mardi 1 mars 2016

MONEY MONEY MONEY

Argent, monnaie, billet, spéculation, financement, commerce, société de consommation, tant de mots qui tourbillonnent dans le flux des informations économiques. Loin de l’univers de la création, l’argent inspire pourtant les artistes qui œuvrent à le critiquer, à le sublimer ou encore à le détourner. Nous vous proposons un aperçu du travail d’artistes divers, principalement contemporains, mais aussi plus anciens qui se sont intéressés à la place que l'argent prend dans nos sociétés, de Quentin Metzis qui au XVIème siècle critique l'avarice ou la cupidité, au Street artiste SPY qui dénonce la crise économique actuelle en Espagne.
Louise Roussière et Solène Gloux



1 - L'argent détourné


L'argent de la Princesse

En 2004, le street artiste Banksy fait sensation en s'attaquant à 2 symboles de l'Angleterre.
L'œuvre parodie un billet britannique de 10 £ du milieu des années 2000, remplaçant le visage de la Reine Elizabeth par celui de Diana, la Princesse de Galles. Au sommet de l'envers du billet on peut lire, "Banksy d'Angleterre" à la place de "la Banque d'Angleterre." Le billet reste en grande partie inchangé à part la légende : "n'a confiance en personne" dans le coin inférieur droit. D'un poids d'à peu près 1.32 g, les billets sont imprimés avec des encres sur un papier presque identique à celui utilisé pour la monnaie officielle du Royaume-Uni.
Banksy, connu pour son art satirique et subversif, a créé une grande quantité de billets en août 2004. Un rouleau entier a même été jeté dans la foule au Carnaval de Notting Hill cette année-là. Certains de ces billets ont été utilisés par des visiteurs de festival comme de la monnaie réelle, incitant Banksy à cesser la distribution. Il a réutilisé l'image du billet plus tard dans une lithographie commémorant la mort de la Princesse Diana et aussi en 2009 avec l'œuvre "Million de Serviette Livres."
Faux billet de 10 £ créé par Banksy, 9 x 15 cm
Maxime ROUSSET

C'est dol'art

Lewis Bannister, anciennement connu sous le nom de Jive Copymenot, est un artiste graphiste facétieux. En 2002, il signe son travail « Jive Copymenot » et met en scène un petit personnage qui a l'apparence d'une bombe aérosol. Il gardera ce pseudo pendant près de 10 ans pour finalement, sous les conseils de Ben Oakley, prendre son vrai nom en 2011.
 Jive Copymenot "personnage bombe aérosol"
Hormis le fait qu’il aime peindre sur des supports aussi variés qu’inhabituels, comme les timbres, le bois, le polystyrène, le plastique, la toile ou le papier, nous savons peu de chose sur cet artiste. Lewis Bannister est surtout reconnu pour ses séries de billets copiés et revisités. Ces réalisations mélangent argent et comique. Le contraste fonctionne bien, le sérieux du billet est balayé par l’imagination de Bannister. Marquer un billet lui fait perdre de sa valeur tandis que Lewis leur en donne. Vendues aux enchères, ses œuvres décalées se vendent actuellement plusieurs centaines de fois leur valeur initiale. En Novembre 2012, Il fait sa première exposition « For the Love of Money » en solo à l’Epoch Art Gallery, dans le sud de Londres.
Lewis Bannister "Strangle Hole"
Vincent LAGADOU



Petites monnaies deviendra grande ! 

Mark Wagner débute sa carrière en travaillant l'édition et l'écriture. Il se spécialise ensuite dans le collage, un travail méticuleux qui demande précision et patience. Cet artiste américain s'attaque au sujet tabou qu'est l'argent en prenant le parti de créer à partir de morceaux de billets d'un dollar, symbole de la vitalité, de la puissance américaine.
Il réalise ainsi des portraits hors normes à l'aide de son scalpel en s'inspirant d'icônes clefs de la culture américaine ou d’œuvres célèbres. Il réinterprète ainsi La Joconde de Léonard de Vinci ou American Gothic de Grant Wood.
Mark Wagner exécute un travail graphique d'illustration et de détournement à travers ses assemblages portant un regard critique et amusé sur l'art, l'argent, la société américaine, la notion de valeur…

Mona Lisa par Mark Wagner
Mark Wagner - American Gothic

Elise BUNOUF

Pouvoir, domination et luxe

L’argent, aussi appelé l'œil du diable, joue un étrange jeu de fascination dans nos sociétés.Les gens sont très préoccupés par l'idée de faire plus d'argent et renoncent à beaucoup pour en gagner plus. Il est connu que l'argent ne fait pas le bonheur, mais nous ne pouvons pas vivre sans. Il représente une nécessité qui semble parfois dominer notre vie.L'argent offre pouvoir, domination, luxe. Donc, si vous voulez impressionner vos invités et créer une atmosphère de luxe et d'élégance, vous pouvez choisir ce canapé spécial conçu par Johnny Swing. C’est une pièce originale et intéressante construite par un assemblage de nombreuses pièces de monnaie. Ce canapé donne l'impression de richesse, de puissance et les pièces brillantes créent une sensation le luxe et vous font croire que vous pouvez être un roi, une reine. Cela vous rendra-t-il meilleur ???

Johnny Swing, All the king's men, 2010, acier inoxydable

Anne-Sophie FLORES SALEUN

2 - La monnaie adulée

L'obsession du dollar


Salvador Dali est sans doute le peintre le plus énigmatique de l’histoire de l’Art du XXème siècle. Sa personnalité extravagante, son immense parcours et son délirant surréalisme fantastique interrogent, étonnent, fascinent, énervent, exaspèrent… Pendant des décennies, des scientifiques, des critiques et des psychologues se sont penchés sur les étranges créations du génial artiste catalan dans le but de comprendre le sens profond de sa peinture. "L'Apothéose du Dollar" a été qualifiée de réponse à l’anagramme d’André Breton "Salvador Dali – Avida dollars". Dans cette toile, comme dans son Théâtre-Musée, Dalí exprime toutes les tendances, les mythes et les obsessions qui l’ont accompagné au long de sa vie. Duchamp à gauche habillé en Louis XIV avec le joueur de luth de Watteau sur la tête. José Nieto, le « logeur » de Las Meninas, qui apparaît jusqu’à trois fois. À côté de Duchamp-Louis XIV, le profil d’Hermès de Praxitèle, avec sur l’ombre de son nez, la figure de Goethe et sur la commissure des lèvres, le portrait de Vermeer de Delft. À droite, Dalí fait son autoportrait, comme Vélasquez, en train de peindre Gala ; à côté de celle-ci apparaît la double image du visage de Béatrice de Dante, qui est en même temps un Don Quichotte agenouillé. Au-dessus, on peut contempler les armées vaincues de Napoléon, alors que dans la partie supérieure gauche, on distingue les soldats de la bataille de Tétouan en plein effort.
Xiaoyu TANG
L'apothéose du Dollar, Dali, 1970 
L’APOTHEOSE DU DOLLAR (by Salvador Dali)

"Ici Salvador Dali

Nommé par un anagramme par André Breton :

Avida Dollars

Lequel anagramme avait été fait avec une petite mauvaise intention

Croyant me gêner.

Au contraire, c’était le mot magique
Qui a fait que depuis ce moment
Les dollars ont plu sur ma tête
Comme une véritable divine diahrrée.
Ce qui fait que depuis je m’endors chaque nuit
De plus en plus entouré de satisfaction
Parce qu’il y a rien au monde
Qui me procure autant de satisfaction
Que sentir cette pluie monotone et divine de dollars."


Le prix de nos désirs

200 One Dollar Bill Andy Warhol
Deux cent billets de un dollar disposé en dix colonnes, voilà ce qui compose cette toile d'Andy Warhol, aux allures d’une planche à billets monumentale. Cette œuvre réalisée dans la même optique que les boites de soupe de Campbell fait référence à la société de consommation américaine des années 60. Pour Warhol c’est grâce aux billets que l’on achète des produits. Il est donc à l’origine de la consommation de masse et de la richesse. Sérigraphiant les billets comme on les imprime il nous met face à un véritable mur d’argent, que nous idolâtrons et désirons : c’est là le symbole de l’argent.
Gaëtan GUILLAUMIN


Quentin Metzis - « Le prêteur et sa femme » 

Quentin Metzis est un artiste est un peintre flamand du XVème siècle (1466-1530). Il est connu pour ses œuvres religieuses et ses portraits où il accentue les grimaces des personnages créant parfois des œuvres grotesques et caricaturales.
Quentin Metsis, « Le Prêteur et sa femme », (1514), Huile sur panneau (71x68cm)
« Le Prêteur et sa femme » (1514) semble être une scène de genre classique de la Renaissance : on y voit un banquier et sa femme tous les deux assis derrière une table sur laquelle sont posés des bijoux et l'or. Plusieurs indices en font une œuvre moralisatrice qui incite les riches de l'époque à être plus raisonnables et plus chrétiens dans la pratique de leurs affaires. La femme du prêteur est en train de lire un livre saint mais semble distraite par son mari qui pèse son or ; elle détourne son regard des textes sacrés pour regarder ce qu'il fait. L'argent deviendrait-il plus important que la religion ?
La façon dont sont organisés les objets et la minutie des détails font penser aux historiens qu'il s'agit peut-être d'une composition perdue de Van Eyck reprise par Quentin Metzis.

Pierre Yves LASCOLS

3 – Le fric critiqué

Heartfield le critique des financements Nazis

Antifasciste confirmé, John Heartfield demeure l’un des premiers artistes à exploiter les possibilités du photomontage. Associé au mouvement Dada, il a aussi cette particularité de ne pas considérer son art comme une fin en soi, mais plutôt comme un outil au service de ses engagements. Les finances du parti Nazi sont un sujet de critique qui semble tenir à cœur à ce graphiste et affichiste avant-gardiste. En effet, moins d’un an après avoir monté "Adolph le surhomme, avale de l’or et recrache des insanités", il publie "Hjalmar et le déficit grandissant" en première de couverture d’AIZ. Cette image montre Hjalmar Horace Greeley Schacht, le Ministre de l’économie, grimé en magicien affable tenant un reichsmark en équilibre du bout de sa baguette magique. Le photomontage a pour but d’exposer et de critiquer les manigances financières du politicien qui fut, par la suite, jugé au procès de Nuremberg pour sa contribution à préparer l’économie de guerre. La pièce de monnaie, élément clé de la composition, reste l’objet principal de l’illustration et questionne la responsabilité de Hjalmar Schacht dans l’organisation de l’accroissement de la dette publique et des financements Nazis.
Première de couverture d’AIZ
« Adolf le surhomme avale de l’or et recrache des insanités », 
1932, 33x24,1 cm

Marine CORRÉ et Nicolas BLUTEAU

Un choix à bas prix

Le baiser de l'artiste d'ORLAN fit scandale à la Foire internationale d'art contemporain de 1977. En effet, c'est en s'invitant à cette exposition qu'Orlan mit en place une performance pour le moins osée. Cette performance repose sur un discours féministe qui prône l'émancipation de la femme : Elle ne pourrait qu'être La Sainte Marie ou Marie-Madeleine la prostituée. D'un côté, il y avait Sainte ORLAN, une photo d'elle grandeur nature en madone collé sur bois où l'on pouvait déposer un cierge pour cinq francs. De l'autre, ORLAN-corps, où se trouvait une photo de son buste collé sur bois derrière laquelle elle se glissait. On pouvait mettre une pièce de cinq francs dans le buste où il y avait une fente. La pièce tombait ensuite dans l'œsophage en plastique puis arrivait dans le pubis tiroir, transparent. Un de ses seins clignotait ensuite en rouge puis elle disait: «Cinq francs. Pour cinq francs, qui n’a pas son petit baiser ? Enfin une œuvre conceptuelle à la portée de toutes les bourses. A 5 francs, ne vous censurez pas.» L'argent ne servait que de révélateur. Il fallait faire son choix sans la contrainte de l'argent, c'est pourquoi le prix était abordable à tous. Que tout le monde puissent échanger «Le Baiser de l'artiste». La proposition suscita le scandale et fit réagir. Il y avait quelque chose de provocant dans le baiser plus que langoureux qu'elle donnait en échange d'une pièce d'argent. Si son attitude affirmée et féministe, dénonciatrice ne lui permit pas d'avoir un large soutien, elle en tira une reconnaissance et s'inscrivit dans le champ d'un art contemporain vivant, décapant, engagé, qui allait bousculer l'art de cette époque.
Son œuvre fut célébrée et reconnue lors des 30 ans de la FIAC pour avoir fait autant parler d'elle.

Le baiser de l’artiste, Orlan, 1977
Adélie PAYET

L’argent, empreinte d’une histoire

Aux Etat-Unis, à Philadelphie, un homme à une relation particulière avec l'argent. En effet, l'artiste Stacey Lee Webber, s'en sert pour faire d'étonnantes sculptures. Son travail consiste à souder de nombreuses pièces de monnaies entre elles, parfois en les tordant, les découpant... défiant ainsi les qualités plastiques de la matière.
Son travail rassemble à la fois à des bijoux, des objets de quotidien et des outils. A travers ses créations il vient rappeler le rôle important des familles ouvrières qui sont aujourd'hui le cœur de la culture américaine. Il porte un regard critique sur le capitalisme qui exploite le travail.

Sledge Hammer,  The Craftsmen Series, pennies, 2011
Shovels, The Craftsmen Series, brass, pennies, 2011 
Jérôme BOISSIÈRE



Mur pailleté

« Crisis », puissante et saisissante l’œuvre du street artiste SpY, ravit la population de Bilbao. L’installation conceptuelle et brillante est dans l’air du temps. Alors que la crise touche la population, l’artiste met en place une création ironique. Celle ci d’une valeur de 1000 euros est composée de 50 000 pièces de 2 centimes qui dessinent le mot « Crisis » sur l’une des façades historique de Bilbao. Les passants interloqués y viennent pour remplir leur porte monnaie. L’œuvre n’aura existé que 24h.
L’artiste a pour habitude de se tourner vers une palette infinie d’objets et de matériaux qui l’entourent pour créer des installations "conceptuelles" de l’art stand-out où il invite le public à participer.

Crisis, installation street art de SpY, Bilbao, 2015
Delphine MAZIOL

4 - vanités

Fragilité d'un avenir incertain

L'artiste peintre Yan Pei-Ming s'inspire souvent dans son travail, de l'image de notre société.
Son œuvre Autoportrait à un dollar F56789603H dénonce l'influence de l'économie et de la culture américaine à travers le monde. En utilisant une échelle surdimensionnée, en travaillant avec l'aquarelle noire qui se délave sur le papier, en dessinant un crâne ricanant, l'artiste dénonce la puissance destructrice, la vanité de l'argent. 
Autoportrait à un dollar F56789603H, 2009, Yan Pei-Ming
Céline VÉPA


Le fric, pas si chic

Warning, de Luz Forero, est clairement une attaque à ce qui régit nos vies, ce qui définit notre position sociale, et aussi ce qui parfois nous pousse à avoir des comportements qui s’éloignent de tout Humanité… L’argent. L’œuvre, une acrylique sur toile contrecollée sur bois avec 529 pièces de 20 centimes d’euros, a pour sous titre «Capacité humaine à provoquer des effets néfastes sur toute forme de vie. »
Cette œuvre véhicule trois notions phares : l'accumulation, l’argent, la mort. 529 pièces collées côte à côte forment un ensemble rythmé, qui vient se superposer à l'image d'un masque à gaz (aux allures de tête de mort).
Ce qu’il y a d’intéressant dans l’œuvre de Luz Forero, c’est qu’elle utilise les caractéristiques naturelles de la monnaie : les pièces neuves (de l’argent presque neutre, sans passé) vont peu à peu se salir, s’oxyder, à leur rythme, comme lors de leurs passages de main en main. On peut aussi apparenter ce changement d’état de brillant à sale à certains humains qui tombent dans la fraude, la corruption, la dépravation en faveur de cet argent.
Sous la trame dorée des pièces, le masque à gaz et le titre de l'œuvre induisent une lecture moins brillante : l'artiste dénonce le pouvoir destructeur de l'argent et des hommes.

Luz Forero - WARNING - 60x60 cm.  
Acrylique sur toile contrecollée sur bois avec 529 pièces de 20 centimes d’euros

Marie MOTTE 


Porte-monnaie minéral

Hiroshi Itoh, sculpture en pierre, 

Hirotishi Itoh sculpte des pierres avec une telle minutie qu’il parvient à créer une sorte d’illusion d’optique. En effet, avec de simples cailloux, Hirotoshi arrive à créer des objets de la vie quotidienne, tels que des vêtements, des porte-monnaie, des jeux de cartes, de la nourriture, etc.
On parle alors d’anthropomorphisme de la nature morte, une expression bien compliquée qui parle de la déstructuration de la matière en transformant avec finesse et justesse la nature d’un objet.
Le souci du détail est le secret de l’artiste : la pierre est tant de fois polie, fondue, durcie que l’on se prendrait à penser que la texture n’est plus la même.
Il met alors en scène un paradoxe entre le résultat qui paraît si souple et doux alors qu’en réalité sa matière première est faite de pierres.
Il transforme et retravaille la pierre puis la met en scène dans des situations impossibles, proposant des formes parfois dérangeantes.
Avec Hirotoshi, la pierre se transforme, elle devient autre : des œuvres minérales improbables et très surprenantes.
En réalisant sa "pierre porte monnaie" il crée assemble deux univers très différents, celui de la nature et celui de l'économie. Les deux une fois réunis représenteraient peut être l’austérité et le sérieux que peut parfois prendre l’argent, ? Veut-il nous montrer la valeur que contiennent les pierres ? Veut-il nous dire que tout cela ne vaut pas plus qu'un caillou ?
Marine GUY

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