Comment représenter le mouvement ? La peinture, la photographie donnent l'idée d'un mouvement, mais le figent à un temps donné. Les expériences photographiques, les artistes futuristes ont tenté de capter et de transcrire des phases plus ou moins décomposées du mouvement. L'art cinétique, l'art optique se sont intéressés à des phénomènes graphiques et
optiques : des œuvres jouant avec le regard et la perception. Les artistes utilisent les couleurs, les vibrations, les superpositions, le
relief, les rayures et les ondulations. D'autres travaillent avec des mécanismes, des moteurs qui permettent d'intégrer le mouvement réel dans leurs œuvres…
Toute
la vibration de l’art cinétique réside dans le mouvement et les jeux de couleurs, de formes, de lumières, de perceptions …
Clara
Chanteloup & Jason Chapron
1- Les
précurseurs
Saut
à la perche, Etienne-Jules Marey, 1890
"Le
mouvement est l'acte le plus important en ce que toutes les fonctions corporelles empruntent son concours pour s'accomplir." Etienne-Jules Marey.
Que ce soit pour comprendre la course des animaux ou pour étudier le mouvement des athlètes (ses sujets expérimentaux) Etienne-Jules Marey se sert de la
technique de la photographie pour décomposer le mouvement des êtres
vivants .
Étienne-Jules Marey - Saut à la perche -1890 |
A
des fins scientifiques, il réussit à lier la science et l’art, en
réunissant discontinuité et illusion de mouvement réussissant à capter des images totalement nouvelles et fascinantes.
Étienne-Jules
Marey se sert de la technique de la photographie pour décomposer le
mouvement des êtres vivants. Il analyse les poses de ses
modèles en créant une succession d’images qu’il fige et
dissocie grâce à son invention de la "chronophotographie".
Cette technique, qui est avant tout un instrument d’observation
scientifique, consiste à mettre sur une même plaque le déplacement
d’un sujet avec plusieurs points réfléchissants sur les bras et
les jambes afin d’obtenir des captures de détail des activités
sportives ou des gestes de la vie courante que l’on ne peut pas
voir à l’œil nu.
Pour réaliser certains de ses clichés il utilise douze
appareils à déclenchement successif qu’il place en ligne à une
quinzaine de centimètres les uns des autres. Lorsque les sujets,
comme l’athlète sautant à la perche, s’élance, ils déclenchent les appareils en passant devant. Ces images, prises à une fraction
de millième de seconde, restituent avec une troublante perfection
l’intégralité du déplacement d’un sujet devant un fond noir.
Déroutant et fascinant ces nouveaux clichés offre à la science un
nouveau moyen pour saisir la façon dont se déplace un humain ou un
animal : en visualisant de façon précise la décomposition et la
variation des mouvements il est possible d’en comprendre le
fonctionnement.
Ses
photographies comme celles de Muybridge donnent lieu à la création
d’un art nouveau. On peut, grâce à cette technique, analyser,
mesurer, identifier comprendre la mécanique des corps. Magicien
ou génie, il sait arrêter le temps et le mouvement pour donner à
voir l’invisible. A travers de simples photographies, il amplifie et décompose le regard tout en créant des images inhabituelle et pleine d’étrangeté
qui dépassent le seul champ scientifique pour bouleverser celui de l'art.
Amélie
Peron
Saut
d'obstacle, cheval noir, Eadweard Muybridge 1878
Le
cheval vole-t-il ? Telle est la question que tenta de résoudre le
photographe britannique Eadweard Muybridge.
Saut d'obstacle, cheval noir _ Eadweard Muybridge |
C’est
à la suite des allégations du physiologiste français Marey, qu’un
riche passionné d’équitation demanda au photographe de prouver
cette théorie. De fait Étienne-Jules Marey, affirmait que lorsqu’un
cheval galopait, pendant un court lapse de temps aucun de ses sabots
ne touchaient le sol. Suite à cette déclaration, bon nombre de
personnes n’y adhérèrent pas et critiquèrent le physiologiste. On proposa alors une récompense à celui qui résolverait la
question.
C’est
donc par la photographie que Eadweard Muybridge s’attela à la
tâche. Le 18 juin 1878, il disposa le long d’une piste de course
équestre, 12 appareils photographiques les uns à la suite des
autres. Grâce à un système de déclenchement automatique, les
appareils vont chacun prendre successivement une photographie durant
la course du cheval. Ainsi sur les 12 clichés, on constate une
décomposition du mouvement permettant d’observer seconde par
seconde la gestuelle du cheval au galop. Prouvant ainsi
irréfutablement la théorie de Étienne-Jules Marey, cette
expérience va créer chez le photographe un grand intérêt pour le mouvement et sa décomposition.
De
fait, Muybridge s’intéressera notamment aux mouvements des corps
humains et animaux, grâce à ce même système photographique. Il
est d’ailleurs même considéré comme un des précurseurs du
cinéma.
Louise
Peyon
Rotative plaques de verre, une œuvre optique - Marcel Duchamp
Rotative plaques verre, Marcel Duchamp ©CentrePompidou |
Marcel Duchamp entame en 1920 une série d’œuvres optiques et cinématographiques qu’il nomme « optiques de précision ».
La première œuvre optique est Rotative plaques verre (optique de précision), et elle a été conçue à New York en 1920. Ensuite il conceptualise Rotative demi-sphère et Anémic Cinéma en 1925, et enfin des Rotoreliefs en 1935.
Avec Rotative plaques verre, Duchamp décide d’expérimenter la perception du relief, il scrute les frontières entre plan et profondeur, tout en donnant une dimension hypnotique à son œuvre.
Rotative plaques verre est constitué de plaques de verre peintes qui sont fixées sur un axe métallique, entraîné lui-même par un moteur. Lorsque l’œuvre est en mouvement, les lignes peintes font apparaître des cercles concentriques continus, l’effet de spirale change en fonction de la vitesse de la machine. À vitesse lente, la spirale semble se diriger vers le centre du cercle ; à vitesse accélérée, elle crée l’illusion d’une surface en relief, concave ou convexe.
Le but de ce dispositif motorisé est de faire perdre à l’œil son pouvoir de contrôle et d’accéder à une autre expérience de la vision. Cette œuvre fait de lui l’un des précurseurs de l’art cinétique.
Mathis Jagorel
2- L'art cinétique
Laissez vous hypnotiser par la couleur, les lignes, …
François Morellet, Du jaune au violet, 1956
François Morellet qui mène ses recherche dans le domaine de l’abstraction géométrique. En effet, à travers ses installations de néons et son pinceau, il créer une multitude de lignes colorées organisées de manière spécifique.
En jouant sur les couleurs, les textures ou encore les organisations spatiales, François Morellet crée des univers incertains, difficile à déchiffrer, parfois troublant. Dans certaines de ses œuvres, le regard peut percevoir un mouvement grâce aux illusions d’optique créées par des jeux de couleurs ou de lignes. C’est le cas dans l’une de ses peintures : « Du jaune au violet » réalisée en 1956 par l’artiste.
Du jaune au violet, F. Morellet, 1956 |
Cette toile se compose de deux entités faites de carrés concentriques accolés. Les lignes formant les carrés sont réalisées de manières mécaniques au rouleau et très précisément exécutées (référence à une dimension minimaliste dont il est un des précurseurs). Chaque carré correspond à une nuance de couleur et, plus on s’écarte du centre, plus les nuances virent vers le violet (en passant par le vert pour l'un des carré, en passant par le orange pour l'autre)
À travers cette œuvre l’artiste nous montre qu’il y a plusieurs manières d’arriver à une couleur (Avec un dégradé à partir d’une couleur froide ou bien d’un dégradé d’une couleur chaude, qui sont pourtant deux teintes opposées). Ici, le jeu de couleurs est parfaitement réalisé car quand nos yeux se baladent dans un sens ou dans l’autre sur la toile, un mouvement se ressent (visuellement). Cette œuvre se base vraiment sur les caractéristiques techniques des couleurs en règle générale. On à la notion de profondeur dans la partie chaude (immersion dans le tableau) et la notion de volume dans la partie froide (quelque chose qui sort du tableau).
Comme les travaux de Joseph Albers, cette œuvre reflète bien un travail sur la théorie de la couleur, qui vient troubler le spectateur.
Jules Lerouge
Halo, Victor Vasarely, 1984 : une illusion en deux dimensions
Victor Vasarely (1906-1997) est un artiste peintre né Hongrois, naturalisé Français. D'abord graphiste, il va peu à peu définir son propre style et s'intéresser à l'art Optique ou encore Op'art ou art cinétique dont il est un des pionniers.
Halo (1984) par Victor Vasarely
|
Son œuvre se caractérise par l'utilisation de formes simples, de lignes, de motifs et de couleurs assemblés de telles manières qu'ils créent des illusions d'optique. Vasarely concentre également son travail à la recherche d'un langage artistique universel accessible et compréhensible par tous : "The art of tomorrow will be a collective treasure or it will not be art at all".
Inspiré par le Muhely (branche hongroise du Bauhaus), par la théorie des couleurs de Joseph Albers et par l'abstraction de Kandinsky, le travail de Vasarely sera une construction vers l'Op'art. Ses "Zebra" seront les premières œuvres considérées comme faisant partie du mouvement de l'art optique et ouvriront la voie à la série Vega (1968-1984).
L'art optique, dont Vasarely est le fondateur est un courant artistique visant à troubler voire tromper le regard du sectateur. Ce courant va prendre toute sa notoriété avec l'exposition "The responsive Eye" du MoMA de New-York en 1965, exposition qui regroupe plus de 120 œuvres de 99 artistes, américains et européens dont Victor Vasarely, Joseph Albers, Bridget Riley, Jesus Soto, François Morellet, Julio Le Parc et les collectifs d'artistes Gruppo T, Equipo 57, Groupe zéro...
Pour le commissaire de l'exposition William C.Seitz: "Ces œuvres existent moins comme objets à examiner que comme des générateurs de réponses perceptuelles dans l’œil et l'esprit du spectateur". Et c'est là que le langage universel recherché par Vasarely prend toute son importance. Halo s'inscrit parfaitement dans ce courant qu'est l'Op'art et dans la série Vega de Vasarely. En effet, il utilise la répétition de formes géométriques simples et une palette colorée restreinte pour créer une abstraction complexe, une anamorphose créant l'illusion d'optique.
En utilisant parfaitement les contrastes colorés simultanés et de complémentaires, Vasarely présente avec "Halo" deux sphères noires et deux sphères blanches organisées en carré sur fond gris, mises en avant par un maillage de lignes rouges guidant le regard.
Vasarely donne ainsi une illusion de profondeur spatiale en créant des sphères sur une toile plane, difficilement explicable mais facilement compréhensible par tous.
Brandon Gondouin
Structure ambiguë de Jean Pierre Yvaral, 1972
Jean Pierre Yvaral, structure ambiguë quadri peinture sur acrylique 1972
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Fils du célèbre Victor Vasarely, Jean Pierre Yvaral est un artiste plasticien adepte du Pop Art et de l'art cinétique. Il forment en 1960 le Groupe de recherche d'Art Visuel (GRAV) avec Horacio GARCIA, Julio LE PARC, François MORELLET, Francisco SOBRINO, Joël STEIN. Ils se passionnent pour l'art construit et le cinétisme, ils veulent démocratiser l'art, l'ont même fait descendre dans la rue en 1966 avec leurs dalles mobiles à Montparnasse. Ils souhaitent que l'art soit ludique, que le spectateur interagisse avec, pouvant même manipuler lui-même les tableaux, pour qu'il ne s'ennuie pas.
Ses œuvres provoquent une impression de 3D, effet d'optique pour déstabiliser le spectateur. Pour cela, il structure ses toiles utilisant même des algorithmes mathématiques. Il est très influencé par l'univers abstrait de son père, il est l'un des père fondateur de "l'art numérique" numérique voulant alors signifier "régi par le nombre" . Ce n'est que plus tard qu'il utilisera l'ordinateur pour programmer la géométrie de ses tableaux.
Il recrée un effet de profondeur dans l'espace grâce aux formes et couleurs qu'il utilise, par exemple les couleurs froides qui donne une impression de reculer dans l'espace et les couleurs chaudes d'avancer. Cette impression de profondeur perd aussi le spectateur dans ses repères, provoque une émotion chez lui.
Pauline Leriche
Colonne Chromointerférente, Carlos Cruz-Diez
Colonne Chromointerférente, Carlos Cruz-Diez, La Roche-sur-Yon, © William Chevillon |
« La couleur est un fait autonome qui existe sans avoir besoin de la forme » telles sont les paroles de l'artiste et théoricien de la couleur, Carlos Cruz Diez. C'est par l'intermédiaire de ses expérimentations que l'artiste fonde ses théories sur la couleur, il s'intéresse notamment à sa perception par l'homme.
Par des jeux de couleurs et de figures géométriques, il crée une impression de profondeur et de mouvement comme on peut le voir à travers l'exemple de la Colonne Chromointerférente présente de 1972 à 2014 devant l'entrée du collège des Gondoliers à La Roche-sur-Yon. Sur cette colonne de 6 mètres de haut, on pouvait voir les « modules d'événements chromatiques » inventés par l'artiste.
Ces modules sont des séries de lignes peintes dans un ordre rigoureux et programmé par l'artiste dans le but d'appuyer ses postulats théoriques. C'est grâce à la superposition et la répétition de ces modules qu'il crée des formes géométriques vibrantes.
© Carlos Cruz-Diez |
Cette colonne était une des expérimentations de l'artiste sur la Physichromie dont le nom a été inventé par l'artiste en référence à « la couleur lumière » et aux phénomènes physiques. Dans cette catégorie de recherches, on retrouve des structures dont la perception des formes et des couleurs par l'usager change en fonction de son mouvement et de la lumière ambiante. Ainsi, l'artiste chamboule la perception des couleurs de l'usager et le fait se questionner sur l'idée que la couleur qu'il perçoit n'est peut-être pas la même que celle perçue par son voisin.
Comme évoqué plus haut, cette colonne appartient au passé. Elle a été effectivement détruite par le conseil général car jugée « En mauvais état, elle menaçait de s'effondrer ». Ce à quoi l'artiste franco-vénézuélien a répondu dans une lettre ouverte : "Pour ceux qui ont demandé la destruction de ma "Colonne Chromointerférente" [...], l'art n'existe pas et n'a aucun sens. S'il en avait été autrement, l'œuvre aurait été entretenue depuis longtemps". Parce que c'est une œuvre, elle est intouchable ? Le destin funeste de cette colonne nous prouve le contraire.
Marion Bernardi
3- L'art cinétique. Jeux de trames
Vibrations : Écriture noire du Havre, Jesus Rafael Soto
« Les Écritures sont pour moi une manière de dessiner dans l’espace » Voilà ce qu’a écrit Jesus Rafael Soto, artiste Vénézuélien, au dos de son œuvre Écriture noire du Havre en 1965. Elle fait partie d’une série entreprise en 1962 par l’artiste sur les vibrations à partir d’éléments métalliques.
Écriture noire du Havre est une de ses premières œuvres de la série. Sur un fond noir presque carré, sont peintes à la main des lignes blanches. De fines formes faites de fil de fer peintes en noires sont disposées le long de la trame et suspendues par des fils de nylon transparents. La superposition de trames donne alors un effet de profondeur.
© Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP |
La cinétisme entre alors en action. Au moindre mouvement, souffle ou déplacement du spectateur devant cette œuvre, la surface s’anime et les formes changent, l'écriture évolue, les lignes vibres disparaissent et apparaissent. Elles sont alors comme dématérialisées, à s’en demander si elles font vraiment parties de l’œuvre. On ne sait d’ailleurs plus si les lignes blanches peintes à la main sont devant ou derrière les structures métalliques. Le métal vibre créant un effet optique à la fois étonnant et étourdissant.
Constance Rondeau
Jeux des formes : Vibration Noir et Bleu, Antonio Assis
Antonio Assis - vibration carré noir et bleu - 1956 |
Vibration carré noir et bleu est une œuvre optique d’Antonio Assis créée en 1956. Elle a été fabriquée en sérigraphie sur bois et comporte une grille en métal. Elle mesure 52x52x13cm.
A travers cette œuvre Antonio Assis recherche l'illusion du mouvement. Il s’intéresse ici à la couleur, la forme et au jeu cinétique créé par la trame métallique lors du déplacement du spectateur. Après avoir trouvé intéressant l'utilisation de la grille, il se sert de la couleur pour trouver la vibration qu'il recherchait " La couleur par la couleur". Lorsqu’il choisit deux couleurs elles doivent "sympathiser".
Dans cette œuvre il utilise un principe d’illusion optique : l'interaction de deux surfaces décalées produit des carrés, des cercles et crée des alliances de mouvements et des contrastes chromatiques.
Pour pouvoir apprécier cette œuvre il faut bouger, si vous restez immobile rien ne se passe.
Lorsque vous êtes près, vous pouvez distinguer une composition homogène, mais lorsque l'on s'en éloigne on voit apparaître des motifs de fleurs "c'est un phénomène de temps et de vibration". La toile et la grille possède la même forme. Vibration carré noir et bleu est donc une œuvre optique dont le fonctionnement exacte reste complexe, mais il n'est pas
nécessaire de tout connaître pour pourvoir en apprécier la beauté.
Quentin Cadero
Effets de lumière : Accélération I, mouvement moiré, Joël Stein
« Pour moi il n'y a pas l'œuvre et le spectateur : son intervention crée de nouveaux rapports. L'objet n'est plus une fin en soi. L'œuvre, c'est cette dialectique qui s'établit entre l'objet et le spectateur.» Joël Stein.
Accélération I, mouvement moiré, 1964. c. Joël Stein. Détail |
L’installation hypnotique de Joël Stein captive et entraine le spectateur vers une nouvelle dimension, une nouvelle expérience.
Co-fondateur du GRAV, l’artiste y joue un rôle important dans le domaine de l’art optique, et de son rapport avec le spectateur. Il est constamment à la recherche des technologies les plus évoluées, pour immerger toujours plus le spectateur à travers ses installations.
Par l’utilisation de moyens mécaniques et d'illusions optiques proches de l’hypnose, il vient ici produire un mouvement, régulier et répétitif. Cette danse persistante, qui jamais ne cesse, semble jouer avec notre œil et lui proposer l’entrée d’un nouvel univers.
Deux trames circulaires se superposent tamisant la lumière projetée derrière. L'une tourne suivant un rythme régulier créant une séquence de motifs qui semblent s'accélérer. Cette séquence, dont la durée ne dépasse pas 4 secondes, se répète inlassablement. Pendant ce court laps de temps, des sortes de points noirs et blancs sont mis en mouvement, se regroupant et se séparant, évoluant sur une sorte de grille quadrillée de fines lignes noires sur fond blanc, suscitant un rythme entêtant dont le spectateur ne peux rapidement plus se détacher. L’accélération du rythme de la séquence en son milieu favorise cette sensation.
Pauline Oger
4- L'art cinétique. jouer avec le déplacement du spectateur
Le Salon de l'Elysée" de
Yaacov Agam
L’œuvre
«Aménagement de l’antichambre des appartements privés du palais
de l'Elysée pour Georges Pompidou » (connu sous le nom «Salon
de l’Elysée ») est une œuvre cinétique de l’artiste Yaacov
Agam. Agam est un artiste israélien énormément inspiré par
l’esprit Bauhaus. L’œuvre a été réalisée en 1972 en laine,
bois, Transacryl, aluminium, peinture, métal et Plexiglas avec des
dispositifs lumineux. Environnement, salon mobile, espace pictural à “habiter”, à expérimenter, l'œuvre est à l'image de la vision artistique
de Pompidou, tel que le futur Centre Georges-Pompidou : moderne, expérimentale, ouverte sur un monde optimiste en pleine mutation. Destiné
pour l'Elysée, l’œuvre a été une commande
officielle du Président Georges Pompidou, qui est
malheureusement mort avant de voir la fin du projet.
ADAGP, Paris 2012 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Distr. RMN-Grand Palais / Jacqueline Hyde
|
L’œuvre
est un "environnement" qui se situe à l’intersection de la peinture et de
l’art décoratif. L’a perception que l'on en a, change en fonction de notre positionnement dans l'espace. Quand le spectateur bouge, le salon donne
l’impression de bouger aussi.
A
l’entrée du salon, Agam a installé des panneaux de verre translucides colorés (recouverts par un gel spécial appelé le Transacryl) qui coulissent. Les panneaux sont peints de couleurs
primaires et secondaires. Le sol est recouvert d'un tapis riche en
couleurs. Pour créer le tapis, Agam a utilisé un nuancier de 180
couleurs et a mis 2 ans pour en dessiner le carton. Le tapis
a été réalisé à l’usine des Gobelins à Paris.
Le plafond
est composé de plusieurs écrans de verre peints. Leur angle
d'inclinaison joue avec la lumière. La pièce est construite de trois murs composés de
panneaux d’aluminium pliés en accordéon. Chaque face de
l'accordéon est peint d’un motif différent. L’effet est, qu’en
se déplaçant, le spectateur voit une image qui se déforme et se
transforme avec le changement de point de vue. Au centre de la pièce
se trouve une sculpture intitulée «Le triangle volant».
La sculpture est composée un cube, un sphère et un triangle en
acier poli dans lesquelles se reflète le salon.
© ADAGP, Paris 2012 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Distr. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat |
La
découverte du salon propose, selon l’artiste, l'expérience de
découvrir la quatrième dimension. Le décor est destiné à jouer avec
le temps et l’espace, créant l’impression de découvrir une
nouvelle dimension. Lorsque le spectateur avance, son point de vue change, laissant apparaître un nouvel espace.
Le
contexte historique de l’œuvre nous laisse également mieux
comprendre les valeurs de l’œuvre, étant donné qu’elle se
situe dans une époque où les valeurs spirituelles ont beaucoup
changées après les événements de Mai-68. L’artiste a
déclaré que même si elle est inspirée du Moyen-Orient et de la
bible, l’œuvre reste inextricablement liée a Paris où le projet a
été conçu. Incroyablement moderne, elle plonge également ses racines dans la spiritualité, prenant une la dimension
métaphysique par la façon dont la lumière est traitée, le jeu des transparences des matières, le renversement de l'espace… Les
portes de verre créent une lumière teintée proposant autant d'ouvertures possible sur un monde énigmatique…
Elise
Cugnard
Julio Le Parc : Une nouvelle vision
Il y a quelques année, le Palais de Tokyo accueillait une figure importante de la scène artistique française des années 60 pour sa première rétrospective : Julio Le Parc.
Julio Le Parc est un artiste rebelle, de ses débuts d’artiste étudiant, à son refus de rétrospective et de reconnaissance officielle en 1972. Son travail, il ne le définit pas comme de l‘Op Art ou de l’Art Cinétique mais comme une recherche. Une expérimentation permanente qui inclut des thèmes comme la lumière et le mouvement et les exploite de toutes les manières possibles.
Salle de jeux- Künstalle de Düsseldorf- 1972 ©ATELIER LE PARC - 2014
|
En 1966, a lieu une importante exposition de Le Parc dans laquelle le spectateur traverse une salle de jeu. Dans cette salle, on trouve entre autre les Lunettes pour une vision autre , une série de lunettes aux verres transformés qui donnent à “voir” un environnement individuel et une expérience visuelle lumineuse.
La douzaine de Lunettes à vision autre perturbe la vision normale de la réalité, tour à tour fractionnée, superposée, multipliée, inversée, coloriée, déformée,...
Cette salle de jeu, remplie d'expériences visuelles toutes plus loufoques les unes que les autres donnent à Le Parc le Grand prix de peinture à la Biennale de Venise.
Lunettes pour une vision autre- 1965, plastique, inox, verre ©ATELIER LE PARC - 2014 |
Ici, on retrouve l’artiste rebelle. Il ne fait pas de l’art conventionnel, destiné à l’élite, expliqué sur plaquettes ; lui, il fait de l’art pour le public. Pas besoin d’explication, il ne recherche que la relation avec le spectateur. A lui de comprendre et d’interagir avec l’œuvre, et par la même occasion Le Parc peut se targuer d’avoir fait réfléchir et analyser ses œuvres à son public par le biais du jeu.
Tassia Konstantinidis
Spirale
infernale : Continuum, Bridget RILEY
©Max Hetzler Gallery - Continuum, Bridget RILEY |
Dans
Continuum, Bridget Riley confronte pour la première fois une de ses
créations cinétique 2D au volume d’une installation. Elle utilise
comme forme la spirale qui lui permet de faire entre le spectateur dans son univers, créant ainsi une sorte de sas entre le lieu
d’exposition et son œuvre.
Si on se concentre sur le volume, un
contraste est apparent entre l’extérieur géométrique de la
structure et l’intérieur courbe et lisse fait d’aluminium. Ce
même contraste se retrouve à l’intérieur de la spirale avec le
motif très mouvementé qui s’oppose à l’apparence "cocon"
de la structure.
Ainsi, c’est grâce aux différences de densité des motifs en Noir&Blanc que Bridget Riley va créer du mouvement dans une
œuvre qui n’en comporte pourtant pas.
Ce qui est saisissant dans son installation c’est
qu’elle fait entrer le spectateur dans l'espace de sa peinture. Grâce à
la forme de sa structure et à la direction donnée par son motif,
elle guide le visiteur vers le centre de la spirale où il sera immerger dans un espace graphique mouvant semblant tourner autour de lui. Mais une fois rendu au bout du motif,
celui-ci ne s’arrête pas: le motif du premier plan et celui situer
juste derrière se confondent.
©Max Hetzler Gallery - Continuum, Bridget RILEY |
Ainsi,
le spectateur établit une sorte de cercle, perdant un instant tout repère dans la boucle visuelle sans fin de Bridget Riley.
Julien
Cougnaud
Une
première dans la scultpure avec Nicolas Schöffer
«
La sculpture spatiodynamique et cybernétique CYSP 1 est la première
sculpture qui réalise dans sa totalité les principes du
spatiodynamisme. Ce mouvement, que j'ai créé en 1948, a pour but la
libération totale de la sculpture. Les conditions de cette
libération sont :
-
la suppression des volumes opaques et l'utilisation exclusive de
l'ossature apparente contrepointée par les rythmes des éléments
plans,
-
l'utilisation de la couleur et des sons extraits par percussion de la
sculpture même, enregistrés et diffusés électroniquement,
-
et finalement, le mouvement autonome, organique, disons même
intelligent, grâce à la cybernétique, qui permet à la sculpture
d'offrir aux spectateurs un spectacle toujours varié et différent
réalisant dans un seul objet une synthèse totale entre la
sculpture, la peinture, la chorégraphie, la musique et le cinéma. »
Nicolas
SCHOFFER (document d'archives - 1956)
Nicolas
Schöffer (Schöffer Miklós), né le 6 septembre 1912 à Kalocsa en
Hongrie, et mort le 8 janvier 1992 à Paris, est un sculpteur et
plasticien français d'origine hongroise.
Il
est l'un des principaux acteurs de l'art cinétique, mais surtout de
l'art cybernétique, appelé aujourd'hui art interactif.
CYSP
1 est la première sculpture autonome dotée de capteurs au monde,
réagissant à la lumière et au son par des déplacements et par des
mouvements de formes colorées. Cette sculpture a fait sa première
apparition sur scène, au Théâtre Sarah Bernhardt à Paris en 1956
sur une musique de Pierre Henry, puis quelques mois plus tard, avec
le Ballet de Maurice Béjart sur le toit de la Cité Radieuse de Le
Corbusier, au Festival d'Art d'Avant-Garde de Marseille.
Festival d’avant-garde de Marseille CYSP 1 - Nicolas Schöffer -Ballet Maurice Béjart - 1956 |
Nicolas
Schöffer présente un travail visionnaire. Les aspects de son
œuvre sont incroyablement divers et multidisciplinaires. «
…dont nous n’avons pas encore fini de découvrir qu'elles sont à
la base de très nombreuses créations actuelles et à venir dans de
nombreux champs de la création contemporaine. »
1956 - CYSP-1 - Nicolas Schöffer |
Schöffer,
avec ses créations, n’a surement pas reçu à son époque la place
qu’il méritait dans le monde de l’art. Ses œuvres et notamment
CYSP 1 étaient tellement avant-gardistes que beaucoup d’institutions
culturelles n’avaient pas encore compris l’importance de ces
sculptures dans l’histoire de l’art.
Cet artiste a grandement participé à l’évolution de l’histoire de l’art en dépassant de nombreuses limites et en introduisant un nouveau courant artistique qui met en relation les technologies numériques : « …les œuvres et installations robotisées qui possèdent des dispositifs interactifs leur permettant de se déplacer dans l'espace, ainsi que les œuvres dotées de capteurs ou de systèmes d'analyse d'image par caméra qui réagissent à des variations de leur environnement par des transcriptions instantanées d'évènements particuliers. »
Camille
Metayer
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