mercredi 30 novembre 2016

L'art sort de sa coquille



Coquillages...

Le coquillage est un animal aquatique protégé par une coquille, devenu dans le langage courant un terme désignant la coquille vide de l'animal. C’est donc un fossile, témoin d’un passé perdu. Transportant avec lui ses origines, il paraitrait que l’on entend la mer en le déposant au creux de son oreille...
Il a fasciné et continue d’inspirer, que cela soit scientifiquement ou artistiquement. La spirale d’or le caractérise, et il personnalise la femme, la beauté et la délicatesse, en traversant les époques. Beaucoup voient un sexe féminin dans l’orifice verticale d’un coquillage, d’autres s’imprègnent de sa richesse nacrée en le portant, et d’autres encore s’amusent de la lumière caressant sa surface polie ou abimée par les fonds marins. On rappellera d’ailleurs que Vénus, déesse de la beauté, nait d’un coquillage dans « La Naissance de Vénus » de Boticelli, 1485. Mais le coquillage appartient avant tout à Mère Nature, et se retrouve aujourd’hui dans le design biomimétique, amenant douceur et volupté à travers ses courbes qui s’enlacent et se résistent.
Mathilde CERES et Clara JOUAULT

La création

La beauté sortant de l’eau

Sandro Botticelli, 1485, La Naissance de Venus
Ce tableau fut réalisé en 1485, pendant la Renaissance, par le peintre florentin : Sandro Botticelli. La Naissance de Venus est un de ses plus célèbres tableaux. Il représente la déesse de la beauté, Venus, nue sortant de l’eau sur un coquillage. Elle est entourée d’un côté par le dieu du vent Zéphyr et sa femme Chloris qui souffle sur Venus pour que Themis, déesse du printemps, ne la couvre pas. C’est une scène profane puisqu’elle parle d’un sujet tiré de la mythologie romaine mais apparait à une période où la culture antique romaine intéresse beaucoup. Tout en Venus indique la beauté, d’une part elle correspond au canon de beauté de l’époque avec son ventre légèrement arrondi. D’autre part elle est placée sur un coquillage telle une perle de nacre. La Renaissance est la période où l’on commence à apprécier la beauté du corps jusque la banni des arts. Cette oeuvre montre bien cet aspect puisque Venus cache à peine ses parties intimes, de plus Venus est pratiquement à taille réelle, ce qui accentue l’impact que cette représentation a eu sur les moeurs de l’époque. De plus, Venus représentait principalement la luxure et la séduction, mais ici le travail du corps laisse penser que c’est la beauté qui est mise en avant. Alors œuvre scandaleuse ou hymne à la beauté du corps ?
Eloise BONNARD

La naissance

Bertrand Redon, dit Odilon est un artiste peintre symboliste de la fin du XIXème siècle. Préférant d’abord au début de sa carrière le noir et blanc, il incorporera ensuite la couleur dans ces compositions, comme par exemple dans La Coquille. Il s’agit d’un pastel de 52x57,8cm représentant comme son nom l’indique un coquillage. Ce dernier appartenait à sa femme Camille. Cette toile date de 1912, bien qu’elle ne fut accessible au grand public qu’après la mort de l’artiste Aujourd’hui elle peut être admirée au Musée d’Orsay à Paris.
Dans ce coquillage, de nombreux spécialistes voient la représentation de la naissance de Vénus. Cependant, aucune figure féminine n’est représentée, il s’agit donc plus d’une annonciation de naissance que de la naissance elle même. Au niveau des couleurs, la coquille se détache du fond obscur par sa clarté. Les contrastes et ombres sont parfaitement maitrisés par l’artiste, et ce sont ces jeux de lumières qui donnent à la toile toute son importance en faisant ressortir les caractéristiques du coquillages: la nacre, le côté à la fois brillant et mat de sa surface.

Raphaëlle CAROFF
Odilon Redon (1840-1916) - La coquille - 1912 - Pastel - 52 x 57,8 cm
Paris, musée d'Orsay
Legs de Mme Arï Redon en exécution des volontés de son mari, fils de l'artiste, 1984
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski


Tour de magie ?


L'œuf et le coquillage, Man Ray, 1931
Man Ray, artiste a été surnommé le photographe du surréalisme. En 1931, il réalise une photographie présentant un œuf et un coquillage délicatement tenus dans les mains d’une personne dont on ne peut voir l’expression. Mais pourquoi assembler un œuf et un coquillage ? L’œuf est le fruit de la vie, il devra un jour laiser apparaitre un petit animal. D’après mes recherches, le coquillage est le symbole de l’océan, du premier souffle de vie et du son originel. Lié aux concepts de la conception et de la fécondité, il s'associe en quelque sorte à l’œuf. La naissance du monde à partir d'un œuf est une idée commune aux Celtes, aux Grecs, aux Égyptien et bien d’autre encore… On ramasse un coquillage, nous l’approchons de notre oreille pour écouter le son qu’il renferme : le doux bruit de la mer semble-t-il. De même nous écoutons l’œuf pour chercher ce qu’il contient. L’œuf est un élément fragile et précieux, tout comme le coquillage. Le mot coquillage est d’ailleurs composé du mot coquille, rappelant que c’est un mollusque revêtu d’une coquille, autant que l’on parle d’une coquille d’œuf. Il y a pourtant un contraste fort entre les deux éléments, divisant la photo en deux parties. L’œuf est lisse, épuré, d’une forme parfaite, alors que le coquillage se distingue par ses courbes et sa forme alambiquée. Belle, mais compliquée. C’est d’ailleurs le titre de l’oeuvre « l’œuf et le coquillage » qui nous confirme que cette forme étonnante est un coquillage. Le photographe choisit de laisser les mains très apparentes sur la photographie, elles ont en effet un rôle essentiel. De part leurs délicatesses, elles traduisent la précision, la fragilité et renforcent l’aspect précieux des deux objets. Man Ray semble figer les doigts délicats qui manipulent le coquillages et l’oeuf… Laissant échapper une histoire, comme si quelques chose allait se transformer si les doigts continuaient de bouger, tel un tour de magie.
Flavie SIMON-BARBOUX

Maternité sculpturale

Laurent Le Deunff est un artiste contemporain né en 1977 à Talence, il vit et travail désormais à Bordeaux. L’artiste nous propose des sculptures et dessins ayant une approche naturelle, animale ou végétale. Il s’exprime à travers le dessin et la sculpture. Les éléments représentés sont tout de suite identifiables mais les matériaux utilisés, leur taille et leur disposition questionne le visiteur. Ici l’œuvre est une sculpture intitulée Coquillage et noix, réalisée en 2012 et mesurant 31 x 60 x 45 cm. Le coquillage est réalisée avec un mélange de papier mâché et de ciment tandis que la noix est sculptée dans du chêne. La noix contraste avec la coquillage par son allure plus réaliste et ses finitions plus délicate. La coquillage semble fait de manière plus brut. Evidement la taille des deux éléments n’est pas réelle mais ce n’est pas ce qui nous vient d’abord en tête, mais plutôt pourquoi une noix dans un coquillage ? L’animal accueille le végétale ou le végétale se loge dans l’animal ? Dans plusieurs de ses travaux Le Deunff s’intéresse à la reproduction en représentant par exemple des coïts d’animaux. On peut voir ici une noix dans le « ventre » d’un coquillage, on peut imaginer que la coque visible de la noix abrite elle-même son fruit. Le coquillage est blanc et de forme très douce et arrondi semble abriter et protéger la noix comme le ferait une mère. Cette réalisation pourrait être la métaphore poétique et sculpté d'une maternité impossible entre un coquillage et une noix.
Laurent Le Deunff, Coquillage et noix, 2012, Private Coll, Jean-Christophe Garcia
Myriam BURGAUD

L'interrogation

Frédérique Lucien : Une évocation à l’encre

La série Encres de Frédérique Lucien marque par sa sobriété et sa simplicité. Lorsqu’ils sont regardés ensemble ces dessins à l’encre noire sur papier blanc évoquent subtilement divers coquillages. Tandis que vus seuls et indépendamment des autres, il est moins évident de les associer à ces coquilles de mollusques et elles apparaissent plus abstraites, évoquant diverses autres images. La transparence de certaines peut, par exemple être percue commes des voilages. Le dépouillement de la forme permet également d’apprécier d’autant plus les qualités graphiques de l’encre, sa trace sur le papier, tantôt sombre et opaque, tantôt légère toute en transparence, ses superpositions créant des contrastes plus ou moins forts, sa diffusion floue sur le grain du papier, ses contours nets et droits ou en dentelures. C’est cette évocation toute en finesse et la simplicité de leur réalisationqui confèrent aux Encres de Frédérique Lucien cette dimension incroyablement poétique.
Fanny FAUVARQUE

Frédérique Lucien, Encres, 2001 © Frédérique Lucien


Étrangement fascinant : L'expression à l'état brut


Pascal Désir Maisonneuve - © Collection de l’Art Brut, Lausanne
Pascal Désir Maisonneuve est un artiste singulier. Mosaïste de formation, sa véritable passion depuis son adolescence est l’accumulation de toutes sortes d’objets, la plupart du temps insolites. Vivant sous le régime de la IIIe République, cet artiste est connu pour ses penchants anarchistes antirépublicains et anticléricaux, et confectionne, entre 1927 et 1928, des effigies moqueuses de souverains et Hommes politiques. Celles-ci se composent de nombreux coquillages amassés lors de marchés aux puces ou voyages, assemblés entre eux par du plâtre. L’Éternelle infidèle - ensemble de grands coquillages de 42cm de haut - fait donc partie de cette série de quinze "Caricatures de grands de ce monde". Peu à peu, ce travail s’est transformé en recherche sur l’expression du visage ; une sorte d’interrogation philosophique sur l’attraction que peut exercer la physionomie.
Pascal Désir Maisonneuve - © Collection de l’Art Brut, Lausanne
Pascal Désir Maisonneuve - © Collection de l’Art Brut, Lausanne
Thévoz, spécialiste de l’art Brut s’interroge ainsi sur cette démarche : "Les visages de Maisonneuve exercent une étrange fascination. La transposition de la figure humaine dans un registre de matériaux insolites […] donne à voir le fonctionnement de la machine physionomique et permet d'en démonter la mise en scène."
Représentatif du « mouvement » Art brut, Pascal Désir Maisonneuve eut du succès parmi les auteurs et artistes surréalistes. Il crée en ne se préoccupant ni de la critique du public ni du regard d’autrui. Sans besoin de reconnaissance ni d’approbation, il conçoit un univers pour son propre usage, ce qui explique l’absence d’influences issues de la tradition artistique dans son travail.
Ebony LERANDY

La séduction

Élégance marine


Edward Weston a commencé à photographier des coquillages dans le studio de la peintre canadienne Henrietta Shore qui a d’ailleurs fait plusieurs peintures quasi-abstraites de coquillages. Il a réalisé quatorze photographies de coquillages en 1927, dont sept ont été exposées en Octobre 1927 au musée de Los Angeles.




Edward Weston - Shell - 1927
« Shell » est une série de photographies argentiques en noir et blanc de Nautilus, sur fond noir. Edward Weston a utilisé un long temps de pause pour ces photos, ce qui offre une grande diversité de tons de gris. Ici, le coquillage prend une dimension grandiose en étant magnifié par la "macro" et le noir et blanc. Cette idéalisation du coquillage est due à intérêt spirituel et esthétique du photographe pour ces petits (ou grands) mollusques à coquille : « I am not blind to the sensuous quality in shells, with which they combine the deepest spiritual significance: indeed it is this very combination of the physical and the spiritual in a shell like the Chambered Nautilus, which makes it such an important abstract of life.” (Edward Weston). Les lignes courbes aériennes du coquillage apportent de la légèreté et de la poésie à l’image. Pourtant, elles dégagent également une certaine force avec cette silhouette imposante qui remplit le cadre. Les photographies de coquillages d’Edward Weston de 1927 sont d'une grande élégance. On a l’impression d’y voir un drapé qui se meut dans l’air. Ceci fait penser aux danses de Loïe Fuller qui évoquent l’orchidée, le lys, le papillon, etc… par l’ondulation d’un grand drapé blanc autour de la danseuse/chorégraphe.
Zoé OBERLE

Danse Serpentine, Loïe Fuller (1892)


Sortir de sa coquille

Dora Maar - Untitled – ou « Main Coquillage », 1934 - 23,4 x 17,5 cm (Centre Pompidou, Paris)
Si les hommes surréalistes ont célébré les femmes comme de véritables idoles dans leurs œuvres, les artistes féminines se sont également intéressées à la complexité de l'image de la femme. Ce photomontage en noir et blanc est un négatif gélatino-argentique sur support plastique. Sur le sable est posé un coquillage duquel émerge tel un mollusque une main de femme aux doigts vernis. En arrière-plan s’étend un ciel lourd, contrasté, nuageux et sombre, qui semble annoncer un orage. Le contre-jour crée un contraste entre la main-coquillage fortement exposée (qui gagne toute notre attention), et un ciel aux nuances sombres qui apporte un effet inquiétant à la scène. Dora Maar réunit dans ce tableau plusieurs motifs surréalistes tels que l’hybridation, la main et la femme : mais une femme étrange, inhumaine, … Elle devient un animal merveilleux au milieu d’un paysage insolite. La main est un motif récurrent dans l’œuvre surréaliste : elle est créatrice, symbole de liberté, de puissance mais aussi de sensualité. Ces notions prennent d’autant plus d’importance que cette main est féminine. Sortant de sa coquille, devient-elle une allégorie de la liberté et de l’émancipation, dans un mouvement artistique où les artistes féminines prennent pleinement possession de leur corps et de leurs désirs pour s’affirmer dans un monde d’hommes ? Est-ce l'image de la femme séductrice et pleine de mystère qui est représentée sur cette photographie ? La main est vernie, lascive et désireuse, elle semble vouloir attraper quelque chose (ou quelqu’un). Néanmoins elle demeure étrange et effrayante car elle n’est pas rattachée à un corps de femme mais à une coquille, et est surplombée d’un ciel d’orage, un paysage-état d’âme qui pourrait symboliser le danger et la colère. De plus, elle ne ressemble pas à une main humaine mais à une main de mannequin (une image récurrente chez les surréalistes, représentant la femme à la sensualité inaccessible et un idéal plastique). Ce photomontage s’inscrit dans le principe surréaliste de rêve mêlé à la réalité pour aboutir à des associations insolites et inattendues, où l’image, « d’ordre hallucinatoire », « implique la négation de quelque propriété physique élémentaire »(André Breton, premier Manifeste du Surréalisme, 1924). Dora Maar a beaucoup travaillé l’hybridation dans ses photomontages, par exemple Untitled (1936) qui représente une femme à tête d’étoile, ou encore Double Portait (1930) où un visage mêle ceux de deux femmes distinctes. Comme l’affirmait André Breton « Il en va des images surréalistes comme de ces images de l’opium »…
Emilie-Marie GIOANNI

L'affirmation

Sensuellement sexuel

Tamara de Lempicka (1898-1980) - LE COQUILLAGE, Huile sur toile, 40.6 x 51.1 cm, 1941.
Un univers, une énigme : voilà Tamara de Lempicka, artiste peintre d’origine polonaise dont l'œuvre s'inscrit dans la mouvance Art déco.Tamara de Lempicka se dévoile et assume pleinement sa bisexualité. Peintre des jeunes femmes du mondes, elle commença dans les années 1930 à peindre des fleurs dans une série nommée Arums. Ces fleurs représentaient pour elle le sexe féminin dans une sensualité sans pareil. Dans cette même idée, elle peignit Le Coquillage. Dans cette œuvre, l’artiste représente habilement un coquillage lui donnant une présence trouble, tel un puissant symbole de la sexualité féminine. Les thèmes du désir et de la séduction y sont dépeints avec éloquence. On retrouve un drapé de satin, des perles, des coquillages ainsi qu’un verre à pied. Tout y paraît doux, presque sensuel. Son œuvre rappelle les préceptes de la peinture surréaliste et "l’effet des réalités lointaines". La technique picturale lisse de l’artiste donne à l’œuvre une qualité qui invite le regard à s’y perdre.De plus, le coquillage ouvert face au spectateur est une invitation. Les perles peuvent représenter quant à elle, la pureté, la délicatesse, tandis que le verre à pieds vide évoque l’ivresse du moment ou le coquillage offert et dénudée se repose ou attend sur un drapé froissé.
Cellie PIRAUD


La réflexion

L'étrange beauté de six coquillages

Adriaen Coorte – Six Coquillages sur une tranche de pierre 1696.
Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado - 
Peinture à l’huile sur papier marouflé sur bois,15 x 22cm, musée du Louvre, Paris.
Adriaen Coorte (1665 - 1707) est un artiste hollandais du XVIIe siècle, peintre de natures mortes.
"On ne connaît de lui que des natures mortes. Sans doute a-t-il subi l'influence du Dordrechtois Isaac Van Duynen, actif à La Haye. C'est un petit maître très séduisant, presque naïf dans sa perfection limitée, qui peint avec prédilection et d'une manière toute de finesse une petite grappe de raisin ou de groseilles, deux ou trois Pêches (musée de Bernay), des Coquillages (Louvre), une simple botte d'asperges, comme dans son chef-d'œuvre du Rijksmuseum, posés sur l'extrémité d'un entablement de pierre et se détachant presque en trompe-l'œil sur un fond sombre et vide d'une prenante abstraction.
Atteignant ainsi une rare poésie de l'objet dans une atmosphère de parfaite modestie, Coorte représente le type par excellence des petits maîtres fructueusement remis en valeur par notre époque."Larousse "Dictionnaire de la peinture".
On estime que Coorte a passé sa vie entière à Middelburg, en Hollande. Ses peintures signées datent de 1683 à 1707 et, selon des rapports, il a appartenu à la Guilde de Saint Luc.
Coorte est un des plus grands peintres de coquillages. Il donne une présence presque émotionnelle aux coquilles en captant leur beauté étrange et exotique. Par exemple, dans la peinture ci-dessus, il y a quelque chose dans la relation spatiale entre le murex épineux, la coquille rouge minuscule, la spirale et le cauri qui transforme les coquilles inanimées en acteurs d'une pièce tragique.
La compositions est minimale, rigoureuse, avec un éclairage dramatique, théâtralisant la présence des objets.
Jean SENECAL


Les motifs Organiques de Vincent Leray


Par le prisme de son l’objectif, Vincent Leray révèle le langage secret des organismes littoraux. Sa collecte photographique, qui développe un vocabulaire plastique fascinant, est rassemblé dans son livre Curiosités des mers coécrit avec Luc Remy et Véra Le Saux. Cet ouvrage rassemble une collection d’architectures de calcaires aux formes zoomorphiques constantes. Il identifie des motifs, met à jour les mécanismes architecturaux du vivant, établit un catalogue du monde maritime, révèle les symétries, volutes, et autres fractales de leurs structures,  entamant un véritable Inventaire d’invertébrés à la fois artistique et encyclopédique.
Le processus de création de Vincent Leray prévaut sur la forme plastique. L’enregistrement sur le médium photographique relève d’un protocole rigoureusement respecté. Les volumes et masses sont représentés en plongée totale sur fond blanc, en Noir et Blanc. Le dispositif est répété avec la même prise de vue pour chaque organisme, proportionné aux mêmes échelles.
Cette démarche photographique peut faire penser au travail d’Edward Weston dans les années 1930. La photographie pure adoptée par son groupe f/64 est une photo nette et piquée, très réaliste mais chargée d’esthétique. Ses natures mortes sobres et dépouillées révèlent la magie de l’organisation de la nature notamment les circonvolutions des coquillages.

La collection de Vincent Leray permet une nomenclature des structures organiques indépendamment du contexte scientifique ou biologique. La plasticité du vivant et ses reliefs, sont figés dans le temps par la monochromie photographique. Dans son Bestiaire littoral, Vincent Leray nous donne à voir la beauté formelle des Curiosités offertes par la mer.

Maxence DE COCK

La conservation

Le Coquillage : Emblème multinational

Logo Shell - Raymond Loewy - 1971
Un coquillage est aujourd’hui l’emblème d’une des plus importantes sociétés multinationale. En effet, la célèbre compagnie pétrolière, Shell, se distingue par le design de son logo emblématique et très caractéristique représentant un pétoncle et ceci depuis plus de 100 ans. Au premier abord, le lien entre cette identité et le secteur d’activité actuel de l’entreprise ne semble pas évident. Il faut alors remonter aux origines de la marque pour tout comprendre. Le mot « Shell », anglais de « coquille », apparaît pour la première fois en 1891 comme nom de marque du pétrole lampant que la Marcus Samuel and Compagny exporte en extreme-orient. Avant la fondation de la Shell Transport and Trading Compagny en 1897 par les frères Samuel, l’entreprise n’était qu’une petite boutique londonienne vendant des antiquités et des coquillages orientaux importés d’extreme-orient. L’arrivée du moteur à combustion en 1886 entraîna une augmentation de la demande en carburant et fort de leur expérience en import-export par la mer, les frères Samuel se reconvertirent en transporteur de pétrole. L’entreprise fleurissante vit naître son premier logo en 1900, l’image du pétoncle provenant des armes de la famille de M. Graham, un associé du père des frères Samuel, le fondateur de la compagnie. Armes adoptées par cette famille suite à un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Le logo s’est vu stylisé et amélioré aux fil des années pour adopter à partir de 1948 un code couleur significatif de la marque. L’actuel logo fût désigné par le designer et graphiste français Raymond Loewy en 1971, designer notamment célèbre pour ces autres réalisations tels que le paquet de cigarette Lucky Strike, les enseignes L’Oréal, Monoprix, le logo des biscuits LU, NewMan, l’intérieur du concorde et de ses plateaux repas pour Air France ou encore l’intérieur d’Air Force One. Le talent de ce designer se concrétise grâce à cette création pour Shell, simple et efficace, inchangée depuis 1971 et adoptant un code couleur jaune et rouge. Ce code couleur se décida en 1915 lors de la création des stations services pour Shell en Californie, par une volonté de se démarquer de la concurrence en utilisant des couleurs vives qui ne choqueraient pas les Californiens en raison des liens étroits qu’ils entretiennent avec l'Espagne.
Victor SALINIER


La résurrection

Quand les Coquillages ramènent à la vie


Paul Amar Roselita (90x65x50cm) 2009
Obsédé par la création d'œuvres grandiloquentes, largement inspirées d'influences aussi diverses que le baroque, la religion ou l'art africain, Paul Amar emprunte à divers courants artistiques pour créer des tableaux singuliers faits de coquillages les plus divers (huîtres, coraux, bigorneaux, moules...) qu'il meule, cisèle et ajoure dans l’une des chambres de sa demeure qui fait office d’atelier, pour ensuite les peindre à l'acrylique ou au vernis à ongle aux teintes irréelles pour en faire des fresques parfois si immenses qu'il ne peut plus les sortir de la pièce où il les a créées. Roselita, à première vue, pourrait faire référence à une influence asiatique voire bouddhiste. En Asie de nombreuses œuvres de ce genre sont généralement réalisées pour représenter des figures culturelles et religieuses ornés de fleurs ou de plantes avec pour chacune un symbole fort (Bonheur, Chance, longévité …). Paul Amar à la particularité d’être habité, je dirais même obnubilé par son œuvre, se levant la nuit pour noter les idées qu'il a vues en rêve et ce pendant parfois plusieurs mois avant de donner vie à son œuvre.
Franck GROSSEL

La lumière au fond du coquillage

The Happy spiral

Etrange objet que la Spiral Lamp de Chris Kirby. Cette lampe est fabriquée uniquement à partir d’une feuille de plastique; probablement du tyvec, qui vient par des mouvements circu- laires se métamorphoser en une structure complexe autour d’un seul et même point de départ. Le concept a préalablement été expérimenté à l’aide de prototypes 3D issus d’un travail sans aucun croquis préparatoire. C’est le concept des "happy accidents" ou «accidents heureux» que l’artiste utilise dans ses créations. Il s’agit simplement de travailler sur diverses formes hasardeuses jusqu’à trouver la forme correspondant à son bonheur.Ici c’est le coquillage qui a su séduire Chris Kriby. Il renferme l’ampoule et laisse apparaître la lumière à quelques endroits créant un jeu optique puisque les lignes blanches et douces guident notre oeil tout en laissant notre regard être surpris par la fragilité qui se dégage de l’objet. Ainsi obtient-il une forme poétique, courbe et légère grâces aux fentes et bandes esquissant celle d'un coquillage. Ce travail explore la relation entre lumière et matière, tout comme dans «the negative series pendant lamp», autres luminaires réalisés par l’artiste .
Marie BAL-FONTAINE

SPIRAL LAMP, Chris Kirby, 2009

« La lumière dans son écrin »

Lampe éclipse par Mauricio KLABIN, 2006
La lumière, la lamelle, la diffusion. Trois maîtres mots qui définissent la création de Mauricio KLABIN, designer, photographe et ingénieur mécanique originaire de Rio de Janeiro, Brésil.
La lampe éclipse comme nous l’explique M. Klabin a été sujette à une longue période de conception ; l’intention première du designer a été de surpasser le cliché du design cher, volonté qui l’a amené à effectuer de nombreuses recherches autour de la conception de son produit lui permettant de le rendre beau, bon marché et de qualité. L’écrin de lumière réalisé à partir d’une seule et même bande de plastique enroulée constitue l’enveloppe qui enferme la lumière et la diffuse de différentes manières selon l’orientation qu'on lui donne. Cette structure plastique aux courbes biomimétiques rappelle la forme d’un coquillage et propage une lumière douce et filtrée à travers les pales qui composent son enveloppe évolutive. Son piètement lui permet d’adopter différentes positions et donc de faire évoluer une fois de plus la forme finale de la lampe.
Mêlant forme, ingéniosité de la conception et éthique, la lampe éclipse de Mauricio Klabin qui fait partie de la collection permanente du MoMA est un modèle d’excellence en termes de design.
François-Marie VAILLANT

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