mercredi 1 octobre 2014

NIKI DE SAINT PHALLE

EDITO




Niki de Saint Phalle, figure emblématique du XXe siècle, a su charmer le grand public par ses œuvres atypiques.
Le Grand Palais propose actuellement une rétrospective exceptionnelle de son travail. L’exposition est un véritable hommage à sa personnalité hors normes, permettant de découvrir l’étendue de son engagement artistique, féministe et politique. Si l'on connait principalement ses Nanas, l’exposition propose de découvrir toute la richesse de son travail et de sa vie, multipliant les angles d'approche. [Aurélia Maurin - Estelle Muller]



1. PORTRAIT




Niki de Saint Phalle (1930-2002) est une femme peintre, sculptrice et réalisatrice de films français.
Autodidacte, elle réalise ses premiers assemblages à partir de 1956. Elle collabore à plusieurs reprises avec son mari Jean Tinguely. Elle est principalement reconnue par le grand public grâce à ses tableaux Tirs puis ses fameuses Nanas, puissantes figures féminines. Ses œuvres sont marquées par son passé tourmenté, par la violence et l’angoisse, mais également par son engagement politique et féministe et sa joie de vivre. Intégrée au groupe des Nouveaux Réalistes à Paris, elle se distingue par la monumentalité de ses œuvres et les couleurs vives qui la rapprochent du Pop Art. [Yan Huang]


2. AUTOPORTRAIT - 1958-1959



Dans cette œuvre, Niki de Saint Phalle se représente sous des traits cadavériques, quasi fantomatiques. Son corps est composé de morceaux de céramique brisée, tranchants. Quelque chose en elle porte les stigmates de l’inceste commis par son père alors qu’elle avait onze ans.
Cet acte a fracturé en elle la confiance qu’elle avait en l’être humain. Peut-être retrace-t-elle cela aux travers des morceaux de céramique brisée. Elle retranscrit la violence du viol commis par son père : on sent un mouvement brutal dans la conception de cet autoportrait. [Laurila Burrati]


3. LES TIRS – 1961



L’œuvre Tirs est un tableau en format portrait de 175 cm de longueur et 80 cm de largeur, pesant de 60 à 80 kg. Le tableau est composé de plâtre, de peinture et de métal, il fût réalisé de manière intéressante et inhabituelle : Niki De Saint Phalle a mis des poches de peinture et d’encre sous une couche de plâtre puis a tiré à la carabine sur le tableau, explosant les poches de couleurs qui ont dégouliné sur le support.
Cette œuvre est aussi provocante qu'esthétique, par l'attitude de l'artiste, le choix des matériaux et les dégradés de couleurs causés par l’explosion des poches remplies de peinture.
De plus, elle possède une dimension violente dans la mesure où l'outil de l'artiste n’est autre qu’une arme à feu. Par ailleurs les coulures de peinture peuvent rappeler le sang coulant d’une blessure ou encore des larmes. [Paul Burgos]





4. LES NANAS 

En créant les Nanas, Niki De Saint Phalle transcenda le monde artistique en nous donnant un tout autre aperçu de la représentation du corps féminin. Les Nanas, ce sont des femmes géantes, potelées, aux postures élancées et parfois osées. Réalisées (au départ) à partir de papier mâché, de grillage, de fil et laine, ces femmes, abondamment colorées, n’eurent pas la renommée qu’elles méritaient lors de leur première présentation en France, choquant de par une vision sans doute trop moderne ou osée.
Autant admirées que détestées, ces chef-d’oeuvres aux drôles d’allures finiront par devenir dans les années 1980 des symboles du mouvement féministe, preuve que l’art est doué d’une force considérable et inépuisable. [Nicolas Boda]

5. LE CHEVAL ET LA MARIEE - 1964

« Le mariage, c’est la mort de l’individu », ainsi était la vision que Niki de St Phalle portait sur le mariage. Cette dernière est issue d’une famille bourgeoise et noble, où le mariage donne un statut « honorable ». C’est en 1964 que Niki crée une sculpture grandeur nature, appelée Le Cheval et la Mariée. A noter ici que le nom commun utilisé en premier est "cheval" et non pas "mariée", mettant ainsi la monture au premier plan.
Le cheval est composé d’une accumulation d’objets de récupération en tous genres et de toutes les couleurs, allant du jeux d’enfant à la boite d’œufs, le tout fixé sur une structure en grillage. L’artiste a créé sa structure avec peu de moyens, notamment ce que la société rejette. Le cheval fait ici penser aux chevaliers, puissants guerriers, maîtres de leur destin. La mariée, quant à elle, est faite de tissus et se distingue par sa couleur blanche ainsi que son côté fantomatique.
Nous sommes ici bien loin des contes de fées, où les mariées sont rayonnantes et pleines de vie. Celle-ci, au contraire, donne l’impression de suivre une voie toute tracée qui va à l’encontre de sa volonté. En effet, sa position en amazone rappelle les conventions ainsi que la manière d’être des filles de bonnes familles qui devaient se plier aux règles dictées par leurs parents. Effectivement, la femme ne devait pas monter à cheval comme un homme, ceci étant jugé disgracieux.
Niki se libère donc de cette vision de la femme par l’art et la création. Cette sculpture est, comme tant d’autres de ses œuvres, un hymne à la femme forte et libre. Niki de St Phalle en est d'ailleurs une icône. [Claire Brelivet]


6. HON - 1966



Niki de Saint Phalle est connue pour être une artiste non conventionnelle, et c'est au travers de l'art qu'elle se réalise elle-même bousculant aux travers de ses oeuvres l'image de la femme.
Avec Hon, exposée au Moderna Museet de Stockholm en 1966, Niki présente une femme allongée sous la forme d'une sculpture monumentale de 28m de longueur sur 9m de largeur et 6 mètres de hauteur : "Nous baptisâmes notre Déesse HON, ce qui signifie "Elle" en suédois".
Cette sculpture, étendue sur le dos avec les jambes écartées, était enceinte. Les visiteurs entraient dans la sculpture par son sexe. À l'intérieur, ils pouvaient découvrir plusieurs pièces. Une terrasse sur son ventre permettait d'avoir une vue panoramique sur les visiteurs qui s'approchaient mais aussi sur ses jambes peintes de couleurs vives.
On peut donc constater une grande part de féminité dans les œuvres de Niki de Saint Phalle et un goût prononcé pour la représentation féminine. [Antoine Dehillerin]


7. LE RÊVE DE DIANE - 1970



Le Rêve de Diane, est un œuvre réalisée en 1970. Elle est constituée d'un ensemble de figures en polyester peint.
Comme son nom l’indique, l’œuvre évoque les rêves, les chimères, l’imaginaire… Elle mêle ainsi des personnages variés, aussi bien effrayants, surprenants que joyeux et accueillants. En effet, nos rêves ne sont pas seulement faits de moments joyeux, il peut aussi s’agir de cauchemars, de craintes étouffées.
L’œuvre est surprenante de par son désordre et par ses couleurs vives contrastant avec le fond noir de l'espace où elle est présentée, pouvant évoquer la noirceur de la nuit. [Constance Chambaud]

8. LES MERES DEVORANTES - 1971


« Nous connaissons tous dans notre vie la bonne et la mauvaise mère. Autrement dit, j’ai déjà représenté la bonne mère avec les Nanas, je me consacre désormais à son antithèse, à cette mère qu’on aimerait ne pas être ». Niki de Saint Phalle est une femme révoltée, son but est de représenter la femme forte en prenant appuis sur son passé.
Les Mères dévorantes sont des sculptures de femme laides aux traits grossiers. Bourgeoises et dociles elles prennent le thé ou se remaquillent dans un miroir. C’est en fait une allusion directe à la mère de Niki qui derrière ses bonnes manière cachait une grande violence.
Dans le même but, la pièce adjacente de l’exposition est consacrée à ce « père prédateur » qui abusait d’elle étant enfant. Ces œuvres adoptent alors une dimension psychologique qui dépasse parfois leur nature de sculpture leur donnant ainsi une âme. [Alice Delsenne]


9. DADDY - 1972


Dans le film Daddy, Niki de Saint Phalle s’attaque à la figure du père (un père qui l’a violée lorsqu’elle avait onze ans).
Les premières scènes du film sont plutôt intenses : on voit l’artiste (vêtue comme un dandy) ouvrir puis contourner un cercueil contenant un phallus à taille humaine, devant la maison de son père. Ensuite, on entre dans l’intimité de son enfance, et des années qui suivirent.
Tout au long du film, Niki de Saint Phalle cherche probablement à reproduire un fantasme lié à son adolescence tourmentée, lorsqu’elle décide d’initier une jeune fille à de nouvelles expériences, fétichistes et malsaines. Elle met en place un genre de rituel, qui tend à heurter son père, lui qui est contraint de regarder, attaché.
A un autre moment, elle nous présente le père comme un chien, qui aboie et obéit à ses ordres. Elle revit avec lui les jeux de son enfance ("Blind man, blind man, show you can see. Turn around three times and try to catch me."), de manière perverse et intemporelle: en effet, elle se remémore ces scènes traumatiques en interprétant son propre rôle, à l’âge adulte, ce qui laisse entendre que les souvenirs dépassent la réalité, qu’ils sont encore bien vivants.
A la fin du film, elle tue son père à coups de carabine. "Daddy, I hate you". Une atmosphère lourde et froide, qui mettrait tout spectateur mal à l’aise, mais qui traduit souffrance, vengeance et obscénité de façon singulière. [Célia Ferrer]




10. LE JARDIN DES TAROTS

Jardin des tarots - vues d'ensemble

Jardin des tarots - L'impératrice

Se situant près de Garavicchio, en Toscane, le Jardin des Tarots est certainement l’œuvre la plus colossale de Niki de Saint-Phalle. En construction pendant près de 30 ans (1978-1993), ce jardin a été le fruit d’un travail collectif avec Jean Tinguely, son mari. Inspiré donc du jeu de tarot, on y retrouve la personnification de nombreuses cartes : la force, la justice, la papesse…
On compte en tout 22 statues pouvant mesurer jusqu’à 15 mètres de haut. La plus remarquable d’entre elles est sans aucun doute l’Impératrice. Construite depuis les années 1980-1981, cette statue géante inspirée des Nanas a été la maison de Niki de Saint-Phalle pendant quelques années. En effet, l’un des nombreux fantasmes de l’artiste était d’habiter une de ses sculptures et il faut savoir que l’intérieur est tout aussi détonnant que le projet. Les murs, tapissés d’une mosaïque de miroirs, donnent une impression perpétuelle de mouvement. C’est cet univers quelque peu décalé que l’on peu retrouver dans l’ensemble du parc.
Lors de la création de ce jardin, Niki a puisé dans son imaginaire et s’est aussi beaucoup inspirée d’autres artistes et lieux comme le Parc Güell de Gaudi à Barcelone ou encore les jardins de Bomarzo en Italie (aussi appelés parc des monstres). Ainsi, grâce à cette œuvre faite à son image, Niki de Saint-Phalle nous transporte dans une ambiance onirique et psychédélique.  [Margot Lenorais]

11. LA FONTAINE STRAVINSKY - 1983

Tout à côté de la grande esplanade du Centre Georges Pompidou dont les pavés gris accueillent chaque jour artistes de rue, peintres, clowns ou musiciens, la place Stravinsky héberge une autre fête. Un ballet de métal, d'eau et de couleurs. C'est ici que se trouve la Fontaine Stravinsky.

Elle est l'œuvre de Niki de St Phalle et son mari Jean Tinguely et a été réalisée en 1983, suite à une commande publique de Jacques Chirac, alors maire de Paris. Elle se compose de 16 sculptures dans un bassin de 580m2 qui rendent hommage au compositeur russe, Igor Stravinsky. Chacune d'entre elles fait référence à une de ses pièces musicales, l'oiseau de feu, le rossignol, l'éléphant, le renard... On y trouve aussi des éléments non figuratifs, comme une spirale. Certaines pièces tournoient, d'autres crachent de l'eau ou grincent à force d'avoir trop dansé. Ainsi sur le mur qui surplombe l'installation, se trouve depuis 2011 une grande fresque du street artiste Jef Aerosol, représentant un personnage qui semble dire "chuuuut!", le doigt sur les lèvres, aux sculptures colorées.


Dans cette œuvre, on devine sans difficulté la partie réalisée par Jean Tinguely. C'est la partie mécanique, les moteurs qui font danser 3 des statues ainsi que 7 des sculptures en aluminium et acier, dont les tiges et découpes fines contrastent avec les courbes et formes pleines du travail de son épouse.
Niki de St Phalle en a sculpté 6, en résine et acier, polychromes, joyeuses et généreuses.
On croirait voir une représentation de théâtre ou une pièce d'horlogerie. [Emilie Bethune]




12. NIKI ET JEAN TINGUELY

Niki et Tinguly lors de la construction du Golem
Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle se rencontrent pour la première fois en 1955 en pleine effervescence créative de l’après guerre. Il l’invite dans son atelier pour lui faire découvrir ses œuvres. A partir de ce moment commence une relation d’amitié faite de discussions, de balades à la recherche de matériaux pour Tinguely. Très vite, il est subjugué par la créativité de Niki. Et lui fait comprendre que la technique n’est rien, qu’elle s’apprend, et que le rêve est tout. Elle puisera en lui sa force et décidera de se consacrer pleinement à l’art. Elle est fascinée par sa liberté, exempt de tous codes sociaux ou de bienséance. C’est là que commence leur histoire d’amour si créatrice. Ils n’auront jamais d’enfant ensemble, mais ils créeront beaucoup l’un avec l’autre. Quand ils travaillent, un climat de compétition les poussent toujours, mais sans les aplatir. Cette rivalité les pousse vers le haut. Les personnes qui les entourent dans leur travail ont souvent dit qu’ils étaient dans un état d’excitation, de passion, sans jamais aucun remord, comme un état de transe. Ils prennent le monde comme témoin, et risquent tout.
En plus de fonctionner de la même manière et même ensemble, Tinguely va aider Niki à créer des œuvres monumentales. Grâce à ses capacités d’ingénieur, il va lui permettre toujours plus de liberté de création. Quand Niki fera le Golem à Jérusalem, Tinguely va réaliser la structure et en doubler la ferraille, de façon à ce que, si Jerusalem est attaquée, l'œuvre soit le dernier bâtiment debout.
Tinguely sera certainement la personne la plus importante dans sa vie personnelle et créative. A la mort de Jean Tinguely, elle décidera de ne pas laisser mourir ses œuvres comme il l’avait souhaité, elle les finira, les entretiendra, leur offrira un musée. Elle installera ses Métatinguely (sculptures mouvantes qu'elle aime tant) chez elle, dans son Jardin des Tarots, pour sentir sa présence . [Pauline BERNARD]


13. NIKI ET LES NOUVEAUX REALISTES 



Niki de Saint Phalle se lance dans la peinture en 1952 et est révélée au public grâce à son œuvre Les Tirs. En 1960, elle devient membre du groupe des Nouveaux Réalistes dans lequel elle incarne le lien entre le mouvement d'avant garde français et le Pop Art américain. Elle explore la représentation artistique du rôle de la femme. Le mouvement des Nouveaux Réalistes est né au début des années 1960 dans une société industrielle et consommatrice. Les artistes de ce mouvement explorent de nouveaux langages plastiques et intègrent à leur œuvres des éléments du quotidien urbain et industriel. On peut citer comme œuvre de Niki de Saint Phalle la Crucifixion, faite en 1965, qui est un assemblage d'objets divers. [Camille RENARD]

14. QUI SONT LES NOUVEAUX REALISTES ?

Arman , violon bronze et plexiglas, 1981
Les Nouveaux Réalistes, qui sont-ils ? Ce collectif d'artistes, peintres, sculpteurs, dessinateur,s plasticiens regroupés par le critique Pierre Restany, a pour objectif de présenter une nouvelle vision du monde, une nouvelle vision du réel. En s'associant, ils décident de mettre en avant leur prise de conscience du réel en organisant diverses manifestations artistiques. Leurs œuvres, mélange d'anthropométries, de compressions, d'envers d'affiches, d'accumulations, puisent leur singularité au sein des matériaux utilisés autant que dans l'attitude des artiste à s'approprier le réel et la vie.
Ainsi, Yves Klein explore les monochromes, Arman démantibule des violons, César compresse des automobiles, François Dufrêne, Raymond Hains et Jacques Villeglé s'intéressent aux affiches déchirées, Martial Raysse met en scène une série de "Tableaux-objets" dénonçant la société de consommation, Jean Tinguely réinvente la mécanique , Daniel Spoerri immortalise les repas, et Pierre Restany publie deux manifestes, témoins de leur mouvement (Manifeste du Nouveau Réalisme, 1960 ; 40° au-dessus de Dada, 1961). César, Mimmo Rotella, Gérard Deschamps, Christo et Niki de Saint-Phalle les rejoignent quelques temps plus tard. [Claire Dugast]



15. NIKI ET LE FEMINISME

Niki de Saint Phalle, autant féminine que féministe, évoque souvent le statut de la femme dans ses œuvres. Ses sculptures, comme les Nanas ou encore Hon/Elle , représentent les femmes comme des guerrières hautes en couleurs et en courbes, qui s’emparent du monde pour prendre le pouvoir sur les hommes. Victime d'inceste dès son plus jeune âge, Niki a connu la domination homme-femme tôt dans sa vie et s’est ainsi forgée une opinion sur cette question, qu’elle ne s’est jamais privée d’exprimer de manière artistique. Ce fut la première « femme-artiste » à donner son point de vue féministe et politique avant même que le féminisme s’impose en tant que mouvement, c’est pourquoi on peut la considérer comme une pré-féministe. [Clémence Pujo]


16. NIKI ET LA LUTTE CONTRE LE SIDA



Le SIDA est une maladie infectieuse et contagieuse transmissible par voie sexuelle ou sanguine. Elle est apparue à la fin des années 70 aux Etats Unis touchant particulièrement les homosexuels et s’est propagée peu de temps après en France. Des artistes ont pris à cœur cette lutte contre le SIDA et notamment Niki de Saint Phalle. Artiste engagée mi-française mi-américaine du groupe des Nouveaux Réalistes, elle dénonce l’inceste dans les familles et lutte contre le sida. C’est une des premières à se servir de l’art pour attirer l’attention sur les ravages de cette maladie. En 1990 est paru son livre Le SIDA tu ne l’ attraperas pas… En 1992, elle a écrit Le SIDA c’est facile à éviter. Dans ces livres, elle a choisi de faire des dessins pour montrer comment éviter la contamination et le texte est uniquement là pour nous expliquer. [Pauline Dilosquer]

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