vendredi 11 novembre 2016







Ceci n'est pas Magritte, à moins que ...


     « Magritte. La trahison des images » nous invite à découvrir ou redécouvrir l’œuvre d‘un des artistes majeurs du XXème siècle, du 21 septembre au 23 Janvier 2017. Près de 36 ans se sont passés entre la rétrospective de 1979 et cette relecture d’œuvres emblématiques de l’artiste surréaliste. C’est le Centre Pompidou qui accueille cet évènement. Le parti pris est de présenter les différentes œuvres de l’artiste en 5 suivant cinq axes : le feu, l’ombre, les rideaux, les mots et le corps fractionné. Un voyage entre réalité, onirisme et étonnenement. Magritte nous questionnent sur le sens des images mais également sur le sens des mots qui les accompagnent. 
« Tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique. » René Magritte 
-Myriam BURGAUD
-Celie PIRAUD


   Ceci n'est pas une présentation

      La présentation à moins que...
  • "Si j’avais écrit ceci est une pipe, j’aurai menti." R. Magritte
Qui ? René Magritte, le célèbre artiste surréaliste belge
Quoi ? Une exposition qui vous propose de le découvrir sous un jour nouveau
Où ? Dans la Galerie 2 du Centre POMPIDOU, à Paris
Quand ? Du 21 septembre 2016 au 23 janvier 2017

Il y a 36 ans de cela, le Centre Pompidou accueillait déjà les œuvres de Magritte, dans une exposition intitulée Rétrospective Magritte.Cette exposition révélait "un jeu de cache-cache" et l'intérêt de l'artiste pour ce qui n’apparaît pas, à travers 206 objets, dessins et tableaux ; Exposition dont David Sylvester avait conclu à l’époque que : "l’œuvre entière de Magritte nous était tout à la fois dissimulée et familière, visible et imprévisible. »
Cette année, Didier Ottinger, commissaire d’exposition, choisit de nous présenter l’artiste sous un angle nouveau, sélectionnant certaines œuvres - très célèbres ou quasiment inconnues du grand public - autour de thèmes qui reviennent, comme un leitmotiv dans le travail de Magritte: Le feu, l’ombre, les rideaux, les mots et le corps fractionné. Sont ainsi présentées, au Centre Pompidou, une centaine d’œuvres, qui s’articulent autour de l’évolution philosophique et poétique de l’artiste. D’abord le fruit de rapprochements fortuits, les tableaux de Magritte ne tardent pas à se transformer en solutions de problèmes mathématiques, dont l’artiste possédait trois données : « l’objet, la chose attachée à lui dans l’ombre de ma conscience et la lumière où cette chose devait parvenir. »
La trahison des images, sous-titre de l’exposition, est le titre de l’un de ses tableaux les plus célèbres, plus connu sous le nom de « Ceci n’est pas une pipe. » Cette expression reprend à elle seule l’idée principale du travail de Magritte : les images et les mots sont trompeurs, polysémiques, sources de déformations et de mises en abyme. « Les mots se font images et la pensée se symbolise. […] la carte n’est pas le terrain, l’image n’est ni la personne ni l’objet. » - André Balbo
Le spectateur est mis en garde dès la première salle : « les visiteurs d’une exposition de toiles de René Magritte doivent réaliser qu’il s’agit "d’une exploration mentale éminemment hétérogène et complexe". »
Cette exposition n’est donc pas juste une présentation de beaux tableaux, dont on admirerait l’exécution ; elle est une invitation à la réflexion, autour de thèmes chers aux surréalistes, mais aussi une façon étonnante de se replonger dans des réflexions philosophiques plus classiques, telles que la caverne de Platon par exemple, d’une façon poétique et décalée.

Vue d'une salle d'exposition - © Paris la douce
-Ebony Lerandy

     Biographie à moins que...
  • René Magritte
René-François-Ghislain Magritte dit Magritte est né le 21 novembre 1898 à Lessine (Belgique). Sa jeunesse fut mouvementée, son père est un homme tyrannique, coureur de jupons, anticlérical et qui réussit mal dans les affaires ; sa mère quand a elle est catholique pratiquante mais aussi dépressive ; elle se suicide alors que Magritte est âgé de 14 ans. A l’âge de 15 ans, il rencontre Georgette Berger qui deviendra sa femme en 1922, elle sera son unique modèle durant toute sa vie. Son parcours artistique le pousse à partir étudier à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles (1916/1918), il découvrira plus tard les mouvements futuristes et cubistes auprès de Pierre-Louis Foulquet ; ces deux courants vont l’influencer à ses débuts mais il s’orientera rapidement vers le surréalisme. Son œuvre tentera de démontrer la part de mystère au sein de la réalité et de mettre en avant le décalage entre un objet et sa représentation. De 1927 à 1930, il entre en contact avec le groupe de Correspondance qui annonce les prémices du groupe surréaliste de Bruxelles dont il devient le chef de file à son retour en Belgique. La reconnaissance de son œuvre ne tarde pas arriver et il passe le reste de sa vie entre les expositions Belges et Internationales. Magritte meurt à Bruxelles le 15 Août 1967 à 69 ans. Son épouse lèguera ses œuvres à diverses collections et musées publics Belges.


-François-Marie VAILLANT

      Présentation du surréalisme belge à moins que...

  •  Magritte et le surréaliste belge
Le surréalisme apparaît peu après la Première Guerre Mondiale. Après le traumatisme que celle-ci engendre, le réalisme et le rationalisme sont dépréciés des artistes. André Breton, créateur du mouvement, le définit en 1924 dans son Manifeste du Surréalisme comme une "dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale". 
La Belgique est l’un des premiers pays à se convertir au surréalisme après la France. Néanmoins, il s’en distingue : on remet par exemple en question l’écriture automatique et l’automatisme psychique, et davantage de supports sont exploités comme la musique et le cinéma. Le groupe de Bruxelles inclue davantage la réflexion et la psychologie dans ses œuvres. Les artistes jouent avec les mots, détournent et ironisent – ces traits d’humour reflètent leur attachement au dadaïsme. Les français, qui priorisent l’expression de l’être intérieur et de l’inconscient, leur reprocheront cette dimension trop intellectuelle et calculée.
L’officialité du mouvement dans le pays n’est pas si évidente, notamment car les artistes ne forment pas un groupe soudé et fixe. Il existe en fait deux groupes, l’un basé à Bruxelles, l’autre dans le Hainaut. S’ils se font connaître, c’est grâce à leurs quelques collaborations avec les parisiens, des apparitions dans des revues du mouvement et leur participation à Minotaure, première exposition surréaliste à envergure internationale au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en 1934.
Selon Magritte, l’art doit être une expression de l’esprit. La plupart de ses tableaux sont de véritables énigmes où les objets banals du quotidien se font mystérieux et insolites. Il y apporte humour, cynisme et intelligence par des associations de mots incongrues (L’interprétation des rêves, 1927) et des trompe-l‘œil brillants (La condition humaine, 1935). Uniques en leur genre, atypiques, les œuvres de Magritte en feront une figure incontournable du mouvement à l’internationale.
René Magritte fait son entrée dans le milieu artistique en tant qu’impressionniste. Il s’essaye au cubisme, au futurisme ainsi qu’à l’abstraction, mais réalise la moitié de son œuvre en tant que surréaliste Il peint son premier tableau surréaliste – Le Jockey Perdu – en 1926, composé en partie de collages inspirés par Ernst. Très vite, il s’impose comme le chef de file du groupe bruxellois, entouré de Paul Nougé, Marcel Lecompte et Camille Goemans avec lesquels il participera aux revues Correspondance (1924), Œsophage (1925) … Frustré par la mauvaise réception de son œuvre en Belgique, il se rend à Paris de 1927 à 1930. Il y lie des relations amicales avec les autres représentants du mouvement (André Breton, Salvador Dalì, Paul Eluard…) et expose dans la galerie de Camille Goemans, lui aussi basé à Paris. Avec lui, il publiera Le Sens Propre (1929), cinq tracts mêlant ses propres images et les poèmes de son ami.


-Emilie-Marie Gioanni


   Ceci n'est pas la période "vache"
     Description du mouvement à moins que...

En 1927, Magritte chercha à conquérir Paris, le centre du monde de l’art, la capitale du mouvement dont il devient une des figures emblématiques, le surréalisme. Son séjour en France ne durera malheureusement que 3 ans, le public parisien n’étant pas réceptif à ses productions, créant même du rejet et des critiques à son égard. Même après sa reconnaissance internationale dans les années 1930, en exposant à Londres et New-York, les protagonistes du groupe surréaliste continuaient de désapprouver sa vision personnelle du surréalisme, le faisant entrer en conflit avec la ligne officielle de Paris. Alors, lorsqu’il fût enfin invité à Paris en 1948 pour une première exposition personnelle à la galerie du Faubourg, Magritte ne vit pas ça comme une chance de conquérir la métropole, mais plutôt comme une occasion de se venger d’une scène artistique devenue « socialement trop acceptable ».
Ni une ni deux, Magritte, en quelque jours à peine, réalisa 15 huiles et 10 gouaches, s’inspirant de caricatures, de bandes dessinées ou encore d'autres artistes comme James Ensor ou Henri Matisse. Magritte vient de créer sa période « Vache », expression choisie ironiquement par l’artiste lui-même pour se jouer du mouvement Fauves et de leurs couleurs, mais également pour jouer sur la signification du terme « vache » en français , en faisant allusion à la qualité agressive et brute de ce qu’il venait de produire.
Le nouveau genre proposé par l’artiste se veut adopter des sujets grotesques, vulgaires, ironiques, exubérants, dévalorisés aux couleurs criardes, dégoulinantes. La Famine en est un très bon exemple, on y retrouve des couleurs plus sanguines, des coups de brosse rapides et nerveux, exécutés de façon décontractée dans le but de créer une anarchie formelle et morale pour une représentation totalement absurde et informe. Si l’exposition ne connu aucun succès (aucune oeuvres ne fût achetées ), Magritte n’en avait pas moins rempli sa mission : sa cible avait été touchée. Les surréalistes parisiens se sentirent offensés, le public consterné, dans l’incompréhension. Sous l’influence de sa femme Georgette, Magritte revint très vite à son style d’antan mais cette période audacieuse de l’artiste, si elle tomba dans l’oubli pendant une longue période, fût néanmoins marquante pour le monde de l’art. L’humour et le style spontané de ces œuvre sont aujourd’hui les symboles d'une attitude rebelle et fanfaronne face aux réprimandes des instances artistiques, réfutent les clichés donnés aux images et condamnent le fonctionnement d'un art qui devient dogmatique ou institutionnel.
Magritte et sa période vache - 1948 - Photo : La Famine 1948
-Victor SALINIER


     Un autres exemple de cette période à moins que...
  •  Le Stropiat

Le Stropiat de 1947 est une peinture qui appartient à ce qu’on appelle la période « Vache » de Magritte, qui ne dura que quelques mois, et donna lieu à de nombreuses incompréhensions, car les huiles et les gouaches, qu’il exécuta alors, étaient très loin de l’aspect froid et net des peintures exécutées auparavant. Les images les plus potaches le disputent aux blagues d'un goût des plus douteux.
Soutenu par Louis Scutenaire, son ami écrivain et poète belge, dans cette « remise en jeu » de son propre art, il exacerbe ici son irrespect vis-à-vis des choses établies.
Son attribut insistant (la pipe) fait du Stropiat (l’estropié, dans le langage de Charleroi où il a passé son enfance) un très probable autoportrait.



-Jean SENECAL



   Ceci n'est pas une image et sa légende
     La contradiction à moins que ...

  • Le rapport absurde d’une image et de sa légende 

Alors que se déroule actuellement une exposition au  Centre Pompidou à Paris dédiée au très célèbre peintre René Magritte, revenons sur cet artiste emblématique qui nous a tous un jour subjugués de par ses œuvres pour le moins surréalistes. En effet, artiste belge du siècle dernier, Magritte est parvenu de nombreuses fois à nous laisser pensifs devant ses tableaux. Et qui ne se souvient pas du fameux « Ceci n’est pas une pipe ».
Véritablement intitulé La trahison des images, ce tableau est une huile sur toile de 59X65cm, et date de 1929. Il est aujourd’hui présenté au musée d’art de Los Angeles.
Le tableau représente à première vue une forme « traitée de façon photographique » (site de l’UJUO, un jour, une œuvre) sur un fond beige. On observe facilement une pipe, objet généralement en bois qui sert à fumer, instrument souvent représenté dans les films, notamment dans Mon oncle, de Jacques Tati.Il faut remarquer cette pipe n’a aucune ombre portée, elle semble d’ailleurs flotter dans le vide.
Plus tard, nos yeux glissent vers la légende disposée plus bas : « Ceci n’est pas une pipe », inscrite en lettres manuscrites, peinte directement sur la toile. Mais alors, cette phrase si affirmative d’aperçu ne devient-elle pas une question ?
« Le titre La trahison des images dénonce la trahison et la duperie que les images exercent sur le spectateur. » (La gazette enflammée, journal numérique) Magritte se tourne vers un redéfinition du mot « pipe ». Finalement, on retrouve au sein de ce tableau une réelle absurdité du langage et des images. « Les titre des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres », René Magritte. Cette œuvre reste aujourd’hui un tableau emblématique dont il existe aujourd’hui plusieurs versions.
« La fameuse pipe, me l’a-t-on assez reprochée ! Et pourtant, pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau « ceci est une pipe », j’aurais menti ! », René Magritte.
René Magritte, "La Trahison des images (Ceci n'est pas une pipe)", 1929,
Los Angeles County Museum of Art, achat avec des fonds de la collection de Mr and Mrs William Preston Harrison © Adagp,Paris 2016 © Photothèque R. Magritte / Banque d’Images, Adagp, Paris, 2016
-Mathilde CERES

     L'abstraction à moins que...

  • Un mécanisme onirique...

    Libre association entre mots et images, La clé des songes de Magritte semble apparaître comme un bon exemple du mécanisme onirique qu'il explore. Issue d'une série de plusieurs œuvres en relation avec la Trahison des images, cette huile sur toile de 81x60 cm a été peinte en 1930.  
Ici, la superposition, l'assemblage, la déconstruction, le remodelage ou même la métamorphose des sens et significations des mots ou images nous amènent à une expérience inattendue.  En effet, on remarque clairement sur ce tableau quatre cases dont trois possédant une association  improbable, insolite et incompréhensible. Néanmoins, la dernière case représentant une valise nous interroge sur l'aspect réel de ce lien existant entre sens, mot et image. Cette surprenante apparition nous plonge donc dans une curiosité sans faille qui attire le spectateur.
Des créations hybrides surgissent, nées d'un procédé simple, voire même quotidien, puisque chacun de nous rêve et interprète les images et mots seulement  d'après son impression et son ressenti. On peut donc faire un lien entre cette expérience et la poésie contemporaine, par exemple, où la sensibilité de chacun prône sur la réelle volonté de l'écrivain d'écrire un poème rempli de sens.
Magritte réussit donc encore une fois à nous embarquer dans son monde surréaliste et expérimental du rêve et de l'inconscient...
La clef des songes, Magritte, 1930.
-Marie BAL-FONTAINE

   Ceci ne sont pas différentes réflexions autour d'idées
  • L’idée d’un tout
L’Evidence Eternelle est composée de cinq toiles de fragments du corps d’une femme. Ce travail se situe entre la peinture et la sculpture, Magritte en parle d’ailleurs comme d'"objets" et de "toiles découpées". Il a d’abord peint un nu de sa femme sur une unique toile puis l’a découpé et mis dans cinq cadres.  Les différentes parties ne sont pas à la même échelle mais l’œil reconstitue le corps pour faire un tout, sans s’en rendre compte. Chaque partie encadrée est ainsi séparée du reste du corps, tout en étant reliée dans l’esprit du spectateur. Le corps se détache du tableau et semble vivre derrière ces cadres encombrants. L’Evidence éternelle car on sait à quoi se rattache chaque tableau… L’Evidence Eternelle car il a peint sa femme Georgette et que sa personne est pour lui est une évidence. Il connait et est attaché à chaque partie de son corps. Avec L’Evidence Eternelle, Magritte bouscule les codes traditionnels du nu féminin.
L’Evidence éternelle, de Magritte (1930)

-Zoé OBERLE

  • Les Vacances de Hegel

« Comment peindre un verre d’eau d’une manière qui ne soit ni indifférente ni fantaisiste, mais comme qui dirait avec génie ? J’ai alors pensé que Hegel (un autre génie) aurait été très sensible à cet objet qui a deux fonctions opposées en même temps : rejeter l’eau (s’en protéger) et la garder (la contenir). Il aurait été ravi, je pense, ou amusé (comme on cherche à l’être lorsqu’on est en vacances) et j’ai appelé le tableau Les Vacances de Hegel.» René Magritte
Cette citation résume à peu près toute l’œuvre de Magritte, portée sur le mystère et la réflexion. Porter les gens à réfléchir sur ce qu’ils voient, la représentation d'une chose et sa signification (réelle ou en dessin). Pour lui, l’objet doit être, et est, une réalité concrète qui ne peut être qualifier d’un nom, forcément abstrait et arbitraire. Que veulent dire les mots ? Peuvent-ils représenter un objet à proprement parler ? Magritte exerce ainsi une véritable action de la pensée sur sa peinture, et il définit un nouveau rôle du peintre. Cette œuvre, dont le titre fait clairement référence à Hegel, se justifie par les travaux de celui-ci sur la recherche et la patience dont l’Homme doit faire preuve pour s’améliorer. Le spectateur doit ainsi chercher à tout remettre en question (que ça soit ce qu’il voit ou ce que cela semble vouloir dire) pour trouver une finalité à sa réflexion, et devenir meilleur. La mise en opposition ici d'objets en rapport avec l’eau, et donc se rapportant à quelque chose de vital, et leur représentation si épurée, douce, moelleuse, met en évidence un paradoxe révélateur.
Ce tableau prend toute son importance dans cette rétrospective lorsque l’on constate que les éléments clés de son travail (les objets, leur représentation épurée et simple, le mystère) s'y retrouvent.

René Magritte, Les Vacances de Hegel, 1959,
Huile sur toile, 60x50cm
-Clara JOUAULT

   Ceci n'est pas un tout n'est qu'illusion 
  • Le Blanc-seing
Adepte du Surréalisme, René Magritte compose ici une œuvre questionnant l’illusion, le mensonge, la réalité, l’absurdité …
Toutes les perspectives sont des parallèles. Par exemple, une ligne de fuite passe en diagonale par la patte arrière droite du cheval, le pied de la femme, la tête du cheval et une branche … Tout parait orthonormé …
Mais si l'on se place sur la droite du tableau, on a l'impression que le cheval sort de la forêt, et quand on se place face au milieu du tableau, cette impression de voir sortir le cheval de la forêt se dissipe ...
Ce qui force l’attention du spectateur, c’est la subtile reconstitution de ce qui se passe dans le tableau. Le sujet démontre bien la préoccupation qu'avait René Magritte pour les relations entre le monde visible et invisible …
Une liberté imaginaire est alors laissé aux spectateurs … probablement lié à son nom  Le Blanc-Seing qui correspond à un document vierge signé que l’on souhaite se voir remplir par quelqu’un d’autre …

Le Blanc-seing, 1965, huile sur toile, 81 x 64 cm,collection Paul Mellon, National Gallery of Art, Washington.
-Franck GROSSE

  • Peintre et philosophe se mêlent sur la toile…

La Condition humaine œuvre de Magritte de 1935, est une peinture qui pose une multitude de questions. Sur une toile, il représente une seconde toile fondue dans l’horizon d'un paysage peint. Au premier plan, on distingue la roche d'une grotte éclairée par un feu de bois, qui nous fait évidemment penser au mythe de la caverne de Platon.
Magritte ne peint pas la sombre caverne décrite par le philosophe mais tourne le regard du spectateur vers l'extérieur utilisant une palette de couleurs bien plus vives. Avec une belle aisance, il peint un paysage lumineux ouvrant de nouveaux horizons.
A travers la célèbre allégorie de la caverne, Magritte interroge ici la copie du réel, sa représentation. Il reconsidère le statut de l’art et de la peinture car, selon Platon, nous prenons les images pour la réalité. L’artiste propose un questionnement intéressant en mêlant sur une même toile philosophie et peinture.
Alors que le spectateur cherche à savoir laquelle des deux toiles est une tromperie, cette œuvre s’intègre parfaitement à la collection de Magritte : la trahison des images .

René Magritte, "La Condition humaine", 1935,
Norfolk Museums Service © Adagp,Paris 2016

-Flavie SIMON-BARBOUX

  Ceci n'est pas une véritable absurdité

  • Le problème du mouvement

Dans La Colère des Dieux Magritte démontre bien son intérêt pour la résolution ce de qu’il nomme des « problèmes » par une circonvolution amusée de la pensée. Il est question ici deux éléments porteurs de l'idée de mouvement, une voiture en action et un cheval au galop. Magritte pose ici une équation à partir de deux représentations étrangement associées. Tous deux sont mêlés dans une figuration improbable.
« N’importe quel objet, pris comme question d’un problème… et la réponse exacte, trouvée par la recherche de l’objet secrètement lié au premier… donnent, réunis, une connaissance nouvelle. » Magritte R.
Magritte semble proposer une véritable réflexion de relativité einsteinienne. Le tableau taraude le spectateur. Si la voiture est en mouvement et si sa vitesse est ajustée par rapport à celle du jockey sur son cheval de course est-il possible que le mouvement du cheval sur le toit de la voiture soit perpétuel ? Si votre esprit est en ébullition devant ce problème, alors Magritte a réussi à se jouer de notre rationalité qui prétend tout expliquer en prétextant une colère divine. Il démontre ainsi bien la capacité limitée de l’image à représenter le réel.
Cette équation de « mouvement immobile » à trouver d’autres solutions par exemple chez Marcel Duchamp avec notamment son readymade intitulé Roue de bicyclette
La Colère des Dieux, 1960, 80x70cm, René Magritte.  © Maxence de Cock 

-Maxence DE COCK

  • Les chaussures humaines
René Magritte, a peint en 1935 Le Modèle rouge. Il s’agit d’une huile sur toile marouflée sur carton dans laquelle on peut voir, au premier plan, une paire de chaussures peu communes. En effet, celles-ci sont mi-objets, mi-humaines et ne sont pas rouges comme le titre pourrait l’indiquer, mais noires. Le sujet du Modèle rouge aurait été inspiré par l’enseigne d’un cordonnier que Max Ersnt, peintre surréaliste comme Magritte, lui aurait montré en Touraine.
L’artiste en a réalisé 7 versions de 1935 à 1964 à l’aide de différentes techniques allant de l’huile, à la gouache, en passant par le dessin. Cette toile peut sembler s’inscrire dans plusieurs styles. Elle se situe entre figuration avec la précision et le réalisme de l’arrière plan de bois par exemple et surréalisme par l‘association de cette peau humaine avec le cuir animal.
Les questions autour de cette paire de chaussures sont multiples: s’agit-il de chaussures qui se greffent aux pieds à force d’être portées? ou encore d’une dualité entre objet et vivant? d’une critique du matérialisme? les interprétations sont libres…
Le modèle rouge, 1935 - Huile sur toile marouflée sur carton - 56 x 46 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris Achat, 1975 
-Raphaëlle Caroff

  • Un tableau incertain...

Etonnant tableau que celui du Principe d’incertitude. Poétique d’une part et inquiétant de l’autre, il déstabilise autant qu’il fascine. Une femme de trois quart regarde son ombre sur un mur, la tête légèrement penchée elle semble dubitative. Un rideau rouge se trouve à sa gauche et contraste avec son corps nu. Cependant toute l’étrangeté de ce tableau se trouve dans l’ombre qui n’a pas une forme humaine mais celle d’un oiseau aux ailes déployées et aux griffes longues et pointues. Il est difficile de dire si la jeune femme est surprise ou bien simplement contemplatrice. Le rideau rouge est le symbole du théâtre, du spectacle mais aussi du noir et de la lumière. On peut supposer que la jeune femme est le spectacle et l’oiseau les coulisses. Celui-ci serait alors sa véritable identité, son coté sombre, celui que personne ne voit. Même si la position de la jeune femme et de l’oiseau est dynamique, le tableau reste statique. Face au mur aucune issu n’est envisageable. L’oiseau aux ailes déployées peut être le symbole d’une femme qui voudrait s’échapper, se libérer, mais de quoi ? La question subsiste. Dans les œuvres de Magritte l’incertitude est partout et nulle part à la fois. Ce tableau illustre bien ce principe car tous les scénarios sont possibles.
Le principe d'incertitude, René Magritte, 1944

-Eloïse BONNARD


   Ceci n'est pas une reflexion céleste

  • Les mémoires d'un saint

C’est en 1960 que René Magritte réalise Les mémoires d’un saint. Au centre de la peinture, nous pouvons percevoir une étrange mise en scène. Des rideaux de couleur rouille formant un cercle semblent s’ouvrir vers un ailleurs : un ciel parsemé de nuages. L’arrière plan sombre nous apparaît comme le fond d’un théâtre contrastant avec la scène lumineuse. Quelle allégorie Magritte veut-il représenter ?  L'intérieur et l'extérieur s'inverse, le théâtre et la réalité semblent perdre pied dans une mise en scène renversante et malicieuse.
René Magritte, "Les mémoires d'un saint", 1960,
The Menil Collection, Houston © ADAGP,
Paris 2016
-Philippine MASUREL

  • Une nouvelle perspective 
Magritte a peint Décalcomanie en 1966, un an avant sa mort, pour le Baron Chaïm Perelman, un professeur de philosophie. Ce tableau représente un homme à chapeau melon de dos devant un paysage de bord de mer, à sa droite se trouve un rideau, dans lequel la silhouette de l’homme est découpée. Bien que les deux silhouettes diffèrent légèrement, on retrouve le bout de rideau caché par l’homme de gauche, dans la silhouette du rideau à droite. Il semble donc qu'apparaît en découpage dans le rideau la vue qui est cachée par l’homme. On peut peut-être y voir comme une perspective à travers laquelle voir le monde. Magritte explore ici l’idée de l’absence et de sa contrepartie la présence et de ce qui est caché / montré. En créant cette image, Réné Magritte retourne à nouveau au principe du surréalisme, qui est de laisser les pensées s’évader, sans s’attacher à la réalité. Le sujet qui pourrait être banal et ordinaire est repris de telle sorte que le spectateur y accorde une importance plus grande et en questionne le sens.
Par ailleurs, cette image crée une idée d’immobilité, comme si le temps s’était arrêté sur ce moment.

René Magritte - La décalcomanie, 1966 - Huile sur toile - 81 x 100 cm
Dr Noémi Perelman Mattis et Dr Daniel C. Mattis 

-Fanny FAUVARQUE

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