mercredi 14 décembre 2016


Entre Utopie et Dystopie


L'utopie, vision personnelle et subjective d'un idéal de société imaginaire, est issue de la pensée et des expériences de chacun. Les différentes conceptions de ces sociétés idéalisées varient selon la conscience politique, l'imaginaire, les influences extérieures, les désirs et les rêves de chacun.
Une utopie peut-être pensée en réponse à un besoin, un manque, une déception, un regard sur la société dans laquelle son auteur vit. Son désir d'évasion, d'organisation est alors matérialisé par cette utopie et lui permet d'accéder à une forme d'émancipation par l'esprit. Une utopie n'a pas de limite dans l'idéal mais n'est pas à confondre avec l'idéologie, qui elle s'ancre plus dans le réel et le quotidien. Mais il semble qu'aussi parfaite soit-elle, elle comprend toujours les éléments qui la pousseront à se détruire et est donc forcément vouée à sa perte. Une utopie trop poussée aurait vite tendance à tourner vers la dystopie de par les éléments qui la constituent. De nombreux penseurs, humanistes et philosophes ont ainsi développé cette théorie comme c'est le cas par exemple dans l'utopie de Thomas Moore.
Aussi issue des pensées et réflexions de l'individu, une dystopie caractérise une société imaginaire à la gestion totalitaire et bornée, une idéologie néfaste et stérile. Une dystopie se caractérise souvent comme une contre-utopie, cherchant à contrer et défaire les visées des utopies, en montrant leurs limites et faiblesses ; dans le roman dystopique: "1984", George Orwell cherche-lui à dénoncer les idées de son temps telles que le stalinisme et les technos-utopies.
Victor Salinier et François-Marie Vaillant


L' UTOPIE...

Harmonieuse Cité Claude Nicolas Ledoux – Projet : la Cité Idéale de la Ville de Chaux


" Perspective de la ville de Chaux". Gravure du traité " l'architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation " de Claude-Nicolas Ledoux, paru en 1804.

La Cité Idéale de Chaux est un important projet d'étude de cité idéale, et de socialisme utopique du XVIIIe siècle de l'architecte urbaniste, franc-maçon et enfin visionnaire Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806). Surnommé « l'architecte des lumières » durant la période du siècle des lumières et de la Révolution française, il est un des principaux précurseurs de l'utopisme.
Cette cité ultra-futuriste et visionnaire pour son époque (la plus importante de son temps) est le projet d'étude majeur et le grand rêve de toute une vie. Elle est au centre d'une étude hyper prolifique de socialisme utopique universel. Il l'imagine, le réfléchit et le perfectionne durant plus de 30 ans.
Elle est composée de la Cité verte de 3 000 habitants, de la forêt de Chaux de 20 000 hectares, avec bâtiments intégrés dans la nature, architecture néoclassique, en forme d'amphithéâtre antique, inspiré par la civilisation gréco-romaine, l'équilibre, la géométrie.
Cette cité prône 3 grandes choses :
- La révolution industrielle et le progrès scientifique et sociale doivent apporter à la société bien-être, équilibre, harmonie, bonheur, épanouissement humain, dans une organisation saine du travail.
- Réinstaller la société dans son environnement naturel, avec l'espoir d'un meilleur mode d’existence de l'humanité, plus sain et plus joyeux.
- Perfectibilité des hommes corrompus et de communauté pacifiée et en harmonie avec la nature.
En 1804, deux ans avant sa disparition, Nicolas Ledoux publie le premier tome sur quatre annoncés, de son œuvre l’architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation, où il expose à la postérité ses idéaux, études et réflexions pour une société humaine harmonieuse. Il est considéré, avec entre autres le Corbusier, comme un des principaux précurseurs visionnaires avant-gardistes de l’architecture moderne, et de la société industrielle moderne.
Jean Sénécal

Archiborescence


© Luc Schuiten
« Nous avons peut-être trop vite oublié que nous sommes avant tout des êtres biologiques installés sur une planète elle-même vivante. »
Luc Schuiten est un architecte belge hors du commun : il conçoit des alternatives à notre sombre et pessimiste futur urbain en créant des univers végétaux, écologiques et durables. Utopie ? Certes, mais pas si délirante pour autant. Comme il aime à le rappeler : « Mes villes sont imaginaires mais basées sur des réalités scientifiques ! J’imagine des villes qui seraient réalisées au départ de ressources inépuisables et avec des matériaux qui devraient être exploitables dans les années futures. Les recherches avancent et il est sûr que le jour où on y arrivera, l’humanité aura avancé. » Il fut d’ailleurs l’un des premiers architectes européens à bâtir une maison écologique auto-suffisante en énergie dans les années 70 (la maison Oréjona.).
Ce passionné de nature explique ainsi qu’il aimerait voir le monde évoluer vers des techniques uniquement durables, qui n’appauvrissent pas la planète mais qui - au contraire - l’enrichissent, afin que le progrès serve enfin à augmenter la qualité de vie.
Ces utopies se veulent éloignées du système capitaliste régi par l’industrie et la loi du rendement, et intègrent le biomimétisme à toutes les échelles (du fonctionnement d’un moyen de transport à la structure d’un bâtiment en passant par les espaces de circulation...), brouillant ainsi la frontière entre naturel et artificiel.


Sautraile : Moyen de transport propre du futur, inspiré des déplacements d’une sauterelle © Luc Schuiten

Maquette de bâtiment inspirée de formes végétales © Luc Schuiten

Maquette d’avion propre inspirée de la forme d’un oiseau © Luc Schuiten
« Nous devons nous rassembler autour d’une créativité positive, ouvrir des futurs souhaitables qui rendent impatients d’y être et projeter des villes où il fait bon respirer, rendant la place aux chants des oiseaux, aux potagers et aux méandres des rivières et des ruisseaux. »
Toujours dans l’idée d’un développement durable, ces utopies ne proposent pas de détruire pour tout reconstruire, mais d’intégrer des idées neuves au sein de patrimoines existants (comme le montre l’exemple de Laeken ci–dessous)


Evolution prospective de la commune de Laeken à Bruxelles, respectivement en 2000, 2100 et 2200.
© Luc Schuiten

Les projets de Luc Schuiten sont pleins de poésie et insufflent un peu d’espoir à une société morose qui oscille entre catastrophes naturelles, technologiques et économiques.
Ebony Lerandy

Le monde meilleur ne tient qu'à un fil.

Si vous avez la chance de déambuler un jour au cœur de la collection After Bruno Taut de Lee Bul, arrêtez-vous aux pieds des îles flottantes qui ressemblent à des vaisseaux . Du sol au plafond, des sculptures de verres, de perles et de miroirs s’élèvent. Bien que l’artiste sud-coréenne s’intéresse au corps humain, elle porte aussi son attention sur l’architecture et l’utopie. En liant ces deux univers, elle cherche à répondre à la question d’un monde meilleur.
Lee Bul confronte les visiteurs à une vision du monde à travers l’architecture. Certaines œuvres renvoient un message positif alors que d’autres font allusion à des personnes ou des périodes sombres de l’histoire de son pays. D’après le Musée d’art Moderne du Luxembourg qui accueille Lee Bul en 2013, ces architectures font référence à l’architecte expressionniste Bruno Taut, qui avait illustré dans un recueil de dessins le traité utopique de l’écrivain allemand Paul Scheerbart, idéalisant l’emploi de verre et d’acier dans l’architecture.
L’utilisation des perles et des miroirs renvoie directement à la perfection et au précieux. Les perles s’entremêlent donnant l’illusion d’une sculpture fragile faite de fils de soie. L’accumulation de matière qui flotte au-dessus du sol n’est tenue qu’à un fil, laissant le spectateur interpréter sa vision du futur. Peut-être en lui rappelant que le monde meilleur tient grâce à très peu de chose.
C’est une histoire qui s’élève dans chacune de ces minutieuses sculptures. C’est l’histoire de débats qui ont animé l’architecture depuis les débuts de la modernité dans les enjeux sociaux. C’est l’histoire des artistes qui ont inspiré Lee Bul. C’est l’histoire d’un monde futur, qui pourrait être meilleur grâce à l’évolution des technologies.


Lee Bull Say It With Silence
Lee Bul - Sternbau no4, photo de Patrick Gries

Flavie Simon-Barboux

The long tomorrow - 1975 -1976 - Dan O'Bannon et MoebiusSe pencher au dessus du vingtième siècle ...

The Long Tomorrow est une bande dessinée de Dan O'Bannon (pour le scénario) et Mœbius (pour le dessin) qui date des années 1975 et 1976. L'œuvre de Mœbius a eu un retentissement mondial, influençant toute une génération d'auteur en France, aux États-Unis ou au Japon. Désormais l'univers de Mœbius appartient à l'imaginaire du vingtième siècle.
Sur seize planches en couleurs, réparties en deux chapitres, le scénario repose sur une parodie des polars américains, qui se déroule dans un monde futuriste. L'histoire se déroule dans un futur lointain et indéterminé dans une vaste cité enterrée organisée verticalement en niveaux. Le détective privé Pete Club est mandaté par une jeune femme bourgeoise, pour récupérer des affaires personnelles placées dans un casier de consigne situé dans les bas-fonds de la cité. Pete Club va vite se retrouver entraîné dans l'action et ira de surprise en surprise.
Une Utopie/Dystopie justifié par les graphismes bien plus que futuriste, bordée d'un scénario captivant.

Illustration de la bande dessiné the long of tomorrow 1975-1976 par Moebius
Franck Grossel

Entre rêve et réalité

Thomas More, érudit Anglais du début du XVIème, publie en 1516 l’ouvrage Utopia. Il s’agit d’un livre fondateur de la pensée utopiste. Le terme « utopie » provient d’ailleurs du titre de l’ouvrage qui lui-même est tiré du grec « lieu qui n’est nulle part » ( topos).
Mais qu’est-ce qu’une utopie ? Une utopie est une «construction imaginaire et rigoureuse d'une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre idéal» (dictionnaire Larousse). Dans celle de Thomas More, la société est basée sur des notions de liberté, l’argent n’existe pas, chacun a le même niveau de vie. Tout y est décrit comme parfait : les lois, les moeurs politiques et la morale. Le travail est réparti également, c’est-à-dire 6h par jour et un service agricole de 2 ans est obligatoire. C’est une société égalitaire où chacun fait ce qu’il a à faire, dans une grande tranquillité d’esprit.
Cette description d’un monde parfait dénote avec le réel contexte historique dans lequel Thomas More publie son livre. En effet, sous le règne d’Henri VIII, la vie Anglaise (et européenne) est rythmée par de nombreuses réformes et guerres religieuses. L’œuvre, et particulièrement sa première partie, est en fait une critique de ce gouvernement qui ne se soucie guère de la misère du peuple. La deuxième partie du livre, quant à elle, est la description de l’île de l’utopie qui est l’idéal que pourrait devenir l’Angleterre si elle était mieux gouvernée.
Utopia est un ouvrage qui traversa les siècles, tantôt étudié par les enfants, tantôt repris pour construire des théories économiques.

Gravure d'Hambrosius Holbein, 1ère édition d'Utopia, 1516

Raphaëlle Caroff

LA DYSTOPIE...

Prison sous haute surveillance

Photo d’un panoptique réalisé au XXème siècle
Les conditions de détention des prisonniers étant épouvantables à la fin du XVIIIèmes, Jeremy Bentham, avocat, se détourne de sa première fonction pour s’y intéresser et proposer un nouveau projet de prison : le panoptique, une prison de forme circulaire dans laquelle les surveillants se trouveraient dans une tour centrale et les prisonniers tout autour. Le but est de faire prôner l’idée d’une sanction pénale dissuasive pour permettre la rééducation des prisonniers, qu’il considère d’un milieu pauvre. Ainsi, les trois principes guidant le panoptique sont douceur, sévérité et économie. Cette dernière s’explique par le fait que l’État sous-traiterait la gestion des prisons à des entrepreneurs privés, responsables à la fois moralement et financièrement. Ensuite, fers, chaines et cachots sont bannis, mais les détenus disposent de 6 m², sont classés par âges et par sexe. Tout homme doit travailler 14h par jour, se reposer 7h30, dispose d’une journée de repos par semaine et reçoit des cours. L’alimentation (thé, alcool et tabac sont proscrits) est conditionnée, et les prisonniers ont le droit d’avoir des moments d’intimité avec leurs visiteurs. Le but est de les empêcher d’être malheureux, pour qu’ils n’aient pas envie de s’échapper. Pour cela, Bentham porte aussi une grande importance à l’hygiène de vie, et la propreté du lieu (aération et système de distribution d’eaux potables sont imaginés), et la discipline acquise permettra aux détenus une bonne réinsertion professionnelle. Malgré cela, le but est d’enlever aux prisonniers toute liberté de décision ou de mouvement individuel. Il doit se sentir constamment surveillé, et Bentham s’inspire des plans de son frère ingénieur en 1780. En acier et verre, ces geôles s’opposent à l’idée de priver de lumière et d’isoler. Les surveillants semblent être surveillés par Dieu, autre notion importante de l’utopie de Bentham. Il fait paraître ses textes dans les Panopticon Letter en 1786, qui rencontrent peu de succès (irréalisable et trop en avance sur son temps) et abandonne définitivement un possible projet de construction au début du XIXè siècle. Cependant, certaines prisons verront tout de même le jour en s’inspirant de ce modèle plus tard. Mais cela pose la question de la liberté dans une société de surveillance, que l’on peut établir aujourd’hui. Les produits technologiques nous surveillent, et réalisent le rêve benthamien, mais ce dernier reste limité par l’importance que Bentham accorde à la surveillance des surveillants, qui dans notre société est quasiment inexistante.
Clara Jouault


Londres selon Gustave Doré

Alors que le travail du célèbre illustrateur Gustave Doré fait fureur en France et en Angleterre, l’artiste part pour quelque temps à Londres. Il y réalise une série de gravures à la fois fascinante et inquiétante sur Londres en 1870 en pleine révolution industrielle. C’est avec son ami journaliste Jerrold Blanchard qu’il visitera la ville dans ses plus sombres recoins et décidera de faire un livre de voyage sur la ville de Londres. Jerrold s’occupait des textes tandis que Gustave se chargeait des illustrations. Le résultat de ce partenariat aboutira à un livre aux illustrations "surréalistes" mais reflétant pourtant la dure réalité de Londres à cette époque. Misère, famine, maladie, sont transmis grâce aux traits durs et profonds de ces gravures. Londres semble être rempli de personnes errantes sans réel but, de travailleurs acharnés et d’ouvriers mal payés. Gustave Doré dépeint ici une ville sombre, pauvre, bien loin de sa grandeur économique et industrielle. Si l’illustrateur est apprécié pour ses illustrations, cette réalisation rencontre beaucoup de critiques puisque c’est la dure réalité quasi-dystopique qui est exposée et non un conte remplit de magie et de rebondissement.
Gustave Doré, Over London by rail, planche pour London, a pilgrimage, 1872
Eloïse Bonnard

Une nouvelle cartographie (dystopique)...Les cartes en allumettes du collectif Claire Fontaine.

Claire Fontaine est un collectif réunissant divers artistes. Ce groupe naît en 2004 à Paris et définit son travail comme « une version d’art néo-conceptuel qui souvent ressemble au travail d’autres gens(...) ». (Tumblr Pacha cartographie)
Mais, son nom ne vous rappelle rien ? Homonyme de la marque de cahiers de notre enfance, ces artistes entreprennent la réalisation de cartes représentant des pays tels que la France, les Etats-Unis... par le biais d’allumettes. En effet, ces allumettes, plantées par milliers sont placées sur le mur de galeries pour ensuite être allumées dans le but de «brûler» la surface délimitée.
« … Le nom du collectif d'artistes, Claire Fontaine, est charmant, ses oeuvres n'en sont pas moins percutantes.» (journal Libération)
En effet, on comprend que ces œuvres ont un but, et non des moindres : s’attaquer aux discours politiques, et dénoncent « une France qui tente de vivre, voire de survivre ».
En plus de la France et des Etats-Unis, le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne ont aussi eu droit à leur carte qui ne comptait pas loin de 360 000 allumettes.

Carte des Etats-Unis réalisée avec des allumettes prêtes à s’enflammer. Présentation de l’avant-après de l’œuvre. © Claire-Fontaine

Mathilde Ceres

Magnifique apocalypse

Jake (né le 3 novembre 1996) et Dinos Chapman ( né le 19 janvier 1962) sont deux frères, artistes plasticiens britanniques. Ils vivent tous deux à Londres et travaillent ensemble. Depuis peu, leur travail consiste en la construction de maquettes, composées notamment de figurines. Les plus connues sont "Hell" qui représente l’Holocauste, Fucking Hell sa suite ou encore le cycle Come and See dont le titre est tiré de celui d’un film d’Elem Klimov que l’on traduit par Requiem pour un massacre. La façon dont ils traitent leurs thèmes, tels que la religion, le sexe, la mort, la société de consommation ou encore la moralité, choquent. Ils aiment mêler l’humour et l’horreur. Dans une entrevue pour le White Cube, Jake Chapman explique que cette œuvre, comme beaucoup d’autres, répond au besoin humain de valider les limites et comportements sociaux par l’art.
Fucking Hell est la suite de Hell qui fut détruite en 2000 dans l’incendie de l’entrepôt d’art Momart à Londres. Elle est réalisée en 2008 et ne compte pas moins de 30 000 figurines. Fucking Hell peut être traduit par «putain de merde, bordel de merde, putain de bordel de merde, nom de Dieu ou encore putain d’enfer », bref l'idée est claire. Elle reprend le thème de l’Holocauste comme pour Hell mais en plus grand et plus brutal cette fois encore. Dans son intégralité elle est composée de 9 vitrines placées de manière à former la svatzika, plus connue sous le terme de croix gammée. Dans ces vitrines ce sont des scènes de la Seconde Guerre mondiale qui sont représentées mais de manière détournée, détournées selon leur vision de cette guerre. Les scènes sont apocalyptiques. Leur vision de la guerre est celle d’une dystopie cruelle, brutale et sale.
On peut ici faire un parallèle avec le film Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock avec une forte présence de corbeaux sur les arbres. La guerre serait-elle finalement un film d’horreur? Autre fait intéressant est la présence d’un Christ. Mais là, nous sommes bien loin des représentations judéo-chrétiennes de Jésus. Ici, il est mutilé, avec un aspect de cadavre et la tête tranchée. Cette absence de tête le rend impersonnel et nous montre que quelle que soit la religion, elle n’apportera rien de réconfortant dans une guerre et ne les empêchera pas non plus. Quant au Führer il est présent dans chacune des vitrines on peut donc s’amuser à le chercher, une sorte de revisite d'Où est Charlie ? mais cette fois ci avec un personnage aux allures bien moins sympathiques. Dans chacune des vitrines, il est en train de peindre une scène à la manière des cubistes, cela peut prêter à sourire quand on sait qu’il considérait ce courant comme dégénéré. Alors oui, Adolphe Hitler a échoué à l’École des Beaux-Arts de Vienne, mais ici, grâce aux frères Chapman, il peint son « oeuvre ». Une oeuvre aussi immonde, cruelle, immorale, qu’absurde. Les figurines sont réalisées avec un grand soin ajoutant un fort réalisme aux différentes scènes ce qui nous aide à nous projeter à l'intérieur. La réalisation des frères Chapman est bel et bien faite dans le sens où elle est très bien conçue mais horrible et effroyable dans son contenu.







Myriam Burgaud

Le Futur dystopique de Ridley Scott

En 2019 nous arriverons à la date d'expiration du future dystopique que nous propose Ridley Scott dans Blade Runner. 30 ans après sa sortie en salles en 1982, Blade Runner continue d’incarner l'imaginaire de ville tentaculaire et cosmopolite du futur. L’esthétique du film en fait une figure sombre et emblématique du sous genre SF : le Cyberpunk.
Synopsis : En 2019, la colonisation de l'espace est en cour, la terre est devenue une gigantesque mégalopole insalubre. Les progrès technologiques ont permis à la corporation Tyrell de se spécialiser dans la conception de robots humanoïdes doués de consciences, identiques en apparence à l'homme, appelés Réplicants. Ceux-ci servent d'esclave sur les bases spatiales jusqu’à leurs révoltes. Considéré hors la loi, ils sont interdits de séjour sur terre. Lorsque quatres réplicants arrivent sur terre dans la mégalopole de Los Angeles, Rick Deckard se voit donner la tache de les éliminer. C'est un Harrison Ford désabusé que l'on retrouve dans la peau de cet ancien flic ayant quitté l'unité chargée de traquer les réplicants : les Blade Runner.
La représentation de la ville proposée par la science-fiction est très majoritairement marquée par quatre caractéristiques paysagères et sociétales : la densité, la verticalité, le contrôle social et la rationalité scientifique de l’organisation urbaine.
Le film pose la question de l'identité. Thème ô combien rependue dans l'univers de la science-fiction. De Matrix à Avatar en passant à la très ressente série Westworld ces mêmes questions sont redondantes : Qu'est ce qu'un être humain ? Ou commence la conscience de soi ? Les Androïdes peuvent-ils avoir une âme ?
Dans cette société gouvernée par les géants de l'industrie, les réplicants ne sont qu'une ressource. La révolte des machines contre leurs créateurs est donc inévitable. Les réplicants n'acceptant plus leurs états de servitude, leur identité est remise en question. Dans ce système oligarchique, seul Rick Deckard semble se ranger de leurs cotés. Si les lois de la robotique énoncées par Asimov tendent à forcer les robots à agir pour le bien des humains de nombreux récits S.F choisissent la thématique de la dystopie robotique avec une intelligence artificielle conduisant à la perte de l’homme.
Los Angeles est le théâtre de toute l'action du film. Elle est la représentation négative de la ville du futur. Quel regard porte Blade Runner sur la représentation de la dystopie Urbaine ?
Ridley Scott réussit à nous transporter dans son huis clos urbain. Véritable univers glauque criant de réalisme, Los Angeles en 2019 est violente, polluée, et technologique. La Nature est absente de cette infinie mégapole. Le soleil ne se lève jamais et les épais nuages de pollution déversent une pluie continue sur la ville. La nature disparue est sous-entendue à travers des métaphores animales: hibou pour Tyrell, le serpent de Zora et la mystérieuse licorne de Deckard. Le climat sombre et humide créent une atmosphère oppressante propre à l’esthétique du film.
Le Los Angeles futuriste cherche à instaurer une distance entre la représentation d’un futur urbain lointain et la réalité de la ville contemporaine. Le spectateur est dépaysé pour entrer dans un nouvel univers urbain, où l’ensemble des éléments de la ville et de la société urbaine est à explorer. Le film nous invite à décoder le fonctionnement de la société urbaine, des normes sociales futures.
Sa crédibilité futuriste a bien vieillie au cours des années. On le doit au dessinateur industriel Syd Mead, concepteur de véhicules pour le groupe Ford et Chrysler, qui a travaillé sur des films tels que Star Trek et Tron. Crédité au générique au titre de "futuriste visuel". La mégalopole tentaculaire, sombre, sale et nocturne, les trottoirs grouillant de monde, la toute puissance du monde de la publicité avec des panneaux géants à perte de vue et les costumes réalistes des années 30 appartiennent à l'univers du dessinateur Jean Giraud, alias Moebius ayant aussi travaillé dans Alien.
La dichotomie entre un futur oppressant et sombre et la fascination de la mégalopole dans des plans en plongés en font une dystopie réaliste mais cependant vivable. Le huis clos urbain dans lequel progressent les personnages est un futur post Apocalyptique mais néanmoins vivable. Ce futur proche du nôtre ( papier journal, parapluie ) semble avoir subi une accélération technologique rapide. Le cadre urbain apparaît alors comme le moyen le plus adapté, le cadre privilégié pour rendre compte des transformations plus générales de l’Humanité.
La parole à Ridley Scott, qui revient sur son film en 1993 : "Le cinéma présente habituellement le futur sous des dehors austères, incolores, stériles et glacés. J'ai le sentiment que nous allons dans une direction toute différente. Pensez à ce que sont les villes comme Chicago et New York aujourd'hui et au surpeuplement qu'elles connaissent. Certains bâtiments devront être rasés, mais on ne rase pas l'Empire State Building".






Images tirées du film : Blade Runner

© Moebius

Maxence De Cock

...ET LEUR FRONTIERES...

Epanouissement collectif et individuel

Après la Seconde Guerre Mondiale, l’Europe est sinistrée et a besoin de nouvelles habitations pour ses habitants. C’est à ce moment et dans l’optique du relogement des populations, que l’architecte suisse, Le Corbusier, commence à construire les « villages verticaux ». Dans ses différentes constructions de « Cités Radieuses », Le Corbusier désirait bâtir la ville idéale, car selon lui le comportement des individus est lié à l’architecture du lieu dans lequel ils vivent. Ces bâtiments ont des caractéristiques d’organisation uniques qui ont été imaginées par l’architecte dans le but de respecter les libertés individuelles ainsi que d’améliorer la cohésion sociale.
« Dans ce village vertical de 2000 habitants, on ne voit pas son voisin, on n’entend pas son voisin, on est une famille placée « dans les conditions de nature »-soleil, espace, verdure. C’est la liberté acquise sur le plan de la cellule, l’individu, le groupe familial, le foyer. Au plan du groupe social, c’est un bénéfice des services communs confirmant la liberté individuelle ». Citation de Le Corbusier gravée sur l’un des murs de la cité radieuse de Berlin.
La Cité Radieuse de Rezé est un ensemble de logements HLM créé par le Corbusier en 1955. Son concept d’ « unité d’habitation » a été ici appliqué. Il est conçu sur le principe du Modulor, qui est un système de mesures lié à la morphologie humaine basé sur le nombre d'or et la suite de Fibonacci (suite de nombres dans laquelle chaque terme est la somme des deux termes précédents).
Le Corbusier avait pour but de recréer une ville à l’intérieur de ce grand immeuble. Il y a installé des rues (les couloirs), un centre (le hall d’accueil), des habitations, des commerces, la poste et sur la terrasse du toit, il y a une école maternelle. Tout ceci instaure donc une vie sociale développée. Cependant, dans l’objectif d’une harmonie entre vie collective et vie individuelle, l’architecte suisse a imaginé des appartements identiques certes, mais également tous très bien isolés les uns des autres. De plus, les couloirs d’accès aux habitations sont plongés dans la pénombre, donc les gens ne sont pas incités à stationner dans les rues et une sorte de calme ambiant ne quitte pas les lieux. En conséquence, les rues intérieures sont des sas de calme avant d’entrer dans les appartements, où l’on commence à se recueillir.
L’utopie du Corbusier a eu lieu, mais s’est transformée au fil des années. En effet bon nombre de commerces qui étaient sur place à l’origine ont maintenant disparu, mais l’environnement y reste propice au bonheur de la population.

Maison Radieuse - Rezé - © Agence Bretagne Presse
© David Abittan

Zoé Oberlé

Un projet à la hauteur du niveau de l'eau

Selon plusieurs études, la hausse du niveau des océans actuelle pourrait entraîner la submersion de diverses parties du monde. Il s’agirait de pas moins de 80% des Maldives ou de 20% du Bangladesh.
Lilypad est la réponse au problème soulevé par les études scientifiques que propose Vincent Callebaut. Il le caractérise comme « une réaction au développement de l’urbanisme le long des littoraux et une solution plus durable que les polders éphémères ».
En quoi consiste ce projet ? Il devra dans le futur pouvoir accueillir des réfugiés politiques dont le nombre devrait atteindre environ 250 millions de personnes d’après les pronostiques des Nations Unies. Il aura donc pour but de répondre à un style de vie dit "nomade". Il pourra se déplacer au gré des courants marins pour rester en phase avec l’environnement. La forme de nénuphar géant d’Amazonie, les coques végétalisées et les champs d’aquaculture présents participeront aussi à cette cohésion avec la Nature. Enfin, la cité produira normalement plus d’énergie qu’elle n’en consommera et cela permettra d’atterrir sur un bilan énergétique positif avec zéro émission de carbone.
Les logements seront situés sur une structure plutôt montagnarde. En effet, il y a selon le projet trois montagnes différentes ; une associée aux loisirs, une aux commerces et la dernière au travail… Cette cité semble donc répondre parfaitement aux problèmes environnementaux d’aujourd’hui.
On peut néanmoins se demander si ce paysage ou projet utopique verra le jour et si l’éthique actuelle et les différentes cultures s’y sentiront chez eux. Après tout, une île en mouvement n’appartient à aucun pays… On peut aussi soulever la question du lien entre ce projet et les riches qui pourront probablement plus se payer une habitation ici que d’autres plus démunis… Voici les interrogations que se posent aujourd’hui de nombreuses personnes…

© Vincent Callebaut Architecture
Marie Bal-Fontaine

METROPOLIS – Fritz Lang

METROPOLIS – FRITZ LANG
Film muet en noir et blanc, courant expressionniste - 1927
Dans ce film expressionniste de science-fiction et d’anticipation de nature contre-utopique, nous sommes projetés en 2026, dans une cité futuriste imaginaire dirigée par l’industriel Joh Fredersen : Metropolis.
- UNE CITÉ CONTRASTÉE AU SYSTÈME CAUCHEMARDESQUE:
"Metropolis est né du premier regard que j'ai jeté sur les gratte-ciels de New-York en octobre 1924 " (Fritz Lang)
- LE SCENARIO :
Lorsque le fils de Joh Fredersen découvre ce monde infernal en poursuivant Maria, une femme mystérieuse à l’allure religieuse entourée d’enfants, il est choqué par les conditions de vie de ces citoyens de l’ombre. Désireux d’apprendre à connaître la jeune femme, il décide de se mêler à eux pour se joindre à leurs efforts et échange sa place contre un ouvrier en difficulté. Lors d’un rassemblement, il se rend compte que Maria est en fait la prêcheuse de cette classe ouvrière. Elle leur promet l’arrivée d’un médiateur, d’un cœur liant les mains des travailleurs à la tête du dirigeant, que Freder décide d’incarner. Dans le même temps, le scientifique Rotwang à l’origine de la machinerie de la cité, projette de créer un robot à l’image de Maria, qui prendrait sa place pour pousser les ouvriers à la révolte et renverser Joh Fredersen.
- UNE CONTRE-UTOPIE ÉDULCORÉE:
Cette ville imaginaire possède la caractéristique propre aux utopies et aux dystopies de ne pas être localisable, c’est une cité perdue. Elle est un condensé d’éléments modernes ; elle est constituée d’immenses immeubles arts déco, de bâtisses bétonnées austères, d’une machinerie robotisée, d’autoroutes aériennes et de jardins d’Eden suspendus destinés aux bourgeois. Dans cette cité verticale, deux mondes s’opposent : le monde « supérieur » où vivent les classes les plus aisées, et le monde « inférieur » sous-terrain, peuplé d’ouvriers. Elle est construite ainsi en référence à la Tour de Babel. Cette représentation reflète l’opposition du prolétariat et du capitalisme de l’époque. Les ouvriers travaillent dans l’ombre au service de la société supérieure, soumis une machine colossale, « M », qui permet le bon fonctionnement de la cité. Ce monstre mécanique est associé au Moloch, un dieu ammonite et phénicien à tête de taureau auquel on sacrifiait des enfants par le feu. Au même titre, nombreux sont les ouvriers qui décèdent et finissent dans la gueule de cette créature d’acier. Leurs conditions de vie sont déplorables et les tâches répétitives et mécaniques qu’ils exécutent jour et nuit les déshumanisent pour les rendre eux-mêmes machines.
Metropolis est une contre-utopie dans son scénario initial, qui présente un système cauchemardesque où l’industrie a pris tant de place qu’elle en opprime et réduit en esclavage une partie de la population au service des bourgeois. Il est un des premiers à explorer les dangers d’une technologie envahissante sur laquelle les hommes n’ont plus de contrôle, et ceux de la domination par l’intelligence artificielle. Metropolis est un reflet des années 20. Fritz Lang y pointe du doigt un système capitaliste qui possède l’intégralité des moyens de production et exploite les classes ouvrières et remet en question l’expansion technique et technologique et ses effets sur la société alors que Berlin s’impose comme la nouvelle puissance industrielle.
S’il représente une révolution ouvrière, il ne semble pourtant pas la soutenir : cette lutte guidée par la colère tourne au cauchemar, les travailleurs inondent la cité en détruisant la machine centrale et le film aboutit sur la réconciliation des prolétaires et des bourgeois. Le scénario dérive donc vers l’utopie, probablement afin de mieux satisfaire la société de production et la politique de l’époque.
Emilie Gioanni

Albert Robida, l'écrivain à l' intarissable imagination qui présuma notre monde moderne

Albert Robida est un artiste, écrivain, illustrateur, architecte et voyageur de la seconde moitié du 19éme siècle et du début du 20éme siècle. Il commença sa carrière en produisant des dessins humoristiques et de satire pour la presse. Il est reconnu internationalement pour sa trilogie d’anticipation sur le 20éme siècle. Son intuition et imagination lui permirent de produire une oeuvre étendue et de décrire un monde étonnamment prophétique. Contrairement à Jules Verne qui lui était contemporain et qui l’a inspiré, il propose des inventions de la vie courante et non des créations de savants fous. Non seulement il prédit des innovations techniques et technologiques; mais il imagina également les évolutions des mœurs de la société future. Il décrit par exemple le téléphonoscope (un écran plat avec de l'information en continu) comparable à notre internet, la promotion sociale des femmes (qui peuvent voter et travailler), les guerres sous marines, chimiques et biologiques, et le surmenage et la pollution qu'entraîne une société industrialisée. Les mondes présents dans les œuvres d'Albert Robida ne peuvent donc pas être considérés comme utopiques (même s'ils ont peut-être été considérés comme tels à l'époque à laquelle ils sont parus) parce qu'ils ne présentent pas une société idéale. Ils sont juste une proposition de l'évolution de la société et du monde dans lequel Robida vivait avec leurs dérives et leurs progrès.
Ces deux illustrations montrent qu’il avait entre autres imaginé le concept de la clé USB et du distributeur de livres.






Fanny Fauvarque

Source de réflexions



Tommaso Campanella (1568-1639) est un moine dominicain italien vivant dans le sud de l'Italie, alors sous domination de l’Espagne.
Ne supportant plus ce règne, il participa à une tentative de coup d’État qui l'entraîna en prison pendant 26 ans. Il dut simuler la folie pour échapper à la mort. C’est lors de cette longue incarcération qu’il prit le temps d’écrire La Cité du Soleil vers 1602.
Cette œuvre littéraire dépeint le monde dans lequel il vit et ce qu’il changerait. Il énonce le régime théocratique qu’il souhaite instaurer en cas de réussite de sa conspiration.
S'agit-il d’une utopie ? Le titre reprend celui d'une œuvre grecque perdue (sans doute une des premières utopies). De plus à travers le dialogue qu’il créa entre un grand maître des Hospitaliers et un capitaine de vaisseau génois, il fait passer ses idées d’un autre monde qui peut amener à faire peur, on peut donc se poser la question de savoir si La Cité du Soleil ne serait pas plutôt une dystopie.
Les différents thèmes qu’il évoque pourraient presque paraître pour notre époque tel un programme politique. Parmi eux la propriété, les enfants et l’éducation, le travail et la vie en communauté, le gouvernement, la religion, la liberté et enfin la justice.
La Cité du Soleil est certes un rêve prophétique, mais pour Campanella, elle représente également la projection d'un âge d'or possible.
Pour exemple, l'éducation dans la cité est à l'image de son organisation collectiviste, les enfants sont des produits d'un eugénisme strictement encadré, qui régente même la vie sexuelle en l'absence de mariage. Les prénoms des enfants sont déterminés par le magistrat suprême. Ils sont élevés en commun à partir de deux ans, suivant la même éducation, mais sont séparés selon les sexes. La famille n'existe pas.
les adultes ont droit aussi à leur part de formation, grâce à une journée de travail encore plus réduite c’est-à-dire de 4 heures, les cours étant cette fois placés en fin de journée. Leurs loisirs sont tournés vers le sport. La Cité du Soleil peut donc, pour certaines personnes, paraître comme une dystopie, toujours est-il qu'elle est source de réflexions et de questionnements.
Cellie Piraud

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