mercredi 4 janvier 2017

Hybridations

_HYBRIDATION_

L'hybridation propose le croisement entre deux variétés, deux espèces, deux genres ou bien l’apparition d’un caractère nouveau chez un être vivant. On nomme ces modifications invisibles ou ostentatoires : hybridations et mutations.
Depuis déjà bien longtemps, elles sont ancrées dans l’imaginaire collectif et sont présentes dans de nombreux contes, mythes, légendes et autres œuvres d’arts…

Ces changements attisent la curiosité de l’Homme qui en provoque certains comme les OGM, les nouvelles races de chiens ou autres extravagances génétiques. D’un point de vue éthique, certaines questions causent souvent de grands débats mais restent en suspend. Les hybridations sont-elles des améliorations de la Nature ou simplement une extravagance et un besoin de perfection humain ? L’eugénisme par exemple est défini comme l’ensemble des méthodes et pratiques dont le but est de créer une société utopique et parfaite par le biais d’interventions sur le génome humain.
Pouvons-nous alors considérez cette possibilité comme étant une réelle amélioration ?

Les artistes, quant à eux, ont exploré avec malice, poésie, imagination, les hybridations les plus improbables, peut-être parce que l'hybridation est une des bases fondamentales de la pratique artistique.


Eloïse BONNARD et Marie BAL-FONTAINE

L'IMAGINAIRE COLLECTIF

     MYTHOLOGIE

          OH MY GOD!

_ANUBIS

« Rien n'est plus inconstant que l'apparence d'un dieu égyptien » Anubis, dieu funéraire de l'Égypte antique. Qui sont ces dieux qui nous ont étonnés, parfois intrigués durant nos visites dans les quartiers égyptiens du musée du Louvre ? C’est en se penchant sur le sujet que l’on en apprend davantage sur ces dieux mi-humains mi animaux, aux apparences déroutantes. La forme hybride la plus fréquemment rencontrée chez les dieux égyptiens associe un corps humain et une tête animale. On retrouve notamment des têtes d’oiseaux, de chiens, de crocodile ou encore de serpent… Il est d’ailleurs intéressant de noter que les animaux tardifs tels que le cheval, coq… et les animaux comme la girafe, ou l’éléphant ne font pas partie du répertoire animalier divin. « Certaines caractéristiques sont propres à une seule divinité telle que la tête de l'oiseau ibis, par exemple, renvoie sans équivoque au dieu Thot. » Intéressons-nous plus particulièrement au dieu Anubis, dieu funéraire de l'Égypte antique, maître des nécropoles et protecteur des embaumeurs. Exemple fort du cas d’hybridation chez les dieux égyptiens, Anubis est caractérisé par son apparence d’homme associée à sa tête de chien, ou de chacal. La couleur noire, présente au niveau de sa tête, représente la couleur des momies après qu'elles aient subi le processus d'embaumement. C'est une couleur bénéfique, symbole de la métamorphose des défunts dans le sol.

Anubis tenant la momie de Raï (XVIII dynastie, tombe à Dra Abou ‘l-Naga)
« Les grecs plus tard l'ont identifié avec leur dieu Hermès, aboutissant à la déité composée d’Hermanubis. » (site Mythologica) On lui associera aussi plusieurs surnoms tels que « le seigneur de la nécropole », « celui qui est aux bandelettes », « celui qui ouvre le chemin » qui le désignaient comme un des dieux du royaume des morts. Anubis tenant la momie de Raï (XVIII dynastie, tombe à Dra Abou ‘l-Naga) Plus récemment, dans l’art moderne, Anubis apparait sous deux formes distinctes à savoir sous une première forme humaine, avec une tête de chien tenant généralement une croix d’une main, le sceptre de l’autre, qui s’avèrent être ses attributs. On le retrouve cependant également sous une forme totalement animale de chacal noire aux formes fines et élancées souvent couché, tel un sphinx, sur un édicule qui représente sans doute le tombeau sur lequel il veille.

Anubis (trésor de Toutankhamon) © Musée égyptien du Caire 

Mathilde CERES



_VOUS EN SEREZ PÉTRIFIÉS... 


L’histoire de Méduse, issue tout droit de la mythologie Grecque, a surement bercé vos cours d’histoire dés votre plus jeune âge. La célèbre Gorgone est reconnaissable grâce à sa chevelure de serpents capable de pétrifier toute personne qui viendrait croiser son regard. Cette créature mythologique est la proie de grands artistes qui cherchent à la représenter. Mais pourquoi tant d’intérêt ?
Tout d’abord, rappelons l’histoire de cette fameuse tête :
Fruit de l’union entre la Terre et l’Océan, Médusa avait de somptueux cheveux qu'Athéna transforme en serpents pétrifiants ; punition délivrée alors que la jeune mortelle était séduite par Poséidon. Pégase et Chrysaor jaillirent du sang de Méduse à l’instant où Persée vient lui couper la tête. Il offre alors à Athéna qui l’avait envoyé, la tête de Méduse que la déesse fixe sur son bouclier.
Ce mythe à alimenté de nombreuses recherches sur l’hybridation, la puissance féminine et le pouvoir du regard. Certains artistes tels que Le Caravage, Rubens, Rossetti ou Cellini cherchent à représenter la Gorgone à travers la sculpture et la peinture. L’œuvre du Caravage en 1598, reste l’une des plus célèbre. En travaillant sur un véritable bouclier en bois, le portraitiste saisit l’instant de la décapitation. Le travail irréprochable de l’expression de son visage semble figer Méduse dans le bois, donnant ainsi au peintre le rôle de Persée. A l’image de ce demi-Dieu qui utilise un miroir pour éviter son regard, Le Caravage cherche à peindre son portrait à travers celui de Méduse.


Médusa, 1598, Le Caravage. 

En 1554, le sculpteur Benvenuto Cellini travaille le sujet d’une toute autre manière avec Persée tenant la tête de Méduse. Le choix est porté sur la scène du héros ayant vaincu la créature. Le travail de l’hybridation est d’autant plus flagrant à travers les tentacules qui fusent depuis le cou et la tête.
Persée tenant la tête de Méduse, 1554, Benvenuto Cellini.

Les fascinantes histoires de la Mythologie sont particulièrement convoitées au sujet de l’hybridation. Au cœur des étonnants personnages dont on ne connait la nature, Méduse reste une créature intéressante (et dangereuse) à dévisager.
Flavie SIMON-BARBOUX



MÉTAMORPHOSES
 SALVATRICES



Apollon et Daphné, sculptures de Gian Lorenzo Bernini (1625)
La métamorphose désigne un changement de forme ou de nature (méta : changement, et morphé : forme, en grec). Elle est aussi, par extension, la transformation d'un être ou d'un objet en un autre être ou objet que nous ne reconnaissons pas, par une évolution souvent brutale. Dans les "Métamorphoses", -œuvre comprenant 15 livres écrits en vers du poète latin Ovide-, un être humain se transforme ainsi en animal, en plante, ou en chose (et vice-versa.) Punition, récompense, échappatoire ? Ces transformations ont toutes un rapport aux émotions humaines, qu’il s’agisse de peur ou d’espoir. Il est important de souligner que, contrairement aux histoires habituelles, les métamorphoses d’Ovide revêtent un aspect particulièrement inquiétant du fait de leur irréversibilité. Vous l’aurez compris, cet article ne traitera donc pas d’hybridation, mais plutôt de transformation. Nous nous pencherons ici sur une métamorphose en particulier, celle de la nymphe Daphné qui devint laurier en fuyant le Dieu Apollon. Daphné était une nymphe pure et chaste, qui ne voulait entendre parler ni de mariage, ni d’amour, mais qui attisait les feux de tous les hommes-et Dieux- par sa beauté. Un jour, le Dieu Apollon la suivit dans la forêt. Lorsqu’elle s’en rendit compte, elle fut prise d’effroi, et s’enfuit, poursuivie par l’amoureux fou de désir, lui criant son amour et son admiration. Apollon se rapprochant de plus en plus, la nymphe supplia les dieux de lui venir en aide, pour échapper à ce que le lecteur suppose être un viol imminent : « Le dieu paraît voler, soutenu sur les ailes de l'Amour ; il poursuit la nymphe sans relâche ; il est déjà prêt à la saisir; déjà son haleine brûlante agite ses cheveux flottants. » Dans ses supplications , la nymphe demande aux cieux d’enfin détruire cette beauté qui lui devient si funeste. C’est par ces mots que la métamorphose a lieu : Plus délivrance que punition, Daphné se voit rapidement transformée en arbre. Ainsi ses membres s’engourdissent, une légère écorce l’entoure, ses cheveux verdissent en feuillages, ses bras deviennent rameaux et ses pieds racines.

Illustration de Troppa Girolamo 
Malgré sa transformation, il est dit dans l’histoire que l’arbre semble tout de même vivant : « Apollon l'aime encore ; il serre la tige de sa main, et sous sa nouvelle écorce il sent palpiter un cœur. Il embrasse ses rameaux ; il les couvre de baisers, que l'arbre paraît refuser encore ». C’est bien la seule métamorphose d’Ovide qui laisse entrevoir une forme d’hybridation, entre un arbre et un être humain pensant, doué de sentiments.
Le Mythe de Daphné sera ensuite repris par l’Eglise comme un modèle de chasteté récompensé des dieux. Le pape Urbain VIII en tira d’ailleurs cette leçon : « Celui qui aime à poursuivre les formes fugaces du plaisir ne trouve que feuilles et fruits amers sous sa main. »

Ebony LERANDY


            CRÉATURES FANTASTIQUE

HUMAIN-ANIMAL


 Grand artiste du 20eme siècle, à la fois peintre, céramiste, graveur et sculpteur, Pablo Picasso était le chef de file du mouvement cubiste avec son ami Georges Braque. Expérimentateur génial, Picasso commence à s'intéresser vraiment à la lithographie en 1945, suite à sa rencontre avec Fernand Mourlot, un maître-imprimeur lithographe parisien. « En quelques mois de présence quasi quotidienne chez son imprimeur, Pablo Picasso a complétement modernisé la lithographie, une technique qui était assez classique » (Franck Bordas, petit-fils de Fernand Mourlot). L'artiste a d'abord appris toutes les techniques de la lithographie, pour ensuite en créer des nouvelles et vraiment s'approprier cet art.

Pablo Picasso, Faune musicien n4 (1948)
C'est en 1948 qu'il fait une série consacrée aux faunes. Il crée des faunes joueurs, en noir et blanc et dans un style "naïf". Le style simpliste et en mouvement vient faire écho au caractère de ces créatures mythiques. Le faune a l'air ici d'un enfant au milieu d'une farce. On voit sur cette lithographie le faune représenté dans son milieu naturel. En effet, on peut imaginer qu'il y a derrière lui d'un côté une branche avec des feuillages, de l'autre la grosse masse sombre pourrait être une forêt. Ici, le fait qu’il soit représenté jouant de la musique le rapproche du dieu Pan (il joue de la flûte… de Pan ?). C’est le dieu de la nature, protecteur des bergers et des troupeaux, mi-homme mi-bouc comme les satyres et faunes.



Zoé OBERLE


_LES ÊTRES HYBRIDES DANS LE MONDE DES SORCIERS


L’univers créé par Joanne K. Rowling est peuplé d’un grand nombre de créatures magiques en tout genre. Si l’auteure s’est inspirée d’êtres mythiques (centaures, basilics, sirènes), elle a sorti de son imagination d’autres espèces tout à fait extraordinaires. Héliopathe, Ronflak Cornu, Veracrasse, Vélanes, Sharak, Povrebine, Scroutt à pétard, Strangulot, le bestiaire s’étend à une centaine de créatures. Intéressons-nous ici aux hybrides, c’est à dire aux êtres qui proviennent « du croisement naturel ou artificiel de deux individus d'espèces, de races ou de variétés différentes » (cf. cnrtl.fr).
DES CRÉATURES ANCRÉES DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF
Depuis l’Antiquité, les mythes et les légendes regorgent d’hybrides aux caractéristiques physiques extravagantes. C’est une base riche à la disposition des auteurs d’œuvres fantastiques, et le monde d’Harry Potter n’échappe pas à cette influence : cet univers est en effet composé de créatures mythiques en tout genre. En voici quelques-unes :
LES CENTAURES (Firenze, Bane, Magorian) : Ces hommes au corps chevalin sont issus de la mythologie grecque. S’ils sont forts et robustes, ils n’en demeurent pas moins des êtres résolument pacifiques.
LES CHIMERES : Elles apparaissent également dans l’imaginaire grec. Cette créature diabolique cracheuse de feu est composée d’une tête de chèvre positionnée sur le dos (elle en possède parfois trois selon les interprétations), d’une queue de dragon à l’allure reptilienne et d’un corps de lion.
LE SPHINX : Créature issue de la mythologie égyptienne, le Sphinx est constitué des différentes parties du corps des membres de sa famille : corps de lion hérité de sa sœur Chimère, ailes de Harpie, visage de sa mère et queue de dragon de son père.
HIPPOGRIFFE (Buck) : L’hippogriffe est un être hybride au croisement du cheval et de l’aigle, principalement localisé en Europe. Si l’espèce est déjà imaginée par les Perses (cf. griffon) dans l’Antiquité, la créature telle que nous la connaissons aujourd’hui est apparue dans un roman de chevalerie du 16e siècle, Le Roland Furieux, écrit par L’Arioste. Du rapace, il conserve le buste, les ailes et les pattes aux griffes acérées. De l’équidé, il possède seulement le corps. Ses yeux sont oranges et perçants, son bec gris et allongé, et la couleur de son pelage varie entre le noir, un marron aux tons de rouge, le blanc rosé, le vert bronze et le gris bleuté.
LE LOUP-GAROU (Remus Lupin) : Il apparaît dans la mythologie grecque puis dans les légendes européennes. Le loup-garou est à la base un être humain qui, de par la morsure d’un lycanthrope, se transforme en loup à la nuit tombée et les soirs de pleine lune. Il ne prend pas systématiquement l’apparence entière du loup et apparaît souvent comme un être anthropomorphe aux caractéristiques de l’animal (poils, rapidité, griffes, force et férocité).
LA MANTICORE : Imaginée par les Perses, la Manticore est un monstre cannibale à visage humain possédant des cornes, trois rangées de dents acérées, un corps de lion (généralement rouge), des ailes de chauve-souris et une queue de scorpion.
De haut en bas : Centaures, Loup-Garou, Hippogriffe, Sphinx, Manticore.


2) LES CRÉATURES ISSUES DE L’IMAGINATION DE L’AUTEUR
Toutes ces inspirations mythiques et légendaires ont nourri l’imaginaire de J.K Rowling qui a ensuite créé pour son univers d’encre et de papier ses propres créatures.
LES SOMBRALS : Le Sombral est un cheval ailé noir squelettique à tête de dragon et aux yeux blancs, dont les ailes ressemblent à celles d’une chauve-souris. Ce sont eux qui tirent les diligences qui mènent les étudiants à Poudlard : ils n’apparaissent qu’à ceux qui ont déjà été confronté à la mort, autrement, ils sont invisibles.
L'ABRAXAN : L’Abraxan est également un cheval ailé mais d’une très grande élégance : sa robe est dorée et son crin d’un blanc étincelant. De très grande taille, ils sont forts et robustes : ce sont eux qui portent les carrosses du clan Beauxbâtons.
LE STRANGULOT : Le Strangulot est un démon aquatique anthropomorphe qui vit dans les lacs. Son crâne est surmonté de deux cornes, ses yeux sont blancs, ses dents acérées, sa peau est pâle et verdâtre et ses pieds sont palmés. Ses doigts longs et fins lui permettent d’attraper et d’étrangler sa proie plus aisément.
SCROUTT A PETARD : Le Scroutt à Pétard est une créature agressive mi-manticore, mi-crabe de feu créée par Hagrid. Elle est dénuée de tête, sa carapace est grise et épaisse, et elle possède de nombreuses pattes desquelles jaillissent des étincelles. A l’âge adulte, elle atteint une taille de trois mètres. Le Scroutt à pétard mâle est muni d’un dard pour piquer sa proie, la femelle d’une ventouse sur l’abdomen pour aspirer son sang. Ils sont dits « à pétards » en raison de leur capacité à bondir grâce aux étincelles produites par leurs extrémités.
LE BOTRUC : Le Botruc est une créature humanoïde d’une vingtaine de centimètres au corps constitué d’écorces et de brindilles qui vit dans les arbres. Son allure imite l’arbre auquel il "appartient", celui dont il est le gardien. Il possède des petits yeux marrons sur un visage plat semblable à un morceau d’écorce. Ses membres longs et pointus s’apparentent à des branches. Le Botruc est un être relativement pacifique, sauf si son arbre est attaqué.
De haut en bas : Sombral, Strangulot, Abraxan, Scroutt à Pétard, Botruc
 Emilie-Marie GIOANNI



        ANIMALITÉ

_OEUVRES TAXIDERMIQUES - 1998 - 2007

Thomas Grünfeld 

Quels désirs inouïs peuvent donner naissance à une autruche à tête de girafe ?

Certaines pièces du travail "Misfits" de Thomas Grünfeld - Taxidermie
Thomas Grünfeld, né le 29 juin 1956 à Opladen, en Allemagne, est un artiste/taxidermiste allemand s'exprimant sur de nombreux médiums, il travaille aussi bien la peinture, la sculpture, la taxidermie que la photographie depuis les années 2000. Les pièces de Thomas Grünfeld sont toujours ambiguës, hybrides plutôt. Elles provoquent, chez le spectateur, séduction et malaise et suscitent de profondes interrogations sur la nature de l’art, Les "Misfits" (Collages de différents animaux ensemble) font partis de la première COLLECTION dans laquelle l'artiste s'est engagé. "Dans le paradoxe entre leur apparence familière et leur inadéquation à notre expérience vécue, les "Misfits" instaurent une dialectique du réel et de l’imaginaire" (CNAP). Le terme Hybridation est donc ici parfaitement illustré, cette confrontation animale destinée à la représentation d'un seul est tout aussi atypique que paranormal, abrupt, jubilatoire, irréel et j'en passe ...

Franck GROSSEL



LA TRANSFORMATION DE L'HOMME           SELF HYBRIDATIONS ET MÉCANISMES NATURELS

_MAN STILL


« Man Still » Gilles BARBIER ; FIAC 2013, hors les murs, jardin des plantes.


Man Still, ou quand la sculpture prend vie et devient nature. Cette sculpture issue de la série « Still People » (qui est un dérivé de « nature morte ») propose une hybridation de l'artiste en homme/jardin.
Gille Barbier réalise depuis plusieurs années des sculptures dans lesquelles il se met en scène. Il s'inscrit dans ses sculptures et fait passer un message à travers des réalisations mettant en lumière l’influence du temps, de la méditation et de la société dans laquelle on vit.

La sculpture Man Still peut être interprétée comme étant un messager du temps qui s’écoule et contre lequel on lutte en s’imposant un rythme de vie effréné. A l’inverse, G. Barbier montre une représentation d’un homme à contre temps adoptant une posture méditative, contemplative de la profondeur des choses, sondant son esprit. Ce même homme « à l’arrêt » cesse de s’opposer à la nature et la laisse venir à lui, l’envahir et le recouvrir.

Une forme d’unité se crée alors entre l’homme et la nature où l’homme effectuerait un acte de retrait de la vie et deviendrait le socle de la nature, ce sur quoi elle repose ;

Le temps s’arrête, ils s'hybrident, ils fusionnent.


François-Marie VAILLANT


_HYBRIDATION, ENTRE RÉALITÉ ET FICTION


Orlan est née le 30 mai 1947 à Sant-Etienne. C’est une artiste française multidisciplinaire, elle s’exprime à travers la peinture, sculpture, installation, performance, photographie, images numériques et biotechnologie.
Dans les années 60, Orlan travaille avec son corps et le transforme en lui ajoutant des implants par exemple. Elle crée un corps hybride et propose de multiple réflexions sur l’image du corps dans notre société. Cet art « charnel », comme elle le définit elle-même, nous amène à faire un parallèle avec la chirurgie esthétique. Nous sommes de plus en plus dans une recherche de l’excellence physique et sociale et modifier son propre corps apparait pour certains comme la réponse à ce problème. L'avis du philosophe français Bernard Andries est ici intéressant: « Un corps à soi est la possibilité de se construire une identité en utilisant les progrès technoscientifiques qui transforment les données naturelles.
L’hybridation consiste ici à introduire dans son corps des produits, des outils, des machines qui donnent une nouvelle identité : l’identité hybridée n’est plus l’identité naturelle que nous avons héritée de nos parents… Ce corps d’identité est composite, mélangé et hybridé comme en témoignent les piercings, les prothèses, les implants, les rôles sociaux, les genres et postures… Mais ces hybrides […] font désormais partie de la représentation d’un corps amélioré, choisi et individuel ». Peu de gens se pensent hybrides pourtant tout ce que nous modifions dans notre corps participe à une forme d’hybridation comme les piercings, tous les types d’implants qu’ils aient pour but de modifier une partie du corps comme les implants mammaires ou bien comme chez Orlan juste ajoutés.
Orlan, elle, modifie son corps et va à l'inverse de la tendance et de l'esthétisme collectif et crée avec son propre corps uns sorte d’hybride mi-humain et mi-créature fantastique.
Elle continue ce travail avec, dans les années 90, la série des Self-Hybridations. Cette fois ci tout n’est que fiction ; elle ne touche pas à son propre corps, mais travaille sur l'image.

Self-Hybridation, série indienne-américaine #17 : portrait peint de Sha-có-pay, Le Six, Chef des plaines Ojibwa, avec un portrait photographique d’ORLAN, 2006, Photographie numérique, 152,5 x 124,5 cm
Dans la série des self-hybridation Orlan travaille par morphing à partir de portraits ethniques, africains, mexicains, asiatiques ou encore indiens. Ces photographies peuvent être comprises comme d’autres transformations chirurgicales pourtant tout ici n’est que photographie. Comme elle l’explique: « J’ai toujours cherché à brouiller les cartes, à transformer le réel en virtuel et vice-versa ». Le spectateur ne sait plus ce qui appartient au réel ou au virtuel. Ici, elle s'inspire d'un portrait peint de Sha-có-pay, Le Six, Chef des plaines Ojibwa. Son visage n'est pas reconnaissable bien que dans la plupart de ses portraits hybrides, elle mette en valeur les deux implants qu'elle a sur les tempes. Le code vestimentaire, les ornementations telles que la peinture ou la décoration dans les cheveux sont respectés ainsi que la posture et le regard droit.
Orlan nous montre que nous ne sommes plus naturels à partir du moment où nous sommes dans un cadre socio-culturel. En effet la culture nous impose déjà des transformations qui peuvent être considérées comme des hybridations. Nous sommes donc déjà hybride, une partie naturelle qui nous permet de nous identifier au même genre humain mais mélangé avec une autre partie qui diffère et permet de signifier les groupes culturels qui nous composent.


Myriam BURGAUD



_LA BEAUTÉ SAUVAGE DE MC QUEEN

Anticonformiste, futuriste et romantique, le style d'Alexander McQueen en impose dans l'univers de la mode. Alexander McQueen est un personnage hors norme, aux créations avant-gardistes. Surnommé "le hooligan de la mode", le couturier britannique Alexander McQueen, de son vrai nom Lee Alexander McQueen, naît à Londres en 1969. L'« Enfant terrible » était l'un des plus grands espoirs de la mode. Son ascension fulgurante fut hélas brisée par son suicide en février 2010.
"Les gens trouvent mes réalisations parfois agressives. Mais je ne vois pas cela comme agressif. Je le vois comme romantique, la face sombre de la personnalité. " - Alexander McQueen.
Dans les années 2000, les créateurs avant-gardistes façonnent le vêtement pour transformer radicalement la perception du corps.
La nature est une source d’inspiration pour les créations de McQueen, elle est aussi un thème central, sinon le thème central, du romantisme. Ainsi, McQueen prenait ses inspirations, formes et matières premières dans le monde naturel. D’autre part, les «fantaisies sombres» du poète Romantique Edgar Allan Poe alimentent l'imaginaire de McQueen. Comme le gothique victorien qui combine des éléments d'horreur et de romance, les collections de McQueen reflètent souvent des relations paradoxales comme la vie et la mort, la légèreté et l'obscurité, la mélancolie et la beauté.
Pour McQueen, comme pour les romantiques, la nature était aussi un lieu d'idées et de concepts. Inspiré par Charles Darwin "Sur l'origine des espèces" (1859), McQueen a été fasciné par l'anatomie humaine. Avec le corset 'Spine' il transforme le porteur en une créature hybride, qui est animal humain. La «colonne vertébrale» n'était à l'origine pas destinée à avoir une queue. Cependant, McQueen a demandé à Shaun Leane de faire une queue après avoir regardé le film d'horreur "The Omen" de Richard Donner où un chacal donne naissance à un enfant, fruit d'une fusion inconfortable de l'homme et l’animal.



L’évolution humaine était clairement reflétée dans sa collection l'Atlantide de Platon (printemps / été 2010). Le Designer sublimait la Nature romantiques par un futurisme technologique traitant de l'évolution de l'humanité et sa dévolution. L’Atlantide de Platon raconte un monde d’après la fonte des calottes glaciaires, devenu hostile et amphibie. Les visages des mannequins ont muté, leurs tempes s’ornent de nouveaux volumes, les jambes ressemblent à des pattes de batraciens. Les manteaux évoquent l’anatomie des pingouins. Il y a des robes-méduses. Les corps sont recouverts de corail parfois mort. Rouille, écailles, scaphandres.
“J’ai toujours aimé les mécanismes de la nature”, affirmait Alexander McQueen. Des bruits d’oiseaux et d’animaux résonnent dans la pièce, dont les murs sont recouverts de motifs floraux. Robes en plumes, fleurs et coquillages sont exposées.
 Photo Giovanni Giannoni 
Crédit Firstview, OLIVIER CLAISSEDR
L'amour de McQueen pour la nature et la métamorphose se traduit dans ces tenues. L'hybridation prend forme dans sa collection amphibie, comme une robe python-peau tendue, qui forme une seconde peau sur le modèle. Alexander McQueen, par la fusion humaine avec un animal, transforme le corps et notre perception de la beauté.
© TIM WALKER

« Les animaux me fascinent parce que vous pouvez trouver une force, une énergie, une crainte qui existe aussi dans le sexe."
- Alexander McQueen

Maxence DE COCK 

OUTIL DE DÉNONCIATION

_L'HYBRIDATION, OUTIL DE SATIRE


Francisco de Goya (1746-1828) est un peintre et graveur espagnol du début du XIXème siècle. Après avoir été l’élève du peintre Francisco Bayeu, dont il épousa d’ailleurs la sœur, il obtiendra de nombreuses récompenses telles que le second prix de peinture de l’Académie de Parme en 1771 ou encore le titre de membre de l’Académie Royale de San Fernando en 1780. Ce n’est que plus tard en 1786 qu’il sera nommé peintre officiel du roi d’Espagne. Il finira sa vie en France, à Bordeaux plus précisément pour des raisons politiques et de santé.
Principalement connu pour ses peintures, Goya réalisa également nombre de gravures et de caricatures. Dans la série de 80 gravures « Los caprichos » (qui signifie littéralement « les caprices » mais qui peut être interprété comme « les fantaisies »), Goya fait une critique de la société et de ses congénères à travers la représentation d’êtres étranges. Cette vision de créatures hybrides, mélange entre homme et animaux ou même monstres, rend d’autant plus ridicules les personnes représentées.

Capricho nº 63 "Miren que grabes! "
Dans le Capricho n°63 par exemple, on voit des créatures mi-hommes, mi-ânes, ou encore mi-oiseau de proie. Il s’agit ici d’une critique des nobles et des hommes d’église, représentés comme des vautours qui dirigent les paysans, eux assimilés à des ânes qui se laissent faire.
Dans ces gravures, Goya à su utiliser l’hybridation comme outil pour renforcer l’impact de ses satires.

Raphaëlle CAROFF



_ENTRE TERRE ET CIEL

Pierre et Gilles, tiré de l’exposition « Heros », 2014, techniques mixtes, Paris
Pierre et Gilles, pseudonymes de Pierre Commoy, photographe, et Gilles Blanchar, peintre, sont deux artistes ayant grandi dans des familles bourgeoises, dont ils détournèrent les codes à l’adolescence. Se rencontrant en 1976 à Paris, ils commencent une vie sentimentale et artistique commune, cette dernière inspirée par les couleurs criardes et saturées des affiches bollywoodiennes. Ils se revendiquent comme des artisans, mélangeant pop, culture gay, art et religion, menant parfois presque jusqu’au blasphème. 
Ce dernier élément est particulièrement présent dans les anges de Pierre et Gilles. Fabriqué à base d’une photo prise d’un mannequin réel par Gilles, puis retouchée à la peinture et au glacis par Pierre, on y trouve un jeune homme ailé musclé, souvent nu, au corps huilé dans un environnement fantasque et criard. Pourtant, l’ange, messager entre le paradis et la terre, est historiquement représenté sous la forme d’un enfant pour symboliser l’innocence et empêcher toute attirance sexuelle. Ici, ces canons de beauté aux moues exagérées dégagent tout l’effet inverse. Ils reprennent ainsi les codes visuels de la représentation d’un ange, mais en font transpirer tout l’inverse. La mise en scène de ce qu’il y a de plus sacré est désinhibé par son caractère kitsch et sexuel.  Une satire de la société actuelle y est ainsi présentée, par l’opposition de la paix du paradis et de la folie terrestre. 
La décrédibilisassions du sacré moque ainsi les conservateurs religieux, par la mise en scène crue d’hommes hybrides.

Clara JOUAULT
      

PERTURBATIONS ROBOTIQUES


CORPS AUGMENTÉ

Stelarc, de son vrai nom Stelios Arcadov, né le 19 juin 1946 à Limassol est un artiste australien. Il est connu pour ses performances dans lesquelles il interroge l’impact des révolutions technologiques sur notre corps. Partant du principe selon lequel le corps humain est obsolète, il cherchera constamment non pas à en proposer des versions améliorées mais plutôt à en explorer une anatomie alternative, explorant les possibilités et limites de celui-ci. Beaucoup de gens voient la technologie liée au corps comme une nuisance à l’évolution, mais Stelarc lui pense tout le contraire. Le corps est selon lui une architecture évolutive qui mêlée à la technologie, permettrait de mieux prendre conscience de notre monde.
« Tous mes projets et performances se penchent sur l’augmentation prothétique du corps, que ce soit une augmentation par la machine, une augmentation virtuelle ou par des processus licornologique »
 Stelarc testant les limites du corps,
Event For Lateral Suspension, Tamura Gallery, Tokyo, 
12 Mars 1978, © Anthony Figallo

Stelarc proposera ainsi, au travers de performances, expérimentations, réalisations virtuelles, mêlant corps biologique et technologie, des versions hybrides du corps humain, des organismes issus du croisement de deux individus de deux variétés, à savoir ici l’homme et la machine. Il voit le corps comme un site d’accueil de la technologie, un support matériel, comme lorsqu’il se fait implanter une prothèse d’oreille en 2006 (Extra Ear) sous la peau de l’avant-bras par le biais de la chirurgie. La structure poreuse de l’oreille permis à celle-ci au cours du temps de faire biologiquement partie de son corps, et complété par un micro et un GPS, elle permettrait de capturer les bruits ambiants et de connecter l’homme et son corps à internet.
En somme, Stelarc, plus qu’un artiste, est un professeur, chercheur, et scientifique expérimenté, un homme soucieux de comprendre et d’explorer ce que nous sommes et le monde dans lequel nous évoluons.  Avec pour principaux sujets d’études l’intelligence artificielle et la possibilité d’une vie au-delà d’un corps biologiquement mort, il dépensera des sommes astronomiques et donnera beaucoup de moyens afin d’explorer au plus profond ce lien entre l’homme et la machine avec son propre corps le plus souvent, lui donnant la réputation d'être le premier cyborg de l'histoire humaine.
STELARC -Extra Ear, 2006, © Nina Sellars

_LES ÉTRANGES CRÉATURES DE CHRISTIAAN ZWANIKKEN


Aux frontières de l'art et de la technologie, l'artiste néerlandais Christiaan Zwanikken jongle allègrement entre robotique et biologie pour explorer avec humour la relation entre l'humain, la nature et la technologie et naviguer aux frontières de l'animé et de l'inanimé.



Il imagine des sculptures cinétiques et des installations composées d'étranges robots parleurs, qui émettent des gargouillements ou s'expriment dans un langage artificiel dont on ne reconnaît que des bribes.
Les sculptures de C. Zwanikken sont composées de pièces mécaniques, de capteurs électroniques, de microcontrôleurs, de membres robotisés en mouvement et de morceaux de squelettes, de plumes, de cornes, de dents, d'yeux, de becs.
Cette constitution naturelle et mécanique donne un caractère unique à ces êtres créés dans un monastère vieux de 400 ans situé au Portugal. C.Zwanikken travaille aussi à Amsterdam et New York.
Son travail a été largement exposé nationalement et internationalement et peut être trouvé dans la collection du Musée Stedelijk à Amsterdam, l'Institut d'Art de Médias des Pays-Bas et de nombreuses autres collections publiques et privées. 


Jean SENECAL

_LES BUDDHAS MECANIQUES DE WANG ZI WON

Wang zi Won est un artiste coréen né à Séoul en 1980. Après un accident de voiture, il a réalisé à quel point le corps humain est précieux. Il considère que le corps est la chose la plus importante qui relie l’homme à sa condition humaine. Pour lui, la destinée des humains est d’évoluer et de s’adapter à la science et à la technologie (tout comme les hommes et animaux ont évolué dans le passé pour s’adapter aux circonstances naturelles). Il représente les relations entre l’homme, la technologie et la science à travers des robots androïdes. Il considère que les hommes doivent échapper à la servitude humaine afin d’arriver à une harmonie entre les hommes et les machines qui peut selon lui être atteinte grâce à des pratiques religieuses et une illumination spirituelle. L’artiste n’a pas l’intention de mettre en valeur la religion avec ces icones bouddhistes mais simplement de refléter sa propre existence.


copyright : Snoutypig 2013

Ces automates de couleur blanche laquée font effectivement penser à des robots androïdes mais les rouages métalliques apparents leur donnent un côté plus mécanique. Ils représentent ainsi une hybridation du mécanique et de l'électronique, mais aussi et surtout de la technologie et de la spiritualité. Leur apparence simple et épurée peut être considérée comme impersonnelle et froide et contraste avec les représentations de buddha traditionnelles. Pourtant, leur mouvements lents et délicats donnent un côté paisible et méditatifs qui permet aux œuvres d’être dans leur ensemble très belles et poétiques.

Fanny Fauvarque




_A vous d'imaginer votre hybridation!_

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