lundi 25 janvier 2016

LES CLOWNS (les artistes ?) FONT LEUR CIRQUE

“ Mesdames et Messieurs, l'irremplaçable Jean Cocteau a dit un jour que dans un cercle parfait, fait de sable, de sciure et de lumière, naquit le cirque ; de la coupole légère des acrobates et du tapis rouge naquirent des fleurs éclatantes : les clowns. 
Sur la piste de ce dossier, vous aurez le privilège de voir se succéder de nombreux artistes de renoms. Parmi eux, vous découvrirez le talentueux Seurat qui aura la chance d'ouvrir ce show avec ses peintures qui réveilleront vos sens, ou bien encore l'emblématique, l'extravagant et célèbre David Bowie avec ses tenues qui émerveilleront les plus petits. Nous aurons également le privilège de vous présenter, l'un des couples les plus provocateurs de ce siècle, j'ai nommé Gilbert et Georges et leurs  délicieuses critiques de la société. Je vous demanderai un tonnerre d’applaudissement pour tous les artistes qui se succéderont sous un arc en ciel d'humour et de poésie. Place à la folie!”
Article rédigé par Jérôme BOISSIERE et Elise BUNOUF

Les clowns au cirque

Seurat, tout un cirque

Cirque est un tableau de Georges Seurat peint en 1891 et actuellement exposé au musée d’Orsay. Cette toile nous présente le numéro de l’écuyère du cirque Fernando. Seurat représente ici un plaisir populaire témoin de l’avènement au XIXe siècle d’une économie de loisirs liée à la Révolution Industrielle. Ce tableau poursuit les recherches de Seurat sur la représentation du mouvement et ce malgré la rigueur de sa technique.
Georges Seurat, Cirque, 1890-1891, huile sur toile
   Ce tableau est aussi prétexte à une représentation sociale : la superposition des spectateurs est l'occasion d'illustrer la diversité sociale et ses inégalités. 
Si Seurat revient trois fois au thème du cirque dans sa peinture, c’est qu’il lui permet d’étudier le mouvement, le rythme, et les couleurs rendues chatoyantes par la lumière ; un lieu féerique en somme, au cœur de la grisaille d’une ville en voie d’industrialisation. Dans ce tableau, le clown ouvre le rideau, comme s'il ouvrait la peinture à la vue du spectateur pour le faire entrer sur la piste…
Maxime ROUSSET

Un clown massif

   Picasso, artiste espagnol incontournable du XXème siècle tant par ses apports techniques que par ses prises de position politique nous livre ici un tableau peu connu : Clown et jeune acrobate. Le personnage du clown semble le même que dans d'autres de ses tableaux de sa série sur les troubadours. Il possède une corpulence forte et le jeune garçon appuyé contre son genou contraste avec la figure "énorme", sculpturale du personnage. Ce clown aux allures sérieuses et aux couleurs délavées s'oppose à notre vision traditionnelle du clown joyeux, humoristique et maquillé. Picasso fait poser ses personnages , sur un cube, dans un espace brun presque abstrait, décontextualisant la scène, pour les intégrer sur une autre piste, celle de la peinture…
Picasso, Clown et jeune acrobate, 1905
Gaetan GUILLAUMIN


Renoir et le clown

   Pierre-Auguste Renoir est un peintre, sculpteur et graveur français, figure phare de l' Impressionnisme. Peintre de nus, de portraits et de scènes de genre il s'attache à la figure du clown dans un célèbre tableau Clown au cirque qui est une huile sur toile datant de 1868 conservée au Rijksmuseum à Otterlo. Le clown est la figure mystérieuse et emblématique du cirque. Renoir le représente lors d'un spectacle, en costume de scène, un violon à la main. Il lui donne cependant un air sérieux et une posture statique en rupture avec l'image comique du clown. Il saisit l'instant (comme le veulent les impressionnistes). A son époque, les cirques et spectacles étaient très nombreux dans la capitale et  captivaient et faisaient rêver les foules. Renoir se passionne aussi pour les costumes et les étoffes et prend beaucoup de plaisir à les représenter comme dans un autre de ces tableaux où il reprend ce thème du clown en faisant poser son fils costumé.

Renoir, Clown au cirque, 1968,
huile sur toile, Rikjsmuseum (Otterlo)

Renoir, Claude en clown, 1909,
huile sur toile, Musée de l'Orangerie (Paris)
Louise ROUSSIERE

Bernard Buffet, clowns expressionnistes 

   Bernard Buffet est un artiste français mondialement connu pour ses peintures et ses gravures. C'est un peintre expressionniste, un mouvement artistique du début du XXème qui avait pour but de représenter les choses de façon subjective afin de créer une émotion chez le spectateur quitte à déformer la réalité. 
Bernard Buffet, Tête de clown, 1955
   A partir des années 50, Bernard Buffet a peint beaucoup de visages de clowns qui sont d'ailleurs devenus l'une de ses marques de fabrique et qui sont extrêmement connus aujourd'hui. La particularité de ses tableaux sont que ses clowns semblent tristes : ils ne sont pas souriants et ont le regard vide et triste. Il crée ainsi un paradoxe en représentant ces personnages à l'inverse de ce qu'ils sont censés faire.

Bernard Buffet, Clown fond jaune, 1985

Pierre-Yves LASCOLS


Le reflet de la vérité

   Karel Appel est un peintre néerlandais qui a peint toute une série de tableaux autour du cirque et notamment Le Clown aux Larmes d'Or, 1978. Par ailleurs Karel Appel est aussi connu pour son appartenance au groupe Cobra  ou l’Internationale des artistes expérimentaux (IAE). Il s’agissait d’un mouvement artistique (1948-1951), né en réaction à la querelle entre l'abstraction et la figuration.
   Le mouvement CoBrA s’est nourri d’une philosophie humaniste marquée par l'expérience encore vive de la seconde guerre mondiale. Ce mouvement regroupe des artistes de Copenhague, Bruxelles, Amsterdam autour d'idées, d'expositions, de partis pris esthétiques prônant une certaine forme de spontanéité, de joie, de liberté…

Karel Appel, Le Clown aux Larmes d’Or, 1978,
gravure sur bois, 76x56.5cm
   Entre 1976 et 1978, Karel Appel conçoit Circus, ensemble de gouaches dont sont tirées les dix-sept sculptures et les trente gravures en couleurs conservées au LAAC de Dunkerque. Au fil de cette parade imaginaire, née du jaillissement même de la couleur, s’illustre l'abondance et l'ivresse propres aux mondes d'Appel et du cirque. La fête est le lieu du désordre, de la libération et de la transgression, à l’image du peintre.
   À partir de bois brut ou mal équarri, utilisant des couleurs virulentes et contrastées, jouant sur des figures élémentaires, il compose une œuvre protéiforme, animée par une intarissable énergie. C'est le cirque Appel (Appel Circus, 1978), pour reprendre le titre d'une série constituée de gravures et de sculptures chamarrées. 

Delphine MAZIOL


Le clown messager d'une idée



Cindy Sherman est une artiste photographe. Elle réalise des séries où elle incarne de nombreux personnages en changeant d'identité par le maquillage et les costumes. Elle veut créer un écart entre elle et son sujet pour que le public ait le choix dans l'interprétation du personnage. En effet, elle se veut être un miroir du genre et de l'apparence de la société. Son travail porte sur notre fragilité face aux mécanismes de l'identification et de la reconnaissance sociale.
Cindy Sherman, Untitled A-e, 1975
En 2004, elle réalise à nouveau une série sur ce thème appelée Clown, où elle fait usage de la technique numérique. Elle pose devant des fonds très colorés rappelant le costume du clown, la lumière du spectacle, la joie, la magie du cirque. Les positions qu'elle prend figent les œuvres nous invitant à nous interroger sur l'expressivité de chaque clown. Ici, elle fait écho à l'excentricité du clown en le plongeant dans un décor carnavalesque. Ce personnage excessif met à mal la frontière entre ce qui peut être fait ou non, par exemple la question de l'art et du mauvais goût. Le clown est une belle représentation des idées de Cindy Sherman, il est une métaphore de l'art, de l'artiste et de leur rôles dans la société.

Cindy Sherman, Untitled # 424, 2004
Adélie PAYET


La métaphore du clown

L'intimité colorée du clown / La clownesse Cha-U-Kao

   Henri de Toulouse-Lautrec est un peintre et lithographe français de la fin du XIXème siècle. Les œuvres du peintre sont très vastes : peintures, aquarelles, lithographies, environ 5000 dessins. Beaucoup de ses tableaux montrent des prostituées parce qu’il les considérait comme des modèles idéaux pour la spontanéité avec laquelle elles savaient se mouvoir, qu’elles soient nues ou à moitié habillées.
Henri de Toulouse-Lautrec, La Clownesse Cha-U-Kao, 1895,
Huile sur carton, 64x49 cm, Musée d'Orsay

   Dans ce tableau, cette femme est une danseuse et clownesse au Nouveau Cirque et au Moulin Rouge. Cha-U-Kao doit son nom de scène, à la retranscription phonétique des mots français "chahut" et "chaos" que suscitait son entrée en scène.
Comme la Goulue, (autre personnage féminin des nuits parisiennes) Cha-U-Kao est une figure récurrente dans l’œuvre du peintre, et appartient au monde du spectacles parisien de la fin du XIXe siècle. Son métier de clown et parfois même d'acrobate la rattache plutôt à la tradition du cirque, qui passionna aussi le peintre, qu'à celle des cabarets.
Contrairement aux séries de dessins ou de lithographies dans lesquelles Cha-U-Kao apparaît sous la lumière des projecteurs, le peintre nous donne ici une image (
peinte à l'huile sur carton) plus privée de son personnage, représenté dans un intérieur, sa loge ou un cabinet particulier,.
   Cha-U-Kao s'applique à attacher la grande collerette jaune du corsage qui constitue son costume de scène. L'importance de la collerette, qui occupe une large partie de cette composition inattendue, est encore soulignée par le ruban jaune qui retient presque ironiquement le toupet blanc de la clownesse. Au-dessus d'une petite table dressée apparaît un portrait ou un miroir dans lequel se reflète un homme d'âge mûr, qui pourrait être un intime, un admirateur ou un client.
   L’artiste a couvert ici toute la surface du tableau par une série de coups de pinceaux nerveux de couleurs vives, vert pour les murs ou rouge pour le sofa. Le cadrage insolite et les recherches de matières s'accordent bien au caractère à la fois trivial et privé de la scène.
Xiaoyu TANG

L’autocritique clownesque de David Bowie

   Figure emblématique du renouvellement, et par ses styles musicaux et par ses avatars, David Bowie s’est rendu célèbre avec une dizaine de personnages tout au long de sa carrière.
   En 1980, il sort Ashes to Ashes (Poussière redeviendra poussière), une chanson dans laquelle on le voit vêtu d’un costume de Pierrot, ou clown blanc. Il rappelle ici son attachement au clown mélancolique ainsi qu'au mime pour enterrer dans le clip son premier personnage : Major Tom.

Natasha Korniloff, David Bowie dans son costume de Pierrot pour Ashes to Ashes, 1980

   Ce personnage contient toutes les caractéristiques du clown blanc : il a le visage enfariné, du rouge sur les lèvres ; à la base du nez et aux oreilles, une mouche ; référence aux marquises, les cheveux courts, le chapeau en forme de cône, le costume pailleté appelé «sac» et des bas blancs. Il a aussi au dessus du sourcil le dessin personnel (signature) qui le différencie des autres clowns. Le clown blanc est beau, élégant. On le décrit comme aérien, pétillant et malicieux.
   D’après l’article « Le clown contemporain : vers une nouvelle approche de l’art clownesque » de Mathilde Baisez (jeu : revue de théâtre, n°41, 1986, p 29-41) ; Le clown participe à la pluralité des valeurs, à l’éclatement des genres, ce qui lui confère un caractère polyvalent. Le clown renvoie à la société dans laquelle il s’inscrit, et la parodie, pour accéder à l’imaginaire. Il n’est pas assujetti aux lois de la temporalité et de la spatialité. Il transcende.
   Le clown se situe également au centre d’une dualité de pulsions : le personnage gentil et naïf, haut en couleur, destiné à amuser la galerie, et le personnage cruel, violent, passionné, ambivalent, à la fois bourreau et victime qui se situe au point de rupture entre le monde rationnel, cohérent, organisé et le monde du chaos.
   On peut alors comprendre pourquoi David Bowie a commandé à la styliste et couturière Natasha Korniloff ce costume de Pierrot ; il lui fallait un personnage poétique, spatial, intemporel, pour le joindre à Major Tom, cet astronaute perdu dans l’espace. Le clown se moque de lui et le renvoie à ce qu’il est : un junkie, perdu dans l’univers des drogues.
   Via cette musique introspective et son personnage, Bowie évoque sa propre évolution. Il se fait satire de son ancien personnage, Major Tom et aussi de son premier succès, de façon mélancolique.
   Si ce costume est clownesque par excellence, Bowie a toujours eu le goût de l’extravagance, et on peut retrouver plusieurs de ses costumes l’univers haut en couleurs et en formes du cirque, notamment dans ceux crées par Kansai Yamamoto pour son personnage Aladdin Sane pour son album Ziggy Star Dust.

Kansai Yamamoto, Costume du personnage Aladdin Sane, 1972-1974
Marie MOTTE




Faire le Clown

   Saverio Lucariello est un artiste contemporain né en Italie, il s'est formé à l'école des beaux arts et à la faculté d'architecture de Naples. Il vit aujourd'hui en France où il développe son art. Son œuvre s'appuie sur la dérision et sur l'exubérance pour critiquer le discours de l'art. Saverio Lucariello est un artiste qui utilise un grand nombre de supports vidéo, sculpture, peinture, photographie, performance, écriture... Une partie de son travail consiste à réaliser des tableaux vivant où il se met en scène seul ou avec des amis d'une manière grotesque et grinçante. Sur ces mises en scènes seul le visage est visible, le reste du corps est souvent recouvert de draps ou de nappes. L'accent est donc porter sur les visages. Ces têtes sont très expressives, Lucariello n'hésite pas à chatouiller le visage des participants pour les rendre encore plus vivants et à arriver à des postions inconvenantes. Cette vision grotesque de ces scènes avec ces visages surprenants est intimement liée aux jeux du clown. En effet Saverio Lucariello joue un rôle dans ses œuvres où la dérision et la critique sont les maîtres mots de ses réalisations. 
Saverio Lucariello, 
Vanitas au Choux, 1995,
Épreuve chromogène, 70x100 cm
Saverio Lucariello,
Vanitas aux fruits et bougies,
Épreuve chromogène, 70x100 cm
Pétronille MAICHE

Le côté sombre du clown

   McCarthy est un artiste de la performance, se mettant en scène dans des situations burlesques, gênantes, régressives… Il crée également des installations, des sculptures,  des films… Il s'inspire de mythes, de thèmes typiquement américains, tels que Disneyland , B -Movies , Feuilletons et BD.
   Dans son travail, l’artiste détourne des sujets qui ont été traditionnellement vénérés pour leur innocence ou leur pureté.
   McCarthy dans une de ses vidéos, joue le rôle du clown, il se déguise d'une blouse d'hôpital, avec une perruque blonde et un énorme nez ; une partie de sa personnalité joue à être un clown et l’autre partie à être peintre.
McCarthy, Painter, 1995, 49'58'' , Betacam SP, PAL, couleur, son.
Centre Georges Pompidou, Paris

   Dans la vidéo il donne l’impression de faire une parodie des peintres Expressionnistes Abstraits, en utilisant des tubes de peinture géants, avec lesquels il salit l’espace dans lequel il se trouve.
   D’autres personnages apparaissent dans la vidéo, le collectionneur d'art et le critique d'art, et ils sont grossièrement moqués par McCarthy.
   Le peintre parodie et se moque avec un esprit décapant. En peignant avec du ketchup et de la mayonnaise, Paul McCarthy fait référence à ses propres performances. On peut dire que le peintre se montre dans un acte violent, en se moquant de lui même. 
McCarthy, Painter, 1995, Centre Georges Pompidou, Paris
Anne-Sophie FLORES

Entre Tradition et Modernité, le clown utilisé comme objet manifeste

Brook Andrew, Clown Box, 2013, Art Aborigène, Musée d'Aquitaine
   Brook Andrew est né en 1970 à Sydney. C'est un artiste visuel et conceptuel qui travaille sur de multiples supports, la photographie, l'installation ou encore la sculpture. C'est un artiste qui puise son inspiration dans l'univers du spectacle, notamment influencé par les chapiteaux de cirques son travail est basé sur les croisements entre tradition et modernité de l'art australien. Ses œuvres questionnent la mémoire et s'interrogent sur la violence en jouant avec des formes et des techniques tel que les structures gonflables. Cet artiste aux œuvres décalées semble utiliser l'humour mais en réalité ses œuvres manifestent de la violence du colonialisme et des génocides subis par les peuples autochtones. 
Brook Andrew, Clown Box, 2013, Art Aborigène, Musée d'Aquitaine
Céline VEPA

Les clowns rebelles 

The Residents - La face cachées de colwns-cyclopes

   The Residents est un collectif d'artistes américain formé en 1972 à San Francisco. Il est surtout connu pour sa production discographique, ses spectacles de théâtre musical et ses nombreuses vidéos d'art, entre le post punk et la musique expérimentale.
   Le rapprochement avec les clowns n’est pas évident au premier abord mais nous pouvons tout de même trouver de nombreux points communs. En effet, ces artistes se cachent derrière leurs costumes, tout comme les artistes comiques du cirque. Leurs habits emblématiques composés de smokings, hauts-de-forme et masques représentants des globes oculaires, rendent impossible leur identification et leur permettent de préserver leur anonymat. A la question « Pourquoi ce choix de cyclope-clown ? » le groupe répond qu’ils s’inspirent de la mythologie, car ce qui les intéressent dans les mythes c’est le fait qu’on ne sait jamais.

Homer Flynn, The Residents in Vacation Magazine, 1979, Photo for Magazine cover
   Enfin, je voudrais ajouter qu’on peut les rapprocher des clowns pour le mal-être qu’ils peuvent produire à travers leur musique et leurs vidéos. Effectivement, leur art nous procure des sensations étranges qui pourraient ressembler à la peur que certains ont des clowns..
Solène GLOUX


Le maître artiste, pitre et critique d'art

Jacques Lizène est né en Belgique au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il revendique fièrement sa position d'unique représentant de l'art nul, dit art médiocre, art stupide ou art zéro. Depuis la fin des années 1960, cet original s'est consacré à pointer du doigt certaines incohérences de l'art contemporain en en devenant lui même une des entités les plus paradoxales. En effet, il se place au centre d'une démarche d'art/attitude, comme il la définit lui-même. Cela consiste, par exemple, à se mettre en avant comme étant son propre historien d'art, ou à fonder L'Institut de l'Art Stupide tout en sachant qu'il en demeurera le seul membre.

Jacques Lizène, Petit Maître à la fontaine de cheveux, 1980
C'est en publiant des vidéos absurdes, auto-dérisoires ou ridicules, ou en exposant des toiles peintes avec ses excréments que Jacques Lizène s'impose comme le clown satyrique de l'art contemporain.
Jacques Lizène, Etre son propre tube de couleur, 1977,
peinture à la matière fécale et technique mixte, (collection privée)
Nicolas BUTEAU


Bruce Neuman, entre néon, humour et terreur.

Bruce Nauman, Mean Clown Welcome, 1985, Brandhorst Collection, Köln
    Bruce Nauman est un artiste américain qui explore les limites de l'art. Dans son œuvre emblématique Clown Torture (installation vidéo de 1987) il s'amuse à détourner la figure du clown en en faisant quelque chose de terrifiant, de pitoyable, d'absurde. Il fait d'un acteur de rire un objet de terreur. Son œuvre Mean Clowns Welcome reprend ce schéma de détournement complet de l'imagerie populaire de clown. Le néon est une matière qui peut vulgariser une forme et lui donner une connotation péjorative et dégradante. L'image de ces clowns méchants en érection et qui se moquent à la fois d'eux-mêmes et du spectateur crée une confusion lumineuse et ludique.


Marine CORRE


Jouer avec les limites

Biefer et Zgraggen, Sans titre (der Beuteträger)
   Le clown est la figure de la dérision, de l'humour. Il convoque dans son jeu plusieurs sentiments comme la joie, l’effroi, la surprise. Les artistes "Biefer et Zgraggen" sont deux clowns, à leur manière, plutôt singulière.
   
Dans Der Beuteträger - 1991, ils mettent en cause la bestialité de l'humain, sa nature ou du moins son origine. Habillés de leur peau et d'étuis péniens (en boite aluminium) fait de déchets de la civilisation, leur apparence les différencie de l'homme civilisé, leur donne un air innocent et d'une autre époque, ou plus encore, d'une autre ère. "Der Beuteträger" est le nom par lequel ils se définissent, cela signifie "le porteur de proies". Cela évoque à nouveau une époque antérieure et fait passer ce duo pour des sauvages, êtres sans culture, tels des animaux.
   C'est ce qui fait justement passer plus calmement leur message ainsi que leur point de vue. Ils n'ont l'air de faire de mal à personne et semblent vivre sans inquiétudes, juste une préoccupation qui est celle du devenir de l'homme.
   Leur air rieur, comme la "tenue" qu'ils portent nous aide à les comparer à des clowns. Complices, décalés et engagés, leur attitude peut sembler aussi ridicule que sage, aussi impertinente que pertinente.

Biefer et Zgraggen, Der Beuteträger, 1991
Vincent LAGADOU


Un couple extraverti

   Les artistes britanniques Gilbert & George forment assurément le couple le plus emblématique de la scène artistique contemporaine internationale.
   Le couple a réalisé des performances au début de sa carrière. Actuellement les deux artistes sont plus connus pour leur photomontages souvent teintés de couleurs extrêmement vives, contrastées, et avec des trames noires en surimpression, le tout ressemblant à des vitraux. Leurs œuvres, d'abord inspirées par leur situation personnelle, abordent, sans exclusive et sans tabou, tous les sujets de civilisation, que ceux-ci soient sociaux, politiques, moraux, religieux, sexuels...

   Ils refusent de dissocier leurs performances de leur vie quotidienne, insistant sur le fait que tout ce qu'ils font est art. Ils se voient eux-mêmes comme des «sculptures vivantes».

Gilbert et George, vomit, série « utopian pictures », 2014
   Ils se mettent en scène dans des compositions qui s’apparentent à du «kitch». Ils traitent des sujets choquants qui sont clairement mis en valeur dans chacune de leur photo. Gilbert et George, malgré leur tenue (chic et sérieuse) et leur apparente distinction anglaise, sont de véritables clowns. En effet, en se mettant en scène dans des contextes exagérés, voire tabous, avec de forts contrastes de couleur, ils se moquent à la fois de la société et d’eux-mêmes. Apparaît alors une image de caricature et de farceur qu’ils revendiquent.
Marine GUY

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire