César
Présentée au Centre Pompidou, l’exposition « César », rétrospective du travail de l’artiste éponyme, met en lumière le parcours de ce sculpteur prolifique.
Le voyage commence par son illustre « Pouce », placé sur le parvis du musée, comme une invitation à la visite.
Vingt ans après sa disparition, c’est ainsi l’occasion de découvrir et redécouvrir la démarche artistique d’une personnalité hors norme, tournée vers une expérimentation permanente. La mise en espace des oeuvres de manière non chronologique, permet aux visiteurs de mieux appréhender la force et la diversité du travail de l’artiste. Rythmée par des cloisons de temps à autre, l'exposition ne propose pas un seul parcours, chacun est libre d’évoluer comme bon lui semble. Une centaine d'oeuvres venues du monde entier, plus ou moins connues sont proposées au public.
Marqué par son histoire sociale et imprégné par le contexte de consommation grandissante des années 1960, César s’approprie l’utilisation de matériaux pauvres ; il en fera sa spécificité. « Je suis devenu sculpteur car j’étais pauvre », c’est ainsi que l’artiste définit sa vocation pour la sculpture. Il multipliera les recyclages poétiques de matériaux inutilisés et délaissés par la société dans laquelle il a évolué. Artiste incompris à ses débuts, il a finalement su s’imposer. Son leitmotiv : surprendre et se laisser surprendre en sortant des sentiers battus. C’est ainsi que son attrait pour la matière et sa volonté d’utiliser sans cesse de nouveaux procédés, l’a surpris bien des fois. Conditionné par la matière, son travail mêle hasard et le contrôle, moderne et classicisme.
Partons alors à la rencontre de cette figure majeure du Nouveau Réalisme.
Marie Donnou, Arthur Pieto, Laëtitia Gérard
Biographie de César, un sculpteur décompressé
César est un sculpteur français, d’origine toscane, né à Marseille sous le nom de César Baldaccini. Dès l'âge de quinze ans, il commence des études artistiques. En 1935 il entre à l'Ecole des Beaux-arts de Marseille et en 1943 à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris. Il travaillera le plâtre durant cette période avant de faire ces premières créations en ferraille. César est pauvre et se tourne alors vers des matériaux peu couteux. C’est ainsi qu’il découvre dans les métaux sa source d’expression artistique et créative. il le dit lui même « Le marbre de Carrare était trop cher, la vieille ferraille traînait partout. Je suis devenu sculpteur parce que j'étais pauvre! Je travaillais dans une banlieue à Paris où il y avait beaucoup de ferrailleurs. J'ai commencé à utiliser le déchet pour des questions purement de nécessité. J'y ai trouvé ma vie. Je me suis exalté dans ce matériau, dans cette technique. C'est une technique comme une autre ».
Sa création l’Esturgeon lui vaut son premier grand succès après son acquisition par le musée d’Art Moderne. Il devient alors une personnalité en vogue consacrée comme le « sculpteur du fer ».
César est un artiste majeur du XXème siècle. Il fait évoluer la sculpture vers des approches expérimentales très novatrices. A partir de 1967, il entreprend des expériences plastiques : il verse de la mousse polyuréthanne, d’abord sous forme de performances réalisées dans la rue, puis en sculptures. À travers les Compressions, les Empreintes humaines et les Expansions, César remet en question les bases de la sculpture traditionnelle. « Je pars d’une idée qui est en moi, d’un néant, et je pars à l’aventure jusqu’au moment où je me trouve face à quelque chose qui m’est étranger. C’est justement ce qui en fait une réalité. Cette chose est distincte de moi, elle existe dans sa matière, son contenu, son espace. Car en fin de compte une sculpture doit prendre possession de son espace ».
Fin des années 50, il découvre le spectacle des voitures compressées par une grande presse hydraulique dans une casse. Pensant être allé au bout de son travail avec le métal, il est impressionné par ces "paquets", ces compressions de voitures, par le coté formel et tragique qui en émane. César réalise, en 1965, le moulage de son pouce. Cet "autoportrait" est une prouesse technique de moulage grand format auquel il ajoute de la couleur. Il produit alors toute une série d’empreintes humaines : pouces, poignet, seins à plusieurs échelles différentes.
L’emploi de la presse hydraulique, du polyuréthane expansé et de l’empreinte lui permet de s’approprier le réel de manière directe, en réduisant son intervention manuelle. Marquant la fascination de César pour l’esthétique du déchet industriel, ces œuvres ont fait de lui l’un des représentants majeurs du Nouveau Réalisme en France. Equivalent français du Pop Art américain, les artistes faisant partis de ce mouvement affirment s’être réunis sur la base de la prise de conscience de leur « singularité collective ». En effet, dans la diversité de leur langage plastique, ils perçoivent un lieu commun à leur travail, à savoir une méthode d’appropriation directe du réel, laquelle équivaut, pour reprendre les termes de Pierre Restany, en un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire ».
L’emploi de la presse hydraulique, du polyuréthane expansé et de l’empreinte lui permet de s’approprier le réel de manière directe, en réduisant son intervention manuelle. Marquant la fascination de César pour l’esthétique du déchet industriel, ces œuvres ont fait de lui l’un des représentants majeurs du Nouveau Réalisme en France. Equivalent français du Pop Art américain, les artistes faisant partis de ce mouvement affirment s’être réunis sur la base de la prise de conscience de leur « singularité collective ». En effet, dans la diversité de leur langage plastique, ils perçoivent un lieu commun à leur travail, à savoir une méthode d’appropriation directe du réel, laquelle équivaut, pour reprendre les termes de Pierre Restany, en un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire ».
À partir des années quatre-vingts, l’artiste est cependant revenu à une sculpture plus traditionnelle et délibérément esthétisante. César reçoit le 27 juillet 1988 le prix Rodin. Il crée en 1975, à la demande de son ami Georges Cravenne (producteur de films français, agent de publicité et fondateur du César), la statue éponyme qui récompense chaque année, la production cinématographique française.
Le Centre Pompidou présente actuellement, à l’occasion du vingtième anniversaire de la disparition de César, une grande rétrospective sur ses cinquante années de création. Au travers de cent trente œuvres, l’exposition montre la puissance créatrice et iconoclaste de cet artiste qui fut l'un des plus reconnus de son époque.
« Avec mon expérience, mon âge — j’entre dans ma soixante-dixième année — je ne veux pas me faire d’illusions. Quand on vient de là d’où je viens, on reste en permanence dans le doute. Je ne peux pas dire que je détiens la vérité. Il n’y a pas de vérité unique. Je comprends tout le monde, peut-être parce que je ne suis pas con, y compris les intellectuels, même s’ils me donnent de temps en temps des complexes. Mais enfin, s’ils ont des têtes plus grosses que la mienne c’est seulement de face, pas de profil… » César.
L’atelier de César, les confidences d’un artiste atypique.
César dans son atelier (1969) est un reportage réalisé par Michel Pamart et Franz André Burget sur l’artiste dans son atelier situé dans le 14ème arrondissement de Paris.
Son atelier représente une surface 205 m² sous 6 mètres de hauteur avec une verrière en guise de plafond. On retrouve dans son atelier des matériaux de tous types, des matériaux qu’il qualifie de modernes, comme par exemple des grandes sculptures de mousse polyuréthane. C’est un atelier vivant qui accueille d’immenses sculptures organiques mais aussi des oiseaux. César est un artiste qui vise en premier lieu à partager ce qui l’intéresse, ses sculptures sont basées sur des choses qui le passionne comme l’expansion ou encore la compression.
Se qualifiant comme anticonformiste, l’artiste refuse de parler de sculptures abstraites mais plutôt de sculptures organiques. Cette interview de César dans son atelier c’est aussi les confidences d’un homme atypique, angoissé, passionné, qui aime l’autodérision et la remise en question. Pour lui qu’importe qu’il soit qualifié de coqueluche des milliardaires ou de mondain, il aime dire « Je m’en fous » et suit simplement ses envies. C’est un homme franc et drôle qui a horreur de la facilité. Il voit les déchets du monde de la consommation comme une source d’inspiration sans limite.
« Pour travailler il ne faut pas trop penser. Si on pense trop on ne fait plus rien. Pour Travailler il faut un certain degré de bêtise » cette phrase représente l’esprit de César un artiste unique et attachant.
Cédric Marmonnier
César et les Nouveaux Réalistes
Le mouvement des Nouveaux Réalistes est fondé en 1960 en France, par huit artistes (Yves Klein, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques de la Villeglé) à l’occasion d’une exposition collective. Ils signent un manifeste, sous la tutelle de Pierre Restany où ils affirment s’être réunis autour d’une prise de conscience de leur « singularité collective ». Malgré des méthodes de travail très diverses, ces artistes ont une vision théorique commune : une appropriation du réel, qualifiée par Restany de « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire ».
Manifeste signé par les huit
premiers artistes du mouvement,
©2018 ONE ARTY MINUTE
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Le Nouveaux Réalisme est souvent apparenté au pop art, apparu à la même époque aux Etats-Unis, qui, avec la même approche, s'inspire de la réalité quotidienne et du monde de la publicité pour réaliser des assemblages et des collages. Mais si les deux mouvements peuvent être associés, le Nouveau Réalisme se défend d’être une adaptation française du mouvement anglophone. Le groupe d’artistes français veut appréhender le réel de manière nouvelle : ils utilisent des objets de consommation de la vie quotidienne comme matériel, comme un langage et les voir sous un autre jour. Ils utilisent du béton, de la tôle, du ciment et d'autres matériaux industriels, ainsi que des éléments du quotidien qu’ils intègrent à leurs œuvres: palissades, barils, objets en plastique, détritus, voitures ou panneaux de circulation... La méthode artistique et les techniques sont très variables : Accumulation, compression, lacérations d'affiches, assemblage d'objets courants ou encore sculptures autodestructives…
En 1961, César ainsi que Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps rejoignent le mouvement.
C’est avec ses Compressions que César devient un des protagonistes du Nouveau Réalisme. Il les réalise à partir de 1958 en utilisant des plaques de métal, puis des voitures qu’il compresse en blocs rectangulaires. Cette opération aléatoire efface la subjectivité de l’artiste au profit de l’anonymat de la machine…
Morgane Givelet
Quand les expérimentations sont dictées par la matière
1/Les automobiles
Œuvre compressée, talent expansé
En 1960, César Baldaccini découvre la presse hydraulique. Elle vient des États-Unis et est assez grande et puissante pour écraser des voitures entières. Il s’essaie alors à cette nouvelle technique et crée Trois tonnes, une compression hasardeuse composée de ferraille de voitures. Cette première œuvre "provoque scandale et incompréhension auprès du public". Mais cela ne l'empêche pas de poursuivre cet élan créatif.
S’en suit des compressions dirigées, dans lesquelles il prend sa part de contrôle en sélectionnant les voitures qu'il va compresser « pour leur forme, leur matière, leur couleur » et les inscriptions sur leur carrosserie (d'après le Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris).
On peut lire les quelques lettres restantes du mot « Ricard » sur le flanc de la voiture écrasée, au cœur de la compression. C’est une voiture de course sponsorisée par cette marque et choisit par l’artiste pour en faire cette sculpture éponyme. Cette dernière, après "écrasement" sous forme de parallélépipède ne mesure plus que 153 centimètres de hauteur, sur 73 et 65 centimètres de large.
C’est ainsi que César compose sa sculpture, où opère une « subtile combinaison de choix et de hasard » entre ce qu’il sélectionne en amont, la façon dont il les dispose et ce que la presse propose. Et c’est à travers ce geste drôle et poétique qu’il introduit une « critique de la société de consommation réutilisant tous ce qui ne sert pas » (d'après 1 minute au musée, vidéo de francetvéducation). A ces yeux, ces déchets estimés non fonctionnels et qui n’ont plus aucune utilité, prennent de la valeur et se retrouvent être la matière première d’œuvre d’art. En tant que sculpteur, il se sert donc des voitures comme le peintre de sa peinture.
Amélie Wehrung
Accident contrôlé
César explique comment en sortant des beaux-arts, il en est venu à travailler la ferraille : "Je travaillais dans une banlieue à Paris où il y avait beaucoup de ferrailleurs. J'ai commencé à utiliser le déchet pour des questions purement de nécessité. J'y ai trouvé ma vie. Je me suis exalté dans ce matériau, dans cette technique. C'est une technique comme une autre.".
C’est ainsi que le sculpteur se mit à travailler avec ces matériau. Lorsqu’il trouve une presse hydraulique chez un ferrailleur de Gennevilliers. “Ça a été le coup de foudre. Tout de suite, j’ai eu envie de l’utiliser. D’abord je m’en suis servi de manière brute, si j’ose dire. La presse allait au-devant de mes souhaits, elle se saisissait du matériau, le broyait et le transformait en d’énormes balles calibrées d’un poids variable ; j’étais anéanti devant cette machine qui transformait des voitures en paquets de ferraille de plus d’une tonne.”
Il va par la suite réussir à « contrôler » ses compressions en choisissant avec soins les matériaux qu’il compresse. C’est ainsi que naquit la Dauphine. Cette sculpture est la compression d'une Renault Dauphine rouge, voiture très populaire à la fin des années 1950. En 1957, elle est la voiture la plus vendue en France et représente à elle seule le tiers de la production de Renault. César va la compresser de façon à l’écraser de haut en bas. La Dauphine est sa première compression plate. Il en a eu l’idée initiale en 1959. Il ne la réalisera qu’en 1970 à l’occasion du 10ème anniversaire du Nouveau Réalisme à Milan.
César est un artiste aujourd’hui connu et reconnu dans le monde entier, de nombreuse expositions sont consacrées à son travail notamment l’exposition permanente actuelle au centre Pompidou à paris. Parmi les œuvres exposées se trouve bien évident l’emblématique dauphine.
Louna Laplace-Claverie
2/Les objets
Production industrielle transformé en œuvre d’art
Fasciné par la compression des carcasses de voitures, découvertes lorsqu’il récupère les déchets chez le ferrailleur, il oriente son travail autour de la technique de la « compression dirigée » à partir de 1958.
“Ça a été le coup de foudre. Tout de suite, j’ai eu envie de l’utiliser. D’abord je m’en suis servi de manière brute, si j’ose dire. La presse allait au-devant de mes souhaits, elle se saisissait du matériau, le broyait et le transformait en d’énormes balles calibrées d’un poids variable ; j’étais anéanti devant cette machine qui transformait des voitures en paquets de ferraille de plus d’une tonne.” César.
Cette technique stimule son imagination et l’entraine vers un geste artistique radical. Il bouleverse ainsi la sculpture du 20ème siècle et provoque les sculpteurs de l’époque en délaissant le travail à la main. Il expérimente le « langage de la ferraille » à travers des compressions diverses et amène également une réflexion sur la matière.
La Suite Milanaise, présentée en 1998, à la Fondazione Mudima de Milan, montre bien sa capacité à se réinventer. A l’initiative de ce projet, on retrouve Alberto Rossini et Pierre Restany qui ont accepté de collaborer à l’hommage que l’artiste a voulu consacrer à la ville de Milan, qui a accueilli sa grande rétrospective au Palazzo Reale. La suite Milanaise est composée de 15 compressions (13 compressions monochromes et 2 compressions plates de seulement 8 cm d'épaisseur) posées sur des palettes. Cette suite est réalisée avec une série de voitures Fiat neuves : de la Giallo Naxos 594 à la Blu Energy 452, en passant par la Verde Wembley 396 ou la Agatha 316. Une fois compressées, les voitures sont passées dans les chambres à peinture de l'usine Fiat, et peintes aux couleurs de la gamme de l'année. Ces productions aux couleurs monochromes sont ainsi plus éclatantes et lumineuses que les précédentes. Avec cette collection, il rend hommage à l’Italie, à travers le visage le plus populaire de sa modernité, l'automobile. En compressant ces voitures Fiat, César détourne leur usage et leur perception. Les œuvres de César critiquent et remettent en question le gaspillage de notre époque et la société de consommation avec ses recyclages de ferrailles compressés.
Pour obtenir ce qu’il souhaite lors de la compression, l’artiste prend soin de mettre en évidence les structures, et varie le degré de compression afin d’obtenir des effets de surface issus de l’éclatement et la déchirure du métal, créant des volumes qu’on ne voit jamais se refermer. La pression exercée sur les corps de ces voitures a été légèrement réduite par rapport à la norme, de manière à laisser des espaces vides dans la masse métallique, représentant de cette manière des plis, tels que pouvait être une draperie classique, qui rendait les sculptures plus «aérées», presque respirantes. Ces compressions vives et légères contrastent avec l’aspect et le poids du métal. Pour obtenir un résultat parfait, une couche de laque métallique, renforcée par une pluie de paillettes incorporées, a été appliqué sur de la matière tordue, donnant à La Suite milanaise (contrairement aux premières compressions) un véritable aspect d’échantillon de couleurs industrielles. La même année, cette collaboration entre César et Fiat a été couronné par le prix Guggenheim "Impresa & Cultura" qui récompense les entreprises soutenant des projets innovants dans le domaine des créations artistiques.
Margot Chevallereau
Emballé, c’est pesé
La série des Enveloppages est peut-être la série la moins connue de l'oeuvre de César. Autour des années 1970, en tombant par hasard sur des feuilles de méthacrylate, il décide d’étendre son travail de compression à d’autres matériaux que la tôle. Ces Enveloppages sont réalisés à partir d'objets trouvés dans des brocantes ( tels que des téléphones, des moulins à cafés ou encore des ventilateurs) que l'artiste emprisonnent, enveloppe dans une feuille de plexiglas chauffée. César a choisi ces objets pour leur petite dimension d’une part, mais surtout pour leurs qualités quotidiennes, utilitaires… La transparence du plexiglas permet alors de mettre en valeur l’objet contenu et de le protéger des ravages du temps, à l’instar d’une petite capsule temporelle. Cette série tisse un lien paradoxal entre le passé et le présent en mariant à la fois un objet ancien avec un matériau et une technologie moderne. Cependant, la technique utilisée ici n’est pas sans risque. Les feuilles de plexiglas sont d’abord couchées sur les tiroirs d’un étuve, puis lorsqu’elles sont suffisamment souples, elles sont pliées dans une matrice spéciale. Des trous alors placés dans le châssis permettent d’envoyer de l’air pour accélérer le refroidissement du Plexiglas, qui dure une vingtaine de minutes. Mais bien souvent la feuille de plexiglas se brise lors du pliage ou quelques temps après, ce qui limite grandement le nombre de pièce dans cette série. Par cette œuvre, César fait naître une pointe de frustration chez le spectateur, car l’objet est à la fois sacralisé et à la fois inapprochable, emprisonné.
Un hasard contrôlé
César est un artiste de son époque, qui expérimente et use des matériaux qu’il a à sa disposition. Tel un explorateur, il va tester la matière, celle du polyuréthane. La mousse polyuréthane s’étend et se gonfle dans des proportions étonnante. En effet, sa taille double, triple, quadruple de volume et se durcie par la suite. Ses premières expérimentations vont être réalisées en public à l’occasion de happenings à partir de 1967. Face au public, il dépend la matière liquide qui peu à peu, glisse, s'épaissit, prend du volume et sèche. Ensuite, il découpe des morceaux son travail et en distribue à l’assistance. Ce sont des gestes qui lui permettent de se situer dans l’espace public et d’avoir un rapport immédiat de l’œuvre et au public. La sculpture fragmentée va alors prendre place dans l’espace mais également dans le temps.
En 1970, l’artiste souhaite de la nouveauté et recherche un procédé qui permettra de conserver ses expansions malgré le fait que le matériaux, étant quelque peu fragile, s’y prête mal. C’est grâce à une couche de résine de polyester, de laine de verre et de laque acrylique qu’il va aboutir à une surface intéressante. Poncé, vernie, lissé et nacré, le travail de César prend forme. La fragilité du matériaux semble être préservée. La forme finale varie en fonction de la manière dont l’artiste a versé la mousse (plus ou moins vite, de plus ou moins haut) ainsi que de la quantité versée. En jouant sur ces facteurs, César devient comme sculpteur de ces mousses, tout comme il le faisait avec ses compressions. Il ne maîtrise qu’une partie du projet, le reste appartient au hasard. Mais c’est un hasard controlé, et c’est ce hasard qui fait la beauté des choses.
Les Expansions de César viennent en opposition totale avec son travail sur les Compressions. Faites de formes molles, les Expansions viennent à l’encontre des formes géométriques des Compressions. Les unes sont verticales, les autres horizontales. Les uns sont compactées, les autres libres et prennent possession de l’espace. César nous montre sa capacité à se réinventer.
Capucine Brossier
1 / Le corps humain
La Vénus de fer
C’est à l’occasion de l’exposition « César, Roël d’Haese, Tinguely » qui se déroulait au Musée des Arts décoratifs, le 26 Mai 1965, que César dévoilait aux yeux de tous une statue de fer pesant plus d’une tonne et mesurant environ 2,20m de haut. Celle-ci avait pour titre « La Victoire de Villetaneuse » en référence à celle qui sera devenue sa ville d’adoption : Villetaneuse.
Au début de sa carrière de sculpteur, César manque d’argent. C’est donc plus par nécessité que par attirance qu’il s’intéresse aux matériaux de récupération tels que la ferraille. Ce matériau, auquel il offre une seconde jeunesse, sera un élément marquant de son œuvre. Si le fer devient le matériau de prédilection de César, c’est grâce à Léon Jacques, le patron d’une petite usine métallurgique de Villetaneuse, qui l’introduit dans l’univers du déchet industriel et qui lui ouvre les portes de son établissement de 1954 à 1965. C’est ainsi que César bénéficiera des compétences des ouvriers de l’usine qui l’initieront à la soudure à l’arc. César assemble, fond, transforme et recrée… Il joue avec les formats, les formes, la matière expérimente des métamorphoses aux frontières de l’abstraction. La matière que l’artiste manipule se charge d’une identité nouvelle, d’une étrange singularité par les effets de reliefs, de tourments, de textures et par le résultat expressif qu’il lui donne.
César réalise la Victoire de Villetaneuse en 1965. Il représente une femme, une Vénus aux formes généreuses, charnues, et au ventre rond à laquelle il manque la tête. Cette tête, bien loin d’avoir été arrachée, détachée ou coupée, est tout simplement absente. Saisi par la présence de ce corps sans visage, le spectateur comprend vite qu’il s’agit d’un moyen pour l’artiste de créer une distanciation entre l’observateur et le sujet et de permettre à celui qui regarde, de pleinement s’immerger dans la technique, dans la structure de la matière, dans ses aspérités et son modelé. César souhaite que l’on perçoive ce que nous dit la sculpture, ce que sa substance et son essence nous raconte.
César nous plonge dans le corps des femmes au ventre rond, déformé par le fruit d’une grossesse comme pour nous faire expérimenter les changements qu’éprouve le corps d’une future mère. De cette façon, La Victoire de Villetaneuse, avec ses formes ventrues, tire ses origines des figures préhistoriques et primitives et s’apparente aux statues africaines qui sont le symbole de la fertilité, l’image de la fécondité et de la reproduction.
La Victoire de Villetaneuse est telle une Vénus originelle et primitive qui émeut et étourdit le spectateur par l’essentialité de ses formes et de sa matière…
César - La Victoire de Villetaneuse- 165 |
Delphine Le Mao
Le "Sein" César
Parmi ses nombreuses oeuvres, Le Sein de César prend une place particulière. Cette oeuvre originale joue sur des rapports d'échelle, de sens, de matière, . Il en existe de nombreuses versions. Cependant la toute première fût éditée en 1966. Elle a été coulée dans un moule en fonte pronvenant de la fonderie Henri-Paul Schneider se situant à Monchanin. La sculpture trouve son origine dans le moulage du sein d'une danseuse du Crazy Horse. Ce sein semble parfait pour l'artiste qui pourtant, à l'origine, souhaitait mouler le sein de Brigitte Bardot ou celui de Jane Fonda…
Melvin Bossis
L'empreinte de César
Le Pouce, est sans doute l'une des œuvres la plus emblématique de César.
César s’essaie au moulage corporel et réalise une série d’oeuvres traitant de l’empreinte humaine. Il débute ces moulages corporels en 1963 alors qu’à ce moment débute une exposition sur le thème de la main, allant de Rodin à Picasso. Il découvre un pantographe dans l’atelier d’un jeune artiste permettant d’agrandir les sculptures. Avec cette technique, l’artiste se met en position de rupture complète avec la sculpture traditionnelle.
Il réalise alors l’empreinte de son pouce en résine synthétique et l’agrandit à 42 centimètres de hauteur. Ce pouce sera décliné en différentes tailles allant de 42 cm à 12 mètres de hauteur (que nous pouvons notamment retrouver sur le parvis de la Défense) et en différentes matières (plastiques, ainsi que nickel, bronze, marbre, or ou encore sucre). L’agrandissement de son œuvre donne au pouce un caractère monumental et abstrait.
Selon le même principe, il réalise d’autres empreintes corporelles tel le sein d’une danseuse du Crazy Horse. « Le Pouce peut résumer l’œuvre de César » avance Bénédicte Ajac « C’est à la fois une œuvre qui est classique, innovatrice, abstraite, qui symbolise le corps humain, qui peut avoir un caractère sexuel, qui a été déclinée dans toutes les tailles et dans toutes les matières… »
Le Pouce de César peut être vu de différentes façons. Ce Pouce dressé vers le haut peut être une ode au travail manuel de l’artiste. Contrairement à son homonyme César l’empereur Romain, qui, lui, dressait son pouce vers le bas afin de donner la mort, César ici nous le montre toujours levé vers le ciel, symbole de l’optimisme.
Ce Pouce dressé de façon monumental dans l’espace public (en l'occurrence devant le Centre Pompidou le temps de l’exposition), tel un totem, peut également prendre un caractère phallique, être pris comme une provocation. Le choix d’agrandir des parties corporelles tel le sein ou ici le pouce, et les présenter de manière isolée, peut transcrire une connotation sexuelle forte tout en gardant une certaine abstraction.
Sarah Lods
2 / Les animaux
Les débuts de César avec le fer soudé
C'est lors de ses débuts, après s'être installé à Paris en 1946 que César commença à expérimenter le travail du fer. L'intérêt que l'artiste portait à ce matériau de récupération fut accentué par la facilité de sa procuration et par sa faible valeur.
Cette période durant laquelle l'artiste réalisa plus de 300 sculptures s'est étendue jusqu'en 1966. Ses sculptures en fer soudé témoignent d'une alliance entre classicisme et modernité. En effet, l'artiste se libère des méthodes académiques en confrontant sa maîtrise des fondamentaux du travail du fer à des méthodes moins conventionnelles et plus novatrices. Ainsi, César crée des œuvres nouvelles et inédites tout en faisant perdurer une tradition classique. C'est dans ce contexte, en 1954 qu'il réalisa Esturgeon, une sculpture imposante en fer forgé et soudé, mesurant 3,40 mètres de long. L’œuvre, élaborée selon la technique de la soudure à l'arc (technique empruntée à l'industrie) a nécessité un long travail d'assemblage et a suscité l'étonnement et la fascination lors de sa présentation au public. La technique employée par César, additionnée à l'utilisation de petits objets ferreux écrasés (vis, boulons, écrous …), attribue à la pièce l'apparence d'une résille et lui apporte finesse et légèreté. L'homme se lance alors dans la création d'un bestiaire très singulier, composé de toutes sortes d'animaux aux formes étranges et réinterprétées (coq, scorpion, chauve-souris …).
César a reçut pour Esturgeon le Prix des « Trois arts » en 1954, une récompense qui lui permettra d'exposer son œuvre au Musée national d'art moderne de Paris quelques années plus tard, en 1965.
Plus de vingt ans après la réalisation d'Esturgeon, à la fin des années 1970 et après avoir mené diverses expérimentations, César revient à la technique de la soudure à l'arc en l'appliquant au bronze.
Marianne Guillot
Mythologie du XXe siècle.
Surplombant le spectateur, le Centaure de César peut être vu comme un autoportrait de l’artiste. C’est dans une démarche de retour à une sculpture plus traditionnelle que César réalise ce Centaure de 4.45m de haut et de 5.20m de long. Il s’agit là d’un hommage à Picasso.
Composé de multiples morceaux de métal, cette sculpture mi-homme mi-cheval est « hérissée » d’écrous. L’œuvre est une incarnation de la force naturelle, de la vitesse, de l’expansion. Cette réalisation est à mi-chemin entre la créature mythologique et la sculpture contemporaine. Ce bronze inauguré le 10 octobre 1985 est le fruit d’une accumulation, d’un assemblage d’éléments de notre quotidien. Cette utilisation des biens de consommation est une pratique courante chez les Nouveaux Réalistes. César nous interroge sur l’usage de nos biens. Il leur donne un nouveau visage. Le choix du centaure s’explique par l’envie de l’artiste de représenter la puissance et la présence imposante des machines au cœur du XXème siècle qui est le premier siècle non équestre.
Cependant la machine n’est pas la seule à trouver sa place dans cette réalisation, la sculpture traditionnelle se retrouve dans le soin et le détail apporté aux pieds et aux mains qui évoque la statuaire classique. Bien que le visage adopte les traits de l’artiste, une analyse plus poussée nous montre que ce visage représente les vanités classiques. En poursuivant l’analyse des détails nous pouvons relever la présence du maître et ami de l’artiste : Picasso. Celui-ci se trouve sur la visière présente que le front de la sculpture. Sur la main gauche se trouve un oiseau, surement une colombe qui s’apprête à s’envoler. Enfin, dissimulé sous la cuirasse du Centaure se trouve une version miniature de la statue de la Liberté.
Centaure 1985 - Gravure d'interprétation en couleurs,
Editions Pyc, Paris.
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Au croisement de diverses époques cette sculpture de César est à la fois une représentation mythologique, une allégorie et un hommage à son mentor et ami.
Kilian Cornillon
La poule aux oeufs de fonte
En assemblant divers éléments métalliques, César donne une seconde vie aux rebuts de la production industrielle. Cette passion pour le fer, un matériau à la fois pauvre mais structural est née très tôt, dès ses débuts à l’atelier de l’Ecole des Beaux-Arts.
« Avec la soudure à l’arc, c’est simple, je peux souder une aiguille sur une enclume ! C’est tout ! Je n’ai rien inventé, c’est un langage du matériau. »
César, devenu spécialiste dans la technique du fer à souder, explore les techniques sculpturales basées sur le soudage d’éléments de métals. Afin de donner un nouvel élan dans son art, il explore davantage ces techniques allant jusqu’à pratiquer la soudure à partir du bronze.
Il crée en 1991, Fanny Fanny une sculpture monumentale faite à partir d’éléments de bronze soudés.
La soudure est un moyen d'assemblage. Il a pour objet d’assurer la continuité de la matière à assembler et de préserver leur longévité. Issue de l’imagination fantasque de César, cette poule post-industrielle sur roulettes, souligne à la fois la force du sculpteur et son univers. L’artiste apporte un soin quasi paternel, dans le détail de la fonte en apportant souvent des corrections directement sur le bronze, en ajoutant ou en enlevant certains éléments.
Fanny Fanny, 1991, César, Détails d’assemblage d’éléments soudés,
Jardin des Tuileries Paris 1er
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Du haut de ses deux mètres quarante, elle figure parmi les œuvres les plus impressionnantes de César. Nous pouvons donc assurer que cette Fanny Fanny, oeuvre monumentale est à la hauteur un tempérament de son bâtisseur. « Je crois que tous les sculpteurs ont cette maladie. Ils veulent faire du monumental. Parce que, par tradition, un sculpteur, ça fait des monuments. C’est peut-être de l’orgueil… je ne sais pas. ».
Melanie Laude
Les trophées du 7ème art
"J'appelle mes Compressions des Compressions, mes Expansions des Expansions’’ César.
En 2018 aura lieu la 43e édition de la célèbre cérémonie des Césars, qui vient récompenser les artistes du 7ème Art. Les Césars sont des trophées remis aux lauréats du cinéma français, tous les ans lors de la nuit des Césars. Ils représentent la plus grande distinction cinématographique, en France. Ils sont l’équivalent des Oscars aux Etats-Unis. Georges Cravenne, qui créa l’Académie des arts et techniques du cinéma, demanda au sculpteur César en 1975 d’inventer un trophée pour celle-ci. L’artiste réalisera des compressions d’objets métalliques, en bronze poli de 3,6 kg, qui portent le nom de leur créateur. Elles succèderont à l’Etoile de cristal.
Pour son premier « César », le sculpteur s’est grandement inspiré des Oscars, plaqués d’or. En 1976, sa compression représente une bobine de film enrouée autour d’une silhouette. Mais l’accueil au près des acteurs et actrices n’aura pas l’effet escompté. Il en recréera un autre qui est aujourd’hui remis et produit dans une usine en Normandie.
Marylin Monroe, Etoile de cristal pour la meilleure interprète étrangère dans « the prince and the showgirl ». Nullified © |
Le sculpteur César avec sa première version, ©Getty |
Les Césars, © copyright Gralon.net
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Clara-Line Ogier
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