dimanche 11 décembre 2016

Daniel Buren

Un artiste bandant

Jeu de lumière et de transparence, répétition d’un même motif, couleurs vives et rayures omniprésentes… C’est là, la signature du plasticien contemporain, Daniel Buren, qui ne cesse de faire parler de lui. Buren souhaite nous ouvrir les yeux sur les lieux qu’il investit. Et, depuis 1967, on peut affirmer que c’est un pari réussi. Des Deux Plateaux à la fondation Vuitton en passant par les Anneaux Nantais, Buren est devenu un révélateur quotidien qui ouvre la perception, voire même qui transforme notre espace de vie.

Puisque peindre c’est un jeu.
Puisque peindre c’est accorder ou désaccorder des couleurs.
Puisque peindre c’est appliquer (consciemment ou non) des règles de composition.
Puisque peindre c’est valoriser le geste.
Puisque peindre c’est représenter l’extérieur (ou l’interpréter, ou se l’approprier, ou le contester, ou le présenter).
Puisque peindre c’est proposer un tremplin pour l’imagination.
Puisque peindre c’est illustrer l’intériorité.
Puisque peindre c’est une justification.
Puisque peindre sert à quelque chose.
Puisque peindre c’est peindre en fonction de l’esthétisme, des fleurs, des femmes, de l’érotisme, de l’environnement quotidien, de l’art, de dada, de la psychanalyse, de la guerre au Viêt-Nam.
NOUS NE SOMMES PAS PEINTRES.
Les Écrits, Daniel Buren
Tract, 1er janvier 1967 [Manifestation 1]
Tassia KONSTANTINIDIS et Elise CUGNART

Buren à la Fondation Vuitton

Une bâtisse qui danse au gré de l’art et de l'esthétisme

La Fondation d'entreprise Louis Vuitton, anciennement Fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création, lancée en octobre 2006, a été créée par le groupe LVMH et ses maisons.
L'Observatoire de la lumière, mai 2016, travail in situ, in Fondation Louis Vuitton, Paris, France, à partir du 11 mai 2016. Détail. © DB-ADAGP, Paris 2016 © Gehry Partners, LLP and Frank O.Gehry - Photo Iwan Baan 2016
Le bâtiment de Gehry a un objectif de promotion de l’art, de la culture et de pérennisation des actions de mécénat engagées. En 2001, Bernard Arnault rencontre Frank Gehry, architecte inspiré par sa visite des jardins à Paris et découvre un concept exceptionnel pour charger  son bâtiment d’histoire. Il imagine alors une architecture de verre inspirée par le Grand Palais, mais aussi par les structures de verre, telles que le Palmarium, qui ornaient le Jardin d’Acclimatation dès 1893. Sous la main de l’architecte, l’édifice en verre prend l’allure d’un voilier aux voiles gonflées par le vent d'ouest, donnant ainsi l'illusion du mouvement.
Avec l'installation de Buren, le bâtiment s’apparente à un être vivant. Par ailleurs ce dynamisme donne aux visiteurs une envie de découvrir l’art contemporain qui va de paire l'espace. Grâce à la cohérence entre le  volume de Gehry et l'installation de Buren, l’architecture franchit une frontière vers le monde des arts plastiques.
Irmak OZKAN

Buren Cirque

« La relation entre le cirque et l'art contemporain dans une performance magique et de pointe sur une scène d’art-installation »
Buren Cirque, 3 fois un autre Cabanon, présenté à la Fondation Louis Vuitton du 2 au 4 juin 2016. Détail. © DB-ADAGP, Paris 2016 - Photo Fondation Louis Vuitton / Marc Domage

Daniel Buren a toujours été fasciné par l’art du cirque, un univers exploré dans les peinture de Pablo Picasso auxquelles Buren s’intéresse particulièrement. De cette fascination naît naturellement, dans les années 2000, une collaboration entre la Compagnie Foraine et le plasticien français. L’artiste contribua à la création de chapiteaux (intérieur / extérieur) qui permettent d’accueillir des représentations combinant arts du cirque, musique, chant et arts plastiques entre culture africaine et occidentale.
En 2013, Buren s’approprie le chapiteau issu de l’architecture foraine en dessinant 3 « cabanons ». Un cabanon prend pour base une piste circulaire de 9 mètres de diamètre, composée de deux éléments bicolores. La structure est un parallélogramme à base carrée de 11 mètres de côté, coiffé d’un cône de base égale à la circonférence de la piste. L’ensemble étant surmonté de deux arches sur lesquelles apparaît  « la signature visuelle » de Buren : ses rayures.
Le Buren Cirque et sa structure, inchangée dans la forme, ont parcouru le monde ces dernières années. Et chaque nouveau projet engendre une adaptation qui se définit « in situ », qui dépend alors du contexte social, économique et culturel du lieu d’accueil. Ainsi, le spectateur peut découvrir une nouvelle expérience à chacune des représentations, comme à la Fondation Vuitton en ce moment.
Mathis JAGOREL

Mais qui est réellement Daniel Buren?

Biographie

De Buren beaucoup connaissent les bandes, les colonnes ou encore les anneaux, ces formes géométriques qui se sont immiscées dans l’architecture de nos villes. Mais tout l’art de Buren ne repose pas dans le simple étalage de motifs réguliers, et à en croire ses propres dires, il "n’expose pas des bandes rayées, mais des bandes rayées dans un certain contexte" : l’In situ est ainsi au cœur de ses œuvres.
Daniel Buren, Claude Truong-Ngoc,Wikimedia Commons, the free media repository, juin 2014

Aussi la démarche de Daniel Buren commence à la suite de ses études au sein de l’Ecole des Métiers d’Art, en 1960, date à laquelle il fit le choix d’orienter son travail vers une économie des moyens artistiques. C’est en 1965 que ce peintre et sculpteur français s’inspire d’une toile de store rayée pour créer son propre vocabulaire artistique : une alternance de bandes blanches et colorées verticales de 8,7 cm de largeur. Ce motif aux allures industrielles retranscrit parfaitement le désir d’objectivité et d’impersonnalité poursuivi par Buren.
En 1966, il va s’associer avec les peintres Toroni Parmentier et Mosset, afin d’organiser des manifestations destinées à contester la scène artistique parisienne qu’il juge trop académique. C’est de cette manière qu’il va repousser les frontières de la peinture, tout comme celles de la politique du monde artistique. Il va ainsi user de supports très variés allant du tissu pré rayé aux miroirs, en passant par le verre ou encore le métal.
Palais Royal et les Colonnes de Buren, unknown, Wikimedia Commons, the free media repository, Juin 2011
Il s’affranchira du cadre du tableau en travaillant autant sur des surfaces planes que tridimensionnelles. C’est ainsi que Buren développera peu à peu une conception de l’art tournée sur une relation directe entre le lieu, le spectateur et l’œuvre. Il réalisera de cette manière nombre d’œuvres in situ où le spectateur se meut dans l’espace et dans l’œuvre qui donne à voir les particularités de ce qui est initialement le moins visible dans le lieu.
Jason CHAPRON

La notion de "in situ" dans l'art contemporain

l'In Situ désigne une méthode artistique contemporaine pratiquée par de nombreux artistes depuis le milieu du XXème siècle.
Ce terme insolite signifie en latin "sur place". C'est en réalité le terme employé pour désigner une œuvre qui, non seulement n'est plus enfermée dans un espace intérieur et cadrée, mais qui va en plus s'intégrer dans son environnement. Elle prend place dans un espace et lui est dédiée. Un lien est créé entre l'artiste, sa création, le lieu et le public.
Aujourd'hui, une œuvre in situ est le plus souvent présentée sous forme d'installation. Les artistes qui expérimentent cette pratique les rendent généralement pénétrables. Ils jouent avec les notions d'éternité et d'éphémère. Ces créations ont un rôle dans l'espace: elles révèlent ou modifient sa perception, l'univers et l'ambiance dégagée.  Ce qui ne laisse pas les observateurs et participants indifférents. Une œuvre in situ ne peut ainsi pas être déplacée; elle perdrait tout son sens ainsi que le message que son créateur souhaitait véhiculer.
Défini Fini Infini, Travaux in situ, Daniel Buren, MAMO Marseille © Veronese

Ces installations peuvent être en relation directe avec l'architecture. C'est le cas des œuvres de l'artiste incontournable de la scène contemporaine: Daniel Buren. La transformation du toit-terrasse de la Cité Radieuse, centre d'art MAMO de Marseille, est l'exemple même d'un travail in situ. "Daniel Buren s’empare du chef-d’œuvre de Le Corbusier en bousculant les perspectives, en exaltant les points de vue, en absorbant l’environnement, en jouant avec les dimensions, la lumière, les ombres portées, l’horizon…". Comme le MAMO l'a décrit, le travail de cet artiste dévoile toute l'immensité de cette méthode artistique.
Clara CHANTELOUP


Les Deux Plateaux

Les deux plateaux” (ou les colonnes de Buren) de Daniel Buren correspond à une installation artistique réalisée entre 1884 et 1885 au Palais Royal. Elle prend place sur une surface de 3000 m2 proposant un ensemble de 260 colonnes de marbres blancs, rayées de manière régulière, une marque de fabrique pour Buren.


Les deux plateaux, photographie de Anne Landois Favret

Controversé à ses débuts, ce projet a connu une première période compliquée (critiques, pétitions contre sa réalisation, questionnements à propos de la rencontre entre l’art contemporain et le patrimoine). Peu à peu, cette installation a su s’affirmer et prendre de l’ampleur jusqu’à devenir une œuvre populaire. En effet, elle s’intègre totalement au paysage urbain de Paris. Malgré quelques difficultés de conservation et une rénovation nécessaire en 2010, elle marque les esprits et reste incontournable aux yeux des passants.
Buren nous propose, à travers son installation originale, un univers entre le parcours et l’imagination qui nous inonde lorsqu’on le traverse. Un rythme particulier est créé dans un premier temps avec l’ensemble de rayures régulières réparties sur les colonnes puis avec leurs différentes hauteurs. Stimulant la curiosité de certains, favorisant l’échange et les rencontres pour d’autres, ces colonnes dressés jouent et contrastent avec l’architecture du palais Royale. Finalement, cette œuvre mène à s’interroger sur la place que peut avoir l’art contemporain au sein de notre patrimoine.
Jules LEROUGE

D'une arche aux autres

Fidèle à ses précédents travaux, Daniel Buren conserve les caractéristiques artistiques et plastiques qui lui sont propres dans son installation in situ et éphémère "D'une arche aux autres" (exposée du 11 avril au 11 mai 2015 dans les jardins de l'église de Sacré-Cœur de Casablanca au Maroc, dans le cadre des Journées du Patrimoine et de l'Art Contemporain organisées par Casamémoire).
Pour l’événement, Daniel Buren a répondu à la thématique "Une autre histoire" visant à faire dialoguer l'art contemporain et l'architecture patrimoniale en s'appropriant les anciennes colonnes de la prison portugaise du XV siècle d'Anfa, déplacées dans les jardins du Sacré-Cœur.
“J'ai eu un peu de mal à comprendre comment tirer le mieux possible partie de cet ensemble “bizarre” transporté comme un morceau de temple Grec peut l'être dans un musée aux États-Unis dirons-nous et qui se trouve dans cette partie de Casa. J'ai enfin trouvé un moyen à la fois de l'incorporer à autre chose, de le démultiplier et d'en faire une sorte de monument cohérent impliquant l'ancien et le nouveau dans un seul et même objet qui deviendra, pour les besoins de la cause, un objet in situ et éphémère.”
C'est en prolongeant les colonnes portugaises par une succession d'arches décoratives installées de manière régulière, entrecoupant perpendiculairement ces dernières, que Daniel Buren va créer son oeuvre.


D’une Arche aux Autres, avril 2015, travail in situ, dans les jardins de l’église du Sacré-Cœur, Casablanca, Maroc, 11 avril-11 mai 2015. © Daniel Buren/ADAGP, Paris. Détail.

Réalisées en plaques de plâtre ignifugées, peintes selon ses couleurs (noir, blanc, rouge, vert, bleu, jaune) et ornées de ses fameuses bandes noires et blanches, les arches géométriques de Daniel Buren viennent prolonger les arches de l'ancienne prison et jouent avec l'espace, l'environnement et les couleurs en interrogeant le public qui passe d'une arche à l'autre.
Brandon G

Des œuvres déambulatoires

Cabane éclatée n°8

La Cabane éclatée n°8 est une œuvre réalisée par Daniel Buren en 1985. Cette installation a été coproduite avec la FNAC qui l’a acquise par la suite. Daniel Buren réalise cette œuvre spécialement pour une partie inoccupée et à peine aménagée du Musée des Beaux Art de Lyon. C’est donc un travail in-situ.
« La cabane éclaté n°8 » fait partie d’une séries de cabanes éclatées, toutes réalisées et conçues in-situ ; certaines sont démontables et mobiles. Celles-ci sont donc pourvues d’une appellation ou mention de « travail démontable ».

La Cabane Éclatée, Daniel Buren,  1985.  ©Blaise Adilon ©Adagp, Paris 2010

On a l’impression que la « cabane éclaté n°8 » a éclaté sur les murs et qu’elle s’est adaptée à l’endroit. Les vides ressemblent à des fenêtres ou à des portes. Ici, ce sont des bandes verticales alternées, blanches et jaunes qui posent la structure de la « cabane ». Buren a fait le choix de rendre ses rayures parfaites et symétriques pour accentuer le côté impersonnel de son travail.
Peinture, architecture et sculpture se rencontrent dans cette réalisation. Les portes inexistantes invitent le spectateur à entrer et à déambuler dans cette installation.
Camille METAYER

La cabane éclatée aux quatres couleurs

La « cabane éclatée aux 4 couleurs » est une œuvre in situ de Daniel Buren réalisée en juillet 2012 en Italie pour Scolarium Intersections. Cette œuvre se compose d’un cube en plastique de 4x4x4 mètres, aux parois extérieures ayant l’aspect miroir. Devant ce cube, se place une porte de la même matière et d’apparence réfléchissante elle aussi. L’œuvre se perd dans le lieu puisqu’il reflète son environnement. Ce cube est vide et comporte plusieurs entrées laisser libre court à la circulation. Ces entrées et la porte placée devant les miroirs perdent le  spectateur entre intérieur et extérieur, jouent comme une illusion d’optique. Lorsque le spectateur passe entre les portes de cette structure, il découvre des aplats colorés bleus, jaunes et noirs. Ainsi que des rayures blanches et noires que l’on retrouve dans la largeur de la porte, signature du travail de Buren (En effet les œuvres de Buren sont reconnaissables par ces rayures blanches et colorées de 8.7 cm)

Sans Titre, juillet 2012, travail in situ, in “Costruire sulle vestigia: impermanenze. Opere in situ”, 27 juillet-14 octobre 2012, Parco Archeologico di Scolacium, Catanzaro, Italie. Détail.© 2016 Daniel Buren

L’objectif de cette installation, c’est son rapport à l’espace, il modifie la vision qu’ont les spectateurs du lieu, ils le découvrent sous un nouvel angle. Cette structure dynamise l’espace en redécoupant les plans du paysage. La cabane est un corps vivant entre plein et vide, elle invite le spectateur à circuler dedans et dehors. Elle est entre construction et déconstruction, change selon les lieux, s’adapte à ces derniers, elle semble perdre sa propre personnalité et emprunter celle de son environnement. Daniel Buren le dit lui-même « [ce n’] est ni un objet, ni une décoration, mais un lieu utilisable et habitable qui permet chaque fois une réévaluation ».
En 1975, il réalise sa première cabane éclatée en soulignant l’interdépendance du lieu avec son travail. Il a donc continué ce travail de longues années, multipliant les cabanes éclatées, jouant sur leur formes, leurs caractéristiques, les matériaux utilisés, mais surtout mettant en scènes ces œuvres dans différents lieux. On pourrait dire qu’il travaille comme un scientifique, expérimentant et faisait plusieurs tests afin de valider sa théorie.
Il propose plusieurs variantes mais toujours la même thématique : intérieur et extérieur troublés par le jeu de construction et de déconstruction de la cabane.
Pauline LERICHE

Comme un jeu d'enfant

Avec Comme un jeu d’enfant, travaux in situ, Daniel Buren continue d’étendre sa compréhension et son usage de la notion de in situ. Cette exposition est constituée de deux œuvres ayant été conçues pour le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg exposées du 14 juin 2014 au 8 mars 2015.
Comme un jeu d’enfant, travaux in situ, MAMCS, juin 2014. Détail. © Daniel Buren, ADAGP 2014 / Musées de Strasbourg, Mathieu Bertola / dr

La première œuvre se déploie sur les 1500m² de la verrière. Daniel Buren s’est approprié cet espace afin de le magnifier en travaillant lumière et mouvements chromatiques à l’aide de films colorés posés directement sur les vitres du musée. L’effet est surprenant et change radicalement la perception de cet espace. En effet avec Comme un jeu d’enfant, travaux in situ, Daniel Buren a introduit la notion de vitraux sur une façade déjà bien connue et emblématique.

Comme un jeu d’enfant, Daniel Buren, travaux in situ, MAMCS, Strasbourg, juin 2014. Détails © Daniel Buren / ADAGP Paris, Phoebé Meyer / dr

La deuxième œuvre se déploie sur 600m2 dans la salle d’exposition temporaire. Avec celle ci, Daniel Buren a conçu un véritable jeu de construction géant tel qu’un l’enfant l’aurait créé. Cependant tout est réfléchi et adapté à l’espace; 104 éléments de bois peint, des formes géométriques, sont déposés selon un plan de trois carrés et de façon symétrique. Dans la première partie de la pièce, les modules sont blancs tandis que dans la seconde moitié ils sont colorés. Enfin, on retrouve les célèbres rayures à l’intérieur des arches, chacune séparée par 8,7 cm l’une de l’autre.
Avec cette double exposition, Daniel Buren met en avant la complexité souvent peu évidente  des travaux d’enfants ainsi que l’importance de la compréhension et l’adaptation d’un espace.
Constance RONDEAU

Mise en lumière

Buren - Les Anneaux - 2007

Le hangar à bananes, l’ancien port maritime de Nantes, a vu apparaître sur son quai en 2007 une série de 18 anneaux créé pour le festival d’art contemporain par Daniel Buren et Patrick Bouchain. L’un artiste et l’autre architecte ils ont lié leurs idées redonnant une nouvelle vie au lieu devenu une friche industrielle.
Pour Buren la notion d’architecture est fondamental dans son travail dû à l’ampleur et à la complexité de ses dispositifs. Cela l’emmène à collaborer avec de grands architectes dont Patrick Bouchain avec laquelle il réalisa plusieurs de ses oeuvres basés sur une collaboration riche et mouvementée. 
Les Anneaux, 2007 quai des Antilles Nantes Daniel Buren et Patrick Bouchain © Sygal
Ces anneaux maintenant ancrés dans l’histoire de Nantes nous interpellent de jour comme de nuit par leurs spécificités très différentes. Le jour les anneaux s’imposent dans le paysage, l’encadre; alors que la nuit on assiste à un jeu coloré entre eux mêlant le rouge, le vert et le bleu. Disposés les uns derrière les autres sur le quai à égale distance les anneaux jouent avec notre illusion d’optique. Selon l’angle de vue que l’on adopte on peut voir une sculpture différente, ainsi on peut apercevoir à l’extrémité du quai un engrenage d’anneaux de plus en plus petits. En réalité ils mesurent tous le même diamètre étant de 4 mètres.
Plusieurs interprétations pour ces anneaux sont possibles, il y a tout d’abord le fait qu’il soit tous posés sur des bords d’amarrage de bateaux laissant penser à ceux qui permettaient aux marins d’accoster leurs navires. Ils peuvent aussi évoquer des anneaux de mariage représentant l’union entre la mer, la terre et l’eau ou encore les anneaux des esclaves victimes du commerce triangulaire dont Nantes faisait partie. Peu importe ce que l’on en pense, il faut laisser place à son imagination et interpréter à notre manière l’oeuvre de Buren. 
Habitant de Nantes ou non nous sommes tous passé devant ces imposants anneaux bordant le fleuve pour en faire un cliché. Que vous les préfériez de jour ou de nuit ils font désormais partie du paysage de Nantes, lié à tout jamais à son histoire.
Amélie PÉRON

« Excentrique(s) »

Le Titre singulier de cette œuvre, présentée en 2012 lors de Monumenta (une exposition qui se déroule chaque année dans le grand palais, proposant une carte blanche à un artiste) indique peut-être et avec humour, l'approche particulière proposée par l'artiste.
Les rayures caractéristiques de Buren s’éclipsent ici face à une forêt de disques colorés: nous pénétrons dans un espace de couleurs, formes, sons et reflets. Nos sens sont perturbés par ces grands disques teintés, surélevés par des colonnes, qui colorent la salle et semblent en reduire la hauteur, puis par la présence de  grands miroirs placés en son centre qui en révèlent au contraire l’immensité. Des sons accompagnent la promenade et participent à la création d’un environnement particulier.
Excentrique (s), Travail in situ, Monumenta 2012, Grand Palais, Paris, France, du 10 mai au 21 juin 2012. Détail ©Daniel Buren/photo par Pauline Weber.
Comme dans toutes ses réalisations, la place laissée au hasard est mince ; la succession de cercles colorés pourrait paraître réalisée de manière aléatoire alors que tout a en fait été calculé: les cercles sont placés sur des horizontales et verticales tracées sur la nef. Les croisements de chacune d’entre elles révèlent des points d’intersections sur lesquels l’artiste vient placer successivement des cercles de cinq tailles différentes. Le choix de leurs couleurs n’est pas non plus aléatoire : ce sont les seules couleurs existantes du matériau utilisé: des plastiques de couleurs bleu clair, jaune d’or, orangé et vert tendre. Les rayures, caractéristiques de son travail, sont quant à elles disposées sur les 1500 piliers soutenant ces cercles. Ici encore rien n’est laissé au hasard : les rayures mesurent toutes 8,7 cm de large. La diffusion des sons, tout au long de notre parcours, correspond aux noms des couleurs des disques répétés en différentes langues.
Excentrique (s), Travail in situ, Monumenta 2012, Grand Palais, Paris, France, du 10 mai au 21 juin 2012. Détail ©Daniel Buren/photo par Pauline Weber.
Seul élément apportant un caractère aléatoire; la lumière du jour qui traverse la grande verrière du Grand Palais va venir révéler l’œuvre sous tous ses angles. Elle fait toute la poésie de l'installation, et nous entraîne dans une forêt enchantée au travers de laquelle chaque parcours est unique.
Pauline OGER


Performances orchestrées

Seven Ballets in Manhattan, 1975

L’artiste Daniel Buren a exploré l’idée du mouvement au travers de la performance, il ne s’agit alors plus d’oeuvres statiques mais bien d’une chorégraphie orchestrée. C’est sous la  forme d’un ballet déambulatoire dans les rues de New York, qu’il parvient à mettre en action ses motifs emblématiques.
En effet, durant 5 jours, 5 acteurs ont défilé dans différents quartiers de la ville, chacun d’eux portant une affiche recouverte de bandes blanches et colorées. A la manière de protestants, les performeurs marchaient, suivant les directives précises de l’artiste. Ils devaient ainsi suivre le trajet imposé et ne répondre aux passants que par le nom la couleur présente sur leur affiche respective.
Seven ballets in Manhattan, travail in situ, New York, 27 mai/2 juin 1975. Détail. © DB-ADAGP Paris
Ce que l’on pourrait qualifier, non pas de manifestation pacifique, mais plutôt de manifestation artistique, vient se placer comme une interpellation du public. De fait, les spectateurs ne se déplacent plus jusqu’aux musées ou aux galeries, mais c’est l’oeuvre qui vient directement à eux.
Cette performance ne fut d’ailleurs pas perçue de la même manière sur les différents parcours. En effet, dans chaque quartier évoluaient des catégories socio-professionnelles distinctes, la population de Soho fut très curieuse et sensible à l’œuvre, tandis que les résidents de Wall Street l’interprétèrent comme une menace à l’image d’une véritable manifestation.
Ainsi, la performance, qui n’est pas un mode de présentation très courant chez Daniel Buren, crée une véritable tension avec le public. Elle contraste avec l’aspect statique de son motif rayé, mais parvient au travers de l’utilisation d’affiches à dialoguer avec les spectateurs et la ville.
Louise PEYON

Les Aventures du Roi Pausole

Daniel Buren a pour habitude d’investir des espaces dans lesquels le spectateur est placé au coeur de son art, mais alors, comment fait-il face à un auditoire immobile et contraint à un unique point de vue sur son travail?
La Péniche-Opéra - Scénographie de Les Aventures du Roi Pausole - 24 janvier 2004
© Daniel Buren/ADAGP, Paris.
C’est dans cette question que réside tout l’enjeu de sa collaboration scénographique de 2004 avec l’Opéra Comique de Paris. Dans l’opérette Les Aventures du Roi Pausole, il adopte une stratégie inversée : si le public ne peut pas être en mouvement, c’est donc le décor qui doit combler ce manque de mobilité afin de lui proposer différentes perspectives.
Buren imagine une scénographie modulable et dissimulable dans les murs qui permet la création de grands volumes pour des scènes communes, mais également d’espaces beaucoup plus restreints pour des scènes plus intimes. L’agencement permet une découpe horizontale de la scène mais aussi verticale par la création d’étages, de balcons ou de surélévations. Ce décor s’appuie sur des figures géométriques simples ainsi que sur des couleurs primaires et secondaires dominantes, souvent associées de manière complémentaires, elles réfèrent directement à un univers enfantin, de naïveté voir d’autodérision en accord avec le comique de situation du livret.
Bien sûr, la touche "Buren" est respectée grâce à la légère présence d’un motif rayure qui vient rigidifier la scénographie jusqu’alors très candide, que ce soit dans les rideaux, les escaliers ou encore les costumes, elle permet d’attirer l’œil sur des éléments clés de l’histoire. Le contrat est rempli pour cet artiste en quête de nouveaux défis.
Julien COUGNAUD

Buren met les voiles

La Ligne rouge : simples rangées ou allégorie de l'amour ?

Ce n'est pas du film La Ligne rouge de Terrence Malick dont nous allons parler, mais bien de l’œuvre in-situ du même nom réalisée par Daniel Buren en Chine. Cette œuvre éphémère située sur le lac du parc Taifeng Teda Tianjin était une commande du chinois Xing Dong. Ainsi, les usagers du lieu ont pu profiter de cette exposition pendant un peu plus d'un mois, à savoir du 21 septembre au 30 novembre 2005. Cette installation est composée d'une multitude de sculptures identiques réparties en quatre lignes traversant le lac.

La Ligne rouge, septembre 2005, travail situé, in Parc Taifeng Teda, Tianjin, Chine, 21 septembre-30 novembre 2005. © Daniel Buren/ADAGP, Paris. Détail.
Chaque sculpture est constituée d'un plateau circulaire rouge et blanc supporté par une tige émergeant du lac. On reconnaît de loin le travail de Daniel Buren grâce à ses fameuses rayures de 8,7 centimètres, visibles sur les plateaux.

La Ligne rouge, septembre 2005, travail situé, in Parc Taifeng Teda, Tianjin, Chine, 21 septembre-30 novembre 2005. © Daniel Buren/ADAGP, Paris. Détail.

Les couleurs utilisées par l'artiste sont le blanc et le rouge. On peut supposer que l'utilisation de cette dernière fait directement échos à la culture chinoise. En effet, le rouge est une couleur incontournable pour les chinois. D'après leurs croyances, elle symbolise la chance, le bonheur et la fidélité. De plus, la forme circulaire des sculptures nous rappelle celle des lotus émergents de l'eau. Cette plante adorée des chinois est très répandue dans le pays et se décline en plus de 500 variétés. Dans la culture chinoise, les fleurs de lotus jumelles sont souvent utilisées pour qualifier l'amour, la fidélité et le bonheur d'un couple harmonieux. Finalement, cette œuvre de Buren ne pourrait-elle pas être vue comme une allégorie de l'amour dans un couple fidèle et empli de bonheur?
Marion BERNARDI

Beaufort03

Dans le cadre de Beaufort03, Daniel Buren met les voiles. Il crée, en 2009, une installation qui serait censée donner l’illusion d’une forêt boisée aux spectateurs. Il remplace les troncs par des mâts et les feuillages par de vifs manches à air colorés. Au total, 100 mâts dominent, animent la plage de leur couleur. Cette oeuvre n’est au final jamais réellement établie puisqu’elle est en constante mobilité. Les manches à air se gonflent, s'agitent etvagabondent au dessus des passants au grés des vents. Ici le spectateur peut explorer et apprécier l’oeuvre sous tous ses angles et devient actif face à ces éléments qui ne se contemplent qu’en mouvement. Daniel Buren explore les diverses manières de représenter l’œuvre par le mouvement et ainsi briser les règles et les conventions de l’art «cloisonné».
Beaufort 03, Le vent souffle où il veut, 2009  © Daniel Buren/ADAGP

L’installation effectue en continu ce que l’on pourrait qualifier de performance, elle est évolutive. Telle une chorégraphie orchestrée par les éléments, ces girouettes offrent un balais de couleurs à qui veut bien laisser son regard vagabonder en leur compagnie.
Hermeline DUCHEMIN

Rétrospective

A la recherche des œuvres

Le travail de Daniel Buren est-il impossible à mettre en rétrospective ? En effet la grande majorité de ses œuvres sont soit détruites soit exposées aux quatre coins du monde. C'est sur ce constat qu'il lui vint l'idée d'Une Fresque. Par fresque il entend la tentative de résumer une vie, et c'est en partie ce que Daniel Buren a essayé de faire à Bruxelles. "Une fresque" est une exposition regroupant les œuvres des artistes qui ont bouleversé sa vie et sa vision d'artiste, ce qu'il obtient au final est donc véritablement une fresque avec des grands artistes du début du XXème siècle tel que Picasso ou encore Cézanne, mais aussi des artistes plus contemporains qui ont exposé avec lui. Mais Daniel Buren ne voulait pas d'une exposition classique qui laisserait entrer en jeu le goût ou encore l'histoire de l'art, c'est pour cela que toutes les œuvres sont exposées de manière aléatoire. Pour retrouver une œuvre s'engage alors un véritable jeu de piste avec pour seul aide la carte de l'exposition.

Une fresque - Daniel Buren ©Muriel de Crayencour

Comme le dit Buren  "Il n'y a pas de hiérarchie. Toutes les œuvres sont placées au même niveau". Les œuvres affichées changent au cour du temps ce qui rend cette exposition unique en son genre puisqu'elle est complètement subjective et personnelle. Une fresque permet donc de découvrir ou de redécouvrir ces artistes avec un œil nouveau, mais aussi de mieux comprendre l'artiste plasticien qu'est Daniel Buren.
Quentin CADERO


1 commentaire:

  1. Pourquoi avoir commencé par une question sur l'article rétrospective, cela n'a aucun sens?!

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