dimanche 5 mars 2017

« Les artistes explorateurs »


Partir avec sa b(…) et son pinceau...


Artistes explorateurs


On dit souvent que le plus important ce n’est pas la destination, mais le chemin parcouru. Que l’on parte pour découvrir, explorer, visiter, se balader, le voyage nous apportera toujours quelque chose, quelque chose que nous ne possédions pas avant de partir, car comme le disait H. Taine « On voyage pour changer, non de lieu, mais d’idées ».
C’est par curiosité, par besoin ou par défis que certains artistes ont été chercher l’inspiration dans leurs voyages. Trouver l’inspiration… Ce n’est pas si simple ! Elle n’est pas toujours là, juste devant nous. Parfois il faut aller la chercher ailleurs.
Depuis l’invention du tube de peinture, puis de la photographie au XIXe siècle, les artistes sont de plus en plus sortis de leurs ateliers pour aller dans des contrées lointaines, inconnues afin de découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles cultures qu’ils se plaisaient à capter…
Les temps modernes aidant, les artistes se sont de plus en plus déplacés pour nourrir leurs œuvres et s’exprimer à travers leur déplacement. Parfois l'exploration est plus intérieure, plus conceptuelle, plus intime, politique ou sociologique…
Partez à la découverte du monde grâce à ces artistes voyageurs.

Hermeline D. et Brandon G.


L'éruption du Vésuve par Pierre-Henri de Valenciennes (1813)

L'éruption du Vésuve par Pierre-Henri de Valenciennes (1813)

Pierre-Henri de Valenciennes est un artiste majeur du mouvement néoclassique. Formé à L’Académie royale de Toulouse, il séjourne à Paris et en Italie. Proche de David, il élabore une théorie du paysage historique dans laquelle l’étude d’après nature occupe une place déterminante. Dans son traité théorique Réflexions et conseils à un élève, il pousse les jeunes artistes à voyager, et dessiner les paysages qu'ils découvrent pour pouvoir les réinvestir dans leurs futurs tableaux.

" Voyagez le moins que vous pourrez en poste ; laissez ce luxe aux riches ignorants (…). Les plus beaux sites échappent à leur vue ; ils ne s’arrêtent que dans les villes ; et s’ils vont voir les objets curieux qu’elles renferment, c’est plus par ton que par sentiment. L’artiste doit voyager à petites journées, à cheval s’il est possible, et le plus souvent à pied, comme Émile. Rien alors de ce qui mérite d’être observé ou copié, ne saurait échapper à ses regards ; et si le temps lui manque pour prendre la vue générale d’un pays, il aura le soin de saisir prestement les détails qu’il pourra réunir, à la première halte, parce qu’il aura la mémoire encore fraîche des objets qu’il aura rencontrés et qui auront mérité d’être consignés dans son portefeuille. (…)
N’oubliez pas non plus, en voyageant, de prendre des notes sur les coutumes et les habitudes des peuples que vous verrez. Il faut étudier les mœurs pour peindre les hommes ; et c’est de leur connaissance qu’un artiste ingénieux et observateur peut tirer des conséquences pour déterminer la composition des sujets qui leurs sont propres, et des actions qui se sont passées dans leur pays. (…)Tenez un petit journal abrégé de vos voyages : écrivez tout ce qui ne peut se dessiner ; anecdotes, aventures, etc., enfin tout ce qui aura pu vous intéresser ou vous amuser. (…)Au bout de quelques années d’absence employées utilement à voyager, à observer la Nature et à vous exercer dans votre art, je vous suppose de retour, rapportant dans vos foyers vos portefeuilles garnis de dessins, de croquis et d’études, et vos tablettes pleines de notes et d’observations. Vous aurez alors à mettre en œuvre tous ces matériaux épars, et à composer des tableaux, pour établir votre réputation : c’est alors que commencera votre carrière, et que l’emploi de vos talens et votre conduite dans le monde devront vous mériter la considération et l’estime de vos concitoyens.
"

Au XVIII°siècle, pendant lequel de nombreuses éruptions se sont produites, la représentation des éruptions du Vésuve devient un sujet très apprécié, peint par des peintres de toutes nationalités, marqués par la théorie du sublime de l’anglais Edmund Burke pour qui, le fondement du sentiment du sublime est la terreur éprouvée devant un spectacle qui dépasse l’imagination. Il existe deux sens au mot sublime. En physique, c’est la transformation d'un solide en gaz et en littérature sublime (latin : sublimis, « qui va en s'élevant » ou « qui se tient en l'air »  désigne dans le langage quotidien une chose grandiose et impressionnante (renversante), qui ne peut néanmoins être perçue ou comprise qu'avec une sensibilité très fine. Comme concept esthétique, le sublime désigne une qualité d'extrême amplitude ou force, qui transcende le beau. Le sublime est lié au sentiment d'inaccessibilité (vers l'incommensurable). Comme tel, le sublime déclenche un étonnement, inspiré par la crainte ou le respect. Cette tableau qui nous montre la disparition de trois villes; Pompei, Herculaneum et Stabia d'où la sublimation. On voyait les derniers moments de ces 3 villes. Personne ne s'attendait à cette situation extrême, pour le public c’est une apocalypse du monde.
Irmak O.

Découverte

Pêche aux Morses par François-Auguste Biard (1845)


© Dieppe, Château-Musée, © Direction des musées de France, 2005 photographie :© Bertrand Legros

Destin incertain aux pays des glaces.
C'est à la suite des expéditions de 1839, qu'Auguste François Biard a peint plusieurs scènes sur la vie des hommes des contrées arctiques. Effectivement, en tant que membre de la Commission scientifique du Nord, il a accompagné l'expéditions de Paul Gaimard, au Spitzberg et en Laponie à bord de "La Recherche". Dans cette huile sur toile de 1841, nommée Vue de l'Océan Glacial, pêche aux morses par des Groënlandais, Biard nous dépeint un paysage arctique des plus fantastiques mêlant vision surréaliste et narration.
En effet, sur un fond de ciel blanc qui tire au gris se dresse fièrement un amoncellement de glace aux formes fantasmagoriques. Sur l'eau agitée, un combat entre morses et chasseurs en pirogue fait rage. Ainsi, Biard nous donne à voir une nature en dégel hostile à l'homme comme si elle était agitée par des forces secrètes. Le froid, l'immensité, le silence et les glaces aux formes fantomatiques font ressortir le caractère inhumain de cette nature. On peut alors apprécier toute l'étendue de l'imagination poétique du peintre qui par une composition désarticulée et des effets subtils de coloris froids nous narre une histoire dont on ne connaît pas l'issu. La scène est figée dans le temps, même l'eau, symbole de vie, pourtant si agitée, est inanimée. On a l'impression que le temps s'est arrêté pour nous laisser imaginer la suite de l'histoire. Triomphe ou naufrage ? Tel est le destin des chasseurs laissé en suspens.

Marion B.


Femmes fellahs au bord du Nil par Léon Belly (1827)

Léon Belly est un peintre paysagiste et orientaliste français renommé pour ses oeuvres très réalistes presque "photographiques". En 1850 il fait partie d'une mission scientifique afin d’étudier la géographie historique du bassin de la mer Morte. Ce voyage, avec le peintre Léon Loysel, lui permet de découvrir le Liban et la Palestine, mais c'est surtout l’Égypte qui l’inspira le plus. Pendant ses voyages, Léon Belly rapporte de magnifiques scènes orientalistes. Il arrive à capturer la douce lumière des bords du Nil, les couleurs du désert, ou encore l’attitude des chameliers.   
Femmes fellahs au bord du Nil, Léon-Adolphe BELLY(Saint-Omer 1827 - Paris 1877)
Lorsqu’il visita l’Egypte en 1850, Belly fut frappé par la beauté et l’élégance des femmes Fellahs. Pour lui, elles possèdent une élégance classique, un équilibre parfait dans leur geste, qui leur apportent une noblesse de geste et de grâce. Pour la mise en œuvre de son tableau, il demanda aux femmes de refaire le même mouvement pendant qu’il prenait une douzaine de croquis. « Je fais exécuter cent fois le mouvement dont j’ai besoin, je m’évertue à le saisir au vol dans une masse de dessins très rapidement faits, dessins de morceaux ou d’ensemble. Il me reste maintenant à saisir l’effet des figures dans le paysage; il y a de magnifiques choses à faire en unissant ces deux éléments. » 
Dans son tableau, Belly a fait en sorte que les femmes restent naturelles dans leurs mouvements et gardent toute leur spontanéité et leur crédibilité. Il a réalisé une toile toute en douceur et sensualité créant un contraste entre illumination et contrejour, avec des visages cachés et la mise en avant des fesses et d'un sein nu suggérant une condition sensuelle et donc un peu troublante…

Amélie P.


Le Bain turc de Ingres  (1852/1859)

Le dernier tableau de l’artiste est sûrement le plus érotique,  il s’inspire des lettres de Lady de Montague qui raconte sa visite d’un bain pour femme à Istanbul. Ingres représente un harem en mélangeant nus et décor d’orient. Sur ce tableaux plusieurs femmes sont présentes autour d’un bassin, certaines sortent de l’eau, s’étirent, d’autres sont allongées sur des sofas. L’univers oriental a inspiré Ingres pendant près de 50 ans. Ce chef d’œuvre est l’aboutissement de toute une vie de recherches effectuées sur ce thème. En effet, il reprend même des femmes déjà présentes dans certaines de ces anciennes peintures comme dans La Baigneuse Valpinçon. Ingres favorise l’harmonie des formes, la composition au dépend de l’exactitude même. Au premier plan, il compose une suite d’arabesque constituée par les corps des femmes. Il utilise une forme ronde pour le cadre, un tondo souvent utilisé par Raphael une des inspirations d’Ingres. Cette forme de cadre convient parfaitement aux courbes de la peinture, la ligne est privilégiée par rapport aux couleurs et l’ambiance tamisée. Ce tableau représente une idéalisation une scène comme dans un songe avec ces teintes douces et bleuté d’un univers dont le peintre n’aura connu qu’à travers des récits, des lettres, puisqu'il n'aura jamais poussé le voyage jusqu'en Orient.
Jean-Auguste-Dominique INGRES -
Le Bain turc - 1852-1859, modifié en 1862 © Le Louvre Paris
Pauline L.


Femmes d'Alger dans leur appartement, huile sur toile par Eugène Delacroix (1834)

Femmes d'Alger dans leur appartement, huile sur toile (18 x 22,90 cm) Eugène Delacroix, 1834. 
© rmn-grand palais (musée du louvre) / Thierry Le Mage.
L'Orientalisme de Delacroix : tout en mouvements et couleurs
L'Orientalisme est un mouvement du XIX ème siècle offrant une description d'apparence soignée de scènes se déroulant au Proche-Orient. A cette époque l'Orient est l'objet de curiosités et de fantasmes du public, des écrivains et des peintres occidentaux
Les œuvres orientalistes se caractérisent souvent par un sens du détail précis et par un style réaliste, qui donne une impression de vérité, même lorsqu'il ne s'agit pas de paysages ou de personnages réels.
En 1832, Eugène Delacroix visite l'Afrique du Nord, qui lui inspire plusieurs cahiers de croquis. C'est ainsi qu'il illustre ses observations et impressions, animé du désir de découvrir la vie orientale. Ses carnets aux nombreuses aquarelles reflètent son excitation et son émerveillement.

Croquis et notes manuscrites. Extrait de Carnets de voyage au Maroc, Eugène Delacroix, 1832. © rama.
Les artistes occidentaux de l'époque avaient pour habitude de représenter les harems d'une manière tapageuse et artificielle. Mais Delacroix en avait vraiment vu un et sa version en est d'autant plus simple, discrète et beaucoup plus réaliste. C'est le cas Des Femmes d'Alger dans leur appartement, peinte en 1834. Avec une maîtrise des formes, de la lumière et des couleurs, le peintre met en avant un sentiment de luxe, d'exotisme et de sensualité.
"La couleur est par excellence la partie de l'art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s'adressent d'abord à la pensée, la couleur n'a aucun sens pour l'intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité".
Les motifs, les tuniques vaporeuses des femmes et le décor sont fantasmatiques et caractéristiques de l'Afrique du Nord. Cette peinture était troublante pour l'époque. Le peintre Renoir avait même estimé qu'il n'y avait pas de plus beau tableau au monde.
Ce voyage au Maroc marque un tournant décisif dans l'œuvre du peintre, avec la révélation d'un Orient aux coloris éclatants, à la violence des tons qui plus tard exerceront une influence profonde sur la peinture fauve et l’expressionnisme. L'époque "Orientaliste" de Delacroix déclina, mais ses images et ses thèmes gardèrent une certaine influence, inspirant le voyage et le merveilleux. Il se considère lui même comme peintre d'histoire.
Clara C.


Rencontre


The White Cloud, Head Chief of the Iowas par George Catlin (1844-45)

George Catlin, The White Cloud, Head Chief of the Iowas, 1844-45, oil on canvas, 71 x 58 cm (National Gallery of Art, Washington)

Necklace (detail), George Catlin, The White Cloud, Head Chief of the Iowas, 1844-45,
oil on canvas, 71 x 58 cm. (National Gallery of Art, Washington, D.C.)
Portrait d’un peuple en voie de disparition
Le portrait “The White Cloud, Head Chief of the Iowas” a été peint en 1844-45 par l’artiste Américain George Catlin. Le titre veut dire “Le Nuage Blanc, Chef Principal des Iowa” en anglais. George Catlin était un artiste et poète spécialisé dans des portraits d'Amérindiens. Il était le premier artiste à voyager et à représenter les Amérindiens des Grandes Plaines dans leur territoire.
L'œuvre représente Mew-hu-she-kaw, aussi connu sous le nom White Cloud (Nuage Blanc) et No Heart-of-Fear (Pas de Coeur Avec Peur), un des chefs de tribu Iowa d'AmérIndiens en 1844-45, quand il a posé pour Catlin. Au milieu du 19ème siècle, la tribu Iowa a été déplacée de son territoire ancestral dans l’est de l’Etat d’Iowa vers une petite réserve dans le Sud-est de l'État de Nebraska. Ce déplacement leur a été imposé suite à l’Acte de l'Enlèvement Indien de 1830. En fait, le portrait a été peint à Londres, ou White Cloud est allé pour chercher des soutiens financiers pour sa tribu.
L’artiste a introduit dans le portrait beaucoup de détails qui marquent l’identité de la tribu Iowa. Le couvre-chef tribal est fait de queues de cerf, teintés en rouge vermillon, et de plumes d’aigle. En dessous, se trouve un turban (possiblement une peau de loutre). La peinture rouge et l’empreinte de la main verte sur son visage sont caractéristiques de l'usage traditionnel chez les Iowa de marquer le visage. L’empreinte de main signifie ses compétences en combat rapproché. Le collier fait de griffes d’ours montre qu’il est un chasseur habile. Le coquillage sur ficelle autour de son cou et les perles et tubes taillés de conques dans ses oreilles sont des éléments typiques décoratifs de sa tribu. White Cloud porte le costume traditionnel d’un chef de tribu Iowa, exaltant ses compétences comme guerrier et chasseur. A l'arrière plan, on peut voir un fond un peu flou représentant un ciel bleu clair avec des nuages blancs. Ceci a été imaginé par l’artiste car le portrait a été peint dans un atelier à Londres.
Le portrait est historiquement important parce que l’œuvre montre White Cloud comme un homme qui est fort et fier. A l'époque, sa tribu avait été maltraitée et détruite par le gouvernement américain. A travers cette œuvre, le spectateur comprend la fierté et l’importance de l’homme, lui donnant un statut que le gouvernement américain lui avait dénié. Catlin, lui, l'a représenté honorablement comme il le méritait. Le portrait a fait le tour des galeries en Europe, montrant aux Européens l’honneur et la fierté du peuple indien, chose impossible aux Etats Unis où le statut de l'Amérindien dans la société américaine était totalement bafoué.
Elise C.


La chasse au lion à l'arc par Jean Rouch (1967)
Affiche la chasse au lion à l'arc, Jean Rouch


Jean Rouch est un réalisateur ayant vécu et travaillé au 20ème siècle. Engagé dans l’univers de l’ethnologie, il s’intéresse notamment aux peuples africains, leurs mœurs, modes de vie et environnements. On peut qualifier son travail de cinéma direct, cinéma qui cherche à retranscrire les situations les plus réelles et directes (à la manière du documentaire). Ces films sont les premiers à s’inscrire dans le genre de l’ethnofiction (un sous genre du docufiction). À travers ses productions, il s’intéresse surtout à un peuple en particulier, aux Dogons et à leurs coutumes. Ainsi, il passe la majeure partie de sa vie en Afrique notamment dans les régions environnantes du Niger. C’est en 1947 qu’il commence réellement sa carrière avec le court-métrage Au pays des mages noirs, puis il se lance au début des années cinquante dans des films plus longs, plus compliqués à réaliser. Son mode opératoire correspond à l’observation, l’appréciation et l’utilisation des scènes auxquelles il est confronté (ce qui rend les prises plus longues mais également plus réalistes car spontanées). C’est le cas avec son sixième film La Chasse au lion à l’arc, commencé en 1958 et achevé en 1965 (récompensé au festival de Venise la même année).
Ce long-métrage, d’une heure, nous fait voyager à travers la brousse africaine, ses dangers et les trésors qu’elle renferme. Durant le tournage, Jean Rouch va accompagner Tahirou Koro, Wangari Moussa et six autres chasseurs dans la savane africaine pendant leurs rituels de chasse au lion. Ce documentaire nous propose un ensemble de scènes au sein d’un village en Afrique (une voix off accompagne le téléspectateur afin d'expliquer les situations). Le titre du documentaire indique déjà de manière brute et directe son contenu mais il y a tout de même un fil conducteur spécifique. L’histoire se déroule dans plusieurs villages africains. Bien que le lion ne soit pas considéré comme un ennemi, il arrive parfois qu’il brise le « pacte » en attaquant des animaux ou en terrorisant les troupeaux. C’est alors que les villageois font appel aux chasseurs de lion à l’arc (un groupe de cultivateurs nomades qui pratiquent ce genre de chasse). Cette chasse s’organise sous forme de rituel sacré avec un mode opératoire particulier (incantations, conceptions de poisons pour les flèches, cérémonies). À travers ses images, Jean Rouch nous immerge totalement dans un univers restreint qui nous est inconnu et  nous fait voyager au sein de ce groupe de chasseurs.
Ce type de long-métrages était à l’époque assez impressionnant car il permettait aux téléspectateurs d’observer de manière très réaliste des situations vécues dans des régions difficilement accessibles (les possibilités de voyager étaient alors plus difficiles qu’aujourd’hui).
Jules L.

Déambulation


A line in Scotland par Richard Long (1981)
  Richard Long, A Line in Scotland 1981 © Copyright the artist
Richard Long a toujours aimé jouer avec le paysage. La nature est la source de son travail et a toujours été sa source d’inspiration. C’est un sculpteur, peintre, et photographe mais avant tout un marcheur. C’est au travers de ses promenades autour du monde qu’il crée ses oeuvres.
A Line in Scotland, réalisée en 1981 sur la montagne Cul Mor en Écosse est une de ses œuvres emblématiques. L’artiste a créé une ligne faite de pierres qu’il a déposé verticalement sur le sol. Comme pour tous ses travaux, Richard Long a trouvé ce lieu en se promenant et a créé une œuvre à l'aide de ce qu’il trouvait sur place - « J’arrive sur le lieu, je fais une sieste, je crée mon œuvre, je la prends en photo, je remets mon sac et je repars ».
La ligne est également quelque chose que l’on retrouve souvent dans ses travaux. Pour lui,  notre monde est fait de lignes, tout est régulier et connecté. Chaque chose qui bouge, qui passe laisse une ligne, une trace de son passage. C’est d’ailleurs pour cela qu’il aime que ses actions soient éphémères "Le temps et le changement sont des choses très importantes pour moi, […] mes œuvres peuvent disparaître des paysages à n’importe quel moment, ce sont des travaux de passage, […] j’espère que mes œuvres vont disparaître car c’est normal, tout va disparaître, on va disparaître".
Constance R. 


Laboratoire nomade par Stalker


ref : archilab.org,public,2004

« Nous avons voyagé à travers le passé et le futur de la ville, à travers ses souvenirs oubliés et son devenir inconscient, sur un territoire créé par l’humain mais par-delà sa volonté. Dans ce vide, nous identifions une géographie éphémère et subjective, les propositions instantanées d’un monde en continuelle transformation. En fait nous avons créé un espace sans l’avoir planifié ou construit, en le traversant simplement. » 
L’art contemporain se fait nomade, c’est sans nul doute ce qui intéresse le laboratoire STALKER. Ce groupe informel d’artistes, qui n’en sont pas vraiment, ni plus encore urbanistes ou militants, réalise des déambulations collectives aux marges des villes, dans des terrains vagues, des zones intermédiaires, situées entre ville et campagne, des entre-deux tels que nos grandes cités modernes les engendrent. Leur intérêt ne se porte que sur ces espaces abandonnés, isolés et en friche, qui donne à se questionner sur une autre réalité de la ville, en partant de ce qu’elle cache. Mais l’arpentage est une expérience personnelle. D’ailleurs, les conclusions qu’en tirent les marcheurs ne sont pas divulguées et la trace conservée de leur excursion prend la forme d’une carte illisible, ininterprétable. Dans le « planisfero Roma », élaboré après une promenade autour de Rome, la ville est répertoriée en jaune, les terrains vagues en bleu, le parcours est représenté par une ligne blanche, mais il est impossible de s’orienter à partir de cette carte, elle n’offre aucun repère exploitable, elle n’est qu’une métaphore de tous les parcours semblables que chacun peut inventer. Ces déambulations n’ont finalement pas d’autres fins que la marche elle-même, et les sentiments mêlés qu’elle est capable de susciter en chacun de nous.
Pour Stalker, la marche, l’arpentage apparait comme une œuvre collective qui se confronte à un ou plusieurs événements, eux-mêmes constitués par un espace qui laisse place d’innombrables avenirs possibles. A l’instar des surréalistes et des situationnistes, les Stalker cultivent le sens du jeu, du hasard et de la rencontre fortuite qui s’éveille dans l’exploration urbaine. Cependant, à la différence de leurs pères, eux préfèrent s’éloigner des centres villes pour en explorer la périphérie et s’ils regagnent le centre c’est uniquement par des chemins quasiment inexplorés. Ils partagent également le goût pour l’improvisation, en passant par la composition de leur groupe, jusqu’à leur moyen d’expression. Ainsi ils écrivent, quand d’autres dessinent ou filment : qu’ils soient paysagistes, architectes, astrophysiciens ou artistes, tous participent et discutent à des degrés divers des actions à entreprendre. C’est pourquoi certains aiment à dire que les Stalker ne sont pas tant un groupe, mais plutôt des "compagnons de route".
Jason C.


Paradox of Praxis (Sometimes Doing Nothing Leads To Nothing) par Francis Alys (1997)
 © Francis Alÿs
En 1997, Francis Alys réalise dans les rues de Mexico Paradox of Praxis. Publiée au travers d’une séquence vidéo de 5 minutes, cette performance a en réalité duré 11 heures. On y observe l’artiste déambuler dans les rues de la capitale mexicaine, poussant un bloc de glace sous les regards étonnés des passants. Au commencement de l'action, Francis Alys peine à déplacer le glaçon, il se penche, se courbe, utilise la force de ses bras, de son corps pour avancer. Sous un soleil de plomb et une chaleur étouffante, le bloc de glace fond peu à peu au fil de sa progression. Bientôt, Alys le pousse sur de plus grandes distances et finit par le pousser avec son pied tel un ballon de football. Enfin l’artiste achève sa déambulation lorsqu’il ne reste plus rien du bloc de glace.
Non seulement un témoin du temps qui passe, Paradox of Praxis se moque ironiquement de l’effort que l’on peut fournir pour au final n’obtenir que peu ou pas de résultat. Alys questionne-t-il la notion de mérite ou démontre-t-il plus subjectivement les conditions de vie de la population mexicaine ?
Louise P.



Introspection

The Great Wall Walk par Marina et Ulay (1998)
The Great Wall Walk par Marina Abramovic et Ulay (1998)
Le « couple » Marina Abramovic et Frank Uwe Laysiepen, alias Ulay, se forme en 1976. Ils se sont rencontrés pour la première fois en 1975. Durant une partie de leur carrière, ils réalisèrent des performances ensemble. Toutes ces performances leur ont permis de se rapprocher mentalement et sentimentalement. Mais, après plusieurs années, le couple finit par ne plus s’entendre et ils décident donc de mettre fin à leur relation par une grande et dernière performance : The Lovers: The Great Wall Walk
Le principe est simple : les deux amants commencent à marcher à chacune des deux extrémités de la grande muraille de Chine et ils doivent se retrouver au milieu, ce qui sonnera la fin de leur relation.
Abramovic commence du coté est et Ulay du côté ouest. Après une marche de 90 jours couvrant plus de 2500 kilomètres, ils se retrouvent à Er Lang Shan, dans la province de Shaanxi. Ce fut la dernière fois qu’ils se rencontrèrent. En effet, après s’être embrassés, ils mirent fin à leur relation.
The Lovers: The Great Wall Walk est considéré comme la fin parfaite d’une performance mutuelle. Elle nous fait réfléchir sur la place de l’art dans une relation, mais permet aussi de comprendre l’importance des relations humaines dans l’art contemporain.
Quentin C.


Horizon moins vingt par Laurent Tixador & Abraham Poincheval (2008)
© Laurent Tixador - Horizon moins vingt (2008)
Voyage Spirituel
L’aventure, c’est réinventer le quotidien. Voilà la philosophie du duo d’artistes Tixador & Poincheval, deux explorateurs qui n’ont pas besoin de grandes distances pour s’évader. Tels des mineurs de fond, l’expédition Horizon moins vingt consiste à s’enfermer dans un tunnel de 20 mètres de long à 1,5 mètre sous terre et à creuser pendant 20 jours tout en déplaçant la terre d’une extrémité à une autre. Ainsi, cette performance risquée constitue une longue réflexion autour de la spéléologie, de la claustrophobie mais également du déplacement. Au début, ils s’installent dans un environnement inconnu et perdent tous leurs repères et leurs habitudes, que ce soit au niveau de l’espace, du temps ou encore de la lumière. Des appréhensions font leur apparition et compromettent le bien-être des deux artistes. Mais plus les jours avancent et plus ils s’organisent : ils commencent à reformer le quotidien qui leur avait échappé. C’est le tournant de l’expédition, ils prennent conscience que leur avancée est médiocre et que l’espace habitable ne grandit pas car ils rebouchent au fur et à mesure leur progression. Ils sont alors découragés pouvant, à tout moment, être enseveli de terre et sont donc à la frontière du danger. C’est à ce moment là que les deux artistes évoquent le début d’un « voyage intérieur » : leur quête principale qu’ils arrivent seulement à percevoir lors de performances exclusives et stimulantes. La spécificité de leur art se ressent également lors de leurs expositions. Pour chaque aventure, seul quelques objets sont divulgués dont une bouteille en verre, soigneusement remplie et mise en scène par Tixador, qui retrace la trame et le déroulement de leurs performances. Les autres objets sont des outils ou des "reliques" sculptées, griffonnées, personnalisées qui ont pour seul objectif de communiquer leur histoire. Ainsi, de leur "expérience" (comme ils préfèrent l’appeler) ne reste qu’un journal de bord et quelques photographies de mauvaise qualité. Pourtant paradoxalement à leur art qui est éphémère, leurs souvenirs, eux, resteront intacts pour toute leur vie. 
Julien C.

Dans la peau de l’ours par Abraham Poincheval (2014)
Dans la peau d’un ours Abraham Poincheval Musée de la chasse et de nature
L’art ne sert-il pas à découvrir, expérimenter et explorer toujours de nouveaux horizons ? C’est ce que l’artiste Abraham Poincheval a fait lors de sa performance au Musée de la Chasse et de la Nature en plein cœur de Paris, dans le Marais.
Son œuvre : rester 13 jours dans le corps d’un ours.
La performance se situe dans un des salon du musée, ce qui rend la chose insolite. C’est une œuvre en immersion totale où l’ours est habité. L’artiste se trouve dans l’animal; il se met réellement « dans la peau de l’ours ». Il expérimente un voyage en plein cœur de l’animal, dans son intérieur, ce qui me fait penser à Ulysse et au Cheval de Troie.
De nombreuses questions surgissent ; quelle relation avons-nous avec les animaux ? En quoi nous différencions nous avec les animaux ?
Cet ours est composé d’un squelette en bois, recouvert d’un pelage réel. Il est équipé d’eau, électricité, d’une ventilation, d’une évacuation d’eau…. Tout cela permet à l’artiste de vivre au cœur de cette expérience. Abraham Poincheval embarque dans l'inconnu pour vivre un enfermement symbolique mais aussi physique dans le corps de l’animal.
Le spectateur assiste a une expérimentation d’hibernation où l’artiste n’est pas totalement isolé car il peut être en contact avec les spectateurs. L’artiste se questionne sur le rapport entre l’animal et l’humain et sur une nouvelle manière de perçevoir le monde. Il repousse les limites de son corps et teste sa capacité à s’adapter et par là, il explore et découvre un nouveau monde.
Camille M.

Protestation

Antarctic village par Lucy et Jorge Orta (2007)
   Antarctic village -no borders, ephemeral installation in antarctica-, 2007, travail sité en Antarctique.
 c. Lucy et Jorge Orta, Antarctique, détail. Photographie par Thierry Bal
Dialogue entre l’art et l’écologie, l’installation de Lucy et Jorge Orta, Antarctic village, marque l’achèvement d’un voyage dans la quête d’un monde meilleur. Les deux artistes anglais et argentins explorent, depuis la création de leur studio en 1992, les sujets sociaux et écologiques, aux travers de nombreux supports. Leur engagement environnemental a été récompensé à maintes reprises, gratifiant leur nombreuses créations généralement axées sur l’écologie.
L’installation Antarctic village concerne pour sa part des problèmes liés à l’environnement, l’autonomie, l’habitat, la mobilité et les relations humaines. Après un long voyage, les époux se sont installés dans ce lieu hors de tout pays, de toutes frontières et lois. Lieu resté politiquement neutre grâce à un traité signé par 49 pays, il encourage l’entraide et la collaboration entre chercheurs pour améliorer le sort de la planète.
Sorte de « terre promise » comme le fut l’Amérique pour les européens, c’est ici l’espoir d’un monde meilleur que sont venus chercher Lucy et Jorge Orta, où ni lois ni frontières ne peuvent obliger les occupants de ce territoire à quoi que ce soit.
C’est dans ces conditions climatiques extrêmes que les explorateurs ont souhaité installer leur création, un village provisoire symbolique Antarctic village, composée d’une cinquantaine de tentes créées à partir de drapeaux de tous les pays du monde, eux-même réalisés à partir de vêtements et de gants appartenant aux habitants de chacun de ces pays. Sorte de camp utopique, il évoque les questions de survie des peuples et de migration, problèmes majeurs auxquels doit faire face, aujourd’hui, notre société. Symbole de paix et de multiplicité des peuples, Antarctica évoque la possibilité d’une société nouvelle et sans frontière, dont l’entraide serait à l’origine.
Ils défendent également l’idée d’une identité universelle, identité qui ne se résumerait plus seulement à un pays, mais ferait de nous des citoyens du monde.
Ils posent enfin d’importantes questions concernant la survie de la planète, aspirant à une aire plus écologique où les manières de vivre auraient évolué. Par la création de ce village utopique, ils tirent une sonnette d’alarme face à un avenir incertain, proposant l’entraide et la révision de notre société pour y remédier.
L’idée d’expédition semble importante dans le travail de Lucy et Jorge Orta, qui la vivent d’une manière engagée, source de nombreuses remises en questions. Ils tentent à leur tour de les transmettre au grand public par la création de cette installation, hymne à la liberté afin de préserver liberté, justice et paix dans le monde.
Pauline O.


Bottari Truck Migrateurs par Kimsooja (2007)
Bottari Truck Migrateurs - Kimsooja (2007) ©ParisArt
"L’église reste aujourd’hui pour ces hommes soit une étape dans leur voyage ou une arrivée mais tous connaissent son histoire. Par bouche-à-oreille, probablement ".
- Alexis Artaud de la Ferrière -
Le 23 août 1996, près de 300 personnes en situation irrégulière étaient évacués brutalement par les forces de l’ordre de l’église Saint-Bernard qu’ils occupaient depuis deux mois, dans le 18e arrondissement de Paris.
Il est 7 h 55 lorsque les portes de l’église Saint-Bernard, cèdent sous les coups de hache des 1 500 CRS déployés. L’ordre d’évacuation est tombé la veille du ministre de l’intérieur de Jacques Chirac, Jean-Louis Debré. À l’intérieur de l’édifice religieux, ce sont près de 300 personnes qui attendent l’assaut, assis et écoutant le curé de la paroisse, le P. Henri Coindé faisant la lecture du discours de Martin Luther, « J’ai fait un rêve ». Ils n’en connaîtront pas la fin.
En hommage à cette page du manifeste de la lutte des sans-papiers en France l’artiste Kimsooja réalise en 2007, la performance Bottari Truck-Migrateurs, entre Vitry et Paris. Dans un premier temps, il s’agit pour l’artiste de récolter des draps, des vêtements provenant d’Emmaüs. Leur agencement coloré tisse ainsi un état des lieux de la diversité des communautés présentes sur le territoire. De la place de la Bastille à celle de la République, c’est un trajet en pick-up le long des monuments historiques de Paris qui est filmé et qui constitue une trace de cette action.
Comme de nombreux artistes de ces dernières décennies, Kimsooja est une artiste nomade qui fait de l’exil et du voyage le nœud de son travail. La figure de l’artiste nomade et arpenteur provient d’une longue tradition, voyageant vers les villes où l’art lui semblait le plus inspirant ou guidé par les mécènes, là où sa production avait la chance de s’y développer. Comme un symbole, ballotté de ci de là, le pick-up arpentant Paris rappelle aux migrants qu’ils peuvent trouvés de l’aide au sein de la paroisse du XVIIIe arrondissement de Paris.

Mathis J.

I like America and America likes me par Jospeh Beuys (1974)
Voyager sans pied à terre
C’est ainsi que débute la performance de Joseph Beuys en 1974, par un voyage. L’artiste Allemand va ainsi se rendre à la galerie René Block de New-York (USA) où une exposition lui est consacrée. Ici toutefois, on oublie les manières traditionnelles : pour le trajet, Beuys va être transporté de chez lui, en Allemagne, jusqu'à la galerie new-yorkaise, allongé sur une civière, en ambulance, puis en avion, les yeux bandés. Il procédera de la même manière pour le retour et n’aura donc pas mis un seul pied sur le sol Américain en dehors de la galerie (lieu neutre).
Beuys n’aura pas foulé le sol Américain en signe de protestation ©Joseph Beuys
Cela n’est pas anodin et annonce la forte personnalité artistique et politique qu’était Joseph Beuys. Par ce refus symbolique de fouler le sol américain, il dénonce la guerre que mènent les Etats Unis au Vietnam. L’action ne s’arrête pas là, puisque, arrivé dans la galerie, l’artiste s’emballe dans un rouleau de feutre et muni seulement de sa canne et d’une pile de journaux, il va s’enfermer dans une cage, trois jours durant, avec, pour compagnie, un coyote sauvage tout juste capturé.
Là encore, le symbole est fort. Surtout quand on sait à quel point l'événement est médiatisé, la foule se presse devant les grilles de la cage et voit peu à peu les deux entitées s’apprivoiser et finalement cohabiter dans une utopie que notre société actuelle n’ose même pas imaginer…
Le coyote est un animal sacré pour les indiens d'Amérique du nord. Hors ces indiens ont été massacrés, de même que les coyotes, par les colons blancs occidentaux, à la découverte du nouveau continent ©Joseph Beuys
Tassia K.


En espérant que vous ayez profiter de ce petit voyage artistique!

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