mercredi 30 novembre 2016

L'art sort de sa coquille



Coquillages...

Le coquillage est un animal aquatique protégé par une coquille, devenu dans le langage courant un terme désignant la coquille vide de l'animal. C’est donc un fossile, témoin d’un passé perdu. Transportant avec lui ses origines, il paraitrait que l’on entend la mer en le déposant au creux de son oreille...
Il a fasciné et continue d’inspirer, que cela soit scientifiquement ou artistiquement. La spirale d’or le caractérise, et il personnalise la femme, la beauté et la délicatesse, en traversant les époques. Beaucoup voient un sexe féminin dans l’orifice verticale d’un coquillage, d’autres s’imprègnent de sa richesse nacrée en le portant, et d’autres encore s’amusent de la lumière caressant sa surface polie ou abimée par les fonds marins. On rappellera d’ailleurs que Vénus, déesse de la beauté, nait d’un coquillage dans « La Naissance de Vénus » de Boticelli, 1485. Mais le coquillage appartient avant tout à Mère Nature, et se retrouve aujourd’hui dans le design biomimétique, amenant douceur et volupté à travers ses courbes qui s’enlacent et se résistent.
Mathilde CERES et Clara JOUAULT

La création

La beauté sortant de l’eau

Sandro Botticelli, 1485, La Naissance de Venus
Ce tableau fut réalisé en 1485, pendant la Renaissance, par le peintre florentin : Sandro Botticelli. La Naissance de Venus est un de ses plus célèbres tableaux. Il représente la déesse de la beauté, Venus, nue sortant de l’eau sur un coquillage. Elle est entourée d’un côté par le dieu du vent Zéphyr et sa femme Chloris qui souffle sur Venus pour que Themis, déesse du printemps, ne la couvre pas. C’est une scène profane puisqu’elle parle d’un sujet tiré de la mythologie romaine mais apparait à une période où la culture antique romaine intéresse beaucoup. Tout en Venus indique la beauté, d’une part elle correspond au canon de beauté de l’époque avec son ventre légèrement arrondi. D’autre part elle est placée sur un coquillage telle une perle de nacre. La Renaissance est la période où l’on commence à apprécier la beauté du corps jusque la banni des arts. Cette oeuvre montre bien cet aspect puisque Venus cache à peine ses parties intimes, de plus Venus est pratiquement à taille réelle, ce qui accentue l’impact que cette représentation a eu sur les moeurs de l’époque. De plus, Venus représentait principalement la luxure et la séduction, mais ici le travail du corps laisse penser que c’est la beauté qui est mise en avant. Alors œuvre scandaleuse ou hymne à la beauté du corps ?
Eloise BONNARD

La naissance

Bertrand Redon, dit Odilon est un artiste peintre symboliste de la fin du XIXème siècle. Préférant d’abord au début de sa carrière le noir et blanc, il incorporera ensuite la couleur dans ces compositions, comme par exemple dans La Coquille. Il s’agit d’un pastel de 52x57,8cm représentant comme son nom l’indique un coquillage. Ce dernier appartenait à sa femme Camille. Cette toile date de 1912, bien qu’elle ne fut accessible au grand public qu’après la mort de l’artiste Aujourd’hui elle peut être admirée au Musée d’Orsay à Paris.
Dans ce coquillage, de nombreux spécialistes voient la représentation de la naissance de Vénus. Cependant, aucune figure féminine n’est représentée, il s’agit donc plus d’une annonciation de naissance que de la naissance elle même. Au niveau des couleurs, la coquille se détache du fond obscur par sa clarté. Les contrastes et ombres sont parfaitement maitrisés par l’artiste, et ce sont ces jeux de lumières qui donnent à la toile toute son importance en faisant ressortir les caractéristiques du coquillages: la nacre, le côté à la fois brillant et mat de sa surface.

Raphaëlle CAROFF
Odilon Redon (1840-1916) - La coquille - 1912 - Pastel - 52 x 57,8 cm
Paris, musée d'Orsay
Legs de Mme Arï Redon en exécution des volontés de son mari, fils de l'artiste, 1984
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski


Tour de magie ?


L'œuf et le coquillage, Man Ray, 1931
Man Ray, artiste a été surnommé le photographe du surréalisme. En 1931, il réalise une photographie présentant un œuf et un coquillage délicatement tenus dans les mains d’une personne dont on ne peut voir l’expression. Mais pourquoi assembler un œuf et un coquillage ? L’œuf est le fruit de la vie, il devra un jour laiser apparaitre un petit animal. D’après mes recherches, le coquillage est le symbole de l’océan, du premier souffle de vie et du son originel. Lié aux concepts de la conception et de la fécondité, il s'associe en quelque sorte à l’œuf. La naissance du monde à partir d'un œuf est une idée commune aux Celtes, aux Grecs, aux Égyptien et bien d’autre encore… On ramasse un coquillage, nous l’approchons de notre oreille pour écouter le son qu’il renferme : le doux bruit de la mer semble-t-il. De même nous écoutons l’œuf pour chercher ce qu’il contient. L’œuf est un élément fragile et précieux, tout comme le coquillage. Le mot coquillage est d’ailleurs composé du mot coquille, rappelant que c’est un mollusque revêtu d’une coquille, autant que l’on parle d’une coquille d’œuf. Il y a pourtant un contraste fort entre les deux éléments, divisant la photo en deux parties. L’œuf est lisse, épuré, d’une forme parfaite, alors que le coquillage se distingue par ses courbes et sa forme alambiquée. Belle, mais compliquée. C’est d’ailleurs le titre de l’oeuvre « l’œuf et le coquillage » qui nous confirme que cette forme étonnante est un coquillage. Le photographe choisit de laisser les mains très apparentes sur la photographie, elles ont en effet un rôle essentiel. De part leurs délicatesses, elles traduisent la précision, la fragilité et renforcent l’aspect précieux des deux objets. Man Ray semble figer les doigts délicats qui manipulent le coquillages et l’oeuf… Laissant échapper une histoire, comme si quelques chose allait se transformer si les doigts continuaient de bouger, tel un tour de magie.
Flavie SIMON-BARBOUX

Maternité sculpturale

Laurent Le Deunff est un artiste contemporain né en 1977 à Talence, il vit et travail désormais à Bordeaux. L’artiste nous propose des sculptures et dessins ayant une approche naturelle, animale ou végétale. Il s’exprime à travers le dessin et la sculpture. Les éléments représentés sont tout de suite identifiables mais les matériaux utilisés, leur taille et leur disposition questionne le visiteur. Ici l’œuvre est une sculpture intitulée Coquillage et noix, réalisée en 2012 et mesurant 31 x 60 x 45 cm. Le coquillage est réalisée avec un mélange de papier mâché et de ciment tandis que la noix est sculptée dans du chêne. La noix contraste avec la coquillage par son allure plus réaliste et ses finitions plus délicate. La coquillage semble fait de manière plus brut. Evidement la taille des deux éléments n’est pas réelle mais ce n’est pas ce qui nous vient d’abord en tête, mais plutôt pourquoi une noix dans un coquillage ? L’animal accueille le végétale ou le végétale se loge dans l’animal ? Dans plusieurs de ses travaux Le Deunff s’intéresse à la reproduction en représentant par exemple des coïts d’animaux. On peut voir ici une noix dans le « ventre » d’un coquillage, on peut imaginer que la coque visible de la noix abrite elle-même son fruit. Le coquillage est blanc et de forme très douce et arrondi semble abriter et protéger la noix comme le ferait une mère. Cette réalisation pourrait être la métaphore poétique et sculpté d'une maternité impossible entre un coquillage et une noix.
Laurent Le Deunff, Coquillage et noix, 2012, Private Coll, Jean-Christophe Garcia
Myriam BURGAUD

L'interrogation

Frédérique Lucien : Une évocation à l’encre

La série Encres de Frédérique Lucien marque par sa sobriété et sa simplicité. Lorsqu’ils sont regardés ensemble ces dessins à l’encre noire sur papier blanc évoquent subtilement divers coquillages. Tandis que vus seuls et indépendamment des autres, il est moins évident de les associer à ces coquilles de mollusques et elles apparaissent plus abstraites, évoquant diverses autres images. La transparence de certaines peut, par exemple être percue commes des voilages. Le dépouillement de la forme permet également d’apprécier d’autant plus les qualités graphiques de l’encre, sa trace sur le papier, tantôt sombre et opaque, tantôt légère toute en transparence, ses superpositions créant des contrastes plus ou moins forts, sa diffusion floue sur le grain du papier, ses contours nets et droits ou en dentelures. C’est cette évocation toute en finesse et la simplicité de leur réalisationqui confèrent aux Encres de Frédérique Lucien cette dimension incroyablement poétique.
Fanny FAUVARQUE

Frédérique Lucien, Encres, 2001 © Frédérique Lucien


Étrangement fascinant : L'expression à l'état brut


Pascal Désir Maisonneuve - © Collection de l’Art Brut, Lausanne
Pascal Désir Maisonneuve est un artiste singulier. Mosaïste de formation, sa véritable passion depuis son adolescence est l’accumulation de toutes sortes d’objets, la plupart du temps insolites. Vivant sous le régime de la IIIe République, cet artiste est connu pour ses penchants anarchistes antirépublicains et anticléricaux, et confectionne, entre 1927 et 1928, des effigies moqueuses de souverains et Hommes politiques. Celles-ci se composent de nombreux coquillages amassés lors de marchés aux puces ou voyages, assemblés entre eux par du plâtre. L’Éternelle infidèle - ensemble de grands coquillages de 42cm de haut - fait donc partie de cette série de quinze "Caricatures de grands de ce monde". Peu à peu, ce travail s’est transformé en recherche sur l’expression du visage ; une sorte d’interrogation philosophique sur l’attraction que peut exercer la physionomie.
Pascal Désir Maisonneuve - © Collection de l’Art Brut, Lausanne
Pascal Désir Maisonneuve - © Collection de l’Art Brut, Lausanne
Thévoz, spécialiste de l’art Brut s’interroge ainsi sur cette démarche : "Les visages de Maisonneuve exercent une étrange fascination. La transposition de la figure humaine dans un registre de matériaux insolites […] donne à voir le fonctionnement de la machine physionomique et permet d'en démonter la mise en scène."
Représentatif du « mouvement » Art brut, Pascal Désir Maisonneuve eut du succès parmi les auteurs et artistes surréalistes. Il crée en ne se préoccupant ni de la critique du public ni du regard d’autrui. Sans besoin de reconnaissance ni d’approbation, il conçoit un univers pour son propre usage, ce qui explique l’absence d’influences issues de la tradition artistique dans son travail.
Ebony LERANDY

La séduction

Élégance marine


Edward Weston a commencé à photographier des coquillages dans le studio de la peintre canadienne Henrietta Shore qui a d’ailleurs fait plusieurs peintures quasi-abstraites de coquillages. Il a réalisé quatorze photographies de coquillages en 1927, dont sept ont été exposées en Octobre 1927 au musée de Los Angeles.




Edward Weston - Shell - 1927
« Shell » est une série de photographies argentiques en noir et blanc de Nautilus, sur fond noir. Edward Weston a utilisé un long temps de pause pour ces photos, ce qui offre une grande diversité de tons de gris. Ici, le coquillage prend une dimension grandiose en étant magnifié par la "macro" et le noir et blanc. Cette idéalisation du coquillage est due à intérêt spirituel et esthétique du photographe pour ces petits (ou grands) mollusques à coquille : « I am not blind to the sensuous quality in shells, with which they combine the deepest spiritual significance: indeed it is this very combination of the physical and the spiritual in a shell like the Chambered Nautilus, which makes it such an important abstract of life.” (Edward Weston). Les lignes courbes aériennes du coquillage apportent de la légèreté et de la poésie à l’image. Pourtant, elles dégagent également une certaine force avec cette silhouette imposante qui remplit le cadre. Les photographies de coquillages d’Edward Weston de 1927 sont d'une grande élégance. On a l’impression d’y voir un drapé qui se meut dans l’air. Ceci fait penser aux danses de Loïe Fuller qui évoquent l’orchidée, le lys, le papillon, etc… par l’ondulation d’un grand drapé blanc autour de la danseuse/chorégraphe.
Zoé OBERLE

Danse Serpentine, Loïe Fuller (1892)


Sortir de sa coquille

Dora Maar - Untitled – ou « Main Coquillage », 1934 - 23,4 x 17,5 cm (Centre Pompidou, Paris)
Si les hommes surréalistes ont célébré les femmes comme de véritables idoles dans leurs œuvres, les artistes féminines se sont également intéressées à la complexité de l'image de la femme. Ce photomontage en noir et blanc est un négatif gélatino-argentique sur support plastique. Sur le sable est posé un coquillage duquel émerge tel un mollusque une main de femme aux doigts vernis. En arrière-plan s’étend un ciel lourd, contrasté, nuageux et sombre, qui semble annoncer un orage. Le contre-jour crée un contraste entre la main-coquillage fortement exposée (qui gagne toute notre attention), et un ciel aux nuances sombres qui apporte un effet inquiétant à la scène. Dora Maar réunit dans ce tableau plusieurs motifs surréalistes tels que l’hybridation, la main et la femme : mais une femme étrange, inhumaine, … Elle devient un animal merveilleux au milieu d’un paysage insolite. La main est un motif récurrent dans l’œuvre surréaliste : elle est créatrice, symbole de liberté, de puissance mais aussi de sensualité. Ces notions prennent d’autant plus d’importance que cette main est féminine. Sortant de sa coquille, devient-elle une allégorie de la liberté et de l’émancipation, dans un mouvement artistique où les artistes féminines prennent pleinement possession de leur corps et de leurs désirs pour s’affirmer dans un monde d’hommes ? Est-ce l'image de la femme séductrice et pleine de mystère qui est représentée sur cette photographie ? La main est vernie, lascive et désireuse, elle semble vouloir attraper quelque chose (ou quelqu’un). Néanmoins elle demeure étrange et effrayante car elle n’est pas rattachée à un corps de femme mais à une coquille, et est surplombée d’un ciel d’orage, un paysage-état d’âme qui pourrait symboliser le danger et la colère. De plus, elle ne ressemble pas à une main humaine mais à une main de mannequin (une image récurrente chez les surréalistes, représentant la femme à la sensualité inaccessible et un idéal plastique). Ce photomontage s’inscrit dans le principe surréaliste de rêve mêlé à la réalité pour aboutir à des associations insolites et inattendues, où l’image, « d’ordre hallucinatoire », « implique la négation de quelque propriété physique élémentaire »(André Breton, premier Manifeste du Surréalisme, 1924). Dora Maar a beaucoup travaillé l’hybridation dans ses photomontages, par exemple Untitled (1936) qui représente une femme à tête d’étoile, ou encore Double Portait (1930) où un visage mêle ceux de deux femmes distinctes. Comme l’affirmait André Breton « Il en va des images surréalistes comme de ces images de l’opium »…
Emilie-Marie GIOANNI

L'affirmation

Sensuellement sexuel

Tamara de Lempicka (1898-1980) - LE COQUILLAGE, Huile sur toile, 40.6 x 51.1 cm, 1941.
Un univers, une énigme : voilà Tamara de Lempicka, artiste peintre d’origine polonaise dont l'œuvre s'inscrit dans la mouvance Art déco.Tamara de Lempicka se dévoile et assume pleinement sa bisexualité. Peintre des jeunes femmes du mondes, elle commença dans les années 1930 à peindre des fleurs dans une série nommée Arums. Ces fleurs représentaient pour elle le sexe féminin dans une sensualité sans pareil. Dans cette même idée, elle peignit Le Coquillage. Dans cette œuvre, l’artiste représente habilement un coquillage lui donnant une présence trouble, tel un puissant symbole de la sexualité féminine. Les thèmes du désir et de la séduction y sont dépeints avec éloquence. On retrouve un drapé de satin, des perles, des coquillages ainsi qu’un verre à pied. Tout y paraît doux, presque sensuel. Son œuvre rappelle les préceptes de la peinture surréaliste et "l’effet des réalités lointaines". La technique picturale lisse de l’artiste donne à l’œuvre une qualité qui invite le regard à s’y perdre.De plus, le coquillage ouvert face au spectateur est une invitation. Les perles peuvent représenter quant à elle, la pureté, la délicatesse, tandis que le verre à pieds vide évoque l’ivresse du moment ou le coquillage offert et dénudée se repose ou attend sur un drapé froissé.
Cellie PIRAUD


La réflexion

L'étrange beauté de six coquillages

Adriaen Coorte – Six Coquillages sur une tranche de pierre 1696.
Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado - 
Peinture à l’huile sur papier marouflé sur bois,15 x 22cm, musée du Louvre, Paris.
Adriaen Coorte (1665 - 1707) est un artiste hollandais du XVIIe siècle, peintre de natures mortes.
"On ne connaît de lui que des natures mortes. Sans doute a-t-il subi l'influence du Dordrechtois Isaac Van Duynen, actif à La Haye. C'est un petit maître très séduisant, presque naïf dans sa perfection limitée, qui peint avec prédilection et d'une manière toute de finesse une petite grappe de raisin ou de groseilles, deux ou trois Pêches (musée de Bernay), des Coquillages (Louvre), une simple botte d'asperges, comme dans son chef-d'œuvre du Rijksmuseum, posés sur l'extrémité d'un entablement de pierre et se détachant presque en trompe-l'œil sur un fond sombre et vide d'une prenante abstraction.
Atteignant ainsi une rare poésie de l'objet dans une atmosphère de parfaite modestie, Coorte représente le type par excellence des petits maîtres fructueusement remis en valeur par notre époque."Larousse "Dictionnaire de la peinture".
On estime que Coorte a passé sa vie entière à Middelburg, en Hollande. Ses peintures signées datent de 1683 à 1707 et, selon des rapports, il a appartenu à la Guilde de Saint Luc.
Coorte est un des plus grands peintres de coquillages. Il donne une présence presque émotionnelle aux coquilles en captant leur beauté étrange et exotique. Par exemple, dans la peinture ci-dessus, il y a quelque chose dans la relation spatiale entre le murex épineux, la coquille rouge minuscule, la spirale et le cauri qui transforme les coquilles inanimées en acteurs d'une pièce tragique.
La compositions est minimale, rigoureuse, avec un éclairage dramatique, théâtralisant la présence des objets.
Jean SENECAL


Les motifs Organiques de Vincent Leray


Par le prisme de son l’objectif, Vincent Leray révèle le langage secret des organismes littoraux. Sa collecte photographique, qui développe un vocabulaire plastique fascinant, est rassemblé dans son livre Curiosités des mers coécrit avec Luc Remy et Véra Le Saux. Cet ouvrage rassemble une collection d’architectures de calcaires aux formes zoomorphiques constantes. Il identifie des motifs, met à jour les mécanismes architecturaux du vivant, établit un catalogue du monde maritime, révèle les symétries, volutes, et autres fractales de leurs structures,  entamant un véritable Inventaire d’invertébrés à la fois artistique et encyclopédique.
Le processus de création de Vincent Leray prévaut sur la forme plastique. L’enregistrement sur le médium photographique relève d’un protocole rigoureusement respecté. Les volumes et masses sont représentés en plongée totale sur fond blanc, en Noir et Blanc. Le dispositif est répété avec la même prise de vue pour chaque organisme, proportionné aux mêmes échelles.
Cette démarche photographique peut faire penser au travail d’Edward Weston dans les années 1930. La photographie pure adoptée par son groupe f/64 est une photo nette et piquée, très réaliste mais chargée d’esthétique. Ses natures mortes sobres et dépouillées révèlent la magie de l’organisation de la nature notamment les circonvolutions des coquillages.

La collection de Vincent Leray permet une nomenclature des structures organiques indépendamment du contexte scientifique ou biologique. La plasticité du vivant et ses reliefs, sont figés dans le temps par la monochromie photographique. Dans son Bestiaire littoral, Vincent Leray nous donne à voir la beauté formelle des Curiosités offertes par la mer.

Maxence DE COCK

La conservation

Le Coquillage : Emblème multinational

Logo Shell - Raymond Loewy - 1971
Un coquillage est aujourd’hui l’emblème d’une des plus importantes sociétés multinationale. En effet, la célèbre compagnie pétrolière, Shell, se distingue par le design de son logo emblématique et très caractéristique représentant un pétoncle et ceci depuis plus de 100 ans. Au premier abord, le lien entre cette identité et le secteur d’activité actuel de l’entreprise ne semble pas évident. Il faut alors remonter aux origines de la marque pour tout comprendre. Le mot « Shell », anglais de « coquille », apparaît pour la première fois en 1891 comme nom de marque du pétrole lampant que la Marcus Samuel and Compagny exporte en extreme-orient. Avant la fondation de la Shell Transport and Trading Compagny en 1897 par les frères Samuel, l’entreprise n’était qu’une petite boutique londonienne vendant des antiquités et des coquillages orientaux importés d’extreme-orient. L’arrivée du moteur à combustion en 1886 entraîna une augmentation de la demande en carburant et fort de leur expérience en import-export par la mer, les frères Samuel se reconvertirent en transporteur de pétrole. L’entreprise fleurissante vit naître son premier logo en 1900, l’image du pétoncle provenant des armes de la famille de M. Graham, un associé du père des frères Samuel, le fondateur de la compagnie. Armes adoptées par cette famille suite à un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Le logo s’est vu stylisé et amélioré aux fil des années pour adopter à partir de 1948 un code couleur significatif de la marque. L’actuel logo fût désigné par le designer et graphiste français Raymond Loewy en 1971, designer notamment célèbre pour ces autres réalisations tels que le paquet de cigarette Lucky Strike, les enseignes L’Oréal, Monoprix, le logo des biscuits LU, NewMan, l’intérieur du concorde et de ses plateaux repas pour Air France ou encore l’intérieur d’Air Force One. Le talent de ce designer se concrétise grâce à cette création pour Shell, simple et efficace, inchangée depuis 1971 et adoptant un code couleur jaune et rouge. Ce code couleur se décida en 1915 lors de la création des stations services pour Shell en Californie, par une volonté de se démarquer de la concurrence en utilisant des couleurs vives qui ne choqueraient pas les Californiens en raison des liens étroits qu’ils entretiennent avec l'Espagne.
Victor SALINIER


La résurrection

Quand les Coquillages ramènent à la vie


Paul Amar Roselita (90x65x50cm) 2009
Obsédé par la création d'œuvres grandiloquentes, largement inspirées d'influences aussi diverses que le baroque, la religion ou l'art africain, Paul Amar emprunte à divers courants artistiques pour créer des tableaux singuliers faits de coquillages les plus divers (huîtres, coraux, bigorneaux, moules...) qu'il meule, cisèle et ajoure dans l’une des chambres de sa demeure qui fait office d’atelier, pour ensuite les peindre à l'acrylique ou au vernis à ongle aux teintes irréelles pour en faire des fresques parfois si immenses qu'il ne peut plus les sortir de la pièce où il les a créées. Roselita, à première vue, pourrait faire référence à une influence asiatique voire bouddhiste. En Asie de nombreuses œuvres de ce genre sont généralement réalisées pour représenter des figures culturelles et religieuses ornés de fleurs ou de plantes avec pour chacune un symbole fort (Bonheur, Chance, longévité …). Paul Amar à la particularité d’être habité, je dirais même obnubilé par son œuvre, se levant la nuit pour noter les idées qu'il a vues en rêve et ce pendant parfois plusieurs mois avant de donner vie à son œuvre.
Franck GROSSEL

La lumière au fond du coquillage

The Happy spiral

Etrange objet que la Spiral Lamp de Chris Kirby. Cette lampe est fabriquée uniquement à partir d’une feuille de plastique; probablement du tyvec, qui vient par des mouvements circu- laires se métamorphoser en une structure complexe autour d’un seul et même point de départ. Le concept a préalablement été expérimenté à l’aide de prototypes 3D issus d’un travail sans aucun croquis préparatoire. C’est le concept des "happy accidents" ou «accidents heureux» que l’artiste utilise dans ses créations. Il s’agit simplement de travailler sur diverses formes hasardeuses jusqu’à trouver la forme correspondant à son bonheur.Ici c’est le coquillage qui a su séduire Chris Kriby. Il renferme l’ampoule et laisse apparaître la lumière à quelques endroits créant un jeu optique puisque les lignes blanches et douces guident notre oeil tout en laissant notre regard être surpris par la fragilité qui se dégage de l’objet. Ainsi obtient-il une forme poétique, courbe et légère grâces aux fentes et bandes esquissant celle d'un coquillage. Ce travail explore la relation entre lumière et matière, tout comme dans «the negative series pendant lamp», autres luminaires réalisés par l’artiste .
Marie BAL-FONTAINE

SPIRAL LAMP, Chris Kirby, 2009

« La lumière dans son écrin »

Lampe éclipse par Mauricio KLABIN, 2006
La lumière, la lamelle, la diffusion. Trois maîtres mots qui définissent la création de Mauricio KLABIN, designer, photographe et ingénieur mécanique originaire de Rio de Janeiro, Brésil.
La lampe éclipse comme nous l’explique M. Klabin a été sujette à une longue période de conception ; l’intention première du designer a été de surpasser le cliché du design cher, volonté qui l’a amené à effectuer de nombreuses recherches autour de la conception de son produit lui permettant de le rendre beau, bon marché et de qualité. L’écrin de lumière réalisé à partir d’une seule et même bande de plastique enroulée constitue l’enveloppe qui enferme la lumière et la diffuse de différentes manières selon l’orientation qu'on lui donne. Cette structure plastique aux courbes biomimétiques rappelle la forme d’un coquillage et propage une lumière douce et filtrée à travers les pales qui composent son enveloppe évolutive. Son piètement lui permet d’adopter différentes positions et donc de faire évoluer une fois de plus la forme finale de la lampe.
Mêlant forme, ingéniosité de la conception et éthique, la lampe éclipse de Mauricio Klabin qui fait partie de la collection permanente du MoMA est un modèle d’excellence en termes de design.
François-Marie VAILLANT

vendredi 11 novembre 2016







Ceci n'est pas Magritte, à moins que ...


     « Magritte. La trahison des images » nous invite à découvrir ou redécouvrir l’œuvre d‘un des artistes majeurs du XXème siècle, du 21 septembre au 23 Janvier 2017. Près de 36 ans se sont passés entre la rétrospective de 1979 et cette relecture d’œuvres emblématiques de l’artiste surréaliste. C’est le Centre Pompidou qui accueille cet évènement. Le parti pris est de présenter les différentes œuvres de l’artiste en 5 suivant cinq axes : le feu, l’ombre, les rideaux, les mots et le corps fractionné. Un voyage entre réalité, onirisme et étonnenement. Magritte nous questionnent sur le sens des images mais également sur le sens des mots qui les accompagnent. 
« Tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique. » René Magritte 
-Myriam BURGAUD
-Celie PIRAUD


   Ceci n'est pas une présentation

      La présentation à moins que...
  • "Si j’avais écrit ceci est une pipe, j’aurai menti." R. Magritte
Qui ? René Magritte, le célèbre artiste surréaliste belge
Quoi ? Une exposition qui vous propose de le découvrir sous un jour nouveau
Où ? Dans la Galerie 2 du Centre POMPIDOU, à Paris
Quand ? Du 21 septembre 2016 au 23 janvier 2017

Il y a 36 ans de cela, le Centre Pompidou accueillait déjà les œuvres de Magritte, dans une exposition intitulée Rétrospective Magritte.Cette exposition révélait "un jeu de cache-cache" et l'intérêt de l'artiste pour ce qui n’apparaît pas, à travers 206 objets, dessins et tableaux ; Exposition dont David Sylvester avait conclu à l’époque que : "l’œuvre entière de Magritte nous était tout à la fois dissimulée et familière, visible et imprévisible. »
Cette année, Didier Ottinger, commissaire d’exposition, choisit de nous présenter l’artiste sous un angle nouveau, sélectionnant certaines œuvres - très célèbres ou quasiment inconnues du grand public - autour de thèmes qui reviennent, comme un leitmotiv dans le travail de Magritte: Le feu, l’ombre, les rideaux, les mots et le corps fractionné. Sont ainsi présentées, au Centre Pompidou, une centaine d’œuvres, qui s’articulent autour de l’évolution philosophique et poétique de l’artiste. D’abord le fruit de rapprochements fortuits, les tableaux de Magritte ne tardent pas à se transformer en solutions de problèmes mathématiques, dont l’artiste possédait trois données : « l’objet, la chose attachée à lui dans l’ombre de ma conscience et la lumière où cette chose devait parvenir. »
La trahison des images, sous-titre de l’exposition, est le titre de l’un de ses tableaux les plus célèbres, plus connu sous le nom de « Ceci n’est pas une pipe. » Cette expression reprend à elle seule l’idée principale du travail de Magritte : les images et les mots sont trompeurs, polysémiques, sources de déformations et de mises en abyme. « Les mots se font images et la pensée se symbolise. […] la carte n’est pas le terrain, l’image n’est ni la personne ni l’objet. » - André Balbo
Le spectateur est mis en garde dès la première salle : « les visiteurs d’une exposition de toiles de René Magritte doivent réaliser qu’il s’agit "d’une exploration mentale éminemment hétérogène et complexe". »
Cette exposition n’est donc pas juste une présentation de beaux tableaux, dont on admirerait l’exécution ; elle est une invitation à la réflexion, autour de thèmes chers aux surréalistes, mais aussi une façon étonnante de se replonger dans des réflexions philosophiques plus classiques, telles que la caverne de Platon par exemple, d’une façon poétique et décalée.

Vue d'une salle d'exposition - © Paris la douce
-Ebony Lerandy

     Biographie à moins que...
  • René Magritte
René-François-Ghislain Magritte dit Magritte est né le 21 novembre 1898 à Lessine (Belgique). Sa jeunesse fut mouvementée, son père est un homme tyrannique, coureur de jupons, anticlérical et qui réussit mal dans les affaires ; sa mère quand a elle est catholique pratiquante mais aussi dépressive ; elle se suicide alors que Magritte est âgé de 14 ans. A l’âge de 15 ans, il rencontre Georgette Berger qui deviendra sa femme en 1922, elle sera son unique modèle durant toute sa vie. Son parcours artistique le pousse à partir étudier à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles (1916/1918), il découvrira plus tard les mouvements futuristes et cubistes auprès de Pierre-Louis Foulquet ; ces deux courants vont l’influencer à ses débuts mais il s’orientera rapidement vers le surréalisme. Son œuvre tentera de démontrer la part de mystère au sein de la réalité et de mettre en avant le décalage entre un objet et sa représentation. De 1927 à 1930, il entre en contact avec le groupe de Correspondance qui annonce les prémices du groupe surréaliste de Bruxelles dont il devient le chef de file à son retour en Belgique. La reconnaissance de son œuvre ne tarde pas arriver et il passe le reste de sa vie entre les expositions Belges et Internationales. Magritte meurt à Bruxelles le 15 Août 1967 à 69 ans. Son épouse lèguera ses œuvres à diverses collections et musées publics Belges.


-François-Marie VAILLANT

      Présentation du surréalisme belge à moins que...

  •  Magritte et le surréaliste belge
Le surréalisme apparaît peu après la Première Guerre Mondiale. Après le traumatisme que celle-ci engendre, le réalisme et le rationalisme sont dépréciés des artistes. André Breton, créateur du mouvement, le définit en 1924 dans son Manifeste du Surréalisme comme une "dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale". 
La Belgique est l’un des premiers pays à se convertir au surréalisme après la France. Néanmoins, il s’en distingue : on remet par exemple en question l’écriture automatique et l’automatisme psychique, et davantage de supports sont exploités comme la musique et le cinéma. Le groupe de Bruxelles inclue davantage la réflexion et la psychologie dans ses œuvres. Les artistes jouent avec les mots, détournent et ironisent – ces traits d’humour reflètent leur attachement au dadaïsme. Les français, qui priorisent l’expression de l’être intérieur et de l’inconscient, leur reprocheront cette dimension trop intellectuelle et calculée.
L’officialité du mouvement dans le pays n’est pas si évidente, notamment car les artistes ne forment pas un groupe soudé et fixe. Il existe en fait deux groupes, l’un basé à Bruxelles, l’autre dans le Hainaut. S’ils se font connaître, c’est grâce à leurs quelques collaborations avec les parisiens, des apparitions dans des revues du mouvement et leur participation à Minotaure, première exposition surréaliste à envergure internationale au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en 1934.
Selon Magritte, l’art doit être une expression de l’esprit. La plupart de ses tableaux sont de véritables énigmes où les objets banals du quotidien se font mystérieux et insolites. Il y apporte humour, cynisme et intelligence par des associations de mots incongrues (L’interprétation des rêves, 1927) et des trompe-l‘œil brillants (La condition humaine, 1935). Uniques en leur genre, atypiques, les œuvres de Magritte en feront une figure incontournable du mouvement à l’internationale.
René Magritte fait son entrée dans le milieu artistique en tant qu’impressionniste. Il s’essaye au cubisme, au futurisme ainsi qu’à l’abstraction, mais réalise la moitié de son œuvre en tant que surréaliste Il peint son premier tableau surréaliste – Le Jockey Perdu – en 1926, composé en partie de collages inspirés par Ernst. Très vite, il s’impose comme le chef de file du groupe bruxellois, entouré de Paul Nougé, Marcel Lecompte et Camille Goemans avec lesquels il participera aux revues Correspondance (1924), Œsophage (1925) … Frustré par la mauvaise réception de son œuvre en Belgique, il se rend à Paris de 1927 à 1930. Il y lie des relations amicales avec les autres représentants du mouvement (André Breton, Salvador Dalì, Paul Eluard…) et expose dans la galerie de Camille Goemans, lui aussi basé à Paris. Avec lui, il publiera Le Sens Propre (1929), cinq tracts mêlant ses propres images et les poèmes de son ami.


-Emilie-Marie Gioanni


   Ceci n'est pas la période "vache"
     Description du mouvement à moins que...

En 1927, Magritte chercha à conquérir Paris, le centre du monde de l’art, la capitale du mouvement dont il devient une des figures emblématiques, le surréalisme. Son séjour en France ne durera malheureusement que 3 ans, le public parisien n’étant pas réceptif à ses productions, créant même du rejet et des critiques à son égard. Même après sa reconnaissance internationale dans les années 1930, en exposant à Londres et New-York, les protagonistes du groupe surréaliste continuaient de désapprouver sa vision personnelle du surréalisme, le faisant entrer en conflit avec la ligne officielle de Paris. Alors, lorsqu’il fût enfin invité à Paris en 1948 pour une première exposition personnelle à la galerie du Faubourg, Magritte ne vit pas ça comme une chance de conquérir la métropole, mais plutôt comme une occasion de se venger d’une scène artistique devenue « socialement trop acceptable ».
Ni une ni deux, Magritte, en quelque jours à peine, réalisa 15 huiles et 10 gouaches, s’inspirant de caricatures, de bandes dessinées ou encore d'autres artistes comme James Ensor ou Henri Matisse. Magritte vient de créer sa période « Vache », expression choisie ironiquement par l’artiste lui-même pour se jouer du mouvement Fauves et de leurs couleurs, mais également pour jouer sur la signification du terme « vache » en français , en faisant allusion à la qualité agressive et brute de ce qu’il venait de produire.
Le nouveau genre proposé par l’artiste se veut adopter des sujets grotesques, vulgaires, ironiques, exubérants, dévalorisés aux couleurs criardes, dégoulinantes. La Famine en est un très bon exemple, on y retrouve des couleurs plus sanguines, des coups de brosse rapides et nerveux, exécutés de façon décontractée dans le but de créer une anarchie formelle et morale pour une représentation totalement absurde et informe. Si l’exposition ne connu aucun succès (aucune oeuvres ne fût achetées ), Magritte n’en avait pas moins rempli sa mission : sa cible avait été touchée. Les surréalistes parisiens se sentirent offensés, le public consterné, dans l’incompréhension. Sous l’influence de sa femme Georgette, Magritte revint très vite à son style d’antan mais cette période audacieuse de l’artiste, si elle tomba dans l’oubli pendant une longue période, fût néanmoins marquante pour le monde de l’art. L’humour et le style spontané de ces œuvre sont aujourd’hui les symboles d'une attitude rebelle et fanfaronne face aux réprimandes des instances artistiques, réfutent les clichés donnés aux images et condamnent le fonctionnement d'un art qui devient dogmatique ou institutionnel.
Magritte et sa période vache - 1948 - Photo : La Famine 1948
-Victor SALINIER


     Un autres exemple de cette période à moins que...
  •  Le Stropiat

Le Stropiat de 1947 est une peinture qui appartient à ce qu’on appelle la période « Vache » de Magritte, qui ne dura que quelques mois, et donna lieu à de nombreuses incompréhensions, car les huiles et les gouaches, qu’il exécuta alors, étaient très loin de l’aspect froid et net des peintures exécutées auparavant. Les images les plus potaches le disputent aux blagues d'un goût des plus douteux.
Soutenu par Louis Scutenaire, son ami écrivain et poète belge, dans cette « remise en jeu » de son propre art, il exacerbe ici son irrespect vis-à-vis des choses établies.
Son attribut insistant (la pipe) fait du Stropiat (l’estropié, dans le langage de Charleroi où il a passé son enfance) un très probable autoportrait.



-Jean SENECAL



   Ceci n'est pas une image et sa légende
     La contradiction à moins que ...

  • Le rapport absurde d’une image et de sa légende 

Alors que se déroule actuellement une exposition au  Centre Pompidou à Paris dédiée au très célèbre peintre René Magritte, revenons sur cet artiste emblématique qui nous a tous un jour subjugués de par ses œuvres pour le moins surréalistes. En effet, artiste belge du siècle dernier, Magritte est parvenu de nombreuses fois à nous laisser pensifs devant ses tableaux. Et qui ne se souvient pas du fameux « Ceci n’est pas une pipe ».
Véritablement intitulé La trahison des images, ce tableau est une huile sur toile de 59X65cm, et date de 1929. Il est aujourd’hui présenté au musée d’art de Los Angeles.
Le tableau représente à première vue une forme « traitée de façon photographique » (site de l’UJUO, un jour, une œuvre) sur un fond beige. On observe facilement une pipe, objet généralement en bois qui sert à fumer, instrument souvent représenté dans les films, notamment dans Mon oncle, de Jacques Tati.Il faut remarquer cette pipe n’a aucune ombre portée, elle semble d’ailleurs flotter dans le vide.
Plus tard, nos yeux glissent vers la légende disposée plus bas : « Ceci n’est pas une pipe », inscrite en lettres manuscrites, peinte directement sur la toile. Mais alors, cette phrase si affirmative d’aperçu ne devient-elle pas une question ?
« Le titre La trahison des images dénonce la trahison et la duperie que les images exercent sur le spectateur. » (La gazette enflammée, journal numérique) Magritte se tourne vers un redéfinition du mot « pipe ». Finalement, on retrouve au sein de ce tableau une réelle absurdité du langage et des images. « Les titre des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres », René Magritte. Cette œuvre reste aujourd’hui un tableau emblématique dont il existe aujourd’hui plusieurs versions.
« La fameuse pipe, me l’a-t-on assez reprochée ! Et pourtant, pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau « ceci est une pipe », j’aurais menti ! », René Magritte.
René Magritte, "La Trahison des images (Ceci n'est pas une pipe)", 1929,
Los Angeles County Museum of Art, achat avec des fonds de la collection de Mr and Mrs William Preston Harrison © Adagp,Paris 2016 © Photothèque R. Magritte / Banque d’Images, Adagp, Paris, 2016
-Mathilde CERES

     L'abstraction à moins que...

  • Un mécanisme onirique...

    Libre association entre mots et images, La clé des songes de Magritte semble apparaître comme un bon exemple du mécanisme onirique qu'il explore. Issue d'une série de plusieurs œuvres en relation avec la Trahison des images, cette huile sur toile de 81x60 cm a été peinte en 1930.  
Ici, la superposition, l'assemblage, la déconstruction, le remodelage ou même la métamorphose des sens et significations des mots ou images nous amènent à une expérience inattendue.  En effet, on remarque clairement sur ce tableau quatre cases dont trois possédant une association  improbable, insolite et incompréhensible. Néanmoins, la dernière case représentant une valise nous interroge sur l'aspect réel de ce lien existant entre sens, mot et image. Cette surprenante apparition nous plonge donc dans une curiosité sans faille qui attire le spectateur.
Des créations hybrides surgissent, nées d'un procédé simple, voire même quotidien, puisque chacun de nous rêve et interprète les images et mots seulement  d'après son impression et son ressenti. On peut donc faire un lien entre cette expérience et la poésie contemporaine, par exemple, où la sensibilité de chacun prône sur la réelle volonté de l'écrivain d'écrire un poème rempli de sens.
Magritte réussit donc encore une fois à nous embarquer dans son monde surréaliste et expérimental du rêve et de l'inconscient...
La clef des songes, Magritte, 1930.
-Marie BAL-FONTAINE

   Ceci ne sont pas différentes réflexions autour d'idées
  • L’idée d’un tout
L’Evidence Eternelle est composée de cinq toiles de fragments du corps d’une femme. Ce travail se situe entre la peinture et la sculpture, Magritte en parle d’ailleurs comme d'"objets" et de "toiles découpées". Il a d’abord peint un nu de sa femme sur une unique toile puis l’a découpé et mis dans cinq cadres.  Les différentes parties ne sont pas à la même échelle mais l’œil reconstitue le corps pour faire un tout, sans s’en rendre compte. Chaque partie encadrée est ainsi séparée du reste du corps, tout en étant reliée dans l’esprit du spectateur. Le corps se détache du tableau et semble vivre derrière ces cadres encombrants. L’Evidence éternelle car on sait à quoi se rattache chaque tableau… L’Evidence Eternelle car il a peint sa femme Georgette et que sa personne est pour lui est une évidence. Il connait et est attaché à chaque partie de son corps. Avec L’Evidence Eternelle, Magritte bouscule les codes traditionnels du nu féminin.
L’Evidence éternelle, de Magritte (1930)

-Zoé OBERLE

  • Les Vacances de Hegel

« Comment peindre un verre d’eau d’une manière qui ne soit ni indifférente ni fantaisiste, mais comme qui dirait avec génie ? J’ai alors pensé que Hegel (un autre génie) aurait été très sensible à cet objet qui a deux fonctions opposées en même temps : rejeter l’eau (s’en protéger) et la garder (la contenir). Il aurait été ravi, je pense, ou amusé (comme on cherche à l’être lorsqu’on est en vacances) et j’ai appelé le tableau Les Vacances de Hegel.» René Magritte
Cette citation résume à peu près toute l’œuvre de Magritte, portée sur le mystère et la réflexion. Porter les gens à réfléchir sur ce qu’ils voient, la représentation d'une chose et sa signification (réelle ou en dessin). Pour lui, l’objet doit être, et est, une réalité concrète qui ne peut être qualifier d’un nom, forcément abstrait et arbitraire. Que veulent dire les mots ? Peuvent-ils représenter un objet à proprement parler ? Magritte exerce ainsi une véritable action de la pensée sur sa peinture, et il définit un nouveau rôle du peintre. Cette œuvre, dont le titre fait clairement référence à Hegel, se justifie par les travaux de celui-ci sur la recherche et la patience dont l’Homme doit faire preuve pour s’améliorer. Le spectateur doit ainsi chercher à tout remettre en question (que ça soit ce qu’il voit ou ce que cela semble vouloir dire) pour trouver une finalité à sa réflexion, et devenir meilleur. La mise en opposition ici d'objets en rapport avec l’eau, et donc se rapportant à quelque chose de vital, et leur représentation si épurée, douce, moelleuse, met en évidence un paradoxe révélateur.
Ce tableau prend toute son importance dans cette rétrospective lorsque l’on constate que les éléments clés de son travail (les objets, leur représentation épurée et simple, le mystère) s'y retrouvent.

René Magritte, Les Vacances de Hegel, 1959,
Huile sur toile, 60x50cm
-Clara JOUAULT

   Ceci n'est pas un tout n'est qu'illusion 
  • Le Blanc-seing
Adepte du Surréalisme, René Magritte compose ici une œuvre questionnant l’illusion, le mensonge, la réalité, l’absurdité …
Toutes les perspectives sont des parallèles. Par exemple, une ligne de fuite passe en diagonale par la patte arrière droite du cheval, le pied de la femme, la tête du cheval et une branche … Tout parait orthonormé …
Mais si l'on se place sur la droite du tableau, on a l'impression que le cheval sort de la forêt, et quand on se place face au milieu du tableau, cette impression de voir sortir le cheval de la forêt se dissipe ...
Ce qui force l’attention du spectateur, c’est la subtile reconstitution de ce qui se passe dans le tableau. Le sujet démontre bien la préoccupation qu'avait René Magritte pour les relations entre le monde visible et invisible …
Une liberté imaginaire est alors laissé aux spectateurs … probablement lié à son nom  Le Blanc-Seing qui correspond à un document vierge signé que l’on souhaite se voir remplir par quelqu’un d’autre …

Le Blanc-seing, 1965, huile sur toile, 81 x 64 cm,collection Paul Mellon, National Gallery of Art, Washington.
-Franck GROSSE

  • Peintre et philosophe se mêlent sur la toile…

La Condition humaine œuvre de Magritte de 1935, est une peinture qui pose une multitude de questions. Sur une toile, il représente une seconde toile fondue dans l’horizon d'un paysage peint. Au premier plan, on distingue la roche d'une grotte éclairée par un feu de bois, qui nous fait évidemment penser au mythe de la caverne de Platon.
Magritte ne peint pas la sombre caverne décrite par le philosophe mais tourne le regard du spectateur vers l'extérieur utilisant une palette de couleurs bien plus vives. Avec une belle aisance, il peint un paysage lumineux ouvrant de nouveaux horizons.
A travers la célèbre allégorie de la caverne, Magritte interroge ici la copie du réel, sa représentation. Il reconsidère le statut de l’art et de la peinture car, selon Platon, nous prenons les images pour la réalité. L’artiste propose un questionnement intéressant en mêlant sur une même toile philosophie et peinture.
Alors que le spectateur cherche à savoir laquelle des deux toiles est une tromperie, cette œuvre s’intègre parfaitement à la collection de Magritte : la trahison des images .

René Magritte, "La Condition humaine", 1935,
Norfolk Museums Service © Adagp,Paris 2016

-Flavie SIMON-BARBOUX

  Ceci n'est pas une véritable absurdité

  • Le problème du mouvement

Dans La Colère des Dieux Magritte démontre bien son intérêt pour la résolution ce de qu’il nomme des « problèmes » par une circonvolution amusée de la pensée. Il est question ici deux éléments porteurs de l'idée de mouvement, une voiture en action et un cheval au galop. Magritte pose ici une équation à partir de deux représentations étrangement associées. Tous deux sont mêlés dans une figuration improbable.
« N’importe quel objet, pris comme question d’un problème… et la réponse exacte, trouvée par la recherche de l’objet secrètement lié au premier… donnent, réunis, une connaissance nouvelle. » Magritte R.
Magritte semble proposer une véritable réflexion de relativité einsteinienne. Le tableau taraude le spectateur. Si la voiture est en mouvement et si sa vitesse est ajustée par rapport à celle du jockey sur son cheval de course est-il possible que le mouvement du cheval sur le toit de la voiture soit perpétuel ? Si votre esprit est en ébullition devant ce problème, alors Magritte a réussi à se jouer de notre rationalité qui prétend tout expliquer en prétextant une colère divine. Il démontre ainsi bien la capacité limitée de l’image à représenter le réel.
Cette équation de « mouvement immobile » à trouver d’autres solutions par exemple chez Marcel Duchamp avec notamment son readymade intitulé Roue de bicyclette
La Colère des Dieux, 1960, 80x70cm, René Magritte.  © Maxence de Cock 

-Maxence DE COCK

  • Les chaussures humaines
René Magritte, a peint en 1935 Le Modèle rouge. Il s’agit d’une huile sur toile marouflée sur carton dans laquelle on peut voir, au premier plan, une paire de chaussures peu communes. En effet, celles-ci sont mi-objets, mi-humaines et ne sont pas rouges comme le titre pourrait l’indiquer, mais noires. Le sujet du Modèle rouge aurait été inspiré par l’enseigne d’un cordonnier que Max Ersnt, peintre surréaliste comme Magritte, lui aurait montré en Touraine.
L’artiste en a réalisé 7 versions de 1935 à 1964 à l’aide de différentes techniques allant de l’huile, à la gouache, en passant par le dessin. Cette toile peut sembler s’inscrire dans plusieurs styles. Elle se situe entre figuration avec la précision et le réalisme de l’arrière plan de bois par exemple et surréalisme par l‘association de cette peau humaine avec le cuir animal.
Les questions autour de cette paire de chaussures sont multiples: s’agit-il de chaussures qui se greffent aux pieds à force d’être portées? ou encore d’une dualité entre objet et vivant? d’une critique du matérialisme? les interprétations sont libres…
Le modèle rouge, 1935 - Huile sur toile marouflée sur carton - 56 x 46 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris Achat, 1975 
-Raphaëlle Caroff

  • Un tableau incertain...

Etonnant tableau que celui du Principe d’incertitude. Poétique d’une part et inquiétant de l’autre, il déstabilise autant qu’il fascine. Une femme de trois quart regarde son ombre sur un mur, la tête légèrement penchée elle semble dubitative. Un rideau rouge se trouve à sa gauche et contraste avec son corps nu. Cependant toute l’étrangeté de ce tableau se trouve dans l’ombre qui n’a pas une forme humaine mais celle d’un oiseau aux ailes déployées et aux griffes longues et pointues. Il est difficile de dire si la jeune femme est surprise ou bien simplement contemplatrice. Le rideau rouge est le symbole du théâtre, du spectacle mais aussi du noir et de la lumière. On peut supposer que la jeune femme est le spectacle et l’oiseau les coulisses. Celui-ci serait alors sa véritable identité, son coté sombre, celui que personne ne voit. Même si la position de la jeune femme et de l’oiseau est dynamique, le tableau reste statique. Face au mur aucune issu n’est envisageable. L’oiseau aux ailes déployées peut être le symbole d’une femme qui voudrait s’échapper, se libérer, mais de quoi ? La question subsiste. Dans les œuvres de Magritte l’incertitude est partout et nulle part à la fois. Ce tableau illustre bien ce principe car tous les scénarios sont possibles.
Le principe d'incertitude, René Magritte, 1944

-Eloïse BONNARD


   Ceci n'est pas une reflexion céleste

  • Les mémoires d'un saint

C’est en 1960 que René Magritte réalise Les mémoires d’un saint. Au centre de la peinture, nous pouvons percevoir une étrange mise en scène. Des rideaux de couleur rouille formant un cercle semblent s’ouvrir vers un ailleurs : un ciel parsemé de nuages. L’arrière plan sombre nous apparaît comme le fond d’un théâtre contrastant avec la scène lumineuse. Quelle allégorie Magritte veut-il représenter ?  L'intérieur et l'extérieur s'inverse, le théâtre et la réalité semblent perdre pied dans une mise en scène renversante et malicieuse.
René Magritte, "Les mémoires d'un saint", 1960,
The Menil Collection, Houston © ADAGP,
Paris 2016
-Philippine MASUREL

  • Une nouvelle perspective 
Magritte a peint Décalcomanie en 1966, un an avant sa mort, pour le Baron Chaïm Perelman, un professeur de philosophie. Ce tableau représente un homme à chapeau melon de dos devant un paysage de bord de mer, à sa droite se trouve un rideau, dans lequel la silhouette de l’homme est découpée. Bien que les deux silhouettes diffèrent légèrement, on retrouve le bout de rideau caché par l’homme de gauche, dans la silhouette du rideau à droite. Il semble donc qu'apparaît en découpage dans le rideau la vue qui est cachée par l’homme. On peut peut-être y voir comme une perspective à travers laquelle voir le monde. Magritte explore ici l’idée de l’absence et de sa contrepartie la présence et de ce qui est caché / montré. En créant cette image, Réné Magritte retourne à nouveau au principe du surréalisme, qui est de laisser les pensées s’évader, sans s’attacher à la réalité. Le sujet qui pourrait être banal et ordinaire est repris de telle sorte que le spectateur y accorde une importance plus grande et en questionne le sens.
Par ailleurs, cette image crée une idée d’immobilité, comme si le temps s’était arrêté sur ce moment.

René Magritte - La décalcomanie, 1966 - Huile sur toile - 81 x 100 cm
Dr Noémi Perelman Mattis et Dr Daniel C. Mattis 

-Fanny FAUVARQUE