jeudi 9 février 2017

Oeuvres interactives

Toujours plus proche de l’œuvre


 
L'art s'est souvent mis à  distance du spectateur. "NE PAS TOUCHER - NE PAS S'APPROCHER". Depuis peu, certains artistes cherchent à générer une interaction plus que visuelle avec le spectateur. Les interactions permettent au spectateur d’augmenter, voire de modifier sa relation avec l'œuvre. L’interaction est peut être un moyen d’impliquer le spectateur, de lui donner une accroche, qu’elle soit émotionnelle, intellectuelle ou sensorielle. L’homme est un animal social, les interactions avec les autres et son environnement sont au cœur des préoccupations contemporaines. On cherche à augmenter l’interaction dans les domaines tels que le jeu vidéo avec la réalité virtuelle, le cinéma avec l’arrivé de la 3D, … L’interaction augmente l’immersion. Les artistes en sont bien conscients. Nous allons voir, à travers cette édition, comment ils ont développer des mécanismes, des stratégies, des propositions qui implique le spectateur dans une expérience participative unique, toujours personnelle et parfois intime.

Attention! Cela risque d'éveiller votre appétit...
Quentin Cadero et Marion Bernardi

Révélation par déplacement  


Vue de coté c'est toujours plus gros


Hans Holbein le Jeune était un des portraitistes les plus accomplis du 16eme siècle. Il était connu pour la précision de ses dessins. Le portrait “Les Ambassadeurs”, une peinture à l’huile sur  un panneau de bois de chêne, a été réalisé en 1533 à Londres. Holbein a déménagé en Angleterre en 1532 et a commencé à peindre l’entourage de Henri VIII. Juste après, en 1535, il a été officiellement déclaré le peintre de cour de ce même roi. L’œuvre figure deux hommes riches et puissants. A gauche, on retrouve Jean de Dinteville, 29 ans, et ambassadeur Français en Angleterre en 1533. A droite on retrouve son ami, Georges de Selve, 25 ans, évêque de Lavaur, qui a servi en tant qu'ambassadeur auprès de la République Venetian et du Saint-Siège. Pour comprendre le contexte historique de la peinture, il faut premièrement examiner la série de trois événements qui ont contribué à l’envoi des deux sujets du portrait. En 1533 Henri VIII d’Angleterre et sa première épouse ont divorcé. Il s'est ensuite marié avec Anne Boleyn et, par conséquent, a été excommunié de l’église catholique. La Réforme Protestante étant déjà bien engagée dans le reste d’Europe, l'Angleterre s’est également séparée de l’église catholique. De Dinteville et de Selve ont été envoyés en Angleterre à la cour des Tudor comme réponse à cette rupture avec l’église.
Holbein a peint “Les Ambassadeurs” pendant une période très tendue entre les rois de France, d'Angleterre, lempereur Romain, et le Pape. C’était aussi une époque où la chrétienté se divise avec la Réforme. Ce conflit se reflète dans plusieurs détails symboliques de l’œuvre. Le crucifix caché par la rideau vert en haut à gauche représente la division de l’église. La corde cassée du luth évoque la dissonance ecclésiastique pendant la Réforme. Le livre de musique ouvert à côté du luth a été identifié comme un livre de hymnes Lutherien, possiblement un cri pour l’harmonie chrétienne. Le livre de mathématiques est ouvert sur une page en lien avec la division.
Aux pieds des Ambassadeur apparait une forme étrange qui ne prend sens que d'un point de vue particulier, non plus quand le spectateur est placé face au tableau, mais quand il se déplace et passe presque sous la toile. Alors apparaît un crâne. La technique de l'anamorphose était connu par Holbein et d’autres artistes de l’époque. Les artistes pratiquant cette technique étaient capables de reproduire des dessins déformés qui pouvaient apparaître normalement que sous certaines conditions, tel qu’un angle aigu ou réfléchi dans un miroir convexe. Le crâne en bas de la peinture est un exemple de cette recherche. Le tableau des Ambassadeurs était accroché au mur dans les escaliers du château de l’homme représenté à gauche, Jean de Dinteville. L'image corrigée du crâne apparaissait facilement quand elle était vue d'en bas des escaliers. Le crâne est considéré comme un des meilleurs exemples d’anamorphose dans l’histoire de la peinture. Son apparition est saisissante…
Les Ambassadeurs - Hans Holbein - 1535
Elise Cugnart


Déchaine moi!


Lointaine, presque imperceptible, calme et plate, elle ondule langoureusement. Une attirance palpable nous pousse vers elle, nous attire renfermant un mystère.
C’est au Musée des Beaux-Arts de Nantes que Thierry Kuntzel réalise en 2003 une installation vidéo et sonore interactive. Dans une pièce longue et sombre, le visiteur s’avance droit vers un écran plaqué au mur, cerné de capteurs créant alors ce lien interactif entre œuvre et spectateur.
Encore lointain, l’écran diffuse alors l’image d’une mer calme et de ses quelques vagues douces et sensuelles. C’est en s’approchant de plus en plus de l’œuvre qu’elle se développe. En effet, les vagues se meuvent, s’agitent, puis se déchaînent plus le visiteur avance, pour enfin se figer nettes en une image noire et blanche. La mer se faisant pourtant menaçante, comme protégeant un secret, crée chez le spectateur avec cette agitation l’envie de persévérer dans son son parcours. Ainsi par leur déplacement, les individus participent au développement de l’œuvre.

The Waves-Thierry Kuntzel - 2003
En référence à l’écrivain anglaise Virginia Woolf et de son roman homonyme The Waves, l’installation de Thierry Kuntzel retrace peut-être les tourments psychologiques de cette femme de lettres qui s'est suicidée par noyade. Il choisit, de fait, d’évoquer, par le déferlement des vagues, son instabilité émotionnelle.

Louise Peyon-Leconte


 Tu m’excites


The Senster est une œuvre interactive consistant en une installation modulaire interactive. Pensée et développée par Edward Ihnatowicz à la fin des années 60, The Senster fut l’apogée d’une suite de travaux interactifs, innovants et surprenants pour l’époque (œuvre robotique interactive contrôlée par ordinateur).
Edward Ihnatowicz était un sculpteur cybernétique des années 1960-70. Ses travaux principaux se basent sur l’utilisation d’ordinateurs (premiers modèles développés à l’époque) dans des œuvres d’art interactives faisant intervenir le public. Il réussit, à travers ses productions, à mêler tout ce qui s’apparenterait à quelque chose de technique (froid, brut, sans sensibilités) au domaine artistique (ce qui était déjà quelque chose d’engagé à l’époque et qui a su se développer depuis). 


The Senster-Edward Ihnatowicz

The Senster est un précurseur explorant les notions de robotique, de programmation et d’interactions machines/ êtres vivants. Le concept est simple à comprendre et pouvait, lorsqu’il était décrit, séduire, attirer les curieux. La structure est composée de deux pieds reliés à un corps principal (dont la tête correspond à une sorte de pince ou de mandibules). Cette installation nous rappelle certes l’idée de robot à travers tous les éléments de construction (tiges associées qui rappellent l’intérieur des anciens avions), mais également une dimension animale avec la ressemblance à un insecte qui s’agite. D’autre part la grandeur de cette œuvre reste impressionnante et nous fait-nous sentir fragiles à côté.
Concernant son fonctionnement, des capteurs de sons et de mouvements sont placés dans la pièce. Ainsi, l’œuvre peut prendre vie à partir du moment où des visiteurs rentrent dans la salle et se déplacent. C’est alors que The Senster va pouvoir bouger, se désarticuler et réagir en fonction du déplacement et des sons émis par les visiteurs. On peut alors parler vraiment d’une œuvre interactive. Certains artistes plus contemporains n’hésitent pas à reprendre ce type d’interactions, c’est le cas de l’artiste Han Koning qui a créer l’objet Lung (un petit objet ressemblant à un cœur qui bas et qui est effrayé quand on se rapproche de lui). 

Jules Lerouge 




 J'entends quelque chose bouger


Ce grand mobile sonore est composé de 40 disques d’un diamètre de 150 centimètres en rotation lente. Melotrope génère un vaste espace cinétique au paysage changeant sans cesse. C’est une œuvre collective réalisée par deux artistes Solveig de Ory et Jean-Robert Sédano, une plasticienne et un musicien, informaticien. Des disques blancs sont suspendus et forment un labyrinthe. C’est une œuvre interactive et labyrinthique dans laquelle on est invité à déambuler. C’est le mouvement des spectateurs qui crée les variations d’ombres et décompose et recompose un paysage sonore. Cette composition sonore est un parcours musical créé à partir des séquences numériques réalisées à l’aide d’un synthétiseur et quelques sons concrets retravaillés sur ordinateur. Il s’agit donc de compositions polyphoniques pouvant comporter jusqu’à 64 sources distinctes, se déclenchant on fonction du déplacement des spectateurs. Le but de cette installation est de créer une sorte de magie et de la communiquer aux visiteurs en les enchantant par le paysage sonore et visuel.

Melotrope-Solveig de Ory et Jean-Robert Sédano

Camille Metayer Schneider



Quand on ne mouille pas (Rain Room : un design sensoriel)



L’enjeu majeur de cette œuvre : la présence du public et l'espace qu'il occupe. L'immensité d'une salle, l'eau et le mouvement sont trois éléments qui caractérisent cette œuvre interactive intitulée Rain Room. Elle a été édifiée en 2012 par le collectif Random International, une équipe d'artistes designers anglais spécialisés dans l'art interactif. Ils ont une approche ciblée sur l’expérience humaine qui lie l'eau, la lumière et la technologie.
C'est un environnement sombre, immersif, où une pluie tombe, incessante, et s'arrête en détectant le mouvement du corps grâce à des caméras 3D. Il y a un partage de confiance entre le participant et le phénomène. L'observateur entre réellement dans l’œuvre qui renvoie un univers puissant, sans pour autant pouvoir la toucher, comme une force invisible qui le protège. Il n'y a aucun contact entre eux, seul un lien spirituel.

Rain Room-Random International

L'averse répond à vos mouvements, c'est une chorégraphie, une sorte de valse entre les ondulations du corps et celles de l'eau. L'installation est un mélange entre sciences et technologies, qui amène le visiteur à vivre une expérience unique où il a le sentiment d'avoir un contrôle total sur un phénomène naturel: la pluie. Marcher à travers la pluie sans se mouiller est enfin réalisable.
Rain Room est une confrontation direct et sensorielle entre l'humain et son rapport avec l'intelligence artificielle.

Clara CHANTELOUP


Un coup d’œil suffit


Quand tu le vois arriver par derrière


Pierrick Sorin- Coup de pied aux fesses
Dans les années 60 à 70 les artistes ont travaillé sur le dispositif vidéo dans le domaine de l’art. Pierrick Sorin, artiste nantais, en est le digne héritier. C’est un vidéaste qui utilise la vidéo pour créer des œuvres d’art qu’il appelle ses « théâtre optique ». Il confronte parfois le visiteur à l’artiste lui-même comme dans l’œuvre la belle peinture est derrière nous, où le spectateur est pris à partie par la voix de l’artiste qui lui demande de se pousser car en effet derrière lui est accrochée une peinture. Malgré la simplicité du message de l’œuvre, ses dispositifs sont tout de même complexes. Sorin crée des mini films à petits budgets où ils jouent plusieurs rôles à la fois caméraman, acteurs, metteur en scène… Dans l’œuvre les matins, Pierrick Sorin réalise un documentaire où il s’auto-filme en train de se réveiller tous les matins en décrivant son ressenti. Ses inspirations proviennent du cinéma muet, burlesque, des films de Jacques Tati ou même des émissions d’aujourd’hui.
En 1992, Sorin réalise l’œuvre Coup de pied aux fesses où le spectateur se penche pour regarder un écran dans lequel il se voit et voit arriver derrière lui, quelqu’un va lui mettre un coup de pied aux fesses, un montage vidéo mélangeant réalité et fiction. Il provoque ainsi la réaction du visiteur qui se retourne pour voir s’il y a vraiment quelqu’un derrière lui. Le style de Pierrick Sorin est toujours plein d’humour et même si parfois ses sujets sont emprunts de légèreté la plupart posent un regard critique sur notre société, et surtout sur notre image. En effet à travers ses autoportraits, il remet en question le visiteur et sa relation à l'art. De même dans ses œuvres interactives, Sorin ne laisse pas le visiteur être spectateur et s'amuse à le faire acteur.


Pierrick Sorin- Coup de pied aux fesses - 1992


Pauline Leriche


Le voyeur




Present Continuous Past(s) de Dan Graham - 1974 - Installation vidéo - circuit fermé - 1 caméra noir et blanc, 
1 moniteur noir et blanc, 2 miroirs, 1 microprocesseur



Present Continuous Past(s) de Dan Graham est la première œuvre (1974) de ce genre et constitue le modèle de la plupart des œuvres mettant en scène des interpénétrations spatio-temporelles dans des salles recouvertes de miroirs et dans lesquelles le spectateur est sujet et également objet de perception.

Le dispositif de Present Continuous Past(s) est minimaliste et savant. Il repose sur une architecture mathématique : composée d’une caméra vidéo, d’un moniteur noir et blanc, de deux miroirs et d’un microprocesseur. Il met en jeu un système de boucle et de délais qui deviendra la marque de fabrique de l’artiste, la référence incontournable de tout un courant de l’art conceptuel et de la création vidéo.
Dan Graham précise : « Le miroir réfléchit le temps présent. La caméra vidéo enregistre ce qui est immédiatement en face d’elle et l’image réfléchie par le miroir qui lui fait face. L’image vue par la caméra apparaît huit secondes plus tard sur l’écran du moniteur. » Ainsi, l’œuvre met en évidence le dispositif de la représentation en y intégrant des « regardeurs », qui deviennent les personnages d’un spectacle pris entre le direct et le différé, auquel ils assistent en même temps que d’autres peuvent les observer.
Le titre de l’œuvre laisse entendre différentes interprétations au niveau de l’imbrication temporelle: il peut s’agir d’un présent continuellement passé (délais de la vidéo), d’un passé (enregistrement) ou d’un passé continuellement présent (boucle de la vidéo).
Cette mécanique de regards, d’observations, les uns envers les autres peut renvoyer avec force aux systèmes de surveillance et de contrôle de la société contemporaine.

Mathis Jagorel 

Se dévoiler


Un jeu interactif par Peter Campus
Peter Campus, né en 1937 à New York, est un photographe américain, l'un des artistes américains les plus importants des années 70 et un éminent représentant de l’art vidéo.

"Grâce à la transmission en direct de l’image électronique, il invite le visiteur à faire d’étranges expériences de lui-même en le confrontant à des doubles dissociés dans l’espace et le temps, à une image de soi toujours problématique.

D’une installation à l’autre, un resserrement progressif s’opère, l’activité du visiteur est restreinte et celui-ci n’est plus confronté qu’à une seule image de lui-même, quoique toujours inattendue, pour aboutir à un face-à-face avec le visage d’un autre qui le fixe du regard, une image projetée de grande dimension. Un blocage, une impasse, un épuisement des possibles ? Le spectateur est renvoyé désormais à son activité de regardeur. " Texte Musée du Jeu de Paume


peter-campus- DOOR


Irmak Özkan


Toucher déclencheur

Tire sur ma tige


Scenocosme est un couple d’artistes aux créations singulières mêlant toutes formes d’expressions : installations interactives, art plastique, art numérique et sonore, performances, etc. Ils développent des œuvres qui évoluent avec l'interaction humaine. Leurs créations sont poétiques, rêveuses, de sensibles.

scenocosme : Grégory Lasserre & Anaïs met den Ancxt, Daejeon (Korea)


Akousmaflore est une de ces créations; un jardin suspendu avec de vraies plantes qui réagissent au mouvement, une véritable expérience sensorielle. Quand on effleure la plante, elle répond au mouvement en générant des sons. Ensemble, elles créent un réel chant, un langage végétal. En réalité, les plantes réagissent à l’intensité énergétique électrostatique de celui qui les touche. De plus, chaque exposition est différente, en effet, les plantes réagissent différemment en fonction du lieu où elles se trouvent puisqu’elles sont sensibles aux flux énergétiques de leur environnement autant qu'à celui dégagé par l’Homme.
Cette création est un véritable travail d’hybridation entre le vivant et la technologie. 

Constance Rondeau 

Je veux ton corps tout entier




« DÉFENSE DE NE PAS PARTICIPER
DÉFENSE DE NE PAS TOUCHER
DÉFENSE DE NE PAS CASSER »
À Paris, octobre 1963, Groupe de Recherche d'Art Visuel "Assez de mystifications II", 3e biennale de Paris
Comme un appel à la participation ou au jeu, ces trois phrases interpellent les visiteurs dès leur entrée dans le labyrinthe du GRAV, présenté en 1963 lors de la troisième biennale de Paris.
Redéfinir la place de l’artiste, la fonction de l’œuvre mais surtout sa perception par le spectateur, tels sont les objectifs d’Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino et Jean-Pierre Vasarely, membres du Groupe de Recherche d’Art Visuel (GRAV), créé en 1960 dans la capitale Française. Par cette première œuvre collective, ils viennent affirmer leurs intentions: l’art doit devenir interactif et surtout ludique.

Le labyrinthe du GRAV-Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino et Jean-Pierre Vasarely - 1963

Le spectateur pénètre ainsi dans un espace clos, où jeux de lumières et d’éclairages, vibrations et scintillements vont perturber ses sens. Impressions de grandeur, de multiplicité de parcours, ou encore d’étroitesse vont se succéder dans ce lieu à l’atmosphère déroutante.
Le spectateur ne peut plus faire confiance à ses sens, qui sont sollicités et le trompent en permanence, et croit être dans un véritable labyrinthe. La vérité est toute autre : le spectateur est guidé à travers un seul chemin possible dans cet espace uniquement composé de huit cellules emboîtées les unes dans les autres..!
À l’aide de différents dispositifs lumineux, le GRAV parvient à perturber les sens du spectateur, à l'impliquer dans une expérience ludique et à rendre l’espace interactif.
L’expérience est approfondie dans le labyrinthe 2, qui fait cette fois appel à la motricité du spectateur, impliquant non seulement ses sens, mais tout son corps, à travers des jeux d’équilibre par exemple.
Le spectateur est invité à sortir du statut d’ « observateur » de l’œuvre pour en devenir acteur à part entière. Plus qu’une simple installation participative, le labyrinthe du GRAV déstabilise les sens du spectateur. Il est dérouté, déambulant dans un espace ou réalité et imaginaire se confondent, laissant place à un espace inédit…

Pauline OGER

 

Faire du pied pour dessiner



Digne descendant de Dali, Calder, Duchamp et autres dada, le sculpteur Suisse veut un nouvel art, une nouvelle vision des choses, c’est cette volonté qui l’amènera à créer la collection de Méta-matic, dans laquelle on trouve le Cyclograveur.
Le Cyclograveur, est un vélo articulé relié à un ensemble de rouages, qui animent un bras mécanique au dessus d’un support papier

3 croquis pour "Machine à peindre", 1959, Tinguely, stylo-bille, crayon de couleur au revers d'une lettre dactylographiée © Philippe Migeat - Centre Pompidou 
Une machine à peindre. Voila l’invention de génie de Tinguely pour bousculer le monde l’art jugé un peu trop sage et franchement pas drôle. Une fois dépassé le caractère amusant et et provocateur de la machine, il est toutefois important de mentionner les forts critiques et questionnements qu’elle pose.
Une machine à produire de l’art. Cela remet en cause la communauté entière des “artistes” ainsi que le “geste créateur”.
Qui est l’artiste ici? Peut on produire de l’art en série? La machine, destinée à remplacer l’Homme dans toutes les besognes et tâches ouvrières, serait-elle aussi la future artiste et créatrice de la société?
« Je ramène la machine à un état plutôt poétique et je fais des commentaires ironiques c’est certain. Je veux faire des farces et attrapes, je veux faire des blagues, je veux être sérieux, je veux provoquer. J’ai fait des machines à dessiner qui étaient uniquement là pour ennuyer les peintres abstraits expressionnistes c’est-à-dire les tachistes qui eux faisaient que ça, faisaient que ça, faisaient que ça. »
Le rêve de Jean, une histoire du cyclope de Jean Tinguely. Réalisation Louise Faure et Anne Julien. Quatre à Quatre films, 2005.
Tzara déclare que l'épilogue de la peinture est enfin arrivé : l'aboutissement triomphal de quarante ans de dadaïsme.Et en effet, on retrouve dans la démarche de Tinguely, une forte inspiration du ready made de Duchamp, dans la manière qu’il a de signer des œuvres produites par une machine.

Exemple de production du cyclograveur, ©CentrePompidou, catalogue de l’exposition Tinguely

Pourtant Tinguely ne s’arrête pas là. Il ajoute un donnée supplémentaire à son œuvre : le spectateur. En effet, le Cyclograveur fonctionne, comme un vélo, à la force des jambes. Et les jambes ce sont celles des spectateurs qui s’installent sur le vélo et produisent ainsi les dessins Méta-matics. Ces dessins varient selon la manipulation de la machine. Il n'y a pas deux dessins identiques. La pression du traceur sur le papier est importante tout comme la fluidité de l'agent colorant ou la qualité du papier. L'opérateur peut se servir indifféremment d'un crayon, d'un stylo bille, d'un feutre, d'un tampon, d'une encre sympathique, etc. L'élément décisif tient à la durée de fonctionnement de la machine et à la durée d'utilisation de chaque couleur.


Cyclograveur ©CentrePompidou, catalogue de l’exposition Tinguely 
Le but de la soirée est une compétition mettant aux prises deux authentiques coureurs cyclistes, déroulant à coup de pédale un kilomètre et demi de papier tout en le transformant en peinture. « Le starter, en manteau blanc ganté et coiffé d'un bonnet à pompon, donna le départ et le premier coureur se mit à pédaler comme un fou. À cet instant le public comprit qu'il n'était pas seulement venu pour assister à une manifestation artistique, mais aussi pour y participer, car au fur et à mesure que l'interminable papier se transformait en peinture il était projeté sur l'assistance, et lorsque le coureur accélérait, le papier jaillissait de la machine avec des ondulations merveilleuses et se déversait sur le public. Rien ne pouvait arrêter le processus. Le coureur était déterminé à peindre son kilomètre et demi aussi vite que possible et il y parvint. C'était l'enfer, les gens ne savaient plus ce qui leur arrivait, une merveilleuse catastrophe préméditée. Tandis que le public essayait de se dépêtrer d'un désordre supportable uniquement parce qu'il avait été organisé au nom de l'art, les deux machinistes rechargeaient la machine. »
Tinguely in Ponthus Hulten, catalogue de l'exposition (8/12/88- 27/03/89 ), Centre Georges Pompidou, Musée National d'Art Moderne
En fait, peut être la question à poser n’est pas qui est l’artiste mais quel est l’œuvre?
L’œuvre peut être la production du couple spectateur/machine signée par Tinguely. Ou la machine en elle même, dans toute sa splendeur de bricolage et son génie créateur. On peut aussi supposer que la création est en fait l’acte lui même de création que Tinguely induit en proposant son Cyclograveur au public...
Dans l’art figé et la bande d’artistes pédants, Tinguely arrive armé d’un humour critique. Il vient balayer le tout et pose un art en mouvement, défiant les définitions et les acquis de ceux qui se croyaient artistes. Il atteint son but en posant des question qui, aujourd’hui encore, ne trouvent pas de réponses...

Tassia Konstentinidis


Le Doigté-(La Musique au bout des doigts)



Random Access c’est : quelques découpes de vieilles bandes sonores de cassettes, deux enceintes, une tête de lecture… et le tour est joué! Imaginé par PAIK, précurseur dans l’art interactif, Random Access rend accessible au grand public la musique électronique. Cette œuvre plutôt bien pensée paraît très simpliste, pourtant elle offre de nombreuses perspectives d’interaction. D’une part, elle permet la création sonore sans l’apprentissage d’un quelconque instrument, ce qui libère le côté spontané et primitif du spectateur qui vagabonde, déplaçant la tête de lecture où bon lui semble sur le mur. D’autre part, la musique est diffusée par les enceintes qui font profiter les autres visiteurs d’une mélodie unique créée par le participant. Il y a une notion de partage mais également de singularité, tout le monde écoute ce que chacun est en train de produire. 

Random Access - Nam June PAIK - 1963/2013


De plus, l’œuvre a également un aspect visuel à prendre en compte, la multitude de bandes sonores reflètent un univers de mystère, à la fois dans la banalité extérieure mais également dans la diversité des sons émis. Le spectateur est livré à lui-même devant l’installation, il est alors affranchi de toutes contraintes, la seule limite est celle qu’il se fixe. En effet, il choisi le point de départ de sa composition musicale, le chemin qu’il va prendre, la vitesse, le sens, mais également le moment où sa musique va prendre fin et que son tour va passer. L’œuvre intrigue alors par sa capacité à laisser une part d’expression au spectateur tout en le perdant au milieu de ce labyrinthe. Il pense être maître de la situation mais la vérité est qu’il a seulement le contrôle sur son mouvement et non sur ce qu’il engendre.

Julien COUGNAUD

Pose tes fesses tu vas voir le jet arriver



 
Et si en vous asseyant sur un banc auprès d’un lac, une fontaine d’eau surgissait comme par enchantement pour transformer votre petit moment de détente en un instant magique ?
C’est ce qu’a réalisé l’artiste danois Jeppe Hein avec son œuvre « Did I miss something ? – Ai-je raté quelque chose ? ». D’abord exposée dans une première version à Francfort en Allemagne en 2001, puis à Couëron en 2007 à l’occasion de l’exposition « Estuaire » organisée  « Did I miss something ? » se retrouve aujourd’hui au milieu d’un bassin aquatique dans le jardin public du château de Pé à Saint Jean de Boisseau près de Nantes.


Jeppe Hein « Did I miss something ? » © S. Bellanger

Un simple banc de bois et de métal, un peu de fontainerie, un jet d’eau vertical colossal de 20m, et un public comme catalyseur de l’œuvre, telle est la surprenante installation de Jeppe Hein. Sans son spectateur l’œuvre n’existe pas. En effet, le jet n’apparaît à la surface du plan d’eau que si son spectateur s’assoit sur le banc. Il se créé alors une relation inédite et quasi-intime entre l’œuvre et son observateur, une expérience unique et renouvelable mais jamais semblable.
Ce petit banc devant ce bassin dans un cadre idyllique a tout pour plaire à Roméo et Juliette. Mais ce n’est pas tout, en vous asseyant sur ce banc, vous changez le paysage, vous devenez acteur de l’œuvre, et si vous partez, alors ce jet d’eau disparaît… Vous vous rendez alors compte de votre impact sur l’environnement. Enfin, c’est pour l’artiste un jeu (https://vimeo.com/36963075), puisque ce grand jet d’eau lui inspire des pensées phalliques.
« Did I miss something ? » c’est tout ça à la fois : une œuvre poétique, engagée mais aussi amusante.


Brandon G


Touche moi!



The Helpless Robot est un projet robotique interactif créé par Norman White, un ancien peintre qui s’est orienté par la suite vers l’électronique. The Helpless Robot, né en 1987, a pour particularité d’être une personnalité artificielle répondant au comportement de l’homme en se servant de sa voix électronique. 512 est le nombre de phrases qu'il contait à ce jour, mais son discours varie selon son expérience actuelle et passée des émotions. Il peut donc aller de l’ennui à la frustration, l’arrogance et la surestimation, toutes ces qualités qui font de lui un être attachant malgré qu’il fasse partie de l’espèce robotique. On pourrait qualifier cette œuvre d’installation robotique puisqu’elle interagit avec les spectateurs, demande, avec un ton persuasif, l’assistance physique des passants.
Norman White est le premier artiste à avoir défendu la robotique comme une forme d’art, en créant the Helpless Robot, il montre aux spectateurs qu’un robot peut apprendre de l’homme et évoluer par la suite. En effet en demandant l’assistance au public il change de comportement selon l’aide qu’il a reçu. White a fait en sorte qu’il soit contrôlé par deux ordinateurs; l’un en charge de détecter la présence humaine avec un réseau de détecteurs de mouvements infrarouges et l’autre chargé d’analyser cette information en relation avec des événements passés pour générer une réponse vocale appropriée.


Norman White, The Helpless Robot, 2008 (Photo by Michelle Kasprzak)

Norman White expose avec humour la relation particulière entre lhomme et le robot. Celui-ci a été créés pour aider l’homme, or ici c’est lui qui a besoin d’aide et qui sollicite celle de l’homme. La mécanique des émotions prend part à l’art, les artistes l’explorent de manière particulière en introduisant dans leur œuvre la robotique qu’il remettent en question. Ils sont souvent associés à d’autres médias, système, contextes ou forme de vie.
Alors, seriez-vous prêt à aider un robot?

Amélie Péron

Mise à nu



Déshabille moi!


Se mettre à nu, c’est livrer au regard des autres bien plus que son corps, c’est jouir de son intimité. C’est se délester de ces vêtements, qui nous protègent et nous emprisonnent à la fois, pour s’abandonner. Mais c’est aussi donner à avoir son être, en affirmant par la même sa souveraineté individuelle. Mais dans cette performance de Yoko Ono - Cut Piece - l’abandon flirte étroitement avec l’agression.
 


Cut Piece réalisé par Yoko Ono le 20 juillet 1964 à Yamaichi Concert Hall, Kyoto, Japon. Photographe inconnu; Courtoisie Lenono Photo Archives.
Cut Piece, fût initialement représentée au Japon en 1964, ainsi qu’à New York l’année suivante et dans divers villes du monde par la suite. Yoko Ono, assise dans la pose traditionnelle d’une femme japonaise, se livre sur la scène d’un théâtre, comme à la merci de ses spectateurs. Le public est invité à tour de rôle à couper, à l’aide d’une paire de ciseaux, des morceaux de ses vêtements et à s’en saisir telle une part d’elle.
Yoko Ono s’offre, immobile et impassible, tandis que l’on la dépossède pas à pas de son intimité. Si le public, intimidé dans un premier temps, ne se saisit que de petits morceaux, l’attitude de ces derniers évolue progressivement, pour finir par découper des pans de vêtement de plus en plus large. La relation entre l'artiste, passive et vulnérable, et le public de plus en plus intrusif, est en proie à un sentiment de déshumanisation de sorte que la destruction du vêtement relaye le corps à l’état d’objet d’art, et les spectateurs à ceux d’instruments.
La tension qui se dégage de la performance est palpable : une femme se voit mettre à nue publiquement par d’autre, dans un acte potentiellement agressif de la divulgation du corps. Le rapport à l’agression sexuelle est d'autant plus présente que la performance de 1965 prend fin lorsqu’un spectateur coupe le soutien-gorge de Yoko Ono l’obligeant à rompre son immobilité afin de cacher sa poitrine et récupérant ainsi le contrôle de son être.

Jason Chapron

Déguste moi


Consommer la Mariée , une métaphore du mariage pas Micha Deridder 

Juste au Corps-Micha Deridder

L’artiste Micha Deridder crée la surprise lors de l’ouverture de l’exposition « Juste au Corps » le 16 juin 2000 au Centre d’art Contemporain La Criée à Rennes. Vêtue d’une robe de mariage faite de barbe à papa, elle invite chaque visiteur à manger un morceau de sa robe. « Consommer la mariée » est donc une performance représentant une métaphore du mariage. Elle évoque l’ultime mise à nu publique de la femme prête à s’engager pour le restant de sa vie. Selon certaines religions, la perte de la virginité est symbolique au mariage. En effet le jour de son mariage une femme est plus belle que jamais et donc suscite le désir. Par à cette performance Micha Deridder incite les participants à la gourmandise
C’est un rapport imagé du réel puisque en effet sa robe cotonneuse est dévorée par des inconnus
comme des passant désirant une mariée sortant de l’église.
L’artiste donne alors un côté poétique à la sucrerie (mangée le plus souvent par des enfants) qui appâte les spectateurs en leur donnant l’impression d’avoir consommé la mariée avec le futur époux ce qui pourrait paraître légèrement pervers mais qui au final la rend désirablement attrayante. 

Hermeline Duchemin 




1 commentaire: