La Lumière, ondes lumineuses pénétrant dans l’espace
La lumière a toujours été un objet de représentation symbolique, associée notamment à la puissance divine, ou au pouvoir de révélation, contrairement à l’idée des Ténèbres qui plongent l’homme dans l’ignorance et l’inanimé.
S’il est une chose que montre l’histoire de la peinture, du Caravage aux Impressionnistes, en passant par Vermeer ou Turner, c'est que, plus qu’un symbole, la lumière est une obsession pour peintre – mais aussi pour l’architecte et le sculpteur.
La lumière se réfléchit sur l’objet observé et atteint l’œil de l'observateur. Elle est à l’origine des arts visuels. Devenue manipulable et modifiable avec l’invention de l’électricité, elle est l’objet de nombreuses interrogations concernant la perception et devient un matériaux pour l'artiste, le scénographe, l'architecte. Les artistes bouleversent notre rapport au monde autant que notre rapport à l’œuvre. "La lumière est un objet industriel, et familier" écrit Donald Judd en 1964 lorsqu'il se penche sur le travail de Flavin, "c'est un moyen nouveaux pour l'art; désormais l'art pouvait être constituée de toute sorte d'objets, de matériaux, de techniques inédits".
Enfin, la lumière permet aussi de penser la trajectoire, le mouvement et la vitesse. "La lumière en se répandant emploie du temps" affirmait déjà le physicien Christiaan HUYGENS (1629 - 1695). Elle est en mesure de véhiculer de l’information et du sens.
Jule Lerouge - Camille Metayer
La lumière comme matériau
Lumière Néon
« On peut ne pas considérer la lumière comme un phénomène objectif, mais c'est pourtant ainsi que je l'envisage. Et, comme je l'ai déjà dit, jamais l'art n'a été aussi simple, ouvert et direct » Dan Flavin 19871.Dan Flavin - The Diagonal of May 25, 1963 (to Constantin Brancusi) - 1963 |
L’œuvre de Dan Flavin est composée d’un tube fluorescent jaune placé à 45° sur un mur.
A partir de ce vocabulaire élémentaire et restreint, l’artiste élabore un système de configurations diverses : au sol, au mur, au plafond, dans un angle, en barrière, en corridor, mais toujours fondé sur une répétition induite. Une répétition qui prend comme référence la segmentation de La Colonne sans fin de Brancusi et la relation étroite avec l’architecture. Flavin parlait d’«Art situationnel», ses installations étant étroitement dépendantes du contexte architectural dans lequel elles étaient présentées.
Très vite Dan Flavin comprend combien l’espace et la perception du spectateur peuvent être transformés par la puissance et la dynamique de son outil, à la fois lumière et couleur, pureté et simplicité.
JAGOREL Mathis
Obsession de Bruce Nauman
Bruce Nauman est l’une des figures majeures de l’art contemporain et l’une des plus influentes. Pour lui la notion du corps et de l’identité joue un rôle fondamental dans ses réalisations. La notion du langage, des phénomènes de perceptions de l’espace, du processus artistique et de la participation du spectateur, autant de thème qui reviennent inlassablement marquer le style de ses oeuvres. Considéré comme le maître des installations, il explore tout types de matériaux, en passant par le néon, la sculpture, les films, les vidéos ou encore le dessin.
Bruce Nauman - Mean Clown Welcome, 1985 - Collection Brandhorst, Köln
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Le néon est très présent dans ses œuvres particulièrement dans Mean Clown Welcome, un dispositif lumineux aux allures clownesques. Il s’agit d’une œuvre de lumière traitant avec ironie et humour des notions qui reste encore tabou dans notre société: le sexe, la violence, l’humour, l’horreur, la vie, la mort, le plaisir, la douleur. Les lumières s’éteignent et se rallument pour donner place à de nouveaux éléments rendus visibles et lisibles exprimant à la fois une vision ludique et ironique du monde. Toujours en mouvement son œuvre se dévoile par fragments, dévoilant étape par étape les trajets en va-et-vient de ces hommes de néons. A la fois très simple et moqueuse, la pièce éclaire des postures clownesques, ironique aussi fascinante qu'irritante. Les corps se succèdent, se manipule en brandissant à tour de rôle leur sexe qui s’éclaire aux yeux des spectateurs. Cette œuvre fut montrée pour la première fois à New York en 1985 et reçut de nombreuses critiques. Bruce Nauman a voulu avant tout traduire un sentiment de fragilité. Il construit et invente des situations, simples et directes, dans un art aux idées parfois farfelues.
Amélie Péron
America, America Martial Raysse
Mathial Raysse - America Amercia, 1964 |
America America est une œuvre en trois dimensions composée de néons colorées et de métal peint réalisée en 1964. Dans les années 60, Martial Raysse est un pionnier de l’utilisation des néons et du plexiglas, avant les américains. Selon lui, la manière de représenter le monde nouveau dans une société conservatrice était d’utiliser des matériaux innovants. En effet, en France, les néons étaient encore peu présents contrairement aux rues américaines qui en étaient envahies.
L’œuvre reprend et détourne (en néons) un fragment de la sculpture de Bartholdi, qui accueille à New York, en signe de bienvenue les voyageurs ayant traversé l’Atlantique, symbole de liberté et de découverte d’un nouveau pays en pleine croissance, emprunt de modernité. Martial Raysse travaille beaucoup autour de la thématique de la société de consommation : il assemble des produits neufs, lessive, objets en plastique. Raysse est selon Claude Rivière un représentant majeur du Nouveau Réalisme. Le groupe des nouveaux réalistes est constitué par Yves Klein et Pierre Restany en 1960, ils prônent le retour à la réalité en opposition au lyrisme de la peinture de l’époque.
Martial Raysse est fasciné par la culture américaine, le rêve américain, la liberté, l’économie fleurissante et superflue. Les néons fonctionnent ici, comme un claquement de doigts, allumant puis éteignant des éclairs rouges sur la paume et au bout des doigts d'une "Liberté" plus légère, sexy, libérée que celle un brin martiale de Bertholdi…
L’œuvre reprend et détourne (en néons) un fragment de la sculpture de Bartholdi, qui accueille à New York, en signe de bienvenue les voyageurs ayant traversé l’Atlantique, symbole de liberté et de découverte d’un nouveau pays en pleine croissance, emprunt de modernité. Martial Raysse travaille beaucoup autour de la thématique de la société de consommation : il assemble des produits neufs, lessive, objets en plastique. Raysse est selon Claude Rivière un représentant majeur du Nouveau Réalisme. Le groupe des nouveaux réalistes est constitué par Yves Klein et Pierre Restany en 1960, ils prônent le retour à la réalité en opposition au lyrisme de la peinture de l’époque.
Martial Raysse est fasciné par la culture américaine, le rêve américain, la liberté, l’économie fleurissante et superflue. Les néons fonctionnent ici, comme un claquement de doigts, allumant puis éteignant des éclairs rouges sur la paume et au bout des doigts d'une "Liberté" plus légère, sexy, libérée que celle un brin martiale de Bertholdi…
Pauline Leriche
L’Avalanche de François Morellet
François Morellet L’Avalanche, 1996 |
Les tubes fluorescents, les néons, les tubes d'argots sont des matériaux de prédilection de François Morellet.
Quentin Cadero
Cacophonous I Robert Irwin
Robert Irwin - Cacophony - 2014-15
Depuis 1998, Robert Irwin fait les installations dans les jardins, dans les chambres, dans les parcs, les espaces urbains variées. Il a été influencé par un peintre qui s’appelle John McLaughlin. İl joue avec la lumiere et l’espace en créant des installations faites de lumières. Irwin a d'abord utilisé la lumière fluorescente dans les années 1970. Son installation Excursus est une méditation sur le peintre Josef Albers. Elle se déploie dans une suite de petites salles, dans lesquelles se trouvent des cylindres lumineux ; La lumière de chaque pièce, sa valeur en fonction de la distance par rapport aux fenêtres, est renforcée par quatre ampoules fluorescentes doubles blanches et colorées, chacune suspendue verticalement au centre de chaque mur.
Irwin a crée une autre installation intitulée Cacophony où la lumière fonctionne comme des voix créant une cacophonie dans la vie en jouant avec l’espace. "Pour la pièce Cacophony, l’ensemble est impressionnant puisque ses verticales plus ou moins lumineuses se déploient sur une longueur de 12 m et une hauteur de 1 m 83, de quoi transformer l’ambiance de la galerie. La spécificité du travail de Irvin pour cette exposition a été de moduler la lumière émanant des différents tubes fluorescents. Il a préparé ceux-ci en disposant à l’intérieur et à l’extérieur de l’enveloppe de verre des gels colorés variés. La transmission de la lumière s’en est trouvée modifiée" La critique.org
Pionnier du mouvement Lumière et Espace en Californie du Sud, Robert Irwin attire l'attention sur les conditions environnementales, les rendant palpables en augmentant la prise de conscience du spectateur.
Irmac Ozkan
La lumière filtrée et décomposée
"Nous avons une production commune depuis 1992. Un soir, une nuit, le hasard a voulu que l´on repère - ensemble - sur le mur, une très extraordinaire tache de lumière. Subjugués par le mystère de cette tache, nous sommes restés un long moment à la décrypter. L´énigme fut résolue lorsque l´on vit le chat s´étirer: il s´était endormi en cachant une partie du miroir posé sur le lit encombré d´objets divers. Le chat sauta, l'image disparut, le miracle était fini!" François Loriot et Chantal Mélia (ESPACE Sculpture No. 46).
Dans La Télé de mes fesses, on trouve une télévision emboîtée dans une chaise renversée dont l'assise est ajourée de multiples petits trous formant une étoile inscrite dans un cercle. Vous mettre des étoiles pleins les yeux et nous faire oublier la réalité ? C'est peut-être ce que la télévision tente de faire. Mais cette oeuvre de Loriot et Mélia filtre toute cette merde médiatique et rend l'information abstraite.
La lumière, issue de la télévision transperce l'assise de la chaise, et danse au milieu d'une pièce sombre. L'image de la télévision devient inintelligible, seul le son permet d'interpréter l'information. De l'image de la télévision ne restent que des points lumineux changeant de couleurs au rythme d'une image que l'on ne peut voir, mais seulement interpréter.
Ce procédé de filtration de l'image télévisée se retrouve dans une autre de leur œuvre Conversation cathodique (2006) exposée dans une chapelle. On retrouve un "télévitrail", un mur de quatre téléviseurs cachés par un moucharabieh aux motifs géométriques. Non seulement l'image est filtrée et incompréhensible, mais le son l'est aussi. Avec cette pièce Loriot et Mélia vont encore plus loin dans le détournement médiatique.
Dans ces deux installations, la lumière est comme l'information, filtrée. Selon Loriot et Mélia, ce procédé permet de "rendre votre télé regardable".
Cinéaste d’origine britannique installé à New York, Anthony McCall s’est fait connaître dès les années 70 par ses films de « lumière solide » comme l’un des protagonistes du cinéma expérimental de 1970.
Anthony McCall développe un travail au croisement de l'art minimal, de l'art conceptuel, de la performance et du cinéma, aujourd’hui considéré comme central dans le développement de l'art de ces trente dernières années.
Anthony Mc Call se concentre sur les composants premiers du cinéma : la lumière et la durée. Il est à la recherche d’une projection solide de la lumière, un film dans l’espace créé grâce à un dispositif évolutif et éphémère. Il explore les propriétés plastiques du faisceau lumineux et transforme la projection de lumière, matérialisée par la diffusion de fumigène, en environnement sculptural mouvementé.
L'oeuvre de McCall n’a d’intérêt que si l’on y participe : les formes sont répétitives et mouvantes, la lumière et la fumée ne triche pas et se montrent telles qu’elles sont et telles qu’elles évoluent au cours du temps. (On retrouve là encore un point important du cinéma expérimental.) Le spectateur s'immergent dans la projection qui dessine dans l'espace comme des sculptures, des architectures de lumière. Mais lorsque l’on touche ou que l’on traverse, on se rend compte que ce n’est rien… Notre imaginaire pense que c’est palpable, mais c’est une illusion du toucher, une projection solide de la lumière.
En regardant, on trouve une troisième dimension à ces sculptures illusoires, des lignes droites très simples et très intéressantes qui forment des courbes dans un espace qui parait alors immense et mouvant.
Anthony Mc Call est précurseur d’un nouveau type de « sculpture » inspiré du cinéma en interaction avec les spectateurs, qui modifient ses sculptures de lumières avec leur corps mais également une interaction avec l’environnement. Il utilise des lignes verticales et horizontales qui apparaissent dans la fumée et quin avec l’interaction des visiteurs, réalisent un ballet interrompu de formes indescriptibles…
Dans Double porte, Michel VERJUX nous présente une de ses installations visuo-spatiales autour de la lumière. Elle nous fait découvrir deux éclairages strictement identiques réparties dans deux pièces communicantes. Un bloc est disposé à une certaine distance du mur et est illuminé grâce à un projecteur minutieusement calibré. Bien sûr la lumière s’applique sur la face du cube exposée au projecteur mais elle laisse également apparaître un léger contour lumineux sur le le mur. Avec la position du projecteur et la perspective de l’espace, Michel VERJUX crée différentes échelles. Il laisse le choix au spectateur de suivre la porte la plus illuminée mise en avant par un chemin de lumière. Ou au contraire la porte de l’ombre qui suggère le mystère. La voie de la lumière (qui est celle que la majorité des gens choisissent) symbolise le confort, la sureté, l’acquisition mais également la facilité. Elle s’oppose nettement à la voie plus sombre et beaucoup moins bien définie mais qui offre, par sa taille, beaucoup plus d’opportunités. Bien sûr les deux pièces juxtaposées sont étroitement liées dans l’œuvre et communiquent un passage inconnu comme une sorte de vortex. L’usager est alors mis en abîme lorsqu’il interagit avec l’installation. En observant l’ombre de sa silhouette, il s’observe dans une temporalité future avec un avenir clair. Chose qu’il ne peut pas faire via l’ouverture de l’ombre qui laisse planer le doute quant aux perspectives de l’individu et à son devenir. Par son procédé minimal, double porte suggère deux décompositions. La première est explicite : c’est la décomposition de la lumière en deux espaces. La deuxième est plus implicite : c’est la décomposition des choix que l’Homme peut faire au cours de sa vie. Mener une vie faite d’acquis ou prendre une part de risque, telle est la question.
L’œuvre Light-Space-Modulator (1930), aussi appelée The Light Prop for an Electric Stage est une sculpture cinétique du peintre et photographe Hongrois László Moholy-Nagy. Moholy-Nagy a été enseignant à l’école Bauhaus à partir des années 20 et été beaucoup influencé par le constructivisme. Au long de sa carrière, il a milité pour l'intégration de la technologie et de l’industrie dans l’art, une idée que l’on retrouve dans le Light-Space-Modulator. Cette œuvre conjugue à la fois des jeux de lumières et le mouvement à travers différents éléments mobiles et statiques, transparents et découpés. La pièce est constituée d’une boite avec une ouverture circulaire à l’avant. Montées autour de l’ouverture, se trouvent des ampoules en jaune, vert, bleu, rouge, et blanc (environs 70 ampoules). A l’intérieur se trouve un deuxième panneau avec une ouverture avec des ampoules. Les ampoules s’éclairent selon une séquence prédéfinie. Elles illuminent un mécanisme composé de matériaux translucides, transparents, et tramé qui est perpétuellement en mouvement. Le mécanisme est soutenu par une plateforme circulaire avec trois parties. Chaque section peut être considérée comme une étude de mouvements différents. La première section est composée de trois barres qui bougent de façon plus ou moins saccadée. Différents matériels translucides, des sections horizontales et une grille en fer sont montés sur trois barres. La deuxième section étudie le mouvement de trois plans différent devant un disque en aluminium statique. Devant les trois divisions se trouve un petit disque en cuivre bien poli. Entre les deux disques une petite boule est mise en mouvement, suivant une série de courbes comme une montagne russe. La troisième section contient une barre en verre avec une spirale de verre à sa cime. Ce disque lévite au dessus d’une plateforme circulaire réfléchissante. Les ombres et jeux de lumières sont destinés être projetés sur un mur très rapproché construit autour. L’œuvre est faite pour être exposée que dans un espace noir pour un maximum de contraste. Le deuxième titre de cette œuvre nous décrit comment Moholy-Nagy avait imaginé son usage. Elle est destinée à être utilisée sur scène pour illuminer des pièces de théâtre. Le but pour lui étant surtout d’injecter des éléments cinétiques dans l'art et dans la vie…
« Le jour drape toutes les formes de milles subtilités qui sont autant de jeux et de pièges possibles pour la lumière. La nuit laisse libre cours à la redécouverte de ces formes constituées et ce terrain d’investigation est imaginairement précieux. » Yann Kersalé. Tel est l’imaginaire développée par Yann Kersalé à travers son oeuvre, Mer-veille réalisée en 2013. Veilleuse de lumière indiquant l’entrée du port, l’installation attire les regards par son étonnante clarté, proposant une diffusion de son propre reflet au gré des vagues.
Précurseur français de la lumière architecturale, Yann Kersalé s’illustre dans ce domaine en proposant des "scénographies" toujours plus lumineuses et expressives. Outil de mise en mouvement d’espaces et de constructions, la lumière est également l’un de ses moyens de faire revivre la nuit, en en proposant une autre facette.
A Marseille, l’installation de Yann Kersalé vient s’intégrer à l’architecture minutieuse et dentelée de Rudy Ricciotti, enveloppant le bâtiment d’un voile coloré. Il place pour ce faire des centaines de points lumineux derrière les murs en béton dentelés, créant un jeu avec l’architecture. Les ombres s'y mêlent et s’y perdent face à l’immensité de la mer, dynamisant par la même occasion le bâtiment. Les visiteurs sont guidés par cette lumière, à travers un parcours tout en détours.
Fort de ses ombres et reflets, le bâtiment vit au rythme de l’eau, la journée, avant de s’illuminer la nuit, comme l’écho des vagues à l’entrée de la ville endormie. Yann Kersalé perturbe nos sens par ce décalage, opposé à celui de la lumière naturelle. Ces deux facettes de l’installation sont en effet remarquables ; après avoir joué avec les structures et reflets de l’architecture le jour, l’installation s’illumine la nuit, immergeant le spectateur dans un univers magique où jeux de lumière et de reflets se complètent. Le rythme de la mer continue d’exercer sa lente pulsation sur le bâtiment, comme le battement d’un cœur endormi, symbole du sommeil apaisé de la ville. L’installation semble entrer en résonance avec les mouvements de la mer qui lui fait face, produisant, à sa manière, une respiration d’un voile bleuté…
Boltanski ne fait pas “de l’art qui fait changer les choses”, mais un art qui s’adapte et réagit à son époque, un art qui raconte et s’exprime. Boltanski raconte, il partage et pas n’importe quoi. A travers Théâtre d’ombres, et comme dans la plupart de ses autres œuvres, Boltanski nous livre … du Boltanski.
C’est son autobiographie à laquelle nous avons droit, une partie de son histoire et de sa vie. Est-elle réelle ou fictive ? Seul lui le sait car la scénographie spectaculaire de l’œuvre rend toute information mensongère et irréaliste.
Boltanski nous expose sa vie, et pourtant il sait que la pièce ne prendra vie que lorsqu’un spectateur viendra la contempler, et y trouver un sens, grâce à son propre passé.
Il n’est pas compliqué de trouver une histoire qui est propre à chacun dans les multiples ombres projetées dépendantes du hasard. Pas de trucage, pas de mécanisme caché, simplement un rouage visible par tous. Face à cette réalité crue et brutale, chacun est libre d’accepter ce que l’oeuvre voudra lui dire.
Boltanski est notre miroir, agissant comme un historien de la mémoire affective et nous exposant simplement les traces de notre vie. Il pose une question et laisse le soin au spectateur de trouver la réponse…
Mais alors ici, quelle question pose-t-il ? Que cherche-t-il à faire ressentir ?
Tout commence en fait alors que l’artiste atteint ses 23 ans. C’est à cet âge là qu’il réalise qu’il a “perdu son enfance”, qu’il n’en garde plus souvenir. Débute alors une recherche acharnée de ses souvenirs d’enfance qu’il ira jusqu’à inventer pour posséder une trace du passé.
Théâtre d’ombres est un souvenir, une preuve. Vestige du passé à travers son esthétique de mobile pour enfant, il évoque aussi les terreurs nocturnes, souvenirs de cauchemars et de peurs informulables : peurs du noir, de l’inconnu, et même du monstre sous le lit. Une mémoire collective de ressenti d’enfance qui touche forcément d’une manière ou d’une autre le spectateur immergé dans l’œuvre. Mais si Boltanski avait voulu évoquer l’enfance, il aurait tout aussi bien pu mettre en scène des jouets ou un thème un peu plus joyeux.
Si les silhouettes ressemblent à des squelettes et l’ambiance mortellement nostalgique c’est car l’oeuvre est une vanité. “Rappelle toi ton enfance, car plus jamais tu ne la retrouveras, et là commence ton chemin vers la mort” semble nous souffler chacune des ombres. C’est peut être bien ce qui pousse l’artiste à concevoir un souvenir palpable de ce qu’il est, et a été. Souvenir qui paradoxalement nous rappelle à tous que nous sommes mortels.
Tassia K.
C'est à la fin des années 70 que Ann Veronica Janssens crée « des endroits pour capturer la lumière, […] des espaces conçus comme des tremplins vers le vide » (in Ann Veronica Janssens, Musée d’art contemporain de Marseille, 2004). Ses œuvres sensorielles, nommées Super Spaces par l'artiste, sont réalisées à partir de matériaux très simples : bois, ciment et verre emprisonnent l'immatériel : lumière, son et brouillard artificiel. L'espace matrice des futurs environnements à brouillard coloré est l’œuvre installée en 2001 sur la terrasse du Neue Nationale Galerie Berlin, Blue, Red and Yellow.
C'est dans un épais brouillard dont la couleur est instable, qu'elle immerge entièrement le spectateur qui devient ainsi pleinement acteur de l’œuvre. Perdu dans la brume colorée, l'immergé redécouvre ses sens, il vit alors une expérience directe, sensorielle et unique à chaque immersion dans ces installations minimalistes. L'artiste joue habilement avec la lumière pour rendre l'immatériel sensible et visible, elle active une perte de contrôle des sens chez le spectateur et le confronte à la perception de l'insaisissable. Passionnée par le vide, Ann Veronica Janssens, voulait le « mettre en mouvement, lui conférant une sorte de temporalité », notamment à travers le changement de couleur qui donne une indication temporelle à l'immergé. Avec, pour seuls auxiliaires, ses sens, l'immergé déambule dans le brouillard coloré face à l'inconnu.
Alors, serez-vous assez courageux pour vous lancer à corps perdu dans ce vide coloré ?
C’est ainsi que le rêve nait « les visions commencent par un kaléïdoscope de couleurs (…) elles gagnent progressivement en complexité et en beauté, s’écrasant comme une vague sur la berge, jusqu’à ce que des motifs colorés entiers viennent s’engouffrer. Un moment après, les visions persistaient derrière mes yeux ; j’étais au beau milieu de la scène, des motifs infinis prenant forment autour de moi. J’ai éprouvé pendant un moment une sensation de mouvement spatial presque insupportable, mais cela en valait la peine car j’ai constaté, quand ça s’est arrêté, que je me trouvais très haut au-dessus de la Terre, dans un flamboiement de splendeur universelle. Ensuite, je me suis rendu compte que ma perception du monde environnant s’était nettement accrue. Tout sentiment de lassitude ou de fatigue s’était dissipé…»
En 1958 Brion Gyson relatait l’expérience hypnotique, dont s’inspire La Dreammachine, comme la vision d’ « une tempête transcendantale de visions colorées ». Celle dont il avait été témoin dans un autobus menant à Marseille. C’est en regardant paupière clause en direction du soleil couchant et à travers les arbres défilant, qu’il atteint un état de sérénité tel qu’il se sentit comme dans un autre monde
C’est dans l’espoir de revivre cette expérience que la Dreamachine naquit au début des années 1960 au Beat Hôtel de la rue Gît-le-Cœur à Paris. Brion Gyson en obtenut même un brevet en 1961, et le résultat de ses expériences sera publié l’année suivante dans le périodique des arts d'Olympia.
Brion Gysin trouva l'explication de cette expérience inhabituelle dans l’œuvre du Dr W. Grey Walter The Living Brain. Le Dr Walter était neurophysiologiste et chercheur sur la nature des ondes cérébrales et la fonction cérébrale correspondante. C’est à l’aide de Ian Sommerville que Brion Gyson décida de construire cette machine à rêves.
La Dreamachine se compose d'un cylindre percé de trous, posé sur une platine en mouvement. Au milieu du cylindre se trouve une ampoule. Le plateau tourne à 78 tours par minute. Les sujets sont ainsi invités à s’asseoir devant la machine et à fermer les yeux. La lumière brillant à travers les trous du cylindre vient scintiller sur les paupières. La lumière clignote à une fréquence d'environ 20 Hz qui est similaire à la fréquence des ondes cérébrales alpha qui sont associés au cerveau en état de relaxation.
Le sujet est plongé dans un univers coloré l’invitant au calme et au voyage.
Jason Chapron
À la fois aveuglante mais aussi accueillante, The Weather project est une installation lumineuse de l’artiste danois Olafur Eliasson, présentée à la Tate Modern à Londres en 2006. Occupant la totalité d’une pièce, l’installation accueille les visiteurs au sein d’une atmosphère singulière.
En effet, plongé dans la brume, le spectateur pénètre dans un espace baigné d’une lumière orangée émanant d’un immense cercle placé au sommet de la salle. En réalité, la surface lumineuse n’est qu’un demi-cercle reflété par un miroir recouvrant l'intégralité du plafond. Ainsi c’est par une illusion d’optique qu’Olafur Eliasson parvient à recréer un environnement naturel.
De fait, par un dispositif technique et technologique complexe, The Weather Project tente de reproduire une atmosphère existante à l’état naturel. Tel un lever ou un coucher de soleil que l’on percevrait de l’espace, la lumière incandescente, la brume ambiante créent une atmosphère particulière et totalement immersive.
C’est d’ailleurs cette ambiance contemplative qui va faire naître différents comportements chez les visiteurs du musée. Certains, comme contemplant le phénomène, décideront alors de s’allonger sur le sol seul admirant l’air baigné de sa lumière orange et observant leur reflet au plafond presque en méditation avec eux mêmes. D’autres joueront avec le gigantesque, créant ainsi en groupes grâce à leurs corps, des lettres, des mots, des motifs.
Ainsi Olafur Eliasson crée, par la lumière et le reflet, un univers où chacun s'immerge et vit une expérience esthétique intense.
Louise Peyon
L’église de la lumière est une église créée par l’architecte japonais Tadao Ando en 1989, elle est située à Ibaraki à 25 km d’Osaka au Japon.
Cette église est emblématique du travail de l’architecte. En effet, Tadao Ando aime tout particulièrement travailler le béton, ainsi que la simplicité des volumes et des formes, de même qu’il aime faire dialoguer son architecture avec les éléments comme le vent, l’eau, la lumière ou le ciel.
Cette église est donc faite de béton, très minimaliste et ce qui fait sa particularité, ce sont les ouvertures qui découpent la structure, laissant passer la lumière et formant une croix lumineuse.
Ando disait: "L’église est une boite carrée, sans fioritures, vue de l’extérieur. Mais dès que l’on y entre, on se retrouve face à une croix de lumière qui scintille à travers les fentes du mur. La boite carrée prend soudain vie grâce à la lumière. La fascination nait dans l’espace de la lumière naturelle. Je souhaitais fasciner les gens en leur faisant prendre conscience de la vie. Je crois que la source de toute création se trouve dans ma volonté de faire de l’architecture pour créer la fascination au-delà de l’imagination".
La croix de lumière a une dimension spirituelle forte, là où les croyants y verraient la lumière de l’apparition, même les non-croyants peuvent admirer ce génie d’architecture et de minimalisme.
Constance Rondeau
Le Roden Crater est un volcan, acheté par l'artiste américain James Turrel. Spécialiste des installations qui renvoient à la contemplation de la lumière, naturelle ou artificielle, il recherchait un site particulier pour développer son travail, capter les couleurs, le temps et les mouvements du ciel. C'est ainsi que son œuvre Crater's Eye a pris forme en 2003 : une pièce creusée au centre du volcan accessible par des tunnels. Une simple ouverture en haut du dôme, et toute l'immensité de l’œuvre se dévoile. Cette lucarne au plafond, appelée oculus, associée à un espace clos permettent d'observer à l'œil nu l'évolution du ciel, du soleil et de se perdre dans le cosmos.
L'endroit est un espace calme dédié à la contemplation, la reflexion. Ceint de murs courbés, la pièce est plongée dans une lumière naturelle qui change de couleur et d'intensité au gré du temps qui passe. L'évolution du soleil et le climat extérieur altèrent l'experience visuelle. C'est un observatoire où le ciel se dévoile à ses visiteurs et les plonge dans un univers hors du temps.
James Turrel a réalisé le même type d'espace en 2013, intitulé The Color Inside, au coeur d'une université au Texas. Cette fois si, durant le coucher et le lever du soleil, des lumières artificielles de couleurs illuminent les murs et créent un contraste avec la lumière naturelle intense du ciel.
Crater's Eye est une œuvre qui bouleverse notre vision de la lumière, des couleurs, et du ciel. C'est une experience que l'on retrouve dans l'art de James Turrel, extraordinaire et puissant.
Irmac Ozkan
La télé de mes fesses par Loriot-Mélia (2004)
"Nous avons une production commune depuis 1992. Un soir, une nuit, le hasard a voulu que l´on repère - ensemble - sur le mur, une très extraordinaire tache de lumière. Subjugués par le mystère de cette tache, nous sommes restés un long moment à la décrypter. L´énigme fut résolue lorsque l´on vit le chat s´étirer: il s´était endormi en cachant une partie du miroir posé sur le lit encombré d´objets divers. Le chat sauta, l'image disparut, le miracle était fini!" François Loriot et Chantal Mélia (ESPACE Sculpture No. 46).
CréLa télé de mes fesses (2004) © Loriot & Mélia
Cette révélation eut l'effet d'un flash pour François Loriot et Chantal Mélia et, depuis, leur fascination pour la lumière se retrouve dans nombre de leurs œuvres comme dans "En tout éclat de chose" (1993), "Solœil" en (1996), "Chorus" (1998), "A Main levée" (2002), "S'envoyer au diable" (2005) ou encore dans "La Télé de mes fesses" (2004) qui sont toutes des pièces détournant la lumière, de manière poétique, humoristique ou critique.Dans La Télé de mes fesses, on trouve une télévision emboîtée dans une chaise renversée dont l'assise est ajourée de multiples petits trous formant une étoile inscrite dans un cercle. Vous mettre des étoiles pleins les yeux et nous faire oublier la réalité ? C'est peut-être ce que la télévision tente de faire. Mais cette oeuvre de Loriot et Mélia filtre toute cette merde médiatique et rend l'information abstraite.
La lumière, issue de la télévision transperce l'assise de la chaise, et danse au milieu d'une pièce sombre. L'image de la télévision devient inintelligible, seul le son permet d'interpréter l'information. De l'image de la télévision ne restent que des points lumineux changeant de couleurs au rythme d'une image que l'on ne peut voir, mais seulement interpréter.
Ce procédé de filtration de l'image télévisée se retrouve dans une autre de leur œuvre Conversation cathodique (2006) exposée dans une chapelle. On retrouve un "télévitrail", un mur de quatre téléviseurs cachés par un moucharabieh aux motifs géométriques. Non seulement l'image est filtrée et incompréhensible, mais le son l'est aussi. Avec cette pièce Loriot et Mélia vont encore plus loin dans le détournement médiatique.
Dans ces deux installations, la lumière est comme l'information, filtrée. Selon Loriot et Mélia, ce procédé permet de "rendre votre télé regardable".
Brandon G.
Anthony Mc Call
« five minutes of pure sculpture »
Toucher pour sentir la lumière
« five minutes of pure sculpture »
Toucher pour sentir la lumière
Anthony McCall - SKNY
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Anthony Mc Call se concentre sur les composants premiers du cinéma : la lumière et la durée. Il est à la recherche d’une projection solide de la lumière, un film dans l’espace créé grâce à un dispositif évolutif et éphémère. Il explore les propriétés plastiques du faisceau lumineux et transforme la projection de lumière, matérialisée par la diffusion de fumigène, en environnement sculptural mouvementé.
L'oeuvre de McCall n’a d’intérêt que si l’on y participe : les formes sont répétitives et mouvantes, la lumière et la fumée ne triche pas et se montrent telles qu’elles sont et telles qu’elles évoluent au cours du temps. (On retrouve là encore un point important du cinéma expérimental.) Le spectateur s'immergent dans la projection qui dessine dans l'espace comme des sculptures, des architectures de lumière. Mais lorsque l’on touche ou que l’on traverse, on se rend compte que ce n’est rien… Notre imaginaire pense que c’est palpable, mais c’est une illusion du toucher, une projection solide de la lumière.
En regardant, on trouve une troisième dimension à ces sculptures illusoires, des lignes droites très simples et très intéressantes qui forment des courbes dans un espace qui parait alors immense et mouvant.
Anthony Mc Call est précurseur d’un nouveau type de « sculpture » inspiré du cinéma en interaction avec les spectateurs, qui modifient ses sculptures de lumières avec leur corps mais également une interaction avec l’environnement. Il utilise des lignes verticales et horizontales qui apparaissent dans la fumée et quin avec l’interaction des visiteurs, réalisent un ballet interrompu de formes indescriptibles…
Hermeline Duchemin
Michel VERJUX - DOUBLE PORTE - 1990 - Galerie Durant Dessert, Paris
Michel Verjux - Double porte - ©André Morin ; exposition personnelle : galerie Liliane et Michel Durand-Dessert, Paris, 1990 |
Julien COUGNAUD
Light space modulator
Light-Space Modulator - László Moholy-Nagy, 1922–1930 - Replik 1970.
Bauhaus-Archiv Berlin / © VG Bild-Kunst 2016.
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Elise Cugnart
Mer-veille, Yann kersalé
Mer-veille, 2013, travail situé à Marseille, France. c Yann Kersalé/Rudy Ricciotti, Marseille, Détail
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Précurseur français de la lumière architecturale, Yann Kersalé s’illustre dans ce domaine en proposant des "scénographies" toujours plus lumineuses et expressives. Outil de mise en mouvement d’espaces et de constructions, la lumière est également l’un de ses moyens de faire revivre la nuit, en en proposant une autre facette.
A Marseille, l’installation de Yann Kersalé vient s’intégrer à l’architecture minutieuse et dentelée de Rudy Ricciotti, enveloppant le bâtiment d’un voile coloré. Il place pour ce faire des centaines de points lumineux derrière les murs en béton dentelés, créant un jeu avec l’architecture. Les ombres s'y mêlent et s’y perdent face à l’immensité de la mer, dynamisant par la même occasion le bâtiment. Les visiteurs sont guidés par cette lumière, à travers un parcours tout en détours.
Fort de ses ombres et reflets, le bâtiment vit au rythme de l’eau, la journée, avant de s’illuminer la nuit, comme l’écho des vagues à l’entrée de la ville endormie. Yann Kersalé perturbe nos sens par ce décalage, opposé à celui de la lumière naturelle. Ces deux facettes de l’installation sont en effet remarquables ; après avoir joué avec les structures et reflets de l’architecture le jour, l’installation s’illumine la nuit, immergeant le spectateur dans un univers magique où jeux de lumière et de reflets se complètent. Le rythme de la mer continue d’exercer sa lente pulsation sur le bâtiment, comme le battement d’un cœur endormi, symbole du sommeil apaisé de la ville. L’installation semble entrer en résonance avec les mouvements de la mer qui lui fait face, produisant, à sa manière, une respiration d’un voile bleuté…
Pauline Oger
Théâtre d’ombres, Christian Boltanski
Théâtre d’ombres - Christian Boltanski, 1984 - © Bernadette Soemers Sarneel |
Boltanski ne fait pas “de l’art qui fait changer les choses”, mais un art qui s’adapte et réagit à son époque, un art qui raconte et s’exprime. Boltanski raconte, il partage et pas n’importe quoi. A travers Théâtre d’ombres, et comme dans la plupart de ses autres œuvres, Boltanski nous livre … du Boltanski.
C’est son autobiographie à laquelle nous avons droit, une partie de son histoire et de sa vie. Est-elle réelle ou fictive ? Seul lui le sait car la scénographie spectaculaire de l’œuvre rend toute information mensongère et irréaliste.
Boltanski nous expose sa vie, et pourtant il sait que la pièce ne prendra vie que lorsqu’un spectateur viendra la contempler, et y trouver un sens, grâce à son propre passé.
Il n’est pas compliqué de trouver une histoire qui est propre à chacun dans les multiples ombres projetées dépendantes du hasard. Pas de trucage, pas de mécanisme caché, simplement un rouage visible par tous. Face à cette réalité crue et brutale, chacun est libre d’accepter ce que l’oeuvre voudra lui dire.
Boltanski est notre miroir, agissant comme un historien de la mémoire affective et nous exposant simplement les traces de notre vie. Il pose une question et laisse le soin au spectateur de trouver la réponse…
Mais alors ici, quelle question pose-t-il ? Que cherche-t-il à faire ressentir ?
Tout commence en fait alors que l’artiste atteint ses 23 ans. C’est à cet âge là qu’il réalise qu’il a “perdu son enfance”, qu’il n’en garde plus souvenir. Débute alors une recherche acharnée de ses souvenirs d’enfance qu’il ira jusqu’à inventer pour posséder une trace du passé.
Théâtre d’ombres est un souvenir, une preuve. Vestige du passé à travers son esthétique de mobile pour enfant, il évoque aussi les terreurs nocturnes, souvenirs de cauchemars et de peurs informulables : peurs du noir, de l’inconnu, et même du monstre sous le lit. Une mémoire collective de ressenti d’enfance qui touche forcément d’une manière ou d’une autre le spectateur immergé dans l’œuvre. Mais si Boltanski avait voulu évoquer l’enfance, il aurait tout aussi bien pu mettre en scène des jouets ou un thème un peu plus joyeux.
Si les silhouettes ressemblent à des squelettes et l’ambiance mortellement nostalgique c’est car l’oeuvre est une vanité. “Rappelle toi ton enfance, car plus jamais tu ne la retrouveras, et là commence ton chemin vers la mort” semble nous souffler chacune des ombres. C’est peut être bien ce qui pousse l’artiste à concevoir un souvenir palpable de ce qu’il est, et a été. Souvenir qui paradoxalement nous rappelle à tous que nous sommes mortels.
Tassia K.
Installations lumineuses interactives
Blue, red and yellow
Blue, red and yellow, 2001, Neuenationalgalerie, Berlin
C'est dans un épais brouillard dont la couleur est instable, qu'elle immerge entièrement le spectateur qui devient ainsi pleinement acteur de l’œuvre. Perdu dans la brume colorée, l'immergé redécouvre ses sens, il vit alors une expérience directe, sensorielle et unique à chaque immersion dans ces installations minimalistes. L'artiste joue habilement avec la lumière pour rendre l'immatériel sensible et visible, elle active une perte de contrôle des sens chez le spectateur et le confronte à la perception de l'insaisissable. Passionnée par le vide, Ann Veronica Janssens, voulait le « mettre en mouvement, lui conférant une sorte de temporalité », notamment à travers le changement de couleur qui donne une indication temporelle à l'immergé. Avec, pour seuls auxiliaires, ses sens, l'immergé déambule dans le brouillard coloré face à l'inconnu.
Alors, serez-vous assez courageux pour vous lancer à corps perdu dans ce vide coloré ?
Marion Bernardi
Dreamachine, Brion Gyson
Burroughs and Gysin, 1958, Mike Smith Studio |
Dreamachine, 1961, Unknow |
En 1958 Brion Gyson relatait l’expérience hypnotique, dont s’inspire La Dreammachine, comme la vision d’ « une tempête transcendantale de visions colorées ». Celle dont il avait été témoin dans un autobus menant à Marseille. C’est en regardant paupière clause en direction du soleil couchant et à travers les arbres défilant, qu’il atteint un état de sérénité tel qu’il se sentit comme dans un autre monde
C’est dans l’espoir de revivre cette expérience que la Dreamachine naquit au début des années 1960 au Beat Hôtel de la rue Gît-le-Cœur à Paris. Brion Gyson en obtenut même un brevet en 1961, et le résultat de ses expériences sera publié l’année suivante dans le périodique des arts d'Olympia.
Brion Gysin trouva l'explication de cette expérience inhabituelle dans l’œuvre du Dr W. Grey Walter The Living Brain. Le Dr Walter était neurophysiologiste et chercheur sur la nature des ondes cérébrales et la fonction cérébrale correspondante. C’est à l’aide de Ian Sommerville que Brion Gyson décida de construire cette machine à rêves.
La Dreamachine se compose d'un cylindre percé de trous, posé sur une platine en mouvement. Au milieu du cylindre se trouve une ampoule. Le plateau tourne à 78 tours par minute. Les sujets sont ainsi invités à s’asseoir devant la machine et à fermer les yeux. La lumière brillant à travers les trous du cylindre vient scintiller sur les paupières. La lumière clignote à une fréquence d'environ 20 Hz qui est similaire à la fréquence des ondes cérébrales alpha qui sont associés au cerveau en état de relaxation.
Le sujet est plongé dans un univers coloré l’invitant au calme et au voyage.
Jason Chapron
The Weather project Olafur Eliasson
Olafur Eliasson - Weather Project © Simiant Oct 23, 2006 |
En effet, plongé dans la brume, le spectateur pénètre dans un espace baigné d’une lumière orangée émanant d’un immense cercle placé au sommet de la salle. En réalité, la surface lumineuse n’est qu’un demi-cercle reflété par un miroir recouvrant l'intégralité du plafond. Ainsi c’est par une illusion d’optique qu’Olafur Eliasson parvient à recréer un environnement naturel.
De fait, par un dispositif technique et technologique complexe, The Weather Project tente de reproduire une atmosphère existante à l’état naturel. Tel un lever ou un coucher de soleil que l’on percevrait de l’espace, la lumière incandescente, la brume ambiante créent une atmosphère particulière et totalement immersive.
C’est d’ailleurs cette ambiance contemplative qui va faire naître différents comportements chez les visiteurs du musée. Certains, comme contemplant le phénomène, décideront alors de s’allonger sur le sol seul admirant l’air baigné de sa lumière orange et observant leur reflet au plafond presque en méditation avec eux mêmes. D’autres joueront avec le gigantesque, créant ainsi en groupes grâce à leurs corps, des lettres, des mots, des motifs.
Ainsi Olafur Eliasson crée, par la lumière et le reflet, un univers où chacun s'immerge et vit une expérience esthétique intense.
Louise Peyon
L’exploitation de la lumière naturelle
L’église de la lumière
L’église de la lumière est une église créée par l’architecte japonais Tadao Ando en 1989, elle est située à Ibaraki à 25 km d’Osaka au Japon.
Naoya Fujii, l’église de la lumière, Tadao Ando |
Cette église est donc faite de béton, très minimaliste et ce qui fait sa particularité, ce sont les ouvertures qui découpent la structure, laissant passer la lumière et formant une croix lumineuse.
Ando disait: "L’église est une boite carrée, sans fioritures, vue de l’extérieur. Mais dès que l’on y entre, on se retrouve face à une croix de lumière qui scintille à travers les fentes du mur. La boite carrée prend soudain vie grâce à la lumière. La fascination nait dans l’espace de la lumière naturelle. Je souhaitais fasciner les gens en leur faisant prendre conscience de la vie. Je crois que la source de toute création se trouve dans ma volonté de faire de l’architecture pour créer la fascination au-delà de l’imagination".
La croix de lumière a une dimension spirituelle forte, là où les croyants y verraient la lumière de l’apparition, même les non-croyants peuvent admirer ce génie d’architecture et de minimalisme.
The Crater's Eye, entre lumière et terre
Roden Crater's Eye, James Turrel © Florian Holzherr |
James Turrell, The Color Inside, (2013), University of Texas |
Le Roden Crater est un volcan, acheté par l'artiste américain James Turrel. Spécialiste des installations qui renvoient à la contemplation de la lumière, naturelle ou artificielle, il recherchait un site particulier pour développer son travail, capter les couleurs, le temps et les mouvements du ciel. C'est ainsi que son œuvre Crater's Eye a pris forme en 2003 : une pièce creusée au centre du volcan accessible par des tunnels. Une simple ouverture en haut du dôme, et toute l'immensité de l’œuvre se dévoile. Cette lucarne au plafond, appelée oculus, associée à un espace clos permettent d'observer à l'œil nu l'évolution du ciel, du soleil et de se perdre dans le cosmos.
L'endroit est un espace calme dédié à la contemplation, la reflexion. Ceint de murs courbés, la pièce est plongée dans une lumière naturelle qui change de couleur et d'intensité au gré du temps qui passe. L'évolution du soleil et le climat extérieur altèrent l'experience visuelle. C'est un observatoire où le ciel se dévoile à ses visiteurs et les plonge dans un univers hors du temps.
James Turrel a réalisé le même type d'espace en 2013, intitulé The Color Inside, au coeur d'une université au Texas. Cette fois si, durant le coucher et le lever du soleil, des lumières artificielles de couleurs illuminent les murs et créent un contraste avec la lumière naturelle intense du ciel.
Crater's Eye est une œuvre qui bouleverse notre vision de la lumière, des couleurs, et du ciel. C'est une experience que l'on retrouve dans l'art de James Turrel, extraordinaire et puissant.
Clara Chanteloup