Monochrome : une seule couleur. De son étymologie grecque mono signifiant
seul et chroma la couleur, le monochrome désigne une œuvre composée d’une
unique couleur, nuance ou valeur. Son apparition dans les années 1910 remet en
cause les manières traditionnelles d’envisager la création et renouvelle les
pratiques artistiques. Autrefois qualifiant un camaïeu ou une grisaille dans
l’histoire de l’art, il devient au 20e siècle, un substantif, puis un genre à part entière.
A travers les propos et les œuvres de certains artistes, nous
allons découvrir pourquoi ils réduisent la peinture à une
unique couleur, vide de représentation, pleine de sens, de vibration, de sensibilité, de poésie, de revendications, de…
Morgane AMORIN
Lise LESCOUBLET
Alphonse Allais : le précurseur moqueur
Combat de Nègres dans une Cave, Pendant la Nuit. Reproduction du tableau de Paul Bilhaud |
Alphonse Allais, Première Communion de Jeunes Filles Chlorotiques par un Temps de Neige - 1882 |
Mais en 1882, l’écrivain se tourne vers une autre pratique que l’écriture, la peinture ! Son inspiration lui est venue de l’artiste Paul Bilhaud, alors qu’il découvrait son monochrome noir intitulé « Combat de nègres dans une cave pendant la nuit ». Ce gag l’a beaucoup amusé et il a ensuite décidé de s’inspirer de ce principe-là. Son premier monochrome sera blanc et s’intitulera « Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige ». Au fil des années, il en peindra plusieurs de cette série (bleu, rouge, vert, gris et jaune) toujours accompagné d'une petite phrase humoristique. Grâce à l’écriture, Alphonse Allais, arrive à animer ses monochromes et donne une direction humoristique à notre imagination.
Justine COUGNAUD
Kasimir Malevitch : le père du monochrome
Kasimir Malevitch, Carré blanc sur fond blanc |
Kasimir Malevitch, personnage emblématique de la peinture abstraite et créateur du « suprématisme », est un peintre, dessinateur, sculpteur et théoricien russe né à Kiev en 1878.
En 1918, Malevitch réalise « Carré blanc sur fond blanc », œuvre considéré comme la première œuvre monochrome de la peinture contemporaine et créant dans le même temps le « suprématisme ». Après la guerre et le changement de régime en Russie, les artistes russes révolutionnent l'histoire de l'art sur inventant de nouvelles bases en s’affranchissant de toutes contraintes. Mesurant 78,7 sur 78,7 cm, cette huile sur toile est aujourd’hui conservée au Musée d'Art moderne (MOMA) à New York. Composée comme son nom l'indique d’un carré blanc (pas tout à fait carrée) sur un fond blanc, cette peinture témoigne, comme pour le « Carré noir » (tableau faisant partie de la première série d’œuvres abstraites exposées par Malevitch), d’une grande sensibilité.
La trace de la main de l’artiste est visible dans la texture de la peinture et ses subtiles variations de blanc, légèrement bleuté pour la forme centrale, plus chaud et ocré sur la périphérie, crée une matière dense et complémentaire au point qu’on ne peut séparer la forme du fond. Malevitch a utilisé deux blancs d’origines différentes : une marque française pour le carré, et russe pour le fond, ce qui lui a permis d’obtenir ces « textures » différentes. La position décentrée du carré, pesant sur la droite, et le léger cerne noir autour, dynamisent l’ensemble, contribuant à la sensation d’espace.En 1918, Malevitch réalise « Carré blanc sur fond blanc », œuvre considéré comme la première œuvre monochrome de la peinture contemporaine et créant dans le même temps le « suprématisme ». Après la guerre et le changement de régime en Russie, les artistes russes révolutionnent l'histoire de l'art sur inventant de nouvelles bases en s’affranchissant de toutes contraintes. Mesurant 78,7 sur 78,7 cm, cette huile sur toile est aujourd’hui conservée au Musée d'Art moderne (MOMA) à New York. Composée comme son nom l'indique d’un carré blanc (pas tout à fait carrée) sur un fond blanc, cette peinture témoigne, comme pour le « Carré noir » (tableau faisant partie de la première série d’œuvres abstraites exposées par Malevitch), d’une grande sensibilité.
Kasimir Malevitch, Carré noir |
En parallèle, Malevitch développe les « architectones », modèles en trois dimensions qu’il réalise à partir du début des années 1920. Ces formes géométriques en trois dimensions sont des recherches théoriques dont le but est de faire évoluer le suprématisme de la peinture, jugée dépassée, à l’architecture. Les « architectones » sont destiné à cette époque à être utilisée comme des objets d’étude pour les jeunes générations d’architectes.
Malevitch est mort en 1935, mais il fallut attendre les années 1970 pour que son œuvre soit enfin reconnu.
Kasimir Malevitch, Architectones
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Thomas RUDI
Rodtchenko: Rouge, Jaune, Bleu - l'essentiel de la peinture
Triptych- Pure Colors- Red, Yellow, Blue, 1921 |
Martin JULES
Yves Klein : le bleu immense et profond
Yves Klein - Blue Monochrome |
Dans ses œuvres monochromes, Klein cherche à éviter toute interprétation d’une forme ou autre chose. Il estime que la couleur, à la différence d’une ligne par exemple, est capable de créer une quatrième, voire une cinquième dimension. Les monochromes de Klein facilitent l'accès à une réalité où le spectateur peut s'établir dans un état permettant la méditation. Avant de se concentrer sur le bleu, Yves Klein a créé des monochromes en feuille d’or et de plusieurs autres couleurs. Puis il a choisi de s’intéresser plus particulièrement au bleu parce que, pour lui, c’est la plus abstraite des couleurs qui stimule la force de l’esprit et l’imagination. Il explique ainsi : « Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension».
Agathe DESBRIERES
Ad Reinhardt : "Il n'y a rien à voir, que la peinture"
Le
peintre américain Adolph Reinhardt née en 1913 est reconnu comme le précurseur
de l’art conceptuel et de l’art minimal. C’est après des études à l’université
Columbia à New York qu'Ad Reinhardt va opter pour l’abstraction.
Ad Reinhardt |
Ce sera à partir de 1960 que l’artiste va produire en série des tableaux noirs, précisément identiques, de format carré de 5 pieds sur 5 avec de légères variantes de valeurs. ses Black Paintings sont divisées en neuf carrés et enduits de couleur noire dont seules varient les valeurs. Il justifie ses œuvres par « moins en art, ce n’est pas moins ». On distingue dans ces toiles une qualité subtile qui rend les noirs pas tout à fait noirs. Les couches de peintures sont innombrables. Reinhardt propose de franchir la frontière qui conduit du sensible au spirituel et au méditatif.
C’est cette nudité picturale assumée, cette rigueur, qui font de lui un artiste majeur du XXème siècle.
Paul HOUBRON
Barnett NEWMAN le monochrome et le sublime
Barnett Newman |
Barnett Newman est un artiste américain, représentant important de l'Expressionnisme Abstrait et l'un des premiers peintres de la Colorfield Painting. Dans ses tableaux, dont certains sont des monochromes, on trouve une ligne, un espace vierge, vertical, une marque forte, un « zip », cette fente sensuelle qui vient perturber un aplat uni, qui vient déstructurer la composition si stable, qui amène une faille et focalise notre attention comme pour nous projeter à l'intérieur du tableau. Une relation intime s’établit alors, nous rentrons en contact avec l’œuvre présentée. Pour réaliser ce Zip, Newman place un scotch à peinture sur sa toile et le retire une fois la couleur appliquée. C'est comme une fermeture éclair qui ouvrirait le tableau, la couleur, l'espace…
Quentin FOURAGE
Mark Rothko - la couleur de l'émotion
Mark Rothko, sans titre 1970, acrylique sur toile
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Baptiste RIOM
Piero Manzoni, Achromes 1957-1963 : la matière blanche
C'est à partir de 1957, date de sa rencontre avec les œuvres d'Yves Klein à la Galerie Apollinaire de Milan que Manzoni se tourna à son tour vers le monochrome.Piero Manzoni, Achromes 1957-1963 |
Après avoir expérimenté de manière brève le monochrome sur des panneaux couvert de gesso ou de plâtre, il a développé une technique lors de laquelle il trempe ses toiles dans du kaolin (“argile réfractaire et friable, généralement de couleur blanche, utilisée en particulier dans la fabrication de la porcelaine”) ce qui lui permet de supprimer les coups de pinceau et ainsi son emprunte personnelle dans le processus de création.
Piero Manzoni, Achromes 1957-1963 |
Piero Manzoni, Achromes 1957-1963 |
Céverine GIRARD
Jan Schoonhoven : vers un art objectif et neutre
Jan Schoonhoven |
Jan Schoonhoven «R 72–25», 1972 Wood, cardboard, paper, latex |
En 1957, il fonde avec Armando Jan Henderikse et Henk Peeters
le Groupe Informel néerlandais. Puis, en 1960, il fonde le Groupe Nul avec les mêmes artistes. Leur but est de tout reprendre à zéro, c'est à dire de rejeter
les techniques de peinture et les matériaux traditionnels. Ils remplacent donc
les toiles et peintures par des matériaux industriels.
Il réalise ses premiers reliefs sériels avec une trame
régulière. Il utilise uniquement du carton et du papier peint en blanc.
L'ordre, la géométrie et les répétitions sont au centre de son style. Il joue sur des reliefs en forme de
tuiles plates soulevées. Par conséquent, selon l'emplacement de la lumière, les
ombres dues au relief sont plus ou moins importantes.
Coline ROYER
Heinz Mack : faire vibrer la lumière
Heinz Mack, Lichtrotoren, Sonne des Meeres (Rotateur de lumière, soleil de la mer) 1967
Aliminium, 143 x 143 x 17 cm
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C'est donc dans cet esprit de commencement et de dynamisme que Heinz Mack a réalisé Lichtrotoren, Sonne des Meeres (Rotateur de lumière, soleil de la mer), en 1967.
Margot ALBERT-HEUZEY
Enrico Castellani : bousculer la surface
Enrico Castellani, Aluminium Surface , 2006, Acrylic on canvas, 120 x 150 cm |
Le peintre Enrico Castellani est né en 1930 en
italie. Diplômé de l'école nationale des Beaux Arts, il s'interrresse par la
suite aux peintures monochromes. Il produira sa première toile en 1959. Brise
l'immobilité à travers
Sa technique de ces célèbres Achromes se base
sur un monochrome qu'il "extra-fléchies" à l'aide de divers moyens.
Il choisit notemant l'utilisation de clous, de cambrure et soulhouettes en bois
ainsi que de métal positionnés derrière sa toile. Ses tableaux deviennent alors
un véritable théâtre mêlé de lumière et ombres créant mouvement et gris épars.
Il brise ainsi l'immobilité d'un simple toile monochrome préférant un tableau
rythmé et changeant selon son inclinaison. Cette méthode sur monochrome est développée à la suite d'une
longue et rigoureuse étude, accompagné de Agostino Bonalumi, sur la possibilité
de façonner avec ces" extra flechies". Le jeu s'y s'opèrant trouble et amène à
désorienter l'observateur, une expérience intéressante et curieuse qui nous
nous amène à penser que le travail du monochrome ...c'est tout un art.
Meggie LE DAIN
Enrico Castellani , Red Surface , 2007, Acrylic on canvas, 100 x 100 cm |
Lucio Fontana : lacérer la couleur
La rétrospective Lucio Fontana au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, au premier plan "Concetto spaziale, Attese" |
Lucio
Fontana, connu pour ses toiles lacérées, est un sculpteur et
peintre italien associé à l'art informel, créateur du mouvement Spatialiste.
Avant tout
sculpteur, Lucio Fontana commence dans les années 50 la peinture. Il
peint des surfaces monochromes et les « maltraite » en
les fendant ; en réalisant des incisions, des trous. En cela,
il a pour but de faire exister l’œuvre non seulement dans les yeux
du spectateur mais aussi dans l'environnement qui l'entoure. C'est
avec ce types d’œuvres que naît le « concept spatial »
(qu'il déclinera et adaptera aussi à ses sculptures).
L'image
qui
lui est associée est celle de « quelqu'un
qui a fait des fentes dans des toiles ». Or, lorsque Fontana réalise ses premières fentes, il a déjà une riche
carrière d'artiste. En prenant en compte son âge proche des 60
ans, on peut avoir une toute autre image de son travail ciselé.
L'œuvre est sensuelle (indépendamment du fait qu'une toile monochrome entaillée évoque souvent quelque chose d'austère et d'abstrait) ; on peut même voir une connotation sexuelle en poussant l'analyse.
Il y a une richesse et une forme de cohérence autour de la lumière et de l'espace. La théorie « spatialiste » est construite alors sur une réflexion faite autour de l'art, du temps et de l'espace.
La peinture de Fontana dépasse la tradition, et dévoile l'idée, le mouvement, le geste. Elle est insaisissable, naviguant sans cesse entre abstraction et figuration… Jusqu'à la fin de sa vie, Fontana expérimente ses fentes sur différents matériaux (le cuivre, l'alu), différentes couleurs…
Elise CRAIPEAU
Lucio Fontana - |
Fabrice Hyber - Monochrome sensuel
Fabrice Hyber, 1M³ de beauté - 2012
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1M² de rouge à lèvres fut une des toutes premières œuvres de l'artiste : il
la réalisa en 1981 en utilisant pour seul et unique matériau du rouge à lèvres,
créant ainsi un carré rouge d'1m², utilisant 20
tubes de maquillage. En réalisant ce monochrome il questionnait la relation entre
les mondes de l'art, du monochrome, de l'esthétique, de la sexualité et de la science ; mêlant ainsi
rationnel et irrationnel.
Pour son exposition au Palais de Tokyo en 2012, l'artiste a
repris l'idée de sa première œuvre pour la faire évoluer en « 1M³ de
beauté » ; un cube d'1m de côté entièrement constitué de rouge à
lèvres. Pour cette réalisation, Fabrice Hyber a fait appel à Yves Saint
Laurent beauté, qui lui a fourni la matière première de sa pièce.
1M³ de beauté n'est pas seulement une œuvre qui se regarde
mais aussi une œuvre qui se vit. En effet le parfum du rouge à lèvres se
diffuse dans la pièce, réveillant ainsi les sens du spectateur.
Au travers de ces œuvres, l'artiste a voulu montrer que le
rouge à lèvres est quelque chose d'ancré en nous, un symbole fort nous ramenant
tous à quelque chose qui nous est propre ;
que même démesuré et sorti de son contexte habituel, le rouge à lèvres,
grâce à sa couleur, sa texture, mais aussi son parfum, garde une force visuelle, évocatrice, sensuelle, poétique.
Chloé CASSABE
Roman Opalka, L'œuvre d'une Vie
Roman Opalka |
Il va commencer une
série de tableaux (tous de 196×135cm) en écrivant en blanc sur fond noir les
nombres dans l’ordre croissant. Arrivé au nombre 1 000 000 en 1972, sa
méthodologie évolue, il décide de rajouter à chaque nouveau tableau 1% de blanc
dans la peinture noire qui compose le fond. Il veille cependant a choisir un
blanc différent de celui qu’il utilise pour écrire ses nombres pour que les
tableaux, devenus blanc sur blanc en 2008, restent lisibles. Il complète
également son oeuvre en participant a une réelle performance en continu : il
s’enregistre en train de prononcer chaque nombre pendant qu’il les peints et se
prend en photos à la fin de chaque séance de travail.
Durant ses expositions
on peut donc l'écouter réciter ses nombres et observer une série de ses
portraits qui témoigne de l'évolution du temps qui passe.
Son immense œuvre “le
fini défini par le non fini” s’est achevée avec sa vie, le 6 août 2011 et
comporte au total 236 toiles recouvertes de chiffres, Le dernier nombre qu'il a peint est : "5607249"
Tamara PRUD'HOM
Tamara PRUD'HOM
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Allan McCollum Monochromes de masse
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D’un point de vue visuel, ses œuvres ressemblent à celles du Pop Art à cause de son intérêt pour les produit de consommation populaire et au Minimalisme par la répétition et la production en série. Mais son travail est plus sûrement conceptuel et critique, évoquant le principe «d’appropriation» dans un monde où l’on produit industriellement en série pour une masse d’individus.
Sa série intitulée Over Ten thousand Individual Works et une des plus représentatives de son travail.
L’artiste
a collecté des centaines de petits objets provenant de foyers,
supermarchés… : des cuillères, tasses, boucle d’oreille, petits jouet,
taille crayon, etc. Il en fabrique des moules avec lesquels il créé des
répliques en plâtre. Puis en combinant les formes initiales, il recrée des millier d'objets uniques. Les formes sont ensuite peintes puis regroupée par couleur, en
collection de 10 000 objets, générant des ensembles monochromes d’objetsAllan McCollum questionne la notion de série et de rareté qui donne cette valeur à l’objet.
On
peut aussi y voir une nouvelle approche de l’impression 3D et de la
possibilité d’un passage de la production de masse à des produits
individuels personnalisés.
Colombe COURGEON
Timothée Talard : quand le monochrome change de couleur
En 2014, la galerie Gourvennec Ogor invite Timothée Talard, jeune artiste plasticien a investir ses locaux. Pour sa deuxième exposition « Chance is a word void of sens, Nothing can exist without a cause », Talard nous propose un travail qui joue sur la perception, utilisant une peinture à la matérialité complexe.Timothée Talard, « Chance is a word void of sens, Nothing can exist without a cause », 2014, Monochrome |
Son exposition se compose de 10 peintures de couleurs unies. Unies … Pas tant que ça. En fonction de la position et du déplacement du spectateur devant le tableau, l’œuvre change de couleur, passant ainsi du marron au vert, ou encore du violet au orange.
La peinture qu'il utilise se compose de tous petits pigments à différentes facette. Une seconde couche de produit chimique est ajoutée, ce qui permet à tous les pigment-cristaux de se mettre dans le même sens. Ainsi lorsque l’on se trouve sur la gauche de la toile, on voit toutes les faces marron des pigments, et en se déplaçant sur la droite on aperçoit toutes les facettes vertes.
Cette illusion d’optique implique le déplacement du spectateur, qui doit bouger pour voir l’œuvre évoluer.
Cette illusion d’optique implique le déplacement du spectateur, qui doit bouger pour voir l’œuvre évoluer.
Philippine DEFONT-REAULX
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