Irmak et Pauline
Engagement - Résistance
Family Tree - Zhang Huan |
"Je recherche la nature humaine, la vie, la mort, la maladie, tous les sentiments et les désirs humains. Il y a quelque chose à la fois d’universel et de contextuel dans ce que je raconte depuis toujours."
Il y a bien un rapport à l’universel dans Family Tree. Zhang Huan, artiste originaire de Chine émigre aux Etats Unis en 1998 alors que son oeuvre n’est pas toléré dans son pays natal. Deux ans plus tard, il livre la série Family Tree, une série de neufs photographies.
Zhang Huan est un artiste habitué aux performance dont il fait l’expérience dès ses débuts avec le groupe East Village.
Family Tree est une performance retranscrite par la photo. Durant celle-ci, trois calligraphes écrivent divers textes, phrases… sur le visage de l’artiste qui finit par être entièrement recouvert de noir. Ces textes écrit en caractères chinois parlent de son passé, de ses ancêtres… en bref de sa culture d’origine.
La dernière photo, dans laquelle le visage disparaît derrière les caractère est forte de sens : l’homme semble étouffé par son passé, plombé par une culture qui le méprise et le censure.
Son identité se résume à son seul déterminisme (culturel et familial) et il ne reste plus qu’un être sans personnalité.
Telles des cicatrices, les mots révèlent les douleurs vécues et une époque sanglante, humiliante, faite d’interdits, de conditions de vie misérables.
Toutefois, on peut proposer une seconde interprétation à la performance.
Aujourd’hui l’artiste est retourné vivre en Chine, renouer les liens avec ce pays qui constitue une part importante de son identité. En 2000, alors qu’il venait de s’exiler, Zhang Huan a pu ressentir le besoin de proclamer cette identité, de montrer ses origines : il affiche stoïquement son appartenance à la Chine en la marquant sur son propre corps.
Aujourd’hui, alors que les Chinois adoptent des noms occidentaux et se débrident les yeux, l’oeuvre prend une toute nouvelle posture : l’identité par la résistance...
Tassia Konstantinidi
Faire des armes de mes larmes
“Gun for firing my tears”, Yi-Fei Chen |
Yi-Fei Chen nous fait voyager à travers l’univers de objets métaphores, en particulier dans sonœuvre Gun to firing tears.
Ce projet consiste à recueillir des larmes, les geler puis les projeter sur des personnes qui vous ont offensé au fait du mal. Un réservoir en silicone sert de réceptacle pour recevoir les larmes puis elles sont amenées jusqu’au ballon métallique où elles peuvent être gelées, puis projetées.
À travers cet objet, Yi-Fei Chen traduit le mal et les pressions ressentis dans le domaine des études et du travail qui se révèlent être parfois insupportables
Répulsion
« Cheval de Bataille » Maya Bosch et Régis Golay |
Il s’agit en fait d’un élément de décor d’une pièce mise en scène par Maya Bosch en 2005, le cheval était suspendu à un globe terrestre. « Cheval de Bataille » a créé une polémique telle, que l’équipe de Zabriskie, en charge de cette mini-galerie, a décidé de fermer de façon définitive l’exposition.
Le cheval était suspendu par deux lanières. Seulement, celle située au niveau de l’arrière train de l’animal a cédé sous son poids ce qui donnait à voir une scène assez dramatique. La bête était alors pendue par le cou, la patte arrière comme cassée.
Pour les artistes, le but n’était pas de choquer mais bien d’interpeller les gens sur certains problèmes que nous rencontrons dans la société actuelle.
Pour eux, Cheval de Bataille symbolise « toutes les batailles déchues - les grandes et les petites - surtout celles qui demeurent dans l’invisible, cachées dans les rues, derrière les fenêtres closes, dans les cœurs des humains. »
Ils ont donc décidé d’amener l’art là où les gens ne s’y attendent pas pour créer le débat.
Lors d’une interview Maya Bosch rappelle que « l’artiste est là pour pousser les gens à se poser des questions et à arrêter d’avaler tout ce que les médias nous servent ». « L’équidé représente alors une culture en difficulté qu’on se doit de défendre.»
Hermeline DUCHEMIN
Séduction/Répulsion
Bar à oranges - Michel Blazy |
Ainsi, on observe une décomposition de la matière venant du bas de la pile et qui fait lentement sa progression. La nuance des couleurs allant de l’orange au gris-vert, montre l’action du temps et l’évolution de la moisissure, créant alors presque un motif aléatoire. C’est l’effet de décomposition qui va agir seul sur l’oeuvre sans nécessiter l’intervention de l’artiste.
Louise Peyon
L'attirance du danger
© Marco Evaristti, Helena, 2000 |
Question de vie ou de mort.
L’éthique a toujours été sujet à polémique. Marco Evaristti s'en amuse dans son oeuvre, une installation controversée et controversable. Provoquer le pouvoir de décision et de libre arbitre du public c’est ce qu’a réussi à faire cet artiste dans Héléna. La recette est plutôt naïve quoique efficace : placez un poisson rouge dans un mixeur, branchez le, n’appuyez SURTOUT PAS sur le bouton, répétez l’opération plusieurs fois et laissez agir. Le tout donne une bonne dose de provocation à l’égard des visiteurs et des amoureux des animaux, ainsi qu’un bon coup de pub pour l’artiste et les musées ayant accueillis son travail. Car au final, deux poissons n’ont pas survécu à l’épreuve du mixeur (#RIP). De cette installation nous pouvons avoir deux visions. Celle de la métaphore créée par l’artiste, c’est à dire le poisson (nous) se faisant réduire en bouillie par un Moulinex (la société de consommation). Mais mise à part l’emprise des grands groupes industriels sur l’humain, cette "expérience" révèle également la structure de notre société contemporaine. Marco Evaristti, met en exergue 3 catégories : les "stupides", ceux qui vont mettre en marche le mixeur (heureusement pour nous, ils sont minoritaires), les "curieux", ceux qui ne vont pas appuyer sur le bouton mais qui restent à l’affût de celui ou celle qui osera le faire, et les « protestataires", ceux qui s’opposent. Cependant, après le meurtre d’un poisson rouge, les curieux et les protestataires s’allient pour juger le coupable qui est souvent confondu avec l’artiste. En soit, l’artiste n’a rien fait de mal. Il a, certes, créé une situation dangereuse en apportant aux visiteurs les éléments nécessaires au crime mais n’a pas compromis la vie des poissons. Ainsi, c’est d’une part les limites de l’art qui sont remises en question. Et d’un autre côté, ce sont les notions de cruauté et de justice qui sont soulignés par l’artiste qui subit, à ses dépens, la stigmatisation de l’opinion publique. Mais en définitif, c’est Moulinex qui aura le dernier mot en affirmant que les poissons n’avaient pas souffert grâce à la puissance de leurs mixeurs : Business is Business…
Julien COUGNAUD
La force de la Révolte
© Mathieu Pernot |
Mathieu Pernot nous présente des réfugiés qui fuient la misère et qui vivent dans des conditions inhumaines dans nos pays. Ce n’est pas de manière anodine que l’artiste met l’amateur d’art en face d’une réalité quotidienne, souvent occultée. Il dénonce la condition des réfugiés en mettant en lumière leurs corps, dormant dans la rue sous des draps. Mathieu Pernot nous oblige à ouvrir les yeux face à ces corps que nous ne voulons pas voir, que nous fuyions parce qu’ils nous mettent mal à l’aise. Il use de son talent pour mettre en premier plan des choses difficiles à regarder. Il met en œuvre des situations désagréables que personne ne peut regarder sans se poser des questions sur le monde et nos attitudes. Ses photos essaient de susciter une réaction de la part du spectateur. On a l’impression de se retrouver face à des cadavres ; ces « corps morts », que l’on rencontre dans nos villes et qui nous font changer de trottoir pour ne pas à avoir à affronter cette triste réalité que l’on a toujours évitée pour ne pas trop y penser. Avec ses photos, les migrants se trouvent là, en face de nous, silencieux, invisibles et anonymes. Mathieu Pernot dénonce des problèmes actuels et les place au centre de l’art.
Camille Metayer
La beauté de l’engagement
Missa - Dominique Blain - 1992 |
Missa est une œuvre troublante. Une centaine de paires de bottes militaires noires, toutes dirigées vers un seul et même point. Chacune est suspendue par un fil sombre à une structure elle-même suspendue au plafond. L'artiste, Dominique Blain, a surélevé une botte sur deux (la droite) pour renforcer une idée de marche mécanique.
La disposition de ces chaussures (chaque paire étant parfaitement alignée et cohérente dans son mouvement) laisse transparaître une image froide et angoissante. Elle illustre parfaitement les parades militaires. Dominique Blain est une artiste engagée pour la paix. La symbolique de son oeuvre est très puissante, de nombreux thèmes sombres en ressortent : les guerres, le fascisme, les violences entre les États, les dictatures, les destructions provenant d'idéologies politiques ou religieuses qui mettent à mal la liberté, la pensée et la démocratie. Les fils noirs illustrent le fait que les soldats sont les marionnettes d'idéologies et d'un pouvoir supérieur néfaste.
L'œuvre ayant été réalisée en 1992, 3 ans après la chute du mur de Berlin, elle est encore aujourd'hui d'actualité. L'impact que représente Missa atteint de nombreuses personnes, pays et évènements.
«Malheureusement, elle est encore très pertinente quand on voit ce qui se passe en Syrie ou ailleurs dans le monde. Nous ici, on n'a souvent aucune idée de ce qu'est un régime militaire ou la guerre. La semaine dernière, j'entendais une Iranienne à Radio-Canada qui disait qu'il valait mieux le pire des dictateurs qu'une guerre. Parce qu'elle a connu la guerre en Iran et quand on y pense, c'est une alternative affreuse.» - Dominique Blain
Missa est une œuvre puissante, culturellement et politiquement parlant, évoquant la terreur et la discipline militaire.
Clara Chanteloup
Funeste
« Schalechet » (feuilles mortes en hébreu) de Menashe Kadishman. ©MarcFray |
Au bout de cet axe, une porte, noire. Derrière cette porte, une tour de béton plongée dans la pénombre, vide, la tour de l’holocauste. Une pièce noire et vide ouvrant sur un vide, seule source de lumière.
Dans la conception du musée Juif de Berlin, l’architecte Daniel Libeskind a situé la tour de l’holocauste à l’extérieur du bâtiment, on y accède uniquement par le sous-terrain.
Cette pièce symbolise la perte d’humanité et évoque une tombe.
La question centrale était de savoir comment illustrer la mémoire de l'Holocauste. L'architecte a décidé, à sa manière, de la commémorer par le vide et le silence.
Menashe Kadishman est un sculpteur Israélien. Avant d’étudier à l’école d’art de Saint-Martin à Londres, il était berger à Tel Aviv. Cette période de sa vie a eu une grande influence au niveau de son art. En effet, le mouton, celui qu'il gardait lorsqu'il était jeune homme, est un élément central de son œuvre : de celui sacrifié par Abraham dans la Bible, à ceux amenés à l'abattoir, en écho à la tragédie de l’Holocauste.
L’installation Schalechet (feuilles mortes en hébreu) de Menashe Kadishman occupe l’une des salles laissées vides par l’architecte - les « Voids » qui évoquent le vide laissé par l’Holocauste en Allemagne. Au sol, se trouvent 10 000 visages en acier, à l’expression torturée. Les visiteurs sont invités à déambuler sur ces rondelles comme on marche sur des feuilles mortes à l’automne. Il est mal aisé de marcher sur ces plaquettes de fer qui produisent sous les pas un bruit métallique et désagréable. C’est une expérience à la fois émotive, visuelle et auditive que propose cette installation. Le mémorial évoque l’horreur de la Shoah, la souffrance qu’elle a engendré et ses milliers de morts.
Après chaque exposition, certaines images restent avec vous. Shalechet était une expérience physique pour moi comme peu d'autres ont été, les épaules lourdes et les jambes tremblantes sur ce sol instable. Ses visages de fer racontant d’une voix stridente un horrible conte sur les Juifs assassinés durant la Shoah, et toutes les victimes des violences liées à la guerre.
Mathis Jagorel
Poignant
Pablo Picasso, Guernica, huile sur toile, 349,31 × 776,61 cm, 1937, Musée de Reina Sofia, Madrid |
"La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. C'est un instrument de guerre offensive et défensive contre l'ennemi" - Picasso.
Ainsi, les contrastes de valeurs mettent en lumière les expressions poignantes des personnages et sont d'autant plus accentuées par les déformations physiques de ces derniers. En outre, la représentation simultanée face/profil qui est propre au mouvement cubiste renforce l'impression de "désordre organisé" de la composition. La scène est dramatisée par l'utilisation du noir et blanc teintant la toile d'une ambiance tragique voire funeste.
Dans ce décor épouvantable, les regards convergent vers les deux lampes ; le plafonnier et la lampe à pétrole symbolisant respectivement les bombes et l'espoir faible mais persistant des habitants. Contrairement à ces derniers, le taureau, portrait des nationalistes, nous fait face, il semble nous défier du regard. Est-ce un moyen de faire rentrer le spectateur dans l’œuvre ou bien la représentation d'une menace imminente ? C'est à vous seul d'en juger en vous confrontant directement à l’œuvre. Finalement, il serait inhumain de rester de marbre devant l'atroce massacre dépeint par Picasso, tant l’œuvre est poignante par rapport au message universel qu'elle délivre.
Marion Bernardi
La Peur / l'effroi
The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living, Damien Hirst, 1991 |
Quentin Cadero
Contemplation
Série Outrenoir, musée Soulages, Rodez, France. c. Pierre Soulages/détail. Photos par Fabrice Oger |
Par l’immersion dans ses immenses toiles « Outrenoirs », Pierre Soulages nous invite à entrer dans un univers bouleversant engendrant confusion et questionnements.
Fortement inspiré par le travail de Cézanne et Picasso, il crée des toiles abstraites où le noir est dominant. Rapidement remarqué par ses partis pris artistiques qui s'opposaient à la peinture semi-figurative et très colorée de l’après-guerre, Soulages connait un succès immédiat et il ne tarde pas à devenir l’un des artistes français les plus populaires et reconnus de son temps.
Toiles au noir dominant, elles possèdent de multiples états de surface remarquables, générant des ressentis contradictoires.
L’impression de vide et d’impuissance qui nous envahit dans un premier temps face à ces immenses toiles noires est rapidement remplacée par celle d’acharnement. Une grande violence s’en dégage en effet, soulignée par l’orientation des coups de pinceaux, tour à tour réguliers, saccadés, et désordonnés.
Symbole antérieur à la lumière et à la vie, c’est un immense aplat noir auquel doivent ici faire face les spectateurs. Radicalité et gravité bouleversent le spectateur, rayonnant de vie. Obscurité et clarté se mêlent, par des jeux de variation d’états de surface. En jouant avec ces différences, Pierre Soulages crée des tableaux véhiculant une grande émotion, où rythme, espace et lumière naissent par des contacts violents du noir et du blanc sur toute la surface de la toile.
Sources de variations infinies, les tableaux traduisent ainsi plus qu’un simple noir. Stries et empreintes se complètent pour former des tableaux à la surface étonnante. Des jeux de lumières viennent ainsi lui donner vie, et en révéler, selon l’évolution de la lumière, différents aspects. Son apparence change ainsi en tout instant. Tels des miroirs s’attirant et se reflétant, Pierre Soulages crée des tableaux aux atmosphères changeantes, dont le noir évoque plus qu’un simple noir : il invente ainsi le "noir lumière" appelé plus tard « Outrenoir ».
Tel un envahisseur de l’espace, Pierre Soulages présente une série « Outrenoir » bouleversante, au pouvoir attractif universel. Il nous entraine vers une autre dimension, saisissante d’émotions.
« Pour ne pas limiter ces peintures à un phénomène optique, j’ai inventé le mot Outrenoir, au-delà du noir, une lumière transmutée par le noir et, comme Outre-Rhin ou Outre-Manche désignent un autre pays, Outrenoir désigne aussi un autre pays, un autre champ mental que celui du simple noir » - Pierre Soulages
Pauline Oger
Gigantesque - Monumental - Universel
Hollow de Katie Paterson et des architectes Zeller & Moye |
Une forêt qui nous éclipse
L’œuvre Hollow de l’artiste Katie Paterson et les architectes Zeller & Moye est une installation permanente dans le Royal Fort Garden dans la ville de Bristol au Royaume Uni. Elle a été conçue pour l’Université de Bristol a l’occasion de l’ouverture de leur nouveau bâtiment de science à côté des jardins. L’installation est un assemblage de tiges en bois composé d'échantillons venant de 10.000 espèces d’arbre différents. Les échantillons ont été collectionnés durant une période de trois ans et viennent d'arboretums, herbiers, collections et collectionneurs du monde entier.
L'intérieur de l'œuvre est un espace creux, une endroit qui mène le spectateur à être introspectif et méditatif. On se retrouve dans un endroit où l'on peut saisir le moment pour contempler notre histoire. L’œuvre regroupe des morceaux de milliers de bois de différentes tailles pour former une sorte de forêt abstraite et cosmique. L’effet est une variété de textures, ouvertures vers l'extérieur, et stalactites. Le toit est ouvert vers le ciel juste assez pour laisser passer la lumière naturelle, créant le même effet que la canopée d’une forêt.
L'assemblage de tiges à l'extérieur est sensé évoquer l'écosystème de la canopée d’une forêt. L'extérieur est fait entièrement de bois provenant de jeunes sapins Douglas et évoque des arbres de différentes hauteurs et développements. Par opposition, l'intérieur contient des échantillons de nombreuses espèces d’arbres, y compris des fossiles de bois pétrifiés provenant des plus vieilles forêts sur notre planète.
Parmi les échantillons de bois se trouvent des morceaux des plus vieux arbres au monde, des espèces en voie de disparition, et des espèces plus récentes. Les échantillons représentent l'histoire et l'évolution de notre planète au fil du temps. De l'arbre banyan où Bouddha a eu son éveil spirituel jusqu'à un ginkgo japonais d'Hiroshima qui a survécu un des moments le plus sombres de notre histoire. Les échantillons proviennent de plusieurs endroits tel que l'université de Kyoto, les Montagnes Blanches de Californie, des donations de le Herbario Nacional de México, les Royal Botanical Gardens au Royaume Uni, le Arnold Arboretum à Harvard, et de nombreuses autres sources.
Ce qui est le plus bouleversant par rapport à cette œuvre est son regard vers l'histoire sur une échelle microcosmique. En regardant au dessus, on se sent tellement petit en comparaison à la grandeur. Cette impression reflète parfaitement les sentiments qu’on a en regardant tous les échantillons de bois, certains qui viennent d’arbres qui ont 5.000 ans. La durée de notre vie paraît insignifiante à côté d’un arbre de tel âge. L’effet est similaire à ce qu’on ressent sous un ciel rempli d'étoiles la nuit. Ceci nous mène à une réflexion par rapport à notre place dans l’univers et la qualité éphémère de nos vies.
Elise Cugnart
Spectaculaire
The Key in the Hand - Chiharu Shiota - 2015 |
Dans l’installation The Key in the hand, le spectateur se retrouve immergé dans le monde à la fois onirique et sombre de Chiharu Shiota, guidé par une couleur rouge vibrante l’entrainant au milieu des coques de bateaux au-dessus desquelles se dressent 400 km de fils tendus. A la fois belle est surprenante cette œuvre symbolise la transmission des souvenirs et les liens qu’entretiennent les mémoires au fil des générations.
Inspirée du séisme survenu au large des côtes nord-est de l’île d’Honshū le 11 mars 2011 au nord-est de Tokyo, tsunami qui avait également déclenché l’accident nucléaire de Fukushima; l’artiste a décidé, à travers son installation, d’explorer la notion du temps, les relations entre le passé, le présent et l’avenir. Confrontée à la mort des membres de sa famille, elle a voulu libérer ses sentiments à travers toutes les significations possibles que peut voir une clef. Celles-ci ont été auparavant récoltés grâce à des boîtes mises à disposition dans différents musées notamment en Asie, en Europe et aussi aux États-Unis. Les bateaux symbolisent deux mains attrapant une vague de souvenirs et d’espoir qui semblent flotter dans l’océan, calme et immense. Chaque bateau contient 50 000 clefs (représentant la forme du corps d’un être humain) connectées les unes aux autres grâce à un fil rouge. Le rouge symbolise ici la couleur du sang et donc des relations humaines. Le thème de l’enfance est très présent dans son œuvre, on peut apercevoir une photographie d’un enfant tenant une clé dans sa paume mais aussi des vidéos montrant les souvenirs d’enfant à leur naissance. Ces clefs ouvrent et referment des portes à de nouvelles chances, nous laissant maître de notre avenir dans ce monde ou chaque être humain joue un rôle, que ce soit pour garder ses souvenirs en sécurité ou dans l’espoir d’un nouveau départ. Dans son travail Shiota intègre les clés comme un moyen de transmettre nos vrais sentiments. Les clés font partie de notre quotidien, elles protègent nos biens les plus précieux et accumulent des souvenirs innombrables. Nous les confions à d’autres personnes en lesquelles nous avons confiance les laissant s’occuper des choses qui sont importantes pour nous. Oeuvre magistrale et puissante quant à son pouvoir émotionnel, elle fonctionne comme des autels personnels dédiés aux traces indélébiles et impalpables de notre mémoire.
Amélie Péron
Quand le concept bouleverse l'ordre établi
Bruce Conner "TOUCH/DON'T TOUCH" |
"I am an artist, an anti-artist, no shrinking ego, modest, a feminist, a profound misogynist, a romantic, a realist, a surrealist, a funk artist, conceptual artist, minimalist, postmodernist, beatnik, hippie, punk, subtle, confrontational, believable, paranoiac, courteous, difficult, forthright, impossible to work with, accessible, obscure, precise, calm, contrary, elusive, spiritual, profane, a Renaissance man of contemporary art, and one the most important artists in the world. My work is described as beautiful, horrible, hogwash, genius, maundering, precise, quaint, avant-garde, historical, hackneyed, masterful, trivial, intense, mystical, virtuosic, bewildering, absorbing, concise, absurd, amusing, innovative, nostalgic, contemporary, iconoclastic, sophisticated, trash, masterpieces, etc. It’s all true." - Bruce Conner dans une lettre à Paula Kirkeby d'après les qualificatifs que lui ont donné les médias.
C'est lors d'une exposition temporaire au MoMA de New-York précédent la plus grande rétrospective de l'artiste au SFMoMA, en août 2016 que j'ai pu découvrir le travail de Bruce Conner. Au milieu de ses assemblages macabres et tous plus troublants les uns que les autres, son oeuvre "TOUCH, DON'T TOUCH" plus lumineuse m'a interpellé.
Bruce Conner a créé cette oeuvre au cours d'une période de sa vie où il cherchait à explorer un autre langage artistique que la sculpture par le collage qu'il utilisait déjà beaucoup. C'est pourquoi il s'est tourné vers l'art conceptuel.
"TOUCH/DON'T TOUCH" est né d'une visite de Bruce Conner au Musée d'Art Moderne de San Francisco (aujourd'hui SFMoMA), lorsqu'il s'est retrouvé face à l'une de ses œuvres "DARK BROWN", seule oeuvre du musée à coté de laquelle était apposée la mention "Ne pas toucher", ce qui a énervé puis inspiré l'artiste. Bruce Conner acceptait le fait que son oeuvre ne soit pas conservée éternellement, qu'elle puisse être détériorée, touchée...
Bruce Conner (1933-2008) était un artiste américain aux multiples facettes qui a travaillé divers médiums (photographie, film, peinture, assemblages...) et qui a notamment traité les thématiques de la lumière et de l'obscurité. Cette thématique se retrouve dans de nombreux travaux, dans lesquels ont retrouve beaucoup de noirceur ce qui rendent certaines de ces œuvres terrifiantes, relevant presque du cauchemar, comme son oeuvre "Couch" de 1964 ou encore "Bombhead" de 2002.
C'est alors que Bruce Conner s'est mis à réaliser "TOUCH/DON'T TOUCH", une oeuvre composée de treize cadres noirs fins exposés sur trois murs blancs. Incompréhensible, ces tableaux vous obligent à vous approcher pour mieux les comprendre. Douze d'entre eux se font face sur deux murs, six par six, sur lesquels ont peut lire en petit "DON'T TOUCH" écrit de manière dactylographiée en noir sur un fond blanc cassé. L'oeuvre est encore plus incompréhensible, comme si elle nous interdisait de toucher aux œuvres, comme si elle faisait partie de la signalétique du musée et qu'elle n'était pas véritablement une œuvre. Déstabilisante, elle le devient lorsque l'on s'approche du dernier cadre, isolé sur le troisième mur, sur lequel on peut lire "TOUCH".
C'est hésitant que je me suis approché de ce cadre en me demandant si je devais le toucher. C'est alors que le vigile du musée présent à coté a interdit à un visiteur de toucher le cadre. C'est là que la proposition prend tout sont sens. Qui détient le pouvoir sur cette oeuvre? A qui devons nous obéir? Devons-nous écouter l'artiste et toucher ou écouter l'autorité du musée et ne pas l'abîmer?
A l'origine, ce dernier tableau était mis sous verre, ce qui empêchait le public de le toucher. L'intention de l'artiste qui était de faire interagir le public avec son oeuvre était encore plus forte. Alors toucher l'oeuvre ou ne pas la toucher?
Brandon Gondoin
Bruce Conner a créé cette oeuvre au cours d'une période de sa vie où il cherchait à explorer un autre langage artistique que la sculpture par le collage qu'il utilisait déjà beaucoup. C'est pourquoi il s'est tourné vers l'art conceptuel.
"TOUCH/DON'T TOUCH" est né d'une visite de Bruce Conner au Musée d'Art Moderne de San Francisco (aujourd'hui SFMoMA), lorsqu'il s'est retrouvé face à l'une de ses œuvres "DARK BROWN", seule oeuvre du musée à coté de laquelle était apposée la mention "Ne pas toucher", ce qui a énervé puis inspiré l'artiste. Bruce Conner acceptait le fait que son oeuvre ne soit pas conservée éternellement, qu'elle puisse être détériorée, touchée...
Bruce Conner (1933-2008) était un artiste américain aux multiples facettes qui a travaillé divers médiums (photographie, film, peinture, assemblages...) et qui a notamment traité les thématiques de la lumière et de l'obscurité. Cette thématique se retrouve dans de nombreux travaux, dans lesquels ont retrouve beaucoup de noirceur ce qui rendent certaines de ces œuvres terrifiantes, relevant presque du cauchemar, comme son oeuvre "Couch" de 1964 ou encore "Bombhead" de 2002.
C'est alors que Bruce Conner s'est mis à réaliser "TOUCH/DON'T TOUCH", une oeuvre composée de treize cadres noirs fins exposés sur trois murs blancs. Incompréhensible, ces tableaux vous obligent à vous approcher pour mieux les comprendre. Douze d'entre eux se font face sur deux murs, six par six, sur lesquels ont peut lire en petit "DON'T TOUCH" écrit de manière dactylographiée en noir sur un fond blanc cassé. L'oeuvre est encore plus incompréhensible, comme si elle nous interdisait de toucher aux œuvres, comme si elle faisait partie de la signalétique du musée et qu'elle n'était pas véritablement une œuvre. Déstabilisante, elle le devient lorsque l'on s'approche du dernier cadre, isolé sur le troisième mur, sur lequel on peut lire "TOUCH".
C'est hésitant que je me suis approché de ce cadre en me demandant si je devais le toucher. C'est alors que le vigile du musée présent à coté a interdit à un visiteur de toucher le cadre. C'est là que la proposition prend tout sont sens. Qui détient le pouvoir sur cette oeuvre? A qui devons nous obéir? Devons-nous écouter l'artiste et toucher ou écouter l'autorité du musée et ne pas l'abîmer?
A l'origine, ce dernier tableau était mis sous verre, ce qui empêchait le public de le toucher. L'intention de l'artiste qui était de faire interagir le public avec son oeuvre était encore plus forte. Alors toucher l'oeuvre ou ne pas la toucher?
Brandon Gondoin
Perdu
Tadao Ando - Chichu Art Museum, |
Considéré comme l’un des plus beaux musée d’art contemporain du monde, le Chichu art museum a été conçu par Tadao Ando et inauguré en 2004 sur l’île de Naoshima au Japon. Ce musée est d’ailleurs considéré comme une œuvre à part entière, notamment de part ses détails architecturaux et son intégration à la nature. Ce bâtiment de 2573m² fait de béton est entièrement construit en sous-sol, autrement dit, rien ne dépasse de la colline, le paysage est intact. Tadao Ando disait: « J’ai un penchant presque inconscient pour les espaces souterrains. Quelle que soit la nature du site, j’essaye de créer une architecture qui ne s’impose jamais dans son environnement… Travailler sur des volumes souterrains fait un lien avec la quête des origines de l’architecture. »
Le Chichu Art museum est composé de plusieurs salles aux formes géométriques; carrés, rectangles, triangles et bien qu’elles forment un tout, ces structures de béton semblent totalement désarticulées vues de haut. Il s’agissait alors pour Tadao Ando de lier cette architecture très moderne à la nature environnante. L’artiste a pour ce faire, créé des cours dans son musée. A ciel ouvert, elles sont de véritables oeuvres d’art en elles-même. En effet, elles sont si simples, faites de béton qu’elles nous permettent d’avoir un autre regard vers le ciel, seul élément changeant de l’espace. En fonction des saisons, du temps, notre perception change totalement ce qui fait de chaque visite un moment unique, une expérience singulière. James Turrell a d’ailleurs réalisé une de ces cours, probablement la plus impressionnantes d’entre toutes. En effet, le plafond, blanc, est perforé. Le spectateur a alors l’impression que le ciel est l’œuvre, le plafond forme comme un cadre et tout semble attirer le regard vers le ciel.
Ce musée abrite de façon permanente les créations de trois artistes : l’impressionniste Claude Monet et les artistes contemporains Walter de Maria et James Turrell. Tadao Ando a créé des espaces pour accueillir leurs œuvres. Elles sont aussi impressionnantes les unes que les autres et de les voir dans ce musée permet au spectateur de comprendre que l’espace est aussi important que l’oeuvre elle-même.
L'architecture devient une oeuvre immersive, chaque détail est pensé, coordonné avec les différents éléments comme aime le faire Tadao Ando, que ce soit l’eau, la lumière ou le vent. Ando propose un parcours émotionnel et sensible, pour des oeuvres impressionnantes, créant un contraste frappant mais épatant entre la nature et le bâtiment en béton, le tout si poétique. Tadao Ando a su faire de cette architecture un véritable paysage.
Constance Rondeau