et la profondeur de l’eau. La technique du papier teinté dans la masse se présentait donc comme une technique particulièrement intéressante pour l’artiste, dans la mesure où elle fait mieux ressortir les couleurs qui font corps avec le papier, ce qui retranscrit au mieux les reflets de l’eau. Selon lui, le spectateur se trouve alors immergé dans l’œuvre. De plus, le résultat qu’apporte cette technique le rapproche des recherches de ses contemporains dans la mesure ou, plutôt que d’avoir un style assez réaliste ou des peintures créées à partir de photographies tel qu’il le faisait auparavant, le force à simplifier considérablement ses œuvres.
Schwimmbad Mitternacht, une des 29 œuvres produites selon le procédé du papier teinté dans la masse et appartenant à la série des Paper Pools
 se compose en 6 feuilles accolées les unes aux autres. Les formes sont simplifiées, les couleurs prennent de la densité, avec des dégradés  dues à l’infiltration de l’eau mélangeant des bleus différents apposés dans un même moule. Ceci donne la sensation que ce qui se trouve devant nos yeux est fluide, comme si la peinture n’avait pas séchée. Ce dégradé fait que l’eau de la piscine est l’endroit le plus clair de l’œuvre, attirant immédiatement notre regard. Le plongeoir figurant devant le spectateur ne fait qu’accentuer cette envie de plonger dans l’eau de cette piscine, dans la couleur, dans le papier.
Schwimmbad Mitternacht (Paper Pool 11), 1978, papier coloré maché, 182,80 x 215,90cm, David Hockney
Virginie Lelièvre


OUVREZ LES YEUX ! ÇA TOURNE.

David Hockney - Billy + Audrey Wilder, Los Angeles, avril 1982, 1982. Composit polaroid, 117 X 112c

Les années 1980 marquent pour David Hockney le début de ses œuvres photographiques qu'il nomme photocollages et Polaroïds composites. Composites car ils sont constitués d'une multitude - ici d'une centaine - de polaroïds mis côte à côte pour reconstituer une image. Celui-ci réalisé en 1982 représente le directeur de film et metteur en scène Billy Wilder, tenant sa caméra, à côté de sa première femme Audrey Young.
L'assemblage obtenu nous donne l’illusion d’une représentation du réel alors que ces images prises séparément ne portent aucun sens. David Hockney va par ailleurs utiliser différents angles de prise ce qui apporte plusieurs points de vue au sein de l’image finale. Il s'inspire de toute évidence des peintres cubistes tels que Braque ou Picasso pour qui le traitement du volume en deux dimensions est essentiel. Cela devient donc une déconstruction de ce que nous pensons percevoir au quotidien. La combinaison de ces éléments techniques peut se référer à la façon dont l’œil humain, en mouvement permanent, décompose le monde extérieur pour être ensuite reconstitué par le cerveau via un assemblage d’informations. C’est ainsi une description assez fidèle de comment nous percevons l’espace avant tout travail cérébral.​ « Hockney plaide par ailleurs pour une vision latérale, périphérique, celle qui balayant le visible comme un scanner saccadé, s’oblige constamment à le rapiécer, le rentoiler, le recomposer » (« David Hockney, Espace, Paysage », Edition Paris, Centre Pompidou, 1999). D'un point de vue plus sensible, le traitement de l'image par les polaroïds composites dynamise et révèle le mouvement de l’action. On sent alors qu'il existe un jeu entre le couple et le photographe. Le visage d'Audrey constitue le point d'entrée de l'œuvre et son regard nous renvoie indiscutablement à son mari en plein tournage de la scène du photographe en action. C'est donc un jeu de regard qui contribue également à la dynamisation de l'action présentée. Il est aussi question d'intimité entre les protagonistes car le couple Wilder et David Hockney était proche. Ce polaroïd composite a été réalisé lors d'un dîner chez les Wilder. Cette composition de polaroïds, photographies instantanées, fait donc sens dans ce contexte de réunion amicale et informelle.
Ainsi, au delà du simple esthétisme de son oeuvre, tant traité par la technique que par la lumière et les drapés, David Hockney partage avec simplicité un moment intime et une approche peu commune de la perception de notre environnement que je trouve pour ma part très touchante.


Sixtine Puthod  

BIGGER TREES NEAR WARTER 



BIGGER TREES NEAR WARTER, 2007, huile sur toile, 460 cm × 1220 cm, David Hockney





C’est à partir de 2004 que David Hockney réinvestit les paysages du Yorkshire de son enfance en se penchant sur les technologies modernes de l’image. Bigger Trees Near Warter a été réalisé en 2007 durant une période de six semaines en mars : "La peinture devait être faite d'un seul coup. Une fois que j'ai commencé, j'ai dû continuer jusqu'à ce qu'elle soit terminée, le délai était l'arrivée du printemps, (…) le motif est une chose en hiver, mais en été, c'est une masse solide de feuillage. Donc vous ne pouvez pas voir à l'intérieur et ce n'est pas aussi intéressant pour moi. ", explique Hockney.
 Il a décidé de réaliser son tableau juste avant l'arrivée du printemps lorsque les arbres produisent leurs premières feuilles.
Au premier plan, peu profond, on observe un bosquet de grands arbres et de premières jonquilles qui se dressent sur un terrain légèrement arboré. Un grand sycomore est la pièce centrale de la composition. Un autre bosquet plus dense, peint en tons rosés, est visible en arrière-plan. Une route à l'extrême gauche et deux bâtiments à droite de la composition offrent des signes d'habitation humaine. La vaste zone supérieure de la peinture est dominée par le motif complexe mais rigoureux créé par les branches des arbres.
 Ce tableau est composé de cinquante panneaux constituant un rectangle d’une douzaine de mètres de long par quatre et demi de haut. 
Pour le réaliser, le peintre est venu repérer les lieux en réalisant un croquis pour construire son œuvre. Il l’a peinte dans un premier temps à l’air libre en six semaines. Par la suite l’artiste a utilisé la technologie numérique pour compléter sa peinture en créant une mosaïque informatique de l'ensemble, lui permettant de « prendre du recul » et de voir son œuvre dans son intégralité. Dans ce travail, il a habilement uni la tradition de la peinture en plein air avec la technologie numérique sur une échelle monumentale. En alliant son savoir-faire et les technologies modernes, David Hockney a su réinventer et revisiter sa peinture. 

Aujourd’hui cette œuvre reste la plus importante de David Hockney.

Bastien Lafont

IPAD PAINTINGS

Ipads Paintings, David Hockney 

Polaroïds pour la série Polaroid composit", imprimantes pour la série Hand made Prints, caméras multiples pour The Four Seasons... On ne compte plus la richesse des médias utilisés par David Hockney pour créer. 
La découverte d'un nouveau supportEn 2008, l'artiste prolifique expérimente un nouveau média de création : la peinture numérique. D'abord sur son iPhone, puis rapidement sur iPad, armé de l'application "Brushes", il crée une série de peintures aux couleurs vives. Cette technique apporte de nouvelles possibilités de création et une approche qui se détache de la matière. Hockney affirme d'ailleurs "Avec l'iPad, mes mains sont toujours propres, mais je garde ce réflexe de vouloir les essuyer sur ma veste"
Un média de création richeHockney fait part des nombreux avantages de cette technique. Les couleurs sont créées très rapidement, elles ne demandent pas de séchages et de nombreux outils sont disponibles pour les appliquer. Autre avantage de poids : celui de l'iPad. Petit, léger et réactif, il peut être emmené n'importe où et ne nécessite pas de préparation. Les créations sont ainsi allégées d'une nécessité matérielle qui ralentit le processus : "Nous pouvons constituer une couleur à partir d'une autre et pouvons travailler très vite. C'est quelque chose qui intéresse vivement tout dessinateur", affirme l'artiste. 
Une nouvelle appréhension de l'œuvreLes créations de la série Yosemite n'ont pas de nom, Ces "toiles" numériques proposent ainsi une nouvelle vision de l'œuvre, immatérielle et sans valeur financière. L'artiste les envoie directement à ses proches, par message ou par mail. C'est aussi une remise en question du marché de l'art et des spéculations faites sur des oeuvres d'artistes cotés.
La légitimité de l'art digitalDéjà exploité par de nombreux artistes, l'art digital se répand depuis quatre décennies, mais la pratique de cet art par un peintre de renom comme Hockney lui donne une certaine légitimité. 
Des oeuvres d'une grande richesse picturalePortraits, natures mortes ou paysages, les créations de Hockney restent numériques, ou sont imprimées dans le cadre d'expositions. La palette de couleurs est large et très vive, presque phosphorescente. L'artiste, connu pour son traitement des couleurs particulier, propose une nouvelle atmosphère en peignant des sols violets, des arbres bleus, des végétations oranges... La lumière, parfois brumeuse, parfois scintillante, est remarquable par son traitement particulier : sa place est primordiale dans cette série de peintures. Les compositions sont foisonnantes, avec souvent une végétation dense, et un travail sur des axes forts et verticaux (sentiers et arbres). Les formats ne se limitent pas à celui proposé par l'écran de l'iPad, et Hockney crée la plupart du temps de grands panoramiques horizontaux. Les cadrages, toujours frontaux, retranscrivent fidèlement la vision de l'artiste et permettent une immersion plus profonde dans les oeuvres.

Louis Richard Marshall 

THE FOUR SEASONS, WOLDGATE WOODS
(Spring 2011, Summer 2010, Autumn 2010, Winter 2010)

David Hockney -  The Four Seasons, Woodgate Woods, printemps 2011, été 2010, automne 2010, hiver 2010 (36 vidéos) 
205,70 x 364,40 cm
C'est avec neuf caméras grand angle HD que David Hockney et son équipe ont documenté les saisons changeantes avec une précision minutieuse, capturant et collant chaque décalage de lumière. C'est la meilleure chose à faire pour parcourir les forêts vous-même au travers des outils digitaux.
L'installation montre les arbres et les aubépines de son Woldgate natal ainsi qu'un paysage plus que sublime au travers de la haute définition. Grâce à cet ingénieux système, l'artiste nous immerge dans un monde où la limite temporelle n'existe plus, où nous sommes plongés au cœur même de 4 saisons en un instant. C'est là qu'est toute la beauté et le sens de l'œuvre de l'auteur.
"Tout comme les gens, les arbres sont des individus."David Hockney
Le travail est présenté sur des groupes d'écrans (9 pour être précis) sur quatre murs. Chaque écran diffuse une image-fragment du paysage. La vision de l'ensemble construit une image multiple, fractionnée, proposant plusieurs points de vue pouvant faire penser  aux recherches cubistes. Les images sur chaque groupe d'écrans ont été créées à l'aide de neuf caméras vidéo haute définition montées sur une grille sur-mesure attachée à la
voiture d'Hockney. Les caméras ont enregistré simultanément alors que le conducteur roule lentement sur un même chemin du Yorkshire au printemps, en été, en automne et en hiver. Aucune des couleurs de la célèbre palette de Hockney n'est visible (couleurs vives, tout particulièrement le bleu et le vert).
The Four Seasons, Woldgate Woods, un dispositif vidéo à couper le souffle révélant les 4 saisons d'un même paysage du Yorkshire natal de Hockney
Anthony Ménégon

A BIGGER SPLASH LE FILM 

Affiche du film A Bigger Splash

Réalisé en 1974 par Jack Hazan, A Bigger Splash retrace le portrait du peintre David Hockney sous la forme d’un biopic mêlant à la fois fiction et réalité. Présenté la même année au Festival de Cannes, il recevra ensuite le Léopard d’argent au festival Locarno. Figure clé des années 70-80 grâce à son engagement dans le Pop Art et dans la cause gay, David Hockney est un artiste britannique à la fois peintre, dessinateur, graveur et décorateur qui fait partie des peintres britannique les plus influents du XXème siècle. 
Ce film met en lumière un moment de la vie du peintre : sa rupture avec son amant Peter Scheslinger et les conséquences de celle-ci sur la création d’une toile qui s’intitule Portrait of an Artist. Il nous révèle les différents liens qu’entretient le peintre, que ce soit dans sa vie amicale, amoureuse ou encore professionnelle. Hormis quelques scènes qui se déroulent explicitement dans un rêve, il est difficile de dissocier le vrai du faux. En effet, initialement conçu sur le travail de l’artiste, sa vie intime est entièrement intégrée.
A Bigger Splash permet de comprendre l’impact de la séparation du peintre avec son amant.
Comme le dit un de ses amis: « Quand l'amour tourne mal, il n'y a pas que les amants qui souffrent ». Cette phrase reflète les différents chocs provoqués qui gravitent autour du peintre et la difficulté rencontrée à produire des œuvres pour sa prochaine exposition.
Le spectateur est immergé dans l’univers de artiste grâce au côté réel donné par la juxtaposition des personnes réelles et des rôles présents dans le film formant ainsi un double portrait. S’ajoute à cela l’alternance entre moment de silence et la musique conçue par le musicien Patrick Gowers : musique mélancolique qui accompagne l’artiste dans la douleur et la tristesse.
Devenu en 1974 un film culte pour la culture et la communauté gay, le film n’hésite pas à mettre en avant des scènes explicites entre deux hommes et y présente sans tabous un sujet sensible pour l’époque : l’homosexualité. Il expose volontairement la relation entre David Hockney et Peter Schlesinger afin de faire sauter les tabous.
Malheureusement, c’est à cause des nus masculins et des scènes soi-disant « gênantes » qu’il sera censuré, notamment en Grande Bretagne, et, ce n’est que sous la pression des critiques, qu’il obtient, en 2002, le visa tout public.
Cette œuvre traverse le temps en questionnant le spectateur sur différents sujets qui aujourd’hui sont toujours d’actualité. Il interroge la place de la peinture dans la société mais également le sens de la vie, comment lier des relations intimes et sociales?
C’est un film contemporain à la fois touchant, fin, et admirable.

Lucile Artignan